6 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-70.017

Autre - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:AV15004

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Mesures d'isolement et de contention - Contrôle par le juge des libertés et de la détention - Renouvellement - Délai - Computation - Détermination

Le délai de sept jours prévu à l'article L. 3222-5-1, II, du code de la santé publique expire sept fois vingt-quatre heures, soit 168 heures, après la précédente décision de maintien de la mesure par le juge des libertés et de la détention, à l'heure exacte en heures et en minutes

Texte de la décision

Demande d'avis
n°F 23-70.017

Juridiction : le tribunal judiciaire de Quimper




SV2





Avis du 6 mars 2024



n° 15004 P+B




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

COUR DE CASSATION
_________________________

Première chambre civile


Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;

La Cour de cassation a reçu, le 11 décembre 2023, une demande d'avis formée le 24 novembre 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Quimper, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance opposant le directeur de l'établissement public de santé mentale du Finistère Sud (l'EPSM du Finistère Sud) à M. [U].

La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, et les observations écrites et orales de Mme Mallet-Bricout, avocat général,


Énoncé de la demande d'avis

1. La demande est ainsi formulée :

« Le délai de sept jours fixé par l'article L. 3222-5-1, II, du code de la santé publique, imparti au juge pour statuer après deux décisions de maintien en isolement, expire-t-il à la vingt-quatrième heure du septième jour suivant la précédente décision du juge des libertés et de la détention, à l'heure à laquelle la précédente décision a été rendue sept jours auparavant, ou à la minute à laquelle la précédente décision a été rendue sept jours auparavant ? »


Examen de la demande d'avis

2. Selon l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, l'isolement est une pratique de dernier recours et ne peut concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient.

3. La mesure d'isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, selon certaines conditions, dans la limite d'une durée totale de quarante-huit heures.

4. Le médecin peut, à titre exceptionnel, renouveler, au-delà de cette durée totale, la mesure d'isolement. Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022, le directeur de l'établissement saisit en ce cas le juge des libertés et de la détention avant l'expiration de la soixante-douzième heure d'isolement. Le juge des libertés et de la détention statue alors dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme de ces soixante-douze heures. Si les conditions prévues sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d'isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les mêmes conditions.

5. Toutefois, si le renouvellement d'une mesure d'isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de sa précédente décision. Le juge des libertés et de la détention statue avant l'expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions.

6. Les délais applicables sont ainsi exprimés en heures, à la différence du délai de sept jours introduit par la loi du 22 janvier 2022.

7. Mais, ce dernier délai inclut une saisine du juge des libertés et de la détention vingt-quatre heures avant son expiration.

8. Or, les délais exprimés en heures se calculent d'heure à heure (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 20-22.827, publié).

9. En outre, l'article R. 3211-32, créé par le décret n° 2021-537 du 30 avril 2021, exclut, en son second alinéa, l'application au calcul des délais en matière d'isolement de l'article 642 du code de procédure civile selon lequel tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures et le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

10. Dès lors, il ne peut être retenu que le délai de sept jours dans lequel le juge doit statuer expire sept jours après sa précédente décision à vingt-quatre heures.

11. Enfin, les mesures d'isolement et de contention sont des mesures privatives de liberté et la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible (décision n°2020-844 QPC du 19 juin 2020).

12. En conséquence, il y a lieu de dire que le délai de sept jours prévu à l'article L. 3222-5-1, II, du code de la santé publique expire sept fois vingt-quatre heures, soit 168 heures, après la précédente décision de maintien de la mesure par le juge des libertés et de la détention, à l'heure exacte en heures et en minutes.


EN CONSÉQUENCE, la Cour :

EST D'AVIS QUE

Le délai de sept jours prévu à l'article L. 3222-5-1, II, du code de la santé publique expire sept fois vingt-quatre heures, soit 168 heures, après la précédente décision de maintien de la mesure par le juge des libertés et de la détention, à l'heure exacte en heures et en minutes.

Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 6 mars 2024, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 27 février 2024 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : Mme Champalaune, président, Mme Duval Arnould, conseiller doyen , Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.

Le conseiller rapporteur Le président



Le greffier de chambre

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.