28 février 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-18.662

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00226

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 février 2024




Cassation partielle


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 226 F-D

Pourvoi n° Q 22-18.662



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024

La société Vente achat machines outils (Vamo), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 22-18.662 contre deux arrêts rendus les 18 novembre 202 et 28 avril 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à M. [S] [P], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Gatineau,Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Vamo, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Palle, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Déchéance partielle du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 18 novembre 2021, examinée d'office

1. En application de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

2. Le mémoire ampliatif ne contenant aucun moyen à l'encontre de l'arrêt du 18 novembre 2021, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 avril 2022), M. [P] a été engagé en qualité d'électromécanicien par la société Vamo le 3 juillet 2000.

4. Victime le 13 juin 2014 d'un accident de trajet, le salarié a été placé en arrêt de travail du 11 juillet au 23 août 2014 et a repris le travail le 1er septembre 2014.

5. Il a de nouveau été placé en arrêt de travail du 12 décembre 2014 au 21 octobre 2015 et, à l'issue de deux examens médicaux des 9 novembre et 1er décembre 2015, il a été déclaré inapte à son poste.

6. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 22 janvier 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'il a manqué à son obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude du salarié, que le licenciement de ce dernier est sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis, alors :

« 1°/ que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ; que s'il résulte des constatations de l'arrêt qu'après avoir été placé en arrêt de travail du 11 juillet au 23 août 2014, M. [P] avait repris son poste le 1er septembre 2014 sans bénéficier d'une visite de reprise, la cour d'appel a également constaté qu'il avait été déclaré apte à son poste le 7 octobre 2014 par le médecin du travail à l'occasion d'une visite périodique, soit un mois plus tard ; que dès lors en affirmant que le fait d'avoir laissé M. [P] reprendre le travail sans que le médecin du travail n'ait vérifié son aptitude à reprendre son poste était à l'origine de l'inaptitude de M. [P] constatée un an et demi plus tard par le médecin du travail le 1er décembre 2015 à l'issue d'un nouvel arrêt de travail, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que M. [P] ayant été déclaré apte à son poste de travail le 7 octobre 2014, l'absence d'organisation d'une visite de reprise avant cette date était nécessairement sans lien avec son inaptitude constatée postérieurement, a violé les articles L. 1235-3 et L. 4121-1 et s. du code du travail ;

2°/ qu'en n'expliquant pas comment l'omission d'une visite de reprise avait pu provoquer l'inaptitude du salarié qui, après la reprise et bien avant la constatation de l'inaptitude, avait été déclaré apte à son poste par le médecin du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-5 et L. 4121-1 et s. du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1235-5 et L. 4121-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le second dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 :

8. Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

9. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'inaptitude du salarié, constatée le 1er décembre 2015 à l'issue d'un nouvel arrêt de travail du 12 décembre 2014 au 21 octobre 2015, trouve son origine dans le manquement de l'employeur qui l'a directement provoquée en laissant le salarié reprendre le travail le 1er septembre 2014 sans que le médecin du travail n'ait vérifié son aptitude à reprendre son poste.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'existence d'un lien de causalité entre l'absence de visite de reprise lors de la reprise du travail par le salarié le 1er septembre 2014 et la déclaration d'inaptitude le 1er décembre 2015 alors qu'elle constatait que lors de la visite périodique du 7 octobre 2014, le salarié avait été déclaré apte à son poste par le médecin du travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, alors « que pour condamner la société Vamo à verser à M. [P] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, la cour d'appel a jugé que le défaut d'organisation d'une visite de reprise était à l'origine de l'inaptitude du salarié cause de son licenciement ; que dès lors la cassation à intervenir sur le premier moyen (première branche) entraînera la cassation de ce chef de dispositif par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. La cassation sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer des dommages-intérêts au titre de son manquement à l'obligation de sécurité au motif que l'inaptitude trouve son origine dans ce manquement qui l'a directement provoquée, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 18 novembre 2021 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Vamo a manqué à son obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude de M. [P] et que le licenciement de ce dernier est sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Vamo à lui payer les sommes de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 830 euros au titre de l'indemnité de préavis et 3 000 euros au titre du manquement à l'obligation de sécurité et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.

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