6 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-22.465

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00113

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Procédure (dispositions générales) - Organes de la procédure - Tribunal - Compétence matérielle - Etendue - Action en restitution de fonds après la remise du prix d'adjudication

Lorsque la procédure de saisie immobilière a pris fin par l'effet de la remise du prix d'adjudication au créancier poursuivant, le juge de l'exécution n'est plus compétent pour statuer sur l'action en restitution des fonds engagée par le liquidateur judiciaire sur le fondement des articles L. 622-21 et R. 622-19 du code de commerce, laquelle relève de la seule compétence du tribunal saisi de la procédure collective

SAISIE IMMOBILIERE - Adjudication - Prix - Remise du prix - Portée - Compétence exclusive du tribunal saisi de la procédure collective

Texte de la décision

COMM.

SH



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 mars 2024




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 113 F-B

Pourvoi n° Y 22-22.465







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 MARS 2024

M. [D] [R], domicilié [Adresse 3], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SCI Pomponiana, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 22-22.465 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire Méditerranée, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Banque populaire Côte d'Azur, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R], ès qualités, de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Banque populaire Méditerranée, venant aux droits de la société Banque populaire Côte d'Azur, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 septembre 2022), par deux jugements d'adjudication du 8 juillet 2009, rendus sur les poursuites de la société Banque populaire Méditerranée (la banque), créancier inscrit, des biens immobiliers appartenant à la SCI Pomponiana ont été vendus. Les prix de vente ont été consignés.

2. Les 9 mars et 6 mai 2010, la SCI Pomponiana a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, M. [R] étant désigné successivement mandataire puis liquidateur judiciaire.

3. Les 18 et 29 mars 2010, les prix d'adjudication ont été remis à la banque, créancier unique au sens de l'article L. 331-1 du code des procédures civiles d'exécution.

4. Le 31 mars 2021, faisant valoir que les fonds avaient été remis à la banque au mépris de la règle de l'arrêt des voies d'exécution édictée à l'article L. 622-21 du code de commerce, M. [R], ès qualités, a assigné la banque en restitution des fonds devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, réunies

Enoncé du moyen

5. M. [R], ès qualités, fait grief à l'arrêt de confirmer la décision des premiers juges se déclarant incompétents au profit du juge de l'exécution, alors :

« 1°/ que le tribunal de la procédure collective dispose d'une compétence exclusive pour statuer sur toute question relative à une procédure collective en cours, qui prive le juge de l'exécution de sa compétence de principe en matière de saisie immobilière ; qu'en jugeant incompétent le tribunal de la procédure collective au profit du juge de l'exécution, quand l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du débiteur saisi et la remise du prix d'adjudication séquestré au créancier poursuivant après l'ouverture de la procédure collective, en violation des règles de la procédure collective, commandaient la compétence du tribunal de la procédure collective, la cour d'appel a violé les articles R. 662-3 et R. 622-19 du code de commerce, ensemble l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;

2°/ que la compétence du juge de l'exécution suppose l'existence d'une procédure en cours de saisie immobilière ; qu'en jugeant incompétent le tribunal de la procédure collective au profit du juge de l'exécution, quand la remise du prix d'adjudication séquestré au créancier poursuivant avait mis fin à la procédure de distribution qui n'était plus en cours au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et R. 662-3 du code de commerce :

6. Il résulte du premier de ces textes que, lorsque la procédure de saisie immobilière a pris fin, le juge de l'exécution ne peut plus connaître des contestations élevées à l'occasion de celle-ci ni statuer sur les demandes reconventionnelles nées de cette procédure ou s'y rapportant.

7. Il résulte du second que relève de la compétence du tribunal de la procédure collective l'action du liquidateur judiciaire tendant à la restitution du prix d'adjudication prétendument distribué au mépris de la règle de l'arrêt des voies d'exécution énoncée aux articles L. 622-21 et R. 622-19 du code de commerce dès lors que cette action est née de la procédure collective et est soumise à l'influence juridique de celle-ci.

8. Il s'en déduit que, lorsque la procédure de saisie immobilière a pris fin par l'effet de la remise du prix d'adjudication au créancier poursuivant, le juge de l'exécution n'est plus compétent pour statuer sur l'action en restitution des fonds engagée par le liquidateur judiciaire sur le fondement des articles L. 622-21 et R. 622-19 du code de commerce, laquelle relève alors de la seule compétence du tribunal saisi de la procédure collective.

9. Pour écarter la compétence du tribunal ayant ouvert la procédure collective de la SCI Pomponiana et renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution, l'arrêt retient que le litige s'insère dans la compétence de ce dernier voulue exclusive en matière de saisie immobilière par le législateur et que la technicité de ce contentieux, y compris pour définir les critères de l'effet attributif en matière de saisie immobilière, fonde cette compétence qui nécessitera de cerner à quel moment, les fonds sont sortis du patrimoine du débiteur pour rejoindre celui du créancier.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que le prix d'adjudication avait été remis au créancier poursuivant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Banque populaire Méditerranée, venant aux droits de la société Banque populaire Côte d'Azur, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque populaire Méditerranée, venant aux droits de la société Banque populaire Côte d'Azur, et la condamne à payer à M. [R], en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Pomponiana, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Labat, greffier présent lors du prononcé.

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