29 février 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/03725

Pôle 4 - Chambre 10

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRET DU 29 FÉVRIER 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03725 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDFVV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2020 - Tribunal Judiciaire de MEAUX RG n° 19/01934





APPELANTE



S.A.S. ETABLISSEMENTS DANIEL AUTOMOBILES, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]



Représentée par Me Serge POLTZIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1983

Assistée à l'audience de Me Corinne MAGALHAES, avocat au barreau de MEAUX





INTIMES



Madame [U] [N] ÉPOUSE [O] épouse [O]

née le 12 Novembre 1981 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]



ET



Monsieur [H] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentés et assistés de Me Régine DE LA MORINERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1433





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée le 19 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne ZYSMAN, Conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN , Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN



ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Florence GREGORI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.




***



EXPOSE DU LITIGE



Suivant bon de commande du 18 avril 2017, M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O] (M. et Mme [O]) ont acquis auprès du garage Établissement Daniel Automobiles un véhicule d'occasion Mazda modèle CX-5 immatriculé [Immatriculation 4] présentant 118.258 km au compteur, au prix de 15.890 euros TTC.



A compter du mois de mai 2017, ils se sont plaints auprès de leur vendeur d'anomalies et de pannes apparues sur le véhicule, lequel a effectué des réparations à plusieurs reprises.



Par courrier du 21 novembre 2018, ils ont sollicité, en application de la garantie des vices cachés, l'annulation de la vente et le remboursement du remplacement du turbo.



Le 7 janvier 2019, la société Établissement Daniel Automobiles a repris le véhicule de M. et Mme [O] au prix de 10.000 euros, le remplacement du turbo ayant par ailleurs été en partie remboursé par la société Mazda à titre commercial.



M. et Mme [O] ont, par la suite, réclamé à la société Mazda puis à la société Etablissements Daniel Automobiles, le paiement de la différence entre le prix d'achat du véhicule et le prix de reprise de celui-ci (5.890 euros), ainsi que la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis.



Faute de solution amiable,M. et Mme [O] ont, par acte d'huissier du 31 mai 2019, fait assigner la société Etablissements Daniel Automobiles devant le tribunal de grande instance de Meaux.



Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal devenu tribunal judiciaire de Meaux a :



- Déclaré recevable l'action des époux [O],



- Condamné la société Etablissements Daniel Automobiles à payer à M. et Mme [O] la somme de 5.890 euros en restitution du reste du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2018,



- Condamné la société Etablissements Daniel Automobiles à payer à M. et Mme [O] la somme de 1.500,02 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,



- Condamné la société Etablissements Daniel Automobiles à payer la somme de 1.500 euros à M. et Mme [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- Condamner la société Etablissements Daniel Automobiles aux dépens,



- Ordonné l'exécution provisoire de la décision.



Par déclaration du 24 février 2021, la société Etablissements Daniel Automobiles a interjeté appel de ce jugement.



Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 octobre 2021, la société Etablissements Daniel Automobiles demande à la cour de :



Vu les articles 2044 et 2052 du code civil,

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,



- Dire et juger la société Etablissements Daniel Automobiles recevable en son appel et l'y déclarer bien fondée en ses demandes, fins et conclusions plus amples,



- Débouter M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,



Y faisant droit :



- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 17 décembre 2020 en toutes ses dispositions, soit en ce qu'il a :



- déclaré recevable l'action de M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O],



- condamné la société Etablissements Daniel Automobiles à payer à M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O] la somme de 5.890 euros en restitution du reste du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2018,



- condamné la société Etablissements Daniel Automobiles à payer à M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O] la somme de 1.500,02 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,



- condamné la société Etablissements Daniel Automobiles à payer la somme de 1.500 euros à M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,



- condamné la société Etablissements Daniel Automobiles aux dépens,



- ordonné l'exécution provisoire de la décision.



Et, statuant à nouveau,



- Dire et juger M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O] irrecevables en leur action et leurs demandes, pour défaut de droit d'agir, tant en raison du défaut de qualité à agir qu'en raison de la transaction intervenue antérieurement entre les parties,



Subsidiairement,



Vu l'absence de vice caché,

Vu l'impossibilité de restituer la chose,



- Débouter M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O] de leur demande en paiement de la somme de 5.890 euros en restitution du reste du prix de vente, sur le fondement de l'article 1641 du code civil,









Plus subsidiairement,



Vu la revente du véhicule,

Vu l'absence de faute et de préjudice,



- Débouter M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O] de leur demande en paiement de la somme de 5.890 euros en restitution du reste du prix de vente,



- Débouter M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O] de leurs demandes à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,



- A tout le moins, les réduire à de bien plus justes proportions,



En tout état de cause, y ajoutant :



- Condamner M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O] à restituer à la société Etablissements Daniel Automobiles les sommes par elle versées en exécution du jugement entrepris,



- Condamner M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O] à payer à la société Etablissements Daniel Automobiles la somme de 4.500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



- Condamner M. [H] [O] et Mme [U] [N] épouse [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront directement recouvrés par Maître Serge Poltzien, Avocat au Barreau de Paris; et ce, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.



Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2023, M. et Mme [O] demandent à la cour de :



Vu l'article 1641 du code civil ;

Vu l'article 1240 du code civil ;

Vu l'article L. 217-7 du code de la consommation ;

Vu les articles 2044 et suivants du code civil ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;



- Confirmer le jugement du 7 décembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'il a jugé l'action des époux [O] recevable et bien fondée,



- Confirmer le jugement du 7 décembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'il a condamné la société Daniel Automobiles à restituer la somme de 5.890 euros correspondant au reste du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2018,



- Confirmer le jugement du 7 décembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'il a condamné la société Daniel Automobiles à payer aux consorts [O] des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,



- Confirmer le jugement du 7 décembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'il a condamné la société Daniel Automobiles à payer aux consorts [O] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- Infirmer le jugement du 7 décembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Meaux sur le montant des dommages et intérêts qui a été octroyé,



Statuant à nouveau,



- Condamner la société Etablissements Daniel Automobiles à verser aux concluants la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 1240 du code civil,



- Condamner la société Etablissements Daniel Automobiles à verser aux concluants la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2023.






MOTIFS DE LA DECISION



Sur la recevabilité de l'action de M. et Mme [O]



La société Etablissements Daniel Automobiles fait grief au jugement d'avoir écarté les fins de non-recevoir soulevées, tirées de la vente du véhicule et de la transaction.



Elle fait valoir en premier lieu qu'en sollicitant la restitution du prix, M. et Mme [O] ont exercé l'action rédhibitoire. Or, une telle action emporte nécessairement l'obligation de restituer la chose (excepté en cas de perte de la chose du fait du vice lui-même et/ou pour des raisons étrangères à l'acquéreur), de sorte que l'impossibilité de restituer la chose du fait de sa revente fait obstacle à la recevabilité de l'action.



Elle invoque en second lieu l'irrecevabilité de l'action de M. et Mme [O] du fait de la transaction intervenue entre les parties en faisant valoir :

- que c'est bien pour mettre un terme au différend, sans que cela ne constitue une quelconque reconnaissance de responsabilité, qu'elle a accepté de reprendre le véhicule à un prix non seulement supérieur à celui de la cote argus mais également supérieur à sa véritable valeur compte tenu des reprises de carrosserie à effectuer ;

- que suite à cet accord du 7 janvier 2019, M. et Mme [O] ont formé une demande de règlement de la somme de 5.890 euros auprès de la société Mazda et non auprès d'elle, indiquant par ailleurs expressément avoir accepté sa proposition de reprise du véhicule litigieux ;

- que la preuve de l'écrit prévu à l'article 2044 du code civil n'est pas une condition de validité de la transaction, laquelle peut être établie selon les modes de preuves admis en matière de contrats, y compris par témoins ou présomptions lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit.



M. et Mme [O] répliquent que ni l'article 1641 du code civil ni la jurisprudence n'imposent à l'acquéreur vicié d'être toujours en possession de la chose. Ils précisent que la restitution de la chose a déjà été opérée puisque la société Etablissements Daniel Automobiles a repris le véhicule en janvier 2019. Ils ajoutent que celui-ci s'est empressé de le revendre à un tiers afin qu'il ne puisse plus être soumis à une expertise.



Ils soutiennent par ailleurs qu'aucune transaction n'est intervenue entre les parties en l'absence de protocole transactionnel signé, rappelant l'exigence d'un écrit posée par l'article 2044 du code civil. Ils considèrent que la signature du bon de cession du 7 janvier 2019 vaut uniquement transfert de propriété mais ne peut constituer un protocole transactionnel. Ils ajoutent avoir sollicité auprès du garage, par courrier du 6 février 2019, l'indemnisation du préjudice subi du fait de la vente d'un véhicule présentant des vices cachés.



Sur ce



Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.





- Sur la fin de non-recevoir du fait de la revente du véhicule



Selon l'article 1644 du code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643 du code civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix (action rédhibitoire) ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix (action estimatoire), telle qu'arbitrée par experts.



Si l'impossibilité de restituer la chose peut faire obstacle à l'action en résolution, elle ne rend pas pour autant l'action fondée sur la garantie des vices cachés irrecevable sans examen au fond et ne prive pas l'acquéreur du droit de réclamer des dommages et intérêts au vendeur qui connaissait les vices.



En effet, la recevabilité de l'action en réparation du préjudice éventuellement subi du fait d'un vice caché n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire de sorte que cette action peut être engagée de manière autonome.



M. et Mme [O] n'ont donc pas perdu, du fait de la reprise du véhicule par le vendeur, la faculté d'exercer l'action en garantie des vices cachés dont ils disposaient en tant qu'acquéreurs du véhicule, étant relevé qu'ils ne sollicitent pas la résolution de la vente mais l'indemnisation des préjudices subis du fait des vices cachés affectant le véhicule litigieux.



C'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir soulevée par la société Etablissements Daniel Automobiles de ce chef.



- Sur la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'une transaction



L'article 2052 du code civil énonce que la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.



Aux termes de l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.



L'écrit prévu par cette disposition n'est pas exigé pour la validité du contrat de transaction dont l'existence peut être établie selon les modes de preuve prévus en matière de contrats, y compris par témoins ou présomptions lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit.



En l'espèce, comme l'ont justement relevé les premiers juges, les pièces produites par la société Etablissements Daniel Automobiles concernant l'accord de reprise du véhicule intervenu le 7 janvier 2019 pour la somme de 10.000 euros, à savoir un certificat de cession, une fiche d'estimation de reprise, un certificat d'immatriculation et un chèque, ne mentionnent pas les défauts et les préjudices dont M. et Mme [O] se sont plaints et ne met pas explicitement un terme à la contestation née des vices allégués.



C'est donc à raison qu'ils ont retenu que l'accord de reprise du 7 janvier 2019 ne pouvait être qualifié de transaction et ont rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Etablissements Daniel Automobiles. Le jugement sera confirmé sur ce point.



Sur l'existence de vices cachés



Le tribunal a retenu l'existence de vices cachés affectant le véhicule Mazda CX5 Diesel immatriculé [Immatriculation 4], relevant, au vu des factures produites par M. et Mme [O] et des courriers du constructeur Mazda, que les multiples passages du véhicule au garage ne relevaient pas de l'entretien usuel d'un véhicule de cet âge mais d'une défaillance structurelle du moteur.







Il a également considéré :

- que même si le véhicule avait pu rouler, la fréquence à laquelle les époux [O] avaient été contraints de le réparer avait tellement diminué son usage qu'ils ne l'auraient pas acquis, ou n'en auraient donné qu'un moindre prix, s'ils avaient connu ces défauts ;

- que les réparations successives effectuées par la société Etablissements Daniel Automobiles n'avaient pas empêché la défaillance des différents composants du moteur, ce que démontrait la multiplicité de ses interventions ;

- que M. et Mme [O] s'étant présentés au garage dès le 13 mai 2017 pour faire état d'un message d'erreur apparu sur le tableau de bord et la société Etablissements Daniel Automobiles ayant procédé au changement de la chaîne de distribution le 25 septembre 2017, soit 5 mois après la vente, le défaut était présumé exister au jour de la vente conformément à l'article L. 217-7 du code de la consommation, les éléments produits par la société Etablissements Daniel Automobiles ne suffisant pas à renverser cette présomption ;

- que les vices allégués portant sur le moteur du véhicule, ils ne pouvaient être visibles de M. et Mme [O], consommateurs et profanes dans le domaine de la mécanique automobile.



Le tribunal a, en conséquence, considéré que la restitution du véhicule ayant eu lieu en échange de la somme de 10.000 euros, la société Etablissements Daniel Automobiles devait être condamnée à restituer le reste du prix de vente aux époux [O], soit la somme de 5.890 euros.



La société Etablissements Daniel Automobiles reproche au tribunal d'avoir statué ainsi

et fait valoir en substance que :

- l'antériorité n'est pas démontrée dès lors que le message d'erreur du 7 mai 2013 a trait à la recharge de la climatisation, que le véhicule a été intégralement révisé et que le changement de la chaîne de distribution a été effectué au titre de la garantie contractuelle,

- le véhicule n'était pas impropre à son usage dans la mesure où les pannes ont été réparées,

- le remplacement de la chaîne de distribution et du turbo, seuls points sujets à discussion, les autres interventions relevant de l'entretien usuel du véhicule, ont été pris en charge par elle dans le cadre de la garantie contractuelle pour le premier et à titre commercial par Mazda pour le second,

- la preuve de la persistance de dysfonctionnements à la suite de ces réparations n'est pas rapportée et les demandeurs ont pu faire normalement usage de leur véhicule comme en témoigne le kilométrage du véhicule qui n'a cessé de croître entre ses interventions successives.



Elle rappelle par ailleurs qu'en application de l'article 1644 du code civil, la restitution du prix implique une résolution de la vente, laquelle emporte nécessairement l'obligation de restituer la chose ; que la restitution étant devenue impossible du fait de la cession, c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à payer à M. et Mme [O] la somme de 5.890 euros dans le cadre d'une « résolution de la vente ».



Elle ajoute que si l'existence de vices cachés devait être retenue, seule l'action estimatoire pourrait être envisagée ; que M. et Mme [O] ayant d'ores et déjà obtenu une réduction de prix, conforme, dans le cadre de la reprise de leur véhicule, il ne peut leur être octroyé une telle somme.



M. et Mme [O] demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que le véhicule était affecté de vices cachés et a condamné la société Etablissements Daniel Automobiles à la restitution de la somme de 5.890 euros. Ils rappellent avoir constaté des anomalies affectant le bon fonctionnement de leur véhicule à peine trois semaines après son acquisition et indiquent que ces anomalies (voyant allumé, fumée blanche qui s'échappe du pot d'échappement, problème d'huile, changement de pièces moteur, vidange à répétition etc...) se sont répétées à intervalles réguliers jusqu'à la vente du véhicule en janvier 2019.





Ils font valoir que malgré les multiples interventions effectuées sur le véhicule et les différents changements de pièces, ils n'ont jamais pu faire un usage normal du véhicule.

Ils précisent qu'ils se sont déplacés onze fois au garage Daniel Automobiles en 21 mois de possession du véhicule, lequel a dû être immobilisé à trois reprises dans le cadre de ces réparations sans pour autant réussir à solutionner les difficultés rencontrées.



Ils affirment que le garage Daniel Automobiles avait parfaitement conscience des vices affectant le véhicule dans la mesure où les anomalies présentes sur celui-ci étaient connues des professionnels dès avril 2016 ; qu'en outre, il a repris le véhicule en janvier 2019 à un prix supérieur à celui de l'argus, ce qui démontre qu'il était parfaitement conscient de l'état du véhicule vendu et de son impossible réparation.



Sur ce



En application des dispositions de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.



Ainsi, la mise en oeuvre de la garantie des vices cachés suppose l'existence d'un vice préexistant à la vente, au moins en l'état de germe, indécelable par l'acquéreur et d'une gravité suffisante, une présomption de connaissance des vices reposant sur le professionnel en application des dispositions de l'article 1645 du même code.



Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères, existant antérieurement à la vente. Les juges du fond apprécient souverainement si la chose vendue est impropre à sa destination. S'agissant d'un véhicule d'occasion, le vice allégué doit être d'une particulière gravité, le fonctionnement qui peut en être attendu ne pouvant être équivalent à celui d'un véhicule neuf.



La cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en considérant que le véhicule Mazda immatriculé [Immatriculation 4] acquis par M. et Mme [O] était affecté d'un vice caché dès lors qu'il est établi :



- que M. et Mme [O], alertés par l'allumage de voyants et de messages d'erreur, et ce dès le 13 mai 2017, l'ordre de réparation indiquant que le « message système du véhicule inspection requise s'est allumé deux fois en une semaine», se sont présentés à plusieurs reprises au garage en raison de l'usure de différents éléments du moteur (la chaîne de distribution le 25 septembre 2017, soit cinq mois après la vente, la courroie d'alternateur en juin 2018, Ie filtre d'huile et le turbo en août 2018) ;

- que ces réparations les ont conduits à transporter leur véhicule à au moins cinq reprises, pour près de 40 jours d'immobilisation au total ;

- l'existence d'une campagne de rappel du constructeur Mazda pour ce type de véhicule, en raison des défaillances du moteur SKYACTIV-D 2.2, dont le véhicule était précisément équipé ;

- que les multiples passages du véhicule au garage ne relèvent pas de l'entretien usuel d'un véhicule de cet âge, mais d'une défaillance structurelle du moteur ;

- que même si le véhicule a pu rouler, la fréquence à laquelle M. et Mme [O] ont été contraints de le réparer a tellement diminué son usage qu'ils ne l'auraient pas acquis, ou n'en auraient donné qu'un moindre prix, s'ils avaient connu ces défauts,

- que les réparations successives effectuées par la société Etablissements Daniel Automobiles n'avaient pas empêché la défaillance des différents composants, ce que démontre la multiplicité de ses interventions, et n'ont donc pas mis fin au vice.



Il convient sur ce point d'ajouter que la dernière intervention de la société Etablissements Daniel Automobiles date du 2 janvier 2019, soit quelques jours avant la reprise du véhicule, et que l'ordre de réparation mentionne « voyant moteur allumé », ce qui confirme l'impossibilité pour vendeur de remettre le véhicule en état de marche.



Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que le véhicule était affecté d'un vice caché.



En revanche, c'est à tort que le tribunal a considéré que la restitution du véhicule ayant eu lieu en échange de la somme de 10.000 euros, la société Etablissements Daniel Automobiles devait être condamnée à restituer le reste du prix de vente aux époux [O], soit la somme de 5.890 euros, dès lors qu'en l'absence de demande de résolution de la vente, l'action engagée par M. et Mme [O] sur le fondement des articles 1641 et suivants code civil doit être considérée comme étant une action exclusivement indemnitaire. Il convient d'infirmer le jugement de ce chef.



Sur la réparation des préjudices



Sur le fondement de l'article 1645 du code civil, en raison du principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, le tribunal a alloué à M. et Mme [O] la somme de 700,02 euros au titre des réparations du véhicule outre celle de 800 euros au titre de l'immobilisation du véhicule sur la base de 20 euros par jour pendant 40 jours en tenant compte de l'ensemble des désagréments subis, soit la somme totale de 1.500,02 euros.



La société Etablissements Daniel Automobiles fait valoir que l'action en garantie et l'action en responsabilité délictuelle ne peuvent se cumuler et que le tribunal ne pouvait, par une substitution de fondement, écarter cette irrecevabilité.



Elle ajoute que les intimés, qui maintiennent en cause d'appel leur demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil, ne justifient d'aucune faute ou réticence dolosive et encore moins d'un dol et ne justifient pas non plus des préjudices invoqués.



Elle conteste la somme de 1.500,02 euros octroyée à M. et Mme [O] en faisant valoir que les factures des 13 avril 2018 et 22 juin 2018 concernent la révision et le changement de pièces d'entretien ou d'usure et sont donc liées à l'utilisation du véhicule par les époux [O]. Elle ajoute que le dépôt du véhicule pour ces réparations usuelles ne peut constituer un préjudice, ce d'autant plus que la durée de ces dépôts dépendait principalement de M. et Mme [O].



Formant appel incident, M. et Mme [O] sollicitent, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice financier, constitué par le coût des réparations à leur charge et les frais consécutifs à l'immobilisation du véhicule, et du préjudice d'agrément causé par la désorganisation de leur quotidien et de leurs vacances engendrée par les désordres constatés.



Sur ce



Aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.



C'est à bon droit que le tribunal a relevé qu'en application des principes specialia generalibus derogant et de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, une demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil ne pouvait être formulée dans le cadre d'une action en garantie des vices cachés et a examiné la réunion des conditions de l'article 1645 du code civil.



Il résulte de l'article 16545 précité une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence. Cette présomption est justifiée par le fait que le vendeur professionnel connaît ou doit connaître les vices de la chose vendue, et le caractère irréfragable de cette présomption, qui a pour objet de contraindre ce vendeur, qui possède les compétences lui permettant d'apprécier les qualités et les défauts de la chose, à procéder à une vérification minutieuse de celle-ci avant la vente, répond à l'objectif légitime de protection de l'acheteur qui ne dispose pas de ces mêmes compétences.



La société Etablissements Daniel Automobiles étant un professionnel de l'automobile, elle est donc présumée avoir eu connaissance des vices affectant le véhicule et doit en conséquence indemniser M. et Mme [O] des préjudices subis.



Au regard, d'une part, des dépenses inutilement exposées par M. et Mme [O] pour les différentes réparations effectuées sur le véhicule, justement évaluées par les premiers juges à la somme de 700,02 euros, étant observé qu'il n'est pas discuté que certaines d'entre elles ont été prises en charge par la société Etablissements Daniel Automobiles dans le cadre de la garantie contractuelle ou par le constructeur Mazda et, d'autre part, des périodes d'immobilisation du véhicule, dont l'évaluation à hauteur de la somme de 800 euros sur la base de 20 euros par jours pendant 40 jours peut être retenue, il convient d'allouer à M. et Mme [O] une indemnisation complémentaire au titre du préjudice de jouissance compte tenu de tous les désagréments occasionnés par les pannes et interventions à répétition, qui sera fixée à la somme de 6.500 euros.



Le jugement sera donc infirmé de ce chef et la société Etablissements Daniel Automobiles sera condamnée à payer à M. et Mme [O] la somme de 8.000,02 euros à titre de dommages et intérêts, qui portera intérêt au taux légal à compter du présent arrêt en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance, mis à la charge de la société Etablissements Daniel Automobiles, seront confirmées.



Succombant, la société Etablissements Daniel Automobiles sera condamnée aux dépens d'appel. Elle ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée, à ce titre, à payer à M. et Mme [O] la somme de 3.000 euros en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.



PAR CES MOTIFS

La cour,



Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société Etablissements Daniel Automobiles à payer à M. et Mme [O] la somme de 5.890 euros en restitution du reste du prix de vente et la somme de 1.500,02 euros à titre de dommages et intérêts,



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,



Condamne la société Etablissements Daniel Automobiles à payer à M. et Mme [O] la somme de 8.000,02 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1645 du code civil, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,



Condamne la société Etablissements Daniel Automobiles à payer à M. et Mme [O] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la société Etablissements Daniel Automobiles aux dépens,



Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.





LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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