27 février 2024
Cour d'appel de Riom
RG n° 21/00305

Chambre Sociale

Texte de la décision

27 FEVRIER 2024



Arrêt n°

KV/NB/NS



Dossier N° RG 21/00305 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRF2



Association [5]

/

Organisme URSSAF D'AUVERGNE





jugement au fond, origine pole social du tj de clermont ferrand, décision attaquée en date du 07 janvier 2021, enregistrée sous le n° 18/00400

Arrêt rendu ce VINGT-SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT-QUATRE par la CINQUIEME CHAMBRE CIVILE CHARGEE DU DROIT DE LA SECURITE SOCIALE ET DE L'AIDE SOCIALE de la cour d'appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



Monsieur Christophe VIVET, président



Mme Karine VALLEE, conseillère



Mme Sophie NOIR, conseillère



En présence de Mme Nadia BELAROUI, greffier lors des débats et du prononcé



ENTRE :



Association [5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me BELLAHOUEL, avocat suppléant Me Marie-Hélène FOURNIER-GOBERT de la SELEURL MHF ASCENT AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant



APPELANTE



ET :



URSSAF D'AUVERGNE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Francois FUZET de la SCP HUGUET-BARGE-CAISERMAN-FUZET, avocat au barreau de CUSSET/VICHY



INTIME



Après avoir entendu Mme VALLEE, conseillère, en son rapport, et les représentants des parties, à l'audience publique du 04 décembre 2023, la cour a mis l'affaire en délibéré, le président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.


EXPOSE



Par procès-verbal du 5 janvier 2017, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Rhône-Alpes (l'URSSAF Rhône-Alpes) a relevé à l'encontre de M.[J] [K], entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne Alpha-Net, l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, pour avoir, sur la période du premier janvier 2015 au 30 septembre 2016, employé 132 salariés sans avoir établi de déclarations sociales.



L'URSSAF, ayant constaté que l'association [5] avait pendant la période en question confié à M.[K] des prestations de nettoyage dans l'un des villages de vacances qu'elle exploite, lui a demandé de justifier de son obligation de vigilance.



Le 12 juillet 2017, au regard de la réponse de l'association, l'URSSAF lui a adressé une lettre d'observations mentionnant un redressement de cotisations et contributions sociales d'un montant de 373.926 euros, majorations incluses, au titre de la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue aux articles L.8222-1 et suivants du code du travail.



Par lettre du 5 décembre 2017, l'URSSAF, au regard des contestations émises par l'association, a maintenu le redressement.



Par lettre datée du 19 mars 2018, l'URSSAF a mis l'association en demeure de payer la somme totale de 392.622,68 euros, dont 106.836,27 euros au titre des majorations de redressement et 18.695,94 euros au titre des majorations de retard.



Le 3 avril 2018, l'association a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable de l'URSSAF.



Par lettre recommandée avec avis de réception du 4 juillet 2018, reçue au greffe le 9 juillet 2018, l'association [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy-de-Dôme d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.



Puis, par décision du 30 novembre 2018, notifiée le 12 décembre 2018, la commission de recours amiable a rejeté la contestation.



En application de la loi n°2016-1457 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et du décret n°2018-772 du 4 septembre 2018, les affaires en cours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy-de-Dôme ont été transférées au 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Clermont-ferrand, devenu à compter du 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand par application de l'ordonnance n°2019-964 du 18 septembre 2018 prise en application de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.



Par jugement contradictoire prononcé le 7 janvier 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a statué comme suit:



- déboute l'association [5] de son recours et de l'intégralité de ses demandes,

- condamne l'association [5] à payer à l'URSSAF d'Auvergne les sommes de 392.622,68 euros au titre de la mise en demeure du 19 mars 2018, et de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute l'URSSAF d'Auvergne du surplus de ses demandes,

- condamne l'association [5] aux dépens,

- dit que les dépens pourront être recouvrés directement par Maître Fuzet conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Le jugement a été notifié le 13 janvier 2021 à l'association [5] qui en a relevé appel par déclaration reçue au greffe de la cour le 8 février 2021.



Les parties ont été convoquées à l'audience du 27 février 2023, laquelle a été renvoyée, à la demande des parties, à l'audience du 4 décembre 2023, à laquelle elles ont été représentées par leur avocat.



DEMANDES DES PARTIES



Par ses dernières conclusions visées par le greffe le 4 décembre 2023, l'association [5] présente les demandes suivantes à la cour :



- dire et juger recevable et bien fondé son appel,

- infirmer le jugement, et en conséquence:

* à titre principal :

- dire et juger nulle la mise en demeure du 19 mars 2018 et le redressement subséquent,

- dire et juger nulle la lettre d'observations du 12 juillet 2017, ainsi que tous les actes ultérieurs, et le redressement subséquent,

* à titre subsidiaire :

- dire et juger que le montant de condamnation de 392.622,68 euros a été incorrectement calculé sur la base de 132 redressements,

- dire et juger que l'URSSAF devra réviser et réévaluer le montant de condamnation à son encontre sur la base de 77 redressements, conformément aux règles applicables pour le calcul de la mise en oeuvre de la solidarité financière, sans pouvoir excéder un montant de 229.029,30 euros,

* en tout état de cause :

- débouter l'URSSAF de l'intégralité de ses demandes,

- condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.



Par ses dernières conclusions visées par le greffe le 4 décembre 2023, l'URSSAF d'Auvergne présente les demandes suivantes à la cour :



- faire droit à l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter l'association [5] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,



- confirmer le jugement à l'exception du quantum des sommes dues par l'association [5],

- condamner l'association [5] à lui payer et porter les sommes de 212.391,00 euros, outre majorations à intervenir jusqu'à parfait paiement et de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l'audience, pour l'exposé de leurs moyens.




MOTIFS



Sur la nullité alléguée de la mise en demeure



L'article L.244-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, porte les dispositions suivantes :

'toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L.244-6 et L.244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant. Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.'



L'article R.244-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, sa rédaction applicable au litige, porte les dispositions suivantes :

«L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.»



L'article R.244-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, sa rédaction applicable au litige, porte les dispositions suivantes:

«Lorsque la mise en demeure ou l'avertissement est établi en application des dispositions de l'article L.243-7, le document mentionne au titre des différentes périodes annuelles contrôlées les montants notifiés par la lettre d'observations, corrigés le cas échéant à la suite des échanges entre la personne contrôlée et l'agent chargé du contrôle. La référence et les dates de la lettre d'observations et le cas échéant du dernier courrier établi par l'agent en charge du contrôle lors des échanges mentionnés au III de l'article R.243-59 figurent sur le document. Les montants indiqués tiennent compte des sommes déjà réglées par la personne contrôlée.»



L'article R.244-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, sa rédaction applicable au litige, porte les dispositions suivantes:

« Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant qui fait l'objet de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L.244-2, saisit la juridiction compétente dans les conditions prévues à l'article R.133-2, la prescription des actions mentionnées aux articles L.244-7 et L.244-11 est interrompue et de nouveaux délais recommencent à courir à compter du jour où le jugement est devenu définitif. »



En l'espèce, l'association [5] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la nullité de la mise en demeure qui lui a été délivrée par l'URSSAF le 19 mars 2018. Elle invoque à l'appui de son appel sur ce point des arguments différents de ceux qu'elle avait présentés au tribunal, devant lequel elle invoquait d'une part une différence entre le montant indiqué sur la lettre d'observations et le montant de la mise en demeure, et d'autre part, une violation des droits de la défense résultant de l'absence de communication du procès-verbal de travail dissimulé fondant le redressement.



Devant la cour, l'association [5] soutient que la mise en demeure ne respecte pas les dispositions de l'article R.244-1 susvisé, pour les motifs suivants:



- la période au titre de laquelle le redressement lui a été notifié est imprécise voire incohérente,

- la mise en demeure ne précise pas les sommes réclamées au titre de chacune des années concernées, alors qu'elle concerne plusieurs exercices annuels,

- elle se limite à faire mention de la lettre d'observations, élément qui est insuffisant, d'autant que la lettre d'observations visée ne lui a jamais été adressée,

- son cocontractant, visé par le procès-verbal relevant l'infraction de travail dissimulé, n'est pas une personne physique comme indiqué, mais une personne morale,

- le fondement juridique mentionné est également imprécis puisqu'est visé l'article L.822-1 du code du travail, qui ne renvoie à aucune disposition légale existante, l'empêchant ainsi de connaître la cause et le fondement juridique de l'acte,

- ni la décision de la commission régionale de l'URSSAF, saisie à la suite des remarques qu'elle a formulées sur la lettre d'observations, ni le courrier de réponse de l'URSSAF, ne sont rappelés, alors que ces documents lui sont opposés pour fonder la mise en demeure.



L'URSSAF d'Auvergne s'oppose à la demande d'annulation de la mise en demeure en faisant valoir en substance les arguments suivants :



- le second paragraphe de l'article R.244-1 du code de la sécurité sociale est inapplicable au litige dès lors que le redressement n'est pas fondé sur l'application des dispositions de l'article L.243-7, mais sur l'application de la solidarité financière prévue par les dispositions du code du travail,

- la mise en demeure comporte les mentions nécessaires à la connaissance immédiate de la cause, de la nature et du montant des sommes dues, qui correspondent parfaitement au quantum figurant à la lettre d'observations,

- en ce qui concerne les périodes auxquelles se rapportent les sommes réclamées, la mention indiquée résulte d'une erreur purement matérielle qui ne saurait dégénérer en nullité de la mise en demeure,

- le second paragraphe de l'article R.244-1 du code de la sécurité sociale étant inapplicable, elle n'était pas tenue de faire apparaître dans le corps de la mise en demeure la décision de la commission régionale, ni le courrier de réponse de l'inspecteur du 5 décembre 2017,

- la lettre d'observations mentionnée sur la mise en demeure est celle qui a été adressée à l'auteur de l'infraction de travail dissimulé, le redressement étant fondé sur la mise en cause de la solidarité financière en raison du manquement à l'obligation de vigilance,

- contrairement à ce que l'association prétend, son cocontractant était une personne physique, qui exerçait comme entrepreneur individuel sous l'enseigne Savoie-Net puis Alpha-Net.



SUR CE



A l'appui de sa demande d'annulation de la mise en demeure, l'association invoque exclusivement l'alinéa premier de l'article R.244-1 du code de la sécurité sociale, et ne conteste pas que, comme le soutient l'URRSAF, l'alinéa 2 de l'article n'est pas applicable en l'espèce, le redressement n'étant pas fondé sur l'application des dispositions de l'article L.243-7.



Il s'en déduit liminairement que c'est à tort que l'association prétend que la mise en demeure aurait dû faire mention d'une part de la décision de la commission régionale statuant sur les contestations qu'elle avait élevées en réponse à la lettre d'observations du 12 juillet 2017, et d'autre part du courrier aux termes duquel l'URSSAF a maintenu le redressement. En l'effet l'obligation, pour l'organisme de recouvrement, de faire figurer les références de ces documents sur la mise en demeure n'est posée que par l'alinéa 2 de l'article R.244-1, dont il n'est pas contesté qu'il n'est pas applicable en l'espèce, pour les motifs exposés ci-dessus. Cette obligation particulière ne peut par ailleurs pas être déduite du principe général édicté par l'alinéa premier.



Ensuite, il n'est pas contesté par l'URSSAF que l'alinéa premier de l'article R.244-1 du code de la sécurité sociale est applicable sans considération de la nature et du fondement du contrôle à l'origine de la mise en demeure, et qu'il est donc applicable en l'espèce.



Il s'en déduit au regard des dispositions de ce texte qu'il appartient à la cour, pour statuer sur la régularité de la mise en demeure adressée le 19 mars 2018, de vérifier si ce document précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent, et la période à laquelle elles se rapportent.



Il ressort des éléments versés au débat que la mise en demeure en question se présente sous la forme d'un tableau composé de cinq rubriques, dont les trois rubriques suivantes ne sont pas contestées :



3 - la rubrique intitulée 'n° de compte 837 40621559" comprend deux colonnes, l'une relative aux majorations de redressement indiquant la somme de 106.837,27 euros, et l'autre relative aux majorations de retard indiquant la somme de 18.695,94 euros,

4 - la rubrique intitulée'Siren ou NNI" indique le numéro [N° SIREN/SIRET 3], sans autre mention,

5 - un tableau récapitulatif en bas de page indique un total à payer de 392.622,68 euros, soit 267.090,47 euros au titre des cotisations dues et 125.532,21 euros au titre des majorations, sans montant à déduire.



En revanche sont critiquées les deux premières rubriques, exposées ci-dessous, dont il y a donc lieu de vérifier la régularité :



- le motif de la mise en recouvrement est mentionné selon la formule suivante: 'mise en cause de la solidarité financière au titre des articles L-822-1 et suivants du code du travail en votre qualité de cocontractant non vigilant de M.[K] [J] lettre d'observations du 16/05/17" :



la cour constate que la référence légale indiquée au titre du motif de mise en recouvrement est manifestement erronée, les articles visés L-822-1 et suivants du code du travail étant notoirement inexistants ; la cour considère qu'il n'en demeure pas moins que l'ensemble de la phrase mentionnée est suffisamment précis et complet pour avoir permis à l'association de comprendre que la mise en cause de sa solidarité financière en qualité de contractant non vigilant était en réalité fondée en droit sur les articles L-8221-1 et suivants du code du travail, s'agissant des articles du titre II de ce code relatif au travail dissimulé, l'omission d'un chiffre dans l'indication du numéro de l'article n'ayant pu induire en erreur l'association, et étant sans incidence sur la conformité de l'information fournie sur la cause du rappel de cotisations. Il y a donc lieu de dire que la mise en demeure est donc régulière sur ce point.



- la rubrique 'nature des cotisations', sous l'intitulé de laquelle figure la mention 'régime général', comporte deux colonnes. La colonne relative à la période concernée contient la mention '060219/300916", et la colonne relative au montant des cotisations mentionne la somme de 267.090,47 euros, au regard de laquelle un astérisque renvoyant à l'indication suivante: 'incluse contribution d'assurance chômage, cotisations AGS' :



il est constant que, à peine de nullité, la mise en demeure doit préciser la période à laquelle se rapportent les sommes réclamées ; la mise en demeure critiquée, pour désigner la période concernée, porte donc la mention « 060219/300916 », qui selon les modes courants d'écriture des dates, ne peut correspondre qu'à la période du 06 février 2019 au 30 septembre 2016, et est donc manifestement erronée ;



il n'est pas contestable que cette mention d'évidence erronée n'a pas permis à elle seule d'informer l'association de la période à laquelle se rapportaient les sommes réclamées ;



il y a donc lieu de vérifier si l'inefficacité de cette mention a pu être corrigée par un éventuel renvoi aux observations précédemment émises par l'organisme de recouvrement, à la condition que les informations en question soient complètes, exactes, et suffisamment précises pour considérer que les dispositions de l'alinéa premier de l'article R.244-1 ont été respectées, et une information exacte portée à la connaissance de l'association ;



or, la cour constate que l'unique lettre d'observations à laquelle renvoie la mise en demeure est un courrier du 16 mai 2017, et que cette mention ne correspond donc pas à la lettre d'observations datée du 12 juillet 2017 dont l'association [5] a été destinataire;



l'URSSAF explique quant à ce point que la lettre d'observations du 16 mai 2017, qu'elle a visé dans le cadre de la mise en demeure contestée, est d'évidence celle qui a été adressée à l'auteur de l'infraction de travail dissimulé, impliquant donc que l'association en a eu connaissance, ce qui est contesté en substance par cette dernière;



la cour considère que, contrairement à ce que soutient ainsi l'URSSAF, l'évidence alléguée n'est aucunement caractérisée, en ce que la cour ne perçoit pas en quoi l'association [5] était manifestement supposée connaître la date et le contenu de la lettre d'observations envoyée à M.[K], aucun élément du dossier ne permettant même de penser que ces éléments lui ont été communiqués ;



l'association ne peut soutenir néanmoins qu'elle ignorait que la mise en demeure en question était fondée sur la mise en cause de la solidarité financière en qualité de cocontractant non vigilant de M.[K] en qualité de personne physique, ce qui ressort des mentions du document et de la lettre d'observations qu'elle avait reçu ; en effet elle ne pouvait ignorer que M.[K] en personne, et non une société commerciale, était son contractant, en particulier en ce que M.[K] est inscrit au répertoire des métiers, et que le seul fait que le contrat porte le tampon indiquant le nom commercial de son activité n'était pas de nature à induire en erreur l'association, à qui il appartenait de vérifier le statut juridique de son contractant ; l'association [5] est donc mal fondée à invoquer un défaut d'information sur ce point ;



dès lors, il convient de déterminer si l'association, en se référant à la lettre d'observations du 12 juillet 2017, a nécessairement eu connaissance de la période à laquelle se rapportent les sommes ensuite visées à la mise en demeure du 19 mars 2018 ;



il apparaît que le contenu de la lettre d'observations permet de couvrir l'erreur matérielle affectant la mention de la mise en demeure relative aux périodes auxquelles se rapportent le rappel de cotisations et contributions et les majorations ; en effet, la lettre d'observations fait clairement apparaître que les années concernées par la mise en cause de la solidarité financière pour manquement à l'obligation de vigilance sont les deux années 2015 et 2016 ;



en revanche, pas plus que la lettre de mise en demeure, la lettre d'observations ne mentionne quel montant est réclamé à l'association au titre de la solidarité financière pour chacune des deux années concernées, ce qui ne permet pas à l'association de déterminer exactement quel montant est réclamé au titre de chacun des exercices comptables concernés, et donc d'effectuer les vérifications nécessaires quant aux montants réclamés ;



la cour en déduit que la mise en demeure délivrée le 19 mars 2018 n'est pas conforme aux prescriptions de l'article R.244-1 alinéa premier du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les périodes de cotisation auxquelles se rapportent les sommes dont le recouvrement est recherché par l'URSSAF; l'association n'ayant pas à justifier de l'existence d'un grief découlant de l'inobservation des dispositions en question, il y a lieu de prononcer la nullité de la mise en demeure et du redressement subséquent.



Le jugement sera donc infirmé en ce sens, et il sera fait droit aux demandes de l'association en conséquence.



Sur les dépens



En application de l'article 696 du code de procédure civile, le tribunal a condamné l'association [5] aux dépens de l'instance. Le jugement étant infirmé sur le fond, cette disposition sera infirmée, et l'URSSAF d'Auvergne, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Sur les demandes présentées en application de l'article 700 du code de procédure civile



L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer:

1° à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;

2° et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.



L'URSSAF supportant les dépens, sa demande présentée sur le fondement de ce texte sera rejetée.



L'équité n'impose pas de faire droit à la demande formée sur ce fondement par l'association.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,



- Déclare recevable l'appel relevé par l'association [5] à l'encontre du jugement prononcé le 7 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand,



- Infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,



Statuant à nouveau :



- Prononce la nullité de la mise en demeure du 19 mars 2018 adressée par l'URSSAF Rhône-Alpes à l'association [5] et du redressement subséquent,



- Condamne l'URSSAF d'Auvergne aux dépens de première instance,



Y ajoutant :

- Condamne l'URSSAF d'Auvergne aux dépens d'appel,



- Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.



Ainsi fait et prononcé le 27 février 2024 à Riom.



Le greffier, Le président,









N. BELAROUI C. VIVET

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.