15 février 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/04490

Pôle 5 - Chambre 7

Texte de la décision

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 7



ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2024



(n° 5, 36 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 22/04490 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFL7E



Décision déférée à la Cour : Décision du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n° 14-38-21 rendue le 08 février 2022







REQUÉRANTE :



ENEDIS S.A.

Prise en la personne de sa présidente du directoire

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 444 608 442

Dont le siège social est au [Adresse 12]

[Localité 17]



Élisant domicile au cabinet PELLERIN-DE MARIA-GUERRE

[Adresse 9]

[Localité 14]



Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Maîtres Anne-Laure-Hélène DES YLOUSES, Paul PEYRET et Lauren MECHRI du CABINET FIELDFISHER, avocats au barreau de PARIS, toque : D1148







DÉFENDERESSES AU RECOURS :



ELEC'CHANTIER 44 S.A.S.

Prise en la personne de son président,

Agissant comme mandataire de Madame [O] [H] et Monsieur [W] [Y] demeurant [Adresse 20]

Immatriculée au RCS de la Rochelle sous le n° 515 249 704

Dont le siège social est au [Adresse 13]

[Adresse 21]

[Localité 8]



Représentée par Me Alexandre DUVAL-STALLA de la SELARL DUVAL-STALLA & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : J128

Assistée de Me Mounir MEDDEB de la SELEURL MEDDEB - ENERGIE-LEGAL SELARLU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0928











EN PRÉSENCE DE :



LE SYNDICAT DÉPARTEMENTAL D'ÉLECTRICITÉ ET D'ÉQUIPEMENT RURAL DE LA CHARENTE MARITIME (SDEER)

Ayant son siège au [Adresse 5]

[Localité 7]



Élisant domicile au cabinet de la SELARL 2H Avocats

[Adresse 10]

[Localité 15]



Représenté par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assisté de Me Nicolas STAKOWSKI, du cabinet RIZOM LEGAL AARPI, avocat au barreau de PARIS





LA COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

Prise en la personne du président du Comité de règlement des différends et des sanctions

[Adresse 6]

[Localité 16]



Représentée par Me Ludovic CUZZI de la SELARL PARME AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R272





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 30 novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :



' Madame Isabelle FENAYROU, présidente de chambre, présidente,

' Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre,

' M. Gildas BARBIER, président de chambre,



qui en ont délibéré.





GREFFIER, lors des débats : M. Valentin HALLOT



MINISTÈRE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par M. Stephen ALMASEANU, substitut général





ARRÊT PUBLIC :



' contradictoire,



' prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.





' signé par Mme Isabelle FENAYROU, présidente de chambre et par M. Valentin HALLOT, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.











Vu la déclaration de recours, comprenant un exposé sommaire des moyens, déposée au greffe de la Cour, le 14 mars 2022, par la société Enedis, contre la décision du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de la régulation de l'énergie n° 14-38-21 du 8 février 2022, notifiée le 11 février et reçue le 14 février 2022, qui oppose la société Enedis à la société Elec'Chantier 44, relatif au raccordement d'une installation de consommation au réseau public de distribution d'électricité ;



Vu l'exposé complet des moyens à l'appui de la déclaration de recours déposé au greffe de la Cour le 14 avril 2022 par la société Enedis ;



Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 29 juin 2022 par le Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime ;



Vu les observations en défense n° 1 déposées au greffe de la Cour le 11 octobre 2022 par la société Elec'Chantier 44 ;



Vu les observations de la Commission de régulation de l'énergie déposées au greffe de la Cour le 13 décembre 2022 ;



Vu les observations en réplique déposées au greffe de la Cour le 29 mars 2023 par la société Enedis ;



Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 29 mars 2023 par le Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime ;



Vu les conclusions récapitulatives déposées au greffe de la Cour le 4 septembre 2023 par Enedis ;



Vu l'avis du ministère public du 24 novembre 2023, communiqué le même jour aux parties et à la Commission de régulation de l'énergie ;



Après avoir entendu à l'audience publique du 30 novembre 2023 les conseils des sociétés Enedis et Elec'Chantier 44, celui du Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime, celui de la Commission de régulation de l'énergie, et le ministère public.









SOMMAIRE






FAITS ET PROCÉDURE

§ 1



Notions techniques

§ 1



Textes régissant les branchements

§ 6



La demande de Mme [H] et M. [Y] et la proposition de la société Enedis

§ 18



Le différend devant le CoRDIS

§ 31



Le recours entrepris

§ 36




MOTIVATION

§ 41





I. SUR L'INTERVENTION DU SDEER

§ 41





II. SUR LA RECEVABILITÉ DES DEMANDES ET MOYENS DU SDEER

§ 45







III. SUR L'IRRECEVABILITÉ DE LA SAISINE DU CORDIS PAR ELEC'CHANTIER EN APPLICATION DU PRINCIPE DE L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE

§ 57





IV. SUR LA VIOLATION PAR LE CORDIS DU DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE

§ 75





A. Sur la première branche du moyen, prise du manquement au devoir d'impartialité

§ 76



B. Sur la deuxième branche du moyen, prise de l'inversion de la charge de la preuve

§ 92



C. Sur la troisième branche du moyen, prise de la violation de l'interdiction de statuer infra et ultra petita

§ 108





V. SUR LA DÉNATURATION DES TERMES DE L'ARTICLE 4 DE L'ARRÊTÉ DU 3 AOÛT 2016 PORTANT RÉGLEMENTATION DES INSTALLATIONS ÉLECTRIQUES DES BÂTIMENTS D'HABITATION

§ 134





VI. SUR L'EXERCICE PAR LA COUR DE SON POUVOIR D'ÉVOCATION

§ 156





VII. SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

§ 216



PAR CES MOTIFS

§ 216

FAITS ET PROCÉDURE





Notions techniques



1.Les principales notions techniques nécessaires à la compréhension de l'affaire sont les suivantes.



2.Un branchement est constitué par l'établissement d'une liaison par câble électrique entre le réseau public de distribution (ci-après, « RPD ») et l'appareil général de commande et de protection (ci-après, « AGCP »). Le point de livraison (ci-après, « PDL ») se trouve aux bornes aval de l'AGCP.



3.Entre le RPD et l'AGCP, se trouve le coupe-circuit principal individuel (ci-après, « CCPI »), dont la fonction est de séparer les installations des utilisateurs du RPD. La partie de l'installation située entre le RPD et le CCPI est dénommée « liaison au réseau ». La partie de l'installation située entre le CCPI et l'AGCP est dénommée « dérivation individuelle ».



4.Il existe deux types de branchements (types 1 et 2). Dans le cas d'un branchement de type 1, le point de livraison se trouve dans les locaux de l'utilisateur, selon le schéma ci-dessous.







5.Dans le cas d'un branchement de type 2, le point de livraison ne se trouve pas dans les locaux de l'utilisateur, et se trouve en général placé en limite de la parcelle à raccorder, selon le schéma ci-dessous. Un dispositif supplémentaire est alors installé dans les locaux de l'utilisateur afin d'assurer la coupure d'urgence et le sectionnement.









Textes régissant les branchements



6.Les textes régissant le raccordement au réseau public de maisons individuelles, comme en l'espèce, sont les suivants :



' l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique (ci-après, « l'arrêté du 17 mai 2011 ») ;



' l'arrêté du 28 août 2007 fixant les principes de calcul de la contribution mentionnée aux articles 4 et 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (ci-après, « l'arrêté du 28 août 2007 ») ;



' l'arrêté du 3 août 2016 portant réglementation des installations électriques des bâtiments d'habitation (ci-après, « l'arrêté du 3 août 2016 ») ;



' la norme publiée par l'AFNOR référencée NF C 14-100 (ci-après, « la norme NF C 14-100 »).



7.L'arrêté du 17 mai 2001 constitue le cadre qui fixe les principes généraux de la construction des ouvrages de distribution d'électricité. Les articles 5 à 76 bis de cet arrêté sont visés à l'article 3 de l'arrêté du 3 août 2016.



8.L' article 4 de cet arrêté énonce que « les dispositions techniques adoptées pour les ouvrages, ainsi que les conditions de leur exécution et de leur entretien, doivent être conformes aux règles de l'art ; elles doivent assurer d'une façon générale le maintien de l'écoulement des eaux, de l'accès des maisons et des propriétés, des télécommunications, de la sécurité et de la commodité de la circulation sur les voies publiques empruntées, la sauvegarde de la flore, de la faune, des paysages, la sécurité des services publics, la sécurité des personnes et la santé publique ».



9.Son article 7 prévoit que « les installations des clients doivent pouvoir être séparées du réseau par un dispositif de sectionnement qui peut être à fonctionnement hors charge », dispositif qui correspond au CCPI. Son article 37 précise notamment que « les canalisations électriques doivent être protégées contre les avaries que pourraient leur occasionner le tassement des terres, le contact des corps durs et le choc des outils métalliques à main ».



10.L'arrêté du 28 août 2007 contient un article 1er et un article 5 ainsi rédigés (soulignements ajoutés) :



« Article 1

Pour l'application du présent arrêté, une opération de raccordement de référence est un ensemble de travaux sur le Réseau Public de Distribution et, le cas échéant, sur les réseaux publics d'électricité auquel ce dernier est interconnecté :

(i) nécessaire et suffisant pour satisfaire l'évacuation ou l'alimentation en énergie électrique des installations du demandeur à la puissance de raccordement demandée ;

(ii) qui emprunte un tracé techniquement et administrativement réalisable, en conformité avec les dispositions du cahier des charges de la concession ou du règlement de service de la régie ;

(iii) et conforme au référentiel technique publié par le gestionnaire du réseau public de distribution.

L'opération de raccordement de référence minimise la somme des coûts de réalisation des ouvrages de raccordement énumérés aux articles 1 et 2 du décret du 28 août 2007 susvisé, calculés à partir du barème [']. ».







« Article 5

['] Les dispositions des deux alinéas précédents [relatives au montant de certaines contributions] ne s'opposent pas à ce que le gestionnaire du réseau de distribution réalise une opération de raccordement différente de l'opération de raccordement de référence. Si le gestionnaire du réseau de distribution la réalise à son initiative, il prend à sa charge tous les surcoûts qui pourraient en résulter. S'il la réalise à la demande de l'utilisateur qui demande à être raccordé, ce dernier prend à sa charge tous les surcoûts éventuels. ['] ».



11.L'arrêté du 3 août 2016 contient notamment les dispositions suivantes (soulignement ajouté) :



« Article 1

Le présent arrêté s'applique aux installations électriques des bâtiments d'habitation neufs et aux ouvrages de branchement du réseau public de distribution d'électricité à basse tension des bâtiments d'habitation neufs, de la limite de propriété jusqu'aux socles de prises de courant ou jusqu'aux bornes d'alimentation des matériels d'utilisation ou des équipements alimentés par des canalisations fixes.

Les installations électriques et les ouvrages de branchement de ces bâtiments répondent aux caractéristiques fixées par le présent arrêté afin d'assurer la sécurité des personnes et le bon fonctionnement de l'installation électrique et de l'ouvrage de branchement. ».



« Article 2

Les installations électriques des bâtiments d'habitation sont conçues et réalisées selon les six règles fondamentales suivantes :

1- L'installation électrique garantit la protection des personnes contre les dangers pouvant résulter d'un contact avec des masses en cas de défaut (contacts indirects). Pour atteindre cet objectif, [suivent des prescriptions techniques]

2 - L'installation électrique protège les personnes contre les dommages de températures trop élevées ou de contraintes mécaniques dues à des surintensités susceptibles de se produire dans les conducteurs actifs. Pour atteindre cet objectif, [suivent des prescriptions techniques]

3 - Les circuits terminaux garantissent la sécurité des personnes et le bon fonctionnement de l'installation électrique. Pour atteindre cet objectif, [suivent des prescriptions techniques]

4 - La distribution électrique est organisée et sécurisée. Pour atteindre cet objectif, [suivent des prescriptions techniques]

5 - L'installation électrique protège les personnes contre les risques pouvant résulter d'un contact avec les parties actives dangereuses (contact direct). Pour atteindre cet objectif, [suivent des prescriptions techniques]

6 - L'installation électrique limite les risques d'incendie, limite la propagation du feu et de la fumée, contribue à la sécurité des occupants et à l'intervention des secours, et, le cas échéant, assure le fonctionnement des installations de sécurité. Pour atteindre cet objectif, [suivent des prescriptions techniques] ».



« Article 3

Les ouvrages de branchement se situant sur la parcelle privative sont conçus et réalisés selon les prescriptions des articles 5 à 76 bis de l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique. »



« Article 4

Les installations électriques des bâtiments d'habitation mentionnées à l'article 2 du présent arrêté, conçues et réalisées selon les prescriptions du titre 10 de la norme NF C 15-100 de 2002, la mise à jour de 2005 de la norme NF C 15-100 de 2002 et ses amendements A1 à A5, et les ouvrages de branchement mentionnées à l'article 3, conçus et réalisés selon les prescriptions de la norme NF C 14-100 de 2008 et ses amendements A1 à A3, sont présumés satisfaire aux objectifs du présent arrêté.

Toute autre norme équivalente peut être utilisée dès lors qu'elle permet d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment. ».



12.La norme NF C 14-100 « traite de la conception et de la réalisation des installations de branchement du domaine basse tension comprise entre le point de raccordement au réseau et le point de livraison » (pièce 19, Enedis).



13.Ce document précise (page 2) les règles qui doivent régir son interprétation (« Pour comprendre les normes »). Il indique ainsi (caractères gras dans le texte original, soulignements ajoutés) que « [s]eules les formes verbales doit et doivent sont utilisées pour exprimer une ou des exigences qui doivent être respectées pour se conformer au présent document. (') En outre, le présent document peut fournir des renseignements supplémentaires destinés à faciliter la compréhension ou l'utilisation de certains éléments ou à en clarifier l'application, sans énoncer d'exigence à respecter. Ces éléments sont présentés sous forme de notes ou d'annexes informatives ».



14.Le point 3.2.6.2, relatif au branchement individuel à puissance limitée « type 2 » (point de livraison en dehors des locaux de l'utilisateur), précise que « [L'AGCP] est alors placé en général à proximité du CCPI (sur la parcelle dont l'utilisateur a l'exclusivité de l'usage) ».



15.Le point 5.1.2, concernant la fonction et l'emplacement du coupe-circuit principal, indique que « [le CCPI'] doivent être accessibles à tout moment aux agents du gestionnaire du réseau de distribution. [Le CCPI] est 'placé sur une paroi verticale et accessible depuis le domaine public, sans franchissement d'accès contrôlé'. « Un accès contrôlé peut être une porte verrouillée (à code, à clef, etc.) ». (soulignement ajouté)



16.Le point 8.1 (dérivation individuelle, caractéristiques générales) dispose que « [la] dérivation se trouve dans un domaine privé ou dans une enceinte close. Son parcours ne doit pas empiéter sur des domaines privés (terrains et locaux) autres que celui desservi ». (soulignement ajouté)



17.Le point 8.2 (dérivation individuelle d'un branchement individuel) ajoute que « [d]ans le cas d'un branchement individuel à puissance limitée de type 2 (voir 3.2.6.2), le point de livraison se trouve en dehors des locaux de l'utilisateur, à l'entrée de sa propriété. »





La demande de Mme [H] et M. [Y] et la proposition de la société Enedis



18.Mme [H] et M. [Y] (ci-après, parfois, « les consorts [Y] ») sont propriétaires d'une parcelle cadastrée B [Cadastre 4], située sur le territoire de la commune de [Localité 18] (17), desservie par un passage commun constitué des parcelles cadastrées B [Cadastre 2] et B [Cadastre 3] dont les consorts [Y] sont propriétaires en indivision avec d'autres à hauteur de 1/8ème.



19.La société Elec'Chantier 44 (ci-après « Elec'Chantier ») a pour activité la distribution d'électricité provisoire sur les chantiers et la gestion des démarches relatives aux demandes de raccordements provisoires et de raccordements définitifs.



20.Les consorts [Y] l'ont mandatée aux fins d'effectuer, en leur nom et pour leur compte, les démarches nécessaires pour le raccordement de leur pavillon au réseau de distribution d'électricité.



21.En vertu du mandat conféré par les consorts [Y], Elec'Chantier a déposé pour eux le 26 mai 2020 une demande de raccordement définitif auprès de la société Enedis, gestionnaire du réseau d'électricité (ci-après « Enedis »).



22.En l'absence de la communication d'une proposition de raccordement définitive de la part de la société Enedis à la suite de cette demande, Elec'Chantier a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions (ci-après, le « CoRDIS » ou « le comité ») de la Commission de la régulation de l'énergie (ci-après, « la CRE ») d'une demande de règlement de différend le 4 mars 2021.



23.Par une première décision n° 07-38-21 en date du 17 mai 2021, le CoRDIS a « enjoint à la société Enedis de produire une proposition de raccordement se fondant sur l'opération de raccordement de référence, en tenant compte de l'ensemble des critères rappelés à l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, dans le respect du droit en vigueur, y compris des procédures du gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité et des dispositions du cahier des charges de la concession ».



24.Par un courrier électronique en date du 21 juin 2021, Enedis a transmis à Elec'Chantier une proposition de raccordement définitif de l'installation de consommation des consorts [Y] prévoyant la réalisation d'un branchement de type 1, l'implantation CCPI en limite de la parcelle B [Cadastre 1] et la réalisation d'une extension de réseau public.



25.Cette extension, qui suppose la conclusion d'une convention de servitude de passage, devait être réalisée par le Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime (ci-après, « le SDEER ») sur le chemin privé correspondant à la parcelle B [Cadastre 2].



26.Le SDEER est une personne publique constituée en syndicat de communes regroupant la presque totalité des communes du département de Charente Maritime pour l'exercice de leur pouvoir concédant de la distribution d'électricité. Outre sa mission de contrôle de son concessionnaire Enedis, le SDEER exerce une activité de réalisation de travaux sur le réseau public de distribution d'électricité. Le partage des missions en matière de maîtrise d'ouvrage des travaux de réseau est prévu dans le cahier des charges de concession liant le SDEER, pouvoir concédant, à son concessionnaire Enedis (pièce n° 1 : Contrat et cahier des charges de concession du réseau public de distribution d'électricité du SDEER à Enedis). C'est dans l'exercice de cette mission de maîtrise d'ouvrage que le SDEER peut intervenir dans le cadre d'opérations de raccordement.



27.Le SDEER relève ainsi de la qualification d'autorité organisatrice de la distribution d'électricité (ci-après, « AODE ») et Enedis de celle de gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité (ci-après, « GRD »).



28.Par un courrier en date du 25 juin 2021 adressé à Enedis, Elec'Chantier a contesté la proposition de raccordement d'Enedis, estimant qu'elle « ne satisfai[sai]t pas aux exigences techniques et juridiques qui s'imposent aux branchements individuels à puissance limitée, ni aux souhaits exprimés par Monsieur [Y] et Mademoiselle [H] (') », la proposition d'Elec'Chantier consistant en un branchement de type 2, sans extension de réseau public sur le chemin privé, ni signature de convention de servitude.



29.Par un courrier en date du 26 juillet 2021, Enedis a indiqué à Elec'Chantier 44 maintenir la solution technique développée dans sa proposition de raccordement, ajoutant qu'elle correspondait à l'opération de raccordement de référence.



30.Les deux propositions peuvent se résumer dans le schéma suivant :



























































Le différend devant le CoRDIS



31.Le 26 août 2021, la société Elec'Chantier 44 a saisi le comité d'une nouvelle demande de règlement de différend, tendant notamment à ce qu'il :



' se déclare compétent pour statuer sur la demande de règlement du différend qui oppose, d'une part, Mme [H] et M. [Y] et, d'autre part, Enedis ;



' déclare recevables et fondées la saisine et toutes les autres prétentions de la société Elec'Chantier 44 représentant Mme [H] et M. [Y] ;



' enjoigne à Enedis, conjointement avec le SDEER, de réaliser un branchement de type 2 pour l'habitation de Monsieur [Y] et Mme [H], sans extension de réseau public sur le chemin privé, ni signature de convention de servitude.



32.Par deux courriers du 26 octobre 2021, le président du comité a invité Elec'Chantier et Enedis (pièce 9, Enedis) à attraire le SDEER à la cause dans les termes suivants : « le Comité de règlement des différends et des sanctions vous demande par conséquent de mettre en cause dans les meilleurs délais et en tout état de cause avant le jeudi 4 novembre 2021 à 12 h le SDEER dans le cadre du présent différend ».



33.En conséquence, le SDEER a été attrait à la cause et a déposé des observations.



34.Enedis a demandé au comité :



' in limine litis, de déclarer irrecevable la saisine d'Elec'Chantier pour défaut du droit d'agir ;



' à titre principal, de donner acte à Enedis que la solution de raccordement qu'elle propose correspond à l'opération de raccordement de référence applicable au cas d'espèce et à la seule opération de raccordement possible ;



' de donner acte à Enedis qu'elle s'est bien conformée à l'injonction du CoRDIS ;



' par conséquent, de rejeter toutes les demandes, moyens, fins et prétentions d'Elec'Chantier.





35.Par une seconde décision n° 14-38-21 du 08 février 2022 (ci-après « la décision attaquée »), le comité a enjoint à la société Enedis et au SDEER :



' d'étudier l'opération de raccordement présentée par la société Elec'Chantier et de réaliser, chacun pour ce qui le concerne, une étude permettant de déterminer l'opération de raccordement de référence, en transmettant tous les éléments nécessaires à la bonne et complète information de la société Elec'Chantier ;



' d'établir une proposition de raccordement conjointe dans le respect du droit en vigueur, ce qui inclut notamment la prise en compte de l'ensemble des critères rappelés à l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007 et le fait de calculer la chute de tension admissible sans tenir compte de l'installation électrique située en aval des bornes de sortie du disjoncteur, ainsi que dans le respect des dispositions du cahier des charges de concession et des procédures du gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité.





Le recours entrepris



36.Enedis a formé un recours en annulation ou en réformation de cette décision.



37.Aux termes de ses dernières écritures, Enedis demande à la Cour d'annuler ou de réformer la décision et :



' de rejeter les demandes et prétentions d'Elec'Chantier ;



' de constater que la solution technique de raccordement initiale proposée par Enedis correspond à l'opération de raccordement de référence ;



' de constater que cette solution est la seule à garantir le respect des exigences qui s'imposent à Enedis conformément aux dispositions légales et règlementaires en vigueur ;



' de constater que l'arrêté du 3 août 2016 portant réglementation des installations électriques des bâtiments d'habitation impose de recourir à une norme équivalente et non pas à toute solution technique susceptible d'être reproduite dans des circonstances similaires et répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 ;



' de constater que ni Elec'Chantier, ni le CoRDIS n'a été en mesure de rapporter la preuve de l'existence d'une quelconque autre norme équivalente à la norme NF C 14-100 et qu'Enedis et le SDEER ne pouvaient donc que se fonder sur la norme NF C 14-100 ;



' de constater que le CoRDIS ne pouvait déduire des termes de l'arrêté du 3 août 2016 portant réglementation des installations électriques des bâtiments d'habitation qu'il était possible d'utiliser toute autre solution technique ;



' de constater qu'Enedis n'était pas en mesure de proposer une autre solution de raccordement ;



' en tout état de cause, de condamner Elec'Chantier au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



38.Aux termes de ses observations écrites, le SDEER demande à la Cour :







In limine litis :



' de déclarer irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la CRE à l'encontre de ses demandes et moyens,



' subsidiairement, de rejeter la fin de non-recevoir de la CRE tendant à déclarer ses demandes et moyens irrecevables,



À titre principal :



' de mettre hors de cause le SDEER,



' subsidiairement, d'annuler en toutes ses dispositions la décision attaquée,



' en conséquence, de réformer ladite décision en toutes ses dispositions,



' en tout état de cause, de rejeter l'ensemble des demandes, fins et moyens présentés et soutenus par Elec'Chantier et la CRE,



' de condamner Elec'Chantier au paiement de la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,



' de condamner Elec'Chantier aux entiers dépens.





39.Elec'Chantier demande à la Cour :



' de rejeter l'ensemble des moyens et demandes d'Enedis et du SDEER ;



' de confirmer la décision attaquée,



' de condamner Enedis à verser à la société Elec'Chantier la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



' de condamner le SDEER à verser à la société Elec'Chantier la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



' de condamner Enedis et le SDEER aux entiers dépens.



40.La CRE invite la Cour :



' à écarter les conclusions et moyens du SDEER en raison de leur irrecevabilité,



' sur le fond, à confirmer la décision n°14-38-21 du CoRDIS en date du 8 février 2022.











MOTIVATION





I. SUR L'INTERVENTION DU SDEER



41.Dans la décision attaquée, le CoRDIS a considéré que l'intervention du SDEER dans l'instance était nécessaire dès lors qu'elle a estimé indispensable pour la solution du différend de connaître sa position quant à la nécessité de réaliser des travaux d'extension et aux conditions dans lesquelles ils devront être effectués.



42.Dans ses écritures, le SDEER demande à la Cour de le mettre hors de cause, considérant que le CoRDIS a irrégulièrement admis son intervention forcée à l'instance.



43.Lors de l'audience, le SDEER a expressément renoncé à demander sa mise hors de cause.









Sur ce, la Cour :



44.Le SDEER ayant renoncé à l'audience à demander sa mise hors de cause et ainsi à contester la régularité de sa mise en cause devant le CoRDIS, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.





II. SUR LA RECEVABILITÉ DES DEMANDES ET MOYENS DU SDEER





45.La CRE soulève l'irrecevabilité des « conclusions et moyens » du SDEER, déposés après l'expiration du délai imparti pour ce faire par les dispositions de l'article R. 134-22 du code de l'énergie, qui prévoient deux délais d'un mois, l'un à compter de la notification de la décision du comité, dans lequel les parties doivent effectuer leur recours, l'autre à compter de ladite déclaration, dans lequel les parties doivent déposer leur exposé complet des moyens.



46.Elle précise que ces délais doivent être respectés à peine d'irrecevabilité et qu'ils s'imposent à toutes les parties qui, dans le cadre d'une action introduite par le requérant « principal », entendraient formuler des conclusions qui leur sont propres et soulever des moyens qui ne l'auraient pas été par ce dernier (Cass. Com., 16 mars 2022, n° 20-16.257, confirmant Paris, pôle 5, chambre 7, 27 février 2020, n° 18/19515).



47.Elle ajoute que la Cour juge tardifs les recours incidents intervenus en dehors du délai d'un mois imparti par les dispositions précitées, et irrecevables les conclusions d'annulation présentées au soutien d'un simple mémoire en défense, sans que n'aient été déposés de déclaration de recours ou d'exposé complet des moyens dans les délais prescrits. Enfin, les moyens nouveaux doivent être regardés comme irrecevables, sauf à ce qu'ils n'aient d'autre objet que de répondre aux écritures ou aux observations de la CRE.



48.Le SDEER réplique, en premier lieu, que ses demandes sont recevables comme s'inscrivant dans le droit fil de celles d'Enedis.



49.Il ajoute, en deuxième lieu, que ses moyens sont également recevables en ce que, d'une part, l'article R. 134-22 du code de l'énergie dont se prévaut la CRE n'est pas applicable aux moyens soulevés par le SDEER, ce dernier n'ayant pas formé de recours et n'étant donc pas un requérant au sens de ce texte, d'autre part, ce texte n'interdit pas à une partie qui n'est pas requérante de soulever des moyens qui ne font qu'appuyer ceux que la partie requérante a soulevés, ainsi qu'il découle de la jurisprudence de la Cour (Paris, chambre 5-7, 15 septembre 2022, n° 21/10311). Il précise que le respect du principe du contradictoire implique une telle lecture de l'article R. 134-22 du code de l'énergie. En troisième lieu, le SDEER soutient que les moyens qu'il soulève ne sont pas nouveaux et ne viennent qu'en réponse aux observations d'Enedis.



50.Le ministère public est d'avis que le SDEER ayant déposé ses arguments et moyens propres bien après les délais prévus par le code de l'énergie, ceux-ci doivent être considérés comme irrecevables.









Sur ce, la Cour :



51.Selon l'article R. 134-21 du code de l'énergie, les recours contre les décisions prises par le CoRDIS sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions « du présent titre », par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, dispositions qui régissent la procédure d'appel (articles 899 à 972-1).



52.L'article R. 134-22 du même code ajoute :



« Le recours est formé dans le délai d'un mois par déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d'appel de Paris contre récépissé. À peine d'irrecevabilité prononcée d'office, la déclaration précise l'objet du recours et contient un exposé sommaire des moyens. S'agissant du recours dirigé contre les décisions du comité de règlement des différends et des sanctions autres que les mesures conservatoires, l'exposé complet des moyens doit, sous peine de la même sanction, être déposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration. ».



53.Il résulte de ces dispositions, qui visent toutes un recours, et non un appel, et qui excluent expressément l'application de la procédure d'appel, que les décisions prises par le CoRDIS ne peuvent être contestées que par la voie du recours spécifique qu'elles prévoient.



54.Dès lors, une partie devant le CoRDIS ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief qu'à la condition d'avoir formé elle-même un recours dans les formes et délai prescrits aux articles R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie.



55.En l'espèce, les demandes du SDEER en annulation ou réformation de la décision attaquée sont irrecevables pour avoir été présentées par voie de simples observations, intitulées « mémoire en réponse », en dehors de tout recours, et, au surplus, au-delà du délai imparti pour exercer un recours contre une décision du CoRDIS. Il en va de même, par voie de conséquence, des moyens qui viendraient à l'appui de ces demandes.



56.Il y a donc lieu de déclarer irrecevables les demandes et moyens invoqués dans les « mémoires en réponse » du SDEER.





III. SUR L'IRRECEVABILITÉ DE LA SAISINE DU CORDIS PAR ELEC'CHANTIER EN APPLICATION DU PRINCIPE DE L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE





57.Dans la décision attaquée, le CoRDIS expose :



' que si ses décisions ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée, il peut cependant avoir épuisé sa compétence ; que toutefois, des éléments de droit et de fait nouveaux peuvent être de nature à caractériser un litige distinct de celui dont le comité a eu à connaître (point 3).



' qu'en l'espèce, à l'appui de la nouvelle saisine d'Elec'Chantier et contrairement à ce que soutient la société Enedis, celle-ci ne se borne pas à reprendre une argumentation qu'elle avait déjà développée devant le comité dans le cadre de sa précédente demande de règlement de différend ayant donné lieu à sa décision en date du 17 mai 2021, mais s'attache à apporter de nouveaux éléments de fait et de droit au soutien de ses prétentions, s'appuyant notamment sur la proposition de raccordement communiquée par Enedis et dont elle conteste le bien-fondé (point 4).



58.Le comité conclut que la nouvelle demande de règlement de différend introduite par la Elec'Chantier est consécutive à un nouveau litige apparu entre celle-ci et Enedis (point 6).



59.Enedis rappelle que le CoRDIS, déjà saisi par M. [Y] et Mme [H] d'une demande à l'encontre du gestionnaire de réseau tendant à la réalisation d'un branchement de type 2, a rendu une décision n° 07-38-21 le 17 mai 2021 par laquelle, sans faire droit à la demande des requérants, il a néanmoins enjoint à Enedis de « produire une proposition de raccordement se fondant sur l'opération de raccordement de référence, en tenant compte de l'ensemble des critères rappelés à l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, dans le respect du droit en vigueur, y compris des procédures du gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité et des dispositions du cahier des charges de la concession » (pièce 3, Enedis).



60.Le GRD en déduit que la décision attaquée a été rendue entre les mêmes parties et a eu le même objet et la même cause que la décision du 17 mai 2021, en sorte qu'elle se heurtait à l'autorité de la chose jugée au sens de l'article 1350 du code civil, laquelle constitue une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile. Il précise que les dispositions du code de procédure civile sont applicables dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec la nature du contentieux. Il relève aussi qu'en l'espèce, les consorts [Y] n'ont fait qu'introduire des arguments de fait et de droit (nouveaux) à l'appui d'une demande de règlement de différend identique, et qui ne sont pas susceptibles de caractériser l'existence d'un litige distinct. Le CoRDIS avait ainsi épuisé sa compétence. Il conclut que le CoRDIS, en écartant la fin de non-recevoir qu'il soulevait, a dénaturé la demande d'Elec'Chantier.



61.Elec'Chantier réplique que les décisions du CoRDiS faisant l'objet d'un recours en annulation ou en réformation devant la cour d'appel de Paris ne constituent pas des jugements et, dès lors, ne sont pas soumis au principe d'autorité de la chose jugée. Elle ajoute que par la décision attaquée, le CoRDiS a expliqué qu'il devait de nouveau se prononcer dans le présent dossier, car la nouvelle demande de règlement de différend formée reposait « sur des éléments de droit et de fait nouveaux, de nature à caractériser un litige distinct du précédent et par conséquent à constituer un nouveau règlement de différend » et rappelle que sa seconde demande s'appuyait notamment, d'une part, sur la proposition de raccordement communiquée par le gestionnaire de réseau le 21 juin 2021, et qui n'avait pas été faite au jour de la décision n° 07-38-21 du 17 mai 2021, d'autre part, sur l'intervention du SDEER, qui n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu à la décision du 17 mai 2021.



62.La CRE indique, d'une part, que les autorités administratives indépendantes ne sont pas des juridictions et que les décisions qu'elles rendent, notamment dans le cadre de la procédure de règlement de différends, ne peuvent être revêtues de l'autorité de la chose jugée (par analogie, Paris, pôle 1, chambre 3, 20 mai 2014, RG 13/16331). Elle ajoute, d'autre part, que la saisine d'Elec'Chantier contenait des demandes nouvelles, reposant sur des éléments nouveaux de fait et de droit, d'autre part, qu'il s'agissait pour cette société de contester désormais la proposition de raccordement faite par Enedis en exécution de la première décision.



63.Le ministère public considère qu'à supposer le principe de l'autorité de la chose jugée applicable à la procédure de règlement de différend, en tout état de cause, le second litige introduit par Elec'Chantier doit être regardé comme nouveau, même s'il est la suite logique du premier, dans la mesure où la contestation porte désormais non plus sur l'absence de proposition d'Enedis, mais sur le contenu de la proposition.









Sur ce, la Cour :



64.La Cour rappelle, en premier lieu, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement. Or, le CoRDIS, comité institué au sein de la CRE, autorité administrative indépendante, n'est pas une juridiction. En conséquence, les décisions qu'il rend n'ont pas autorité de la chose jugée au sens de l'article 1355 du code civil.



65.C'est donc en vain qu'il est soutenu que le CoRDIS, en méconnaissant l'autorité de la chose jugée, avait épuisé sa compétence.



66.Ce n'est donc qu'à titre surabondant que la Cour examinera si le CoRDIS, après avoir rendu sa décision n° 07-38-21 du 17 mai 2021, avait épuisé sa compétence.



67.Il était alors saisi par Elec'Chantier, mandaté par les consorts [Y], d'une demande tendant notamment à enjoindre Enedis à « respecter ses obligations de service public, ['] et donc à réaliser un branchement de type 2 pour le raccordement de la construction ['] » (décision 07-38-21, page 2).



68.Dans les motifs de cette première décision, le CoRDIS avait considéré :



' qu'en refusant de donner une suite aux demandes répétées d'Elec'Chantier de transmission du résultat de son étude technique, Enedis avait méconnu ses obligations d'informations et de transparence (point 21),



' qu'Enedis n'avait donné aucune suite à la demande de raccordement définitif d'Elec'Chantier en ne qualifiant pas la demande conformément à ses procédures et en ne transmettant aucune proposition de raccordement (point 28),



' qu'Enedis n'avait pas mis le comité en mesure de se prononcer sur sa demande qu'il soit donné acte que sa solution de raccordement correspondait à la solution technique de référence, faute de lui avoir transmis les éléments utiles (point 33),



' que devant lui, Enedis proposait une solution consistant en une extension du réseau public de distribution sur la parcelle n° [Cadastre 2] et un branchement de type 1 pour raccorder l'habitation des demandeurs sur la parcelle n° [Cadastre 4] et estimait que cette solution était la seule conforme à la réglementation en vigueur compte-tenu de l'état d'enclave de la parcelle à desservir (point 41),



' qu'Enedis n'avait transmis aucune étude financière à l'appui de la solution technique qu'elle envisageait, alors que l'extension éventuelle du réseau public que cette solution supposait ' sans qu'il soit établi qu'elle constitue l'opération de raccordement de référence ' était de nature à faire supporter aux demandeurs des coûts supplémentaires (point 46),



' qu'Enedis envisageait de réétudier sa solution technique au regard des droits indivis de propriété sur la parcelle n° [Cadastre 2] (point 47).



69.Le comité avait encore considéré que « si les ouvrages de branchement réalisés selon les prescriptions de la norme NF C 14-100 sont présumés satisfaire aux objectifs de l'arrêté du 3 août 2016, ce dernier précise bien en son article 4 que tout autre référentiel équivalent et par conséquent toute autre solution technique qui permettrait de satisfaire aux objectifs dudit arrêté peut être utilisé » (point 45).



70.Le CoRDIS avait en conséquence décidé, à l'article 3, d'enjoindre à Enedis de « produire une proposition de raccordement se fondant sur l'opération de raccordement de référence, en tenant compte de l'ensemble des critères rappelés à l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, dans le respect du droit en vigueur, y compris des procédures du gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité et des dispositions du cahier des charges de la concession ».



71.La Cour observe que le CoRDIS avait ainsi, en substance, d'une part, exigé d'Enedis qu'elle établisse une proposition de raccordement, ce qu'elle n'avait pas fait avant la saisine du comité par Elec'Chantier, d'autre part, qu'elle conçoive cette proposition à la lumière de son analyse du droit contenue aux points 42 et suivants de sa décision.



72.En outre, le comité n'avait ni rejeté la demande d'Elec'Chantier tendant à la réalisation d'un branchement de type 2, ni renoncé ' en cas de différend persistant ' à la faculté d'apprécier si la proposition de raccordement qu'il enjoignait à Enedis de proposer consistait en une opération de raccordement de référence à la lumière des développements qu'il consacrait à l'analyse du droit applicable.



73.Il ne saurait être dès lors considéré que le CoRDIS avait épuisé sa compétence au terme de sa décision 07-38-21 du 17 mai 2021.



74.Il résulte de ces développements que le moyen doit être écarté.





IV. SUR LA VIOLATION PAR LE CORDIS DU DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE





75.Enedis soutient que le CoRDiS n'a pas respecté son droit à un procès équitable en ce qu'il n'a pas tenu compte des éléments détaillés produits par Enedis s'agissant de l'opération de raccordement, manquant ainsi à son devoir d'impartialité (A), en ce qu'il a fait peser sur Enedis la charge d'éléments de preuve qui incombe au demandeur (B), en ce qu'il a statué infra petita sur certains points et ultra petita sur d'autres (C).





A. Sur la première branche du moyen, prise du manquement au devoir d'impartialité



76.Dans la décision attaquée, le CoRDIS expose (soulignement ajouté) que :



« 35. Il ressort ['] des pièces du dossier que la proposition de raccordement présentée par la société Enedis comme l'opération de raccordement de référence est incomplète dans la mesure où elle ne prend pas en compte la solution technique et les coûts liés aux travaux d'extension envisagés. Si le SDEER soutient que la solution proposée par la société Enedis est celle qui contribue à constituer l'opération de raccordement de référence, il ne précise pas le coût des travaux d'extension qui seraient réalisés sous sa maîtrise d'ouvrage, et se borne sur ce point à arguer de la nécessité, pour la société Enedis, de réaliser une étude afin de déterminer s'il est ou non nécessaire de réaliser des travaux de renforcement du réseau.



36. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que les études relatives aux travaux à mener pour alimenter la construction de M. [B] et Mme [G] sont insuffisantes, et d'autre part, que la répartition des coûts entre la collectivité et les utilisateurs du réseau n'est pas définie, empêchant le comité d'apprécier la solution qui constituerait l'opération de raccordement de référence au sens de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007.



37. Ce faisant, dans la mesure où le gestionnaire de réseau public de distribution a été saisi d'une demande de raccordement adressée par la société Elec'Chantier 44, rien ne fait obstacle à ce que la société Enedis et le SDEER définissent au cas d'espèce, dans le respect des stipulations du cahier des charges de concession précitées relatives à la répartition de la maîtrise d'ouvrage, une proposition de raccordement conjointe, à charge pour la société Enedis de la communiquer ensuite à la société Elec'Chantier 44. » ['].



77.Enedis expose que le CoRDiS n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments produits, notamment en considérant que les études relatives aux travaux à mener pour alimenter la construction de M. [Y] et Mme [H] étaient insuffisantes, que la répartition des coûts entre la collectivité et les utilisateurs du réseau n'était pas définie, et qu'ainsi, il ne pouvait apprécier la solution qui constituerait l'opération de raccordement de référence, alors qu'il lui appartenait de trancher le différend en déterminant l'opération de raccordement de référence.



78.Le gestionnaire de réseau ajoute qu'à supposer que le CoRDiS ne disposait pas de toutes les informations nécessaires pour trancher le différend, celui-ci était toutefois en mesure, en application de l'article R. 134-10 du code de l'énergie, de solliciter les informations manquantes, notamment celles relatives aux coûts, par une mesure d'instruction ou par une note en délibéré.



79.En réponse, Elec'Chantier soutient, d'abord, que la solution de raccordement proposée par Enedis était incomplète et que la répartition des coûts entre la collectivité et les utilisateurs du réseau n'était pas définie, en sorte que le CoRDIS ne pouvait apprécier la solution qui constituerait l'opération de raccordement de référence au sens de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007.



80.Elle ajoute, ensuite, qu'Enedis n'a proposé qu'une seule solution de raccordement, impliquant un branchement de type 1 avec extension de réseau, et n'a tenu aucun compte de la demande d'Elec'Chantier qui portait sur un branchement de type 2 sans extension, alors pourtant qu'Enedis était dans l'obligation de procéder à l'étude de la solution alternative proposée compte tenu de ses missions inhérentes à sa qualité de gestionnaire du réseau public de distribution.



81.Dès lors, les griefs d'Enedis ne sont pas fondés et aucun manquement par le CoRDIS au devoir d'impartialité ne peut être retenu.



82.La CRE observe qu'il appartient au GRD de déterminer l'opération de raccordement de référence et d'étudier une solution alternative répondant au choix ou préférences exprimés par le demandeur. Elle ajoute que le CoRDiS a tenu compte de tous les éléments produits et a légitimement pu considérer que ces éléments n'étaient pas suffisants, notamment en ce qui concerne la répartition des coûts entre la collectivité et les utilisateurs du réseau.



83.Elle considère encore que le rapporteur avait la possibilité mais non l'obligation d'ordonner une mesure d'instruction en application de l'article R. 134-10 du code de l'énergie, et qu'il n'avait pas à pallier la carence du GRD dans la démonstration des faits et éléments appuyant ses prétentions. Enfin, il n'appartenait pas au rapporteur de définir l'opération de raccordement de référence.



84.Dès lors, il ne saurait être considéré que le comité aurait délibérément refusé de se prononcer sur la solution qui constituerait l'opération de raccordement de référence.



85.Le ministère public considère qu'il est impossible de voir en quoi le CoRDIS n'aurait pas, dans la procédure et dans sa décision, respecté son obligation d'impartialité ; que l'ensemble des arguments des parties a été pris en compte, et que sa décision se fonde sur les arguments qui lui ont été fournis. Il ajoute qu'il n'incombe pas au CoRDIS de pallier l'éventuelle carence d'une partie.









Sur ce, la Cour :



86.En premier lieu, la Cour relève que le SDEER exerce une activité de réalisation de travaux sur le réseau public de distribution d'électricité, le partage des missions en matière de maîtrise d'ouvrage des travaux de réseau étant prévu dans le cahier des charges de concession liant le SDEER, pouvoir concédant, à son concessionnaire Enedis (pièce n°1 : contrat et cahier des charges de concession du réseau public de distribution d'électricité du SDEER à Enedis), et que c'est dans l'exercice de cette mission de maîtrise d'ouvrage que le SDEER peut intervenir dans le cadre d'opérations de raccordement.



87.Le comité était dès lors compétent pour connaître d'un différend opposant un utilisateur du réseau à une AODE, laquelle doit être regardée comme agissant en qualité de GRD en tant qu'elle exerce des compétences de développement et d'exploitation des réseaux publics de distribution d'électricité qui pourraient relever de l'activité du gestionnaire de réseau de distribution, et dans la stricte limite de l'exercice des compétences qu'elle n'a pas déléguées.



88.Constatant, d'une part, que la proposition de raccordement présentée par Enedis ne prenait pas en compte les coûts liés aux travaux d'extension envisagés et que, d'autre part, le SDEER arguait de la nécessité, pour la société Enedis, de réaliser une étude afin de déterminer s'il était ou non nécessaire de réaliser des travaux de renforcement du réseau, le CoRDIS était fondé à en conclure que la proposition d'Enedis était incomplète et qu'il était en l'état dans l'impossibilité d'apprécier la solution qui constituerait l'opération de raccordement de référence.



89.En second lieu, il se déduit des articles L. 134-20, R. 134-10, alinéa 2, et R. 134-12 du code de l'énergie, qu'après la clôture de l'instruction, il est loisible au comité d'ordonner à une partie d'étudier une opération de raccordement particulière et d'établir une proposition. Enfin, aucun texte ne lui impose de procéder par note en délibéré.



90.Dès lors, Enedis n'est pas fondée à reprocher au CoRDIS un prétendu manquement du rapporteur dans l'instruction de l'affaire, alors qu'elle ne prétend ni qu'il ne l'ait pas menée en toute indépendance, ni qu'il ait manqué au respect du principe du contradictoire.



91.Le grief pris du manque d'impartialité du CoRDIS sera rejeté.





B. Sur la deuxième branche du moyen, prise de l'inversion de la charge de la preuve



92.Dans la décision attaquée, le CoRDIS expose (soulignement ajouté) que :



« 19. ['] Il appartient, ['], au gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité de réaliser une étude technique et financière, détaillée et approfondie, des différentes solutions techniquement et administrativement réalisables au regard des finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016, y compris celle demandée, le cas échéant, par le demandeur au raccordement. » ['] »



« 22. Il résulte toutefois de ce qui précède que la norme NF C 14-100 n'est plus d'application obligatoire. Son invocation par la société Enedis ne peut donc suffire à écarter toute autre solution technique qui ne prévoirait pas l'installation du CCPI en limite de la parcelle à raccorder, dès lors du moins que ce CCPI demeure, pour des raisons de sécurité, accessible depuis le domaine public à l'ensemble des services, non seulement de la société Enedis, mais aussi des services de sécurité et de secours afin de permettre une coupure depuis l'extérieur. Par ailleurs, aucune disposition de l'arrêté du 3 août 2016 ou de l'arrêté du 17 mai 2001 ne prévoit que le CCPI doive être implanté sur la parcelle à raccorder. Par conséquent, la société Enedis n'est pas fondée à soutenir que la solution technique suggérée par la société Elec'Chantier 44, qui implique une installation du CCPI en limite de la parcelle B [Cadastre 2] accessible depuis le domaine public, ne serait pas, pour ce motif, conforme aux normes en vigueur ou encore qu'elle ne serait pas, pour ce motif, techniquement envisageable ou méconnaîtrait des impératifs de sécurité. » ['] ».



« 39. Il ne résulte pas de l'instruction que la solution de raccordement préconisée par la société Elec'Chantier 44 ne serait pas conforme au référentiel normatif en vigueur, ni qu'elle emprunterait un tracé qui ne serait pas techniquement ou administrativement réalisable, ni, enfin, qu'elle ne serait pas susceptible de constituer la solution minimisant la somme des coûts de branchement et d'extension au sens des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007 précédemment citées. ».



93.Enedis expose que c'est à la partie concernée, en application des articles 6 et 9 du code de procédure civile, de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention et qu'en l'occurrence le CoRDiS a inversé la charge de la preuve à ses dépens.



94.Ainsi, selon Enedis, il résulte de la décision attaquée que le comité lui a demandé de démontrer qu'il n'existait aucune autre norme connue à ce jour que la norme NF C 14-100 permettant de satisfaire aux objectifs de l'arrêté du 3 août 2016, que la solution de raccordement préconisée par Elec'Chantier n'était pas conforme au référentiel normatif en vigueur, qu'elle n'empruntait pas un tracé techniquement et administrativement réalisable et, enfin, qu'elle n'était pas susceptible de constituer la solution minimisant la somme des coûts de branchement et d'extension au sens des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007.



95.Le CoRDiS ne devait pas non plus imposer au gestionnaire de réseau de prouver que l'implantation du CCPI et de l'AGCP en bordure du domaine public ne satisfaisait pas aux objectifs fixés par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016, ou encore de démontrer que la solution technique demandée par Elec'Chantier n'empruntait pas un tracé techniquement et administrativement réalisable, ni enfin, d'étudier l'opération de raccordement présentée par cette dernière.



96.Enedis relève encore qu'Elec'Chantier n'a étayé sa demande de règlement de différend d'aucun élément de nature à justifier que la solution technique qu'elle réclamait était conforme aux exigences des différents arrêtés précités, ni d'aucun élément permettant d'affirmer qu'Enedis devait s'affranchir de la norme NF C 14-100.



97.Elec'Chantier considère qu'Enedis, en tant que gestionnaire de réseau, est soumis aux obligations de transparence et de non-discrimination, de sorte qu'il lui incombait de justifier et de motiver les solutions retenues, et notamment l'opération de raccordement de référence. Dès lors, aucune inversion de la charge de la preuve ne peut être reprochée au CoRDIS.



98.La CRE rappelle tout d'abord que le CoRDiS statuant en matière de règlement de différend, rend une décision administrative et non une décision juridictionnelle. Le régime de la preuve est donc objectif : il appartient aux parties de fournir les éléments au soutien de leurs prétentions respectives, à charge pour le CoRDiS d'établir les faits qui soutiennent sa décision.



99.Elle rappelle, ensuite, qu'Enedis était tenue, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de distribution, en application de l'article L. 322-8 du code de l'énergie, « 4° D'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l'accès [aux] réseaux de distribution (') » et « 5° de fournir aux utilisateurs des réseaux les informations nécessaires à un accès efficace aux réseaux ». Il incombait donc au GRD de justifier des choix opérés en matière de raccordement.



100.C'était donc bien à Enedis d'établir, d'une part, que la solution technique qu'elle proposait correspondait effectivement à l'opération de raccordement de référence et, d'autre part, d'exposer les raisons pour lesquelles une solution technique expressément proposée par le demandeur ne répondait pas aux prescriptions de l'arrêté du 28 août 2007 et par suite à celles des arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016.



101.Le ministère public est d'avis que le CoRDiS n'a pas inversé la charge de la preuve et n'a fait qu'appliquer les textes obligeant le gestionnaire du réseau à justifier des choix effectués par lui en matière de raccordement.













Sur ce, la Cour :



102.Il résulte de l'article L. 322-8 du code de l'énergie, que le gestionnaire de réseau est chargé, notamment « 4° d'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l'accès [aux] réseaux de distribution ['] », et « 5° de fournir aux utilisateurs des réseaux les informations nécessaires à un accès efficace aux réseaux ».



103.L'article 5 de l'arrêté du 28 août 2007 dispose que « ['] Les dispositions des deux alinéas précédents ne s'opposent pas à ce que le gestionnaire du réseau de distribution réalise une opération de raccordement différente de l'opération de raccordement de référence. Si le gestionnaire du réseau de distribution la réalise à son initiative, il prend à sa charge tous les surcoûts qui pourraient en résulter. S'il la réalise à la demande de l'utilisateur qui demande à être raccordé, ce dernier prend à sa charge tous les surcoûts éventuels. ['] ».



104.Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'il incombe au gestionnaire de réseau, qui dispose de l'expertise technique, de fournir aux utilisateurs les informations nécessaires à un accès efficace au réseau, même quand l'opération de raccordement demandée par ces derniers n'est pas l'opération de raccordement proposée par le gestionnaire de réseau.



105.Ainsi, l'obligation d'information qui incombe à ce dernier ne saurait être appréciée de façon restrictive et comme ne portant que sur sa seule proposition ; elle s'applique également à l'opération de raccordement alternative le cas échéant demandée par l'utilisateur.



106.Il s'ensuit qu'il incombait à Enedis d'expliquer en quoi, d'une part, la proposition technique qu'elle avançait correspondait effectivement à l'opération de raccordement de référence, et d'autre part, que celle avancée par le demandeur ne répondait pas aux prescriptions de l'arrêté du 28 août 2007 et par suite à celles des arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016.



107.Le grief que fait Enedis au CoRDiS d'avoir inversé la charge de la preuve doit en conséquence être écarté.





C. Sur la troisième branche du moyen, prise de la violation de l'interdiction de statuer infra et ultra petita



108.Dans la décision attaquée, le CoRDIS expose (soulignement ajouté) que :



« 26. Dans ces conditions, il revient à la société Enedis, au titre de son obligation de fournir aux utilisateurs de son réseau les informations nécessaires à un accès efficace à ce réseau, d'appeler l'attention de ces utilisateurs sur les inconvénients qui, selon elle, résulteraient d'une solution de raccordement dont la mise en 'uvre conduirait à une chute de tension potentiellement importante en aval des bornes de sortie du disjoncteur. [']. ».



« 27. [']. Dans l'hypothèse d'un refus des propriétaires de signer une telle convention, les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de distribution d'électricité peuvent être, sur demande notamment du gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité, déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative compétente. ».



28. La société Enedis soutient qu'en l'espèce, l'établissement d'une servitude entre le SDEER et les demandeurs ayant pour objet le chemin menant à la parcelle à raccorder est une condition indispensable pour réaliser les travaux d'extension du réseau public de distribution issus de sa proposition de raccordement litigieuse. Il n'apparaît cependant pas, en l'état de l'instruction, que la solution de raccordement correspondant à l'opération de raccordement de référence impliquerait nécessairement de réaliser des travaux d'extension du réseau sur le chemin menant à la parcelle à raccorder. Si, à l'inverse, la société Elec'Chantier 44 soutient que l'établissement d'une servitude ne serait pas nécessaire en l'absence d'extension du réseau public de distribution, elle ne conteste pas sérieusement que tel serait le cas dans l'hypothèse où la solution de raccordement correspondant à l'opération de raccordement de référence impliquerait la réalisation de travaux d'extension du réseau public de distribution sur le chemin menant à la parcelle à raccorder. En tout état de cause, sans qu'il soit besoin de recueillir le consentement des parties, la simple connaissance de la réalisation d'une servitude suffit à apprécier et à comparer les solutions techniques pour déterminer l'opération de raccordement de référence. ['] ».



109.Enedis expose que le juge est en principe étroitement lié par les conclusions des parties et ne peut statuer, en application des articles 5 et 6 du code de procédure civile, ni au-delà, ni en deçà. Cette obligation s'applique au CoRDiS, lequel est tenu, conformément à l'article R. 134-13 du code de l'énergie, de ne se prononcer que sur les dernières écritures déposées.



110.Le gestionnaire de réseau, en premier lieu, considère que le CoRDiS a statué infra petita en ignorant une partie substantielle de ses observations sur le caractère administrativement réalisable du tracé, ce qui s'évince du fait que le comité ait considéré que la simple connaissance de la réalisation d'une servitude suffisait à apprécier et à comparer les solutions techniques pour déterminer l'opération de raccordement de référence, alors qu'Enedis soutenait que, même dans le cas du raccordement sollicité par Elec'Chantier, l'établissement d'une servitude serait nécessaire (pièce 13, page 15).



111.Enedis estime, en deuxième lieu, que le CoRDiS a statué ultra petita en mettant à sa charge des obligations d'ordre général dont la mise en 'uvre n'avait pas été sollicitée par Elec'Chantier, et en considérant en particulier qu'il revenait à Enedis, au titre de son obligation de fournir aux utilisateurs de son réseau les informations nécessaires à un accès efficace à ce dernier, d'appeler l'attention des utilisateurs sur les inconvénients qui résulteraient d'une solution de raccordement dont la mise en 'uvre conduirait à une chute de tension potentiellement importante en aval des bornes de sortie du disjoncteur, les installations en cause, situées en aval du disjoncteur, relevant au demeurant de la norme NF C 15-100 et échappant par conséquent au périmètre des obligations d'Enedis en sa qualité de gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité.



112.En troisième lieu, en enjoignant Enedis et le SDEER de déposer une proposition de raccordement conjointe, après avoir considéré qu'il était « regrettable » que le cahier des charges de concession en vigueur et la documentation technique de référence autorisent la transmission successive de deux propositions de raccordement, Enedis considère que le CoRDiS a de nouveau statué ultra petita, Elec'Chantier n'ayant nullement formé une telle demande.



113.Elec'Chantier répond, d'abord, que le CoRDIS n'a pas statué infra petita. Concernant la convention de servitude, Elec'Chantier rappelle qu'elle a informé Enedis du refus de M. [Y] et Mme [H] ainsi que de leurs voisins de conclure une convention de servitude concernant la parcelle cadastrée n° B [Cadastre 1], alors que la solution soutenue par le gestionnaire de réseau et le SDEER supposait la conclusion d'une telle convention. En outre, un branchement individuel à portée limitée, comme en l'espèce, ne peut légitimer le recours à une procédure de déclaration d'utilité publique en l'absence de motif d'intérêt général (dès lors que le refus du raccordement émane du demandeur lui-même), en application de l'article L. 323-3 du code de l'énergie et compte tenu de la décision n° 2015-518 QPC du Conseil constitutionnel du 2 février 2016.



114.Elec'Chantier soutient, ensuite, que le CoRDiS n'a pas non plus statué ultra petita, le CoRDiS n'ayant que fait application dans le cas d'espèce de l'article L. 134-20 du code de l'énergie, qui prévoit notamment que sa décision « est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés ».



115.Elle ajoute que le CoRDiS, en enjoignant ENEDIS et le SDEER de « produire une proposition de raccordement conjointe », a résolu le litige conformément à sa mission, aux dispositions du code de l'énergie et à ses propres demandes. Elle conclut que la décision du CoRDIS d'enjoindre Enedis et le SDEER d'étudier l'opération de raccordement proposée par Elec'Chantier est également conforme aux textes et à la procédure applicables.



116.La CRE rappelle que les pouvoirs du CoRDiS s'expliquent par le fait qu'il s'agit d'un organe administratif qui, dans sa mission de solution de différend, est l'utile garant du respect de l'effectivité du droit des demandeurs à accéder au réseau, alors que ces derniers sont dans une situation défavorable car ils ne disposent pas, le plus souvent, des moyens techniques, humains et financiers, du gestionnaire de réseau.



117.Elle soutient que le CoRDiS n'a, tout d'abord, pas statué infra petita, notamment sur la question des servitudes. En effet, la convention d'une servitude constitue l'un des points d'opposition entre les parties, la solution proposée par Elec'Chantier n'en prévoyant pas, tandis que celle soutenue par Enedis l'implique. Le comité était dès lors fondé à considérer que « sans qu'il soit besoin de recueillir le consentement des parties, la simple connaissance de la réalisation d'une servitude suffit à apprécier et à comparer les solutions techniques pour déterminer l'opération de raccordement de référence ».



118.Ensuite, la CRE considère il n'a pas non plus statué ultra petita dans la mesure où le CoRDIS n'a fait qu'appliquer au cas d'espèce les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 134-20 du code de l'énergie, dont découle son pouvoir d'imposer des prescriptions et des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l'exécution des conventions.



119.En outre, il résulte des dispositions de l'article L. 322-8 du code de l'énergie que le GRD est tenu « de fournir aux utilisateurs des réseaux les informations nécessaires à un accès efficace aux réseaux », en sorte qu'il incombe à Enedis de préciser les éventuels inconvénients qui sont susceptibles de résulter de la solution de raccordement demandée par un utilisateur. Le comité était dès lors fondé à demander à Enedis d'attirer l'attention des utilisateurs sur les inconvénients induits par la réalisation d'une solution de raccordement conduisant à une chute de tension.



120.Enfin, Elec'Chantier avait demandé au comité d'enjoindre à ENEDIS « conjointement avec le SDEER de réaliser un branchement de type 2 sans extension de réseau public sur chemin privé, ni signature de convention de servitude ». Le CoRDIS n'a ainsi pas excédé les termes de sa saisine, ni d'ailleurs des pouvoirs qu'il tient de la loi : il revenait au CoRDiS de prononcer cette injonction conjointe afin d'assurer un accès effectif au réseau.



121.Le ministère public est d'avis que se prononçant comme il l'a fait, le CoRDiS n'a statué ni infra ni ultra petita. En effet, il n'a, d'une part, ignoré aucune observation ou demande d'une des parties et, d'autre part, en tant que garant de l'accès au réseau, n'a fait qu'exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par les textes, et tels qu'ils ont déjà été reconnus par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 23 mai 2017 confirmé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 19 juin 2019 (Cass. com., 19 juin 2019, n° 17-20.269 confirmant CA Paris, Chambre n° 5-7, 23 mai 2017, RTE c/ Bio Cogelvo Normandie, n° 2016/07638).



122.Le moyen d'annulation basé sur la prise d'une décision infra ou ultra petita ne peut donc être retenu.













Sur ce, la Cour :



123.En premier lieu, la Cour relève qu'aux points 27 et 28 de la décision attaquée, le CoRDIS a analysé les différentes propositions de raccordement en concours et en a déduit que si dans le cas de la proposition d'Enedis, la convention d'une servitude entre le SDEER et les propriétaires indivis du chemin privé constitué de la parcelle B [Cadastre 2] était requise en raison de la nécessité de procéder à une extension de réseau, une telle convention ne s'imposait pas dans le cas de la solution proposée par Elec'Chantier.



124.Il n'en résulte pas que le CoRDIS aurait délaissé une partie de l'argumentation d'Enedis, le point de savoir si la conclusion d'une servitude entre les seuls propriétaires indivis du chemin privé était nécessaire dans le cas de la solution de raccordement soutenue par Elec'Chantier n'étant pas le propos du comité.



125.Par ailleurs, la Cour n'aperçoit pas en quoi la page 15 de la pièce 13 d'Enedis, dont le GRD se prévaut expressément, démontrerait que le gestionnaire de réseau aurait « toujours soutenu que même dans le cas d'un raccordement tel que sollicité par Elec'Chantier, l'établissement d'une servitude serait nécessaire pour implanter le coffret sur la parcelle privative dont M. [Y] et Mme [H] ne sont pas les uniques propriétaires » (conclusions récapitulatives, page 16).



126.Le grief fait au CoRDIS d'avoir statué infra petita n'est ainsi pas établi.



127.En deuxième lieu, la Cour relève que dans ses écritures devant le CoRDIS, Enedis a consacré des développements à la question de la chute de tension (dossier Enedis, pièce 13, pages 13 et 14, notamment).



128.Ainsi qu'il a été dit précédemment, il découle des dispositions combinées de l'article L. 322-8 du code de l'énergie et de l'article 5 de l'arrêté du 28 août 2007 que l'obligation de fourniture des informations nécessaires à un accès efficace au réseau qui incombe au gestionnaire de réseau s'applique à l'opération de raccordement alternative le cas échéant demandée par l'utilisateur.



129.Il s'ensuit que le CoRDIS était fondé, au point 26 de sa décision, à considérer qu'il revenait à Enedis « au titre de son obligation de fournir aux utilisateurs de son réseau les informations nécessaires à un accès efficace à ce réseau, d'appeler l'attention de ces utilisateurs sur les inconvénients qui, selon elle, résulteraient d'une solution de raccordement dont la mise en 'uvre conduirait à une chute de tension potentiellement importante en aval des bornes de sortie du disjoncteur ».



130.En troisième lieu, il découle, d'une part, de l'article L. 134-20 du code de l'énergie, précité, d'autre part, de la compétence du CoRDIS pour connaître d'un différend qui oppose un utilisateur du réseau à une AODE lorsqu'elle doit être regardée comme agissant en qualité de GRD, comme il a été indiqué au paragraphe 87 du présent arrêt, qu'il était loisible au comité d'enjoindre à Enedis et le SDEER de déposer une proposition de raccordement conjointe.



131.Au demeurant, Elec'Chantier avait saisi le CoRDIS d'une demande en ce sens (décision attaquée, page 2/16).



132.Dès lors, c'est sans méconnaître l'objet du litige que le CoRDIS a décidé comme il l'a fait.



133.Le moyen doit être écarté.













V. SUR LA DÉNATURATION DES TERMES DE L'ARTICLE 4 DE L'ARRÊTÉ DU 3 AOÛT 2016 PORTANT RÉGLEMENTATION DES INSTALLATIONS ÉLECTRIQUES DES BÂTIMENTS D'HABITATION





134.Dans la décision attaquée, le CoRDIS considère (soulignement ajouté) que :



« 18. Il résulte de ces dispositions que la norme NF C 14-100 n'est plus d'application obligatoire depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 août 2016. Si les ouvrages de branchement conçus et réalisés selon les prescriptions de la norme NF C 14-100 sont présumés satisfaire aux objectifs de l'arrêté du 3 août 2016 et ainsi, plus particulièrement aux prescriptions de l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie, les dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 prévoient, néanmoins, la faculté de mettre en 'uvre toute autre solution technique susceptible d'être reproduite dans des circonstances similaires et répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 en permettant d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment. »



135.Enedis expose que le comité a dénaturé les termes de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 en considérant que ce dernier prévoyait la possibilité de mettre en 'uvre toute autre solution « susceptible d'être reproduite dans des circonstances similaires et répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 en permettant d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment », alors que l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 ne prévoit que la possibilité de recourir à une « norme » équivalente en cas de dérogation à l'utilisation de la norme NF C 14-100, et non à « tout autre référentiel équivalent ».



136.Le gestionnaire de réseau explique que la notion de norme renvoie à l'activité de normalisation, laquelle est un processus d'élaboration de standards communs sur lesquels s'accordent les différents acteurs économiques afin de faciliter les échanges commerciaux, de réduire les asymétries d'information, de maintenir une forme de confiance entre les opérateurs. La notion de « norme » est sous tendue par les concepts d'homogénéité, de neutralité, de non-discrimination ; elle est dès lors incompatible dans son principe même avec la multiplication de « solutions » personnalisées. Ainsi, si l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 ménage une certaine flexibilité en laissant la possibilité de recourir à d'autres normes que la norme NF C 14-100, la référence qu'il contient à la notion de « norme » vise néanmoins à éviter la multiplicité de « solutions ». Enfin, la norme NF C 14-100 étant aujourd'hui la seule existante, elle constitue, en l'état des textes, l'unique norme de référence possible pour la réalisation des branchements individuels.



137.Enedis précise que l'arrêté du 17 mai 2001 fixe les principes généraux de la construction des ouvrages d'électricité, lesquels se distinguent des prescriptions concrètes figurant dans les normes, qui seules permettent la réalisation des ouvrages de raccordement conformes aux conditions techniques fixées par l'arrêté précité. L'arrêté du 3 août 2016 détermine, quant à lui, les règles et les objectifs de sécurité des personnes et de bon fonctionnement auxquels doivent satisfaire les installations électriques et les ouvrages de branchement du réseau public de distribution d'électricité de basse tension des bâtiments d'habitation neufs. Le gestionnaire de réseau conclut que ces deux arrêtés et la norme NF C 14-100 forment un ensemble de textes complémentaires entre eux, ce qui justifie la présomption de conformité posée par l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016.



138.Enfin le GRD soutient que les observations de la CRE devant la Cour contredisent la position du comité telle qu'elle ressort de la décision attaquée.



139.Elec'Chantier conteste toute dénaturation des textes. Elle rappelle que depuis l'arrêté du 3 août 2016, la norme NF C 14-100 n'est plus d'application obligatoire et qu'en tout état de cause, l'arrêté ne soumet pas les installations au respect d'une norme, mais à ses objectifs de sécurité et de fonctionnement.



140.La société soutient que la solution qu'elle préconise respecte les objectifs de sécurité énumérés aux articles 1 à 3 de l'arrêté du 3 août 2016, en sorte qu'il n'importe qu'elle puisse ne pas répondre en tout point à la norme NF C 14-100.



141.Elle précise, à supposer qu'il ne puisse être dérogé à la norme NF C 14-100, que M. [Y] et Mme [H] ne peuvent être regardés comme des tiers au sens de l'article 8.1 de la norme NF C 14-100, qui précise que « la dérivation individuelle se trouve dans un domaine privé ou dans une enceinte close. Son parcours ne doit pas empiéter sur des domaines privés (terrains et locaux) autres que celui desservi », et dont Enedis se prévaut. Elec'Chantier ajoute que sur la parcelle B [Cadastre 2], seule la norme NF C 15-100 s'applique, dans la mesure où il s'agit d'un chemin privé.



142.La CRE rappelle que seule la norme NF C 14-100 prévoit que le CCPI soit implanté en limite de la parcelle dont l'utilisateur a l'exclusivité de l'usage (point 3.2.6.2 de la norme), justifiant la proposition d'Enedis tendant à implanter le CCPI en limite de la parcelle ZE [Cadastre 11].



143.Elle ajoute que depuis l'arrêté du 3 août 2016, si les ouvrages de branchement réalisés selon les prescriptions de la norme NF C 14-100 bénéficient d'une présomption de conformité aux objectifs fixés par l'arrêté du 3 août 2016, de même que toute solution technique établie sur la base d'une norme équivalente à la NF C 14-100, cependant, la norme NF C 14-100 n'est plus d'application obligatoire, en sorte que la solution technique applicable doit être établie en conformité avec les seules prescriptions de l'arrêté du 3 août 2016 et des articles 5 à 76 bis de l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique.



144.Elle précise encore que tant l'arrêté du 17 mai 2001 que celui du 3 août 2016 édictent des prescriptions suffisamment précises pour ne pas avoir besoin d'être appliquées de façon combinée avec la norme NF C 14-100.



145.Elle considère que si la norme NF C 14-100 donne des indications de nature technique permettant d'atteindre les objectifs de sécurité et de bon fonctionnement du réseau, justifiant que toute installation établie sur son fondement soit présumée conforme aux arrêtés susvisés, elle ne peut en revanche avoir pour objet de définir le régime d'implantation des ouvrages publics sur une propriété privée par voie conventionnelle ou légale.



146.Le ministère public est d'avis que depuis l'arrêté du 3 août 2016, l'application de la norme NF C 14-100, qui demeure une norme de référence, n'est plus une norme obligatoire, et qu'elle ne peut plus servir à Enedis pour refuser de prendre en compte d'autres solutions qui lui ont été proposées. Seule importe dès lors la conformité des solutions proposées aux règles posées par l'ensemble des arrêtés précités.



147.Il conclut que la motivation de la décision attaquée est exempte de toute dénaturation des termes de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 et que le moyen d'annulation basé sur la dénaturation de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 ne peut être retenu.









Sur ce, la Cour :



148.Les articles 1 à 4 de l'arrêté du 3 août 2016 ont été reproduits au paragraphe 11 du présent arrêt.



149.La Cour déduit des dispositions de l'arrêté du 3 août 2016 que le recours à la norme NF C 14-100 (art. 4, al 1) s'analyse en une facilité pour le maître d'ouvrage propre à établir la preuve de la conformité des ouvrages de branchement aux prescriptions des articles 5 à 76 bis de l'arrêté du 17 mai 2001, et non en une condition à la réalisation de ces ouvrages.



150.En effet, la Cour relève, d'abord, que l'article 6 de l'arrêté du 3 août 2016 abroge l'arrêté du 22 octobre 1969 « portant réglementation des installations électriques des bâtiments d'habitation », qui prévoyait en son article 1er que « [l]es installations électriques des bâtiments d'habitation doivent être conformes aux dispositions des normes NF C 14-100 et NF C 15-100 en vigueur au moment de la demande de permis de construire ou de la déclaration préalable de construction » (soulignement ajouté). La conformité des ouvrages de raccordement à la norme NF C 14-100 n'est donc plus obligatoire, en sorte que le recours à cette norme ne peut être, en droit, que volontaire.



151.Reste que la combinaison à l'article 4 des locutions « les ouvrages ('), conçus et réalisés selon les prescriptions de la norme NF C 14-100 ('), sont présumés (') » et « toute autre norme équivalente peut être utilisée dès lors qu'elle permet d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment » implique que les ouvrages de branchement soient conçus et réalisés selon une norme, qu'il s'agisse de la norme NF C 14-100, ou d'une autre.



152.En effet, la mention de la possibilité de recourir à une « norme équivalente », si elle a pour objet d'affirmer que la norme NF C 14-100 n'est pas la seule susceptible d'être appliquée et qu'une alternative est possible en droit, implique encore la nécessité de recourir à une norme au sens de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 pour la conception et la réalisation des ouvrages de branchement, afin d'assurer leur conformité aux prescriptions de l'arrêté du 17 mai 2001.



153.Or, une « solution technique susceptible d'être reproduite dans des circonstances similaires et répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 » ne saurait être assimilée à une norme au sens dudit article.



154.Il en résulte que le comité, en affirmant que les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 prévoient « la faculté de mettre en 'uvre toute autre solution technique susceptible d'être reproduite dans des circonstances similaires et répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 en permettant d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment », a dénaturé ce texte.



155.Ce moyen étant fondé, il convient d'annuler la décision attaquée.





VI. SUR L'EXERCICE PAR LA COUR DE SON POUVOIR D'ÉVOCATION





156.Le différend qui oppose les parties sur les conditions de raccordement définitif de la propriété des consorts [Y] n'étant pas réglé, il y a lieu pour la Cour d'exercer son pouvoir d'évocation.



157.La Cour procédera à l'analyse des deux propositions en concours au regard des principaux points en débat, à savoir, la conformité des deux propositions à la norme NF C 14-100, la nécessité ou non de conclure une convention de servitude, la possibilité ou non de recourir à une déclaration d'utilité publique, l'évaluation des coûts afin qu'une opération de raccordement de référence (au sens de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007) puisse être définie.



158.Ces développements répondront ainsi aux deux moyens subsidiaires, pris d'une erreur manifeste d'appréciation du CoRDIS, développés par Enedis, qui seront présentés ensemble, ainsi qu'aux objections qu'Elec'Chantier et la CRE leur opposent.



159.S'agissant du premier moyen, Enedis soutient que la solution qu'elle propose constitue l'opération de raccordement de référence au sens de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007.



160.Enedis fait valoir que dans le cas des consorts [Y], un branchement de type 1 est approprié, « la distance entre le coffret contenant le CCPI placé sur la parcelle à desservir (n° [Cadastre 4]) et le point de livraison (AGCP) [étant] de 24.1 mètres », soit moins de 30 mètres et qu'ainsi la dérivation individuelle doit se trouver sur la parcelle n° [Cadastre 4], sans empiéter sur la parcelle n° [Cadastre 2], cette dernière parcelle ne constituant pas une seule et même unité foncière avec la parcelle n° [Cadastre 4]. Le GRD précise que le Conseil d'État a défini une unité foncière comme un « îlot de propriété d'un seul tenant, composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision » (CE, 27 juin 2005, Commune de [Localité 19], n°264667).



161.Elle ajoute que « la norme NF C 14-100 (article 8.1) prévoit que le coffret contenant le CCPI et la dérivation individuelle doivent se trouver sur la parcelle à desservir et ne doivent pas empiéter sur la parcelle d'un tiers, et ce pour des impératifs de sécurité qui s'imposent au gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité mais également pour des raisons de bon fonctionnement du réseau. En effet l'harmonisation sur l'ensemble du territoire de l'emplacement des coffrets de coupure assure une garantie d'intervention rapide en cas d'urgence ou de pannes à la fois par les agents d'ENEDIS mais également par les pompiers. Elle offre donc les meilleures garanties en matière de sécurité des personnes. » (Conclusions récapitulatives, page 28).



162.Enedis conclut qu'il ne pouvait donc pas proposer de placer le coffret contenant le CCPI et la dérivation individuelle sur le chemin, à savoir la parcelle n° [Cadastre 2], qui n'est pas la parcelle à desservir.



163.Elle précise encore que la solution qu'elle préconise n'enfreint pas l'article 5.1.2 de la norme NF C 14-100, qui prévoit que « le coupe-circuit principal collectif (CCPC) ou individuel (CCPI) est placé sur une paroi verticale et accessible depuis le domaine public, sans franchissement d'accès contrôlé ». En effet, le CCPI, implanté sur une paroi verticale, est accessible depuis le domaine public. Il n'existe aucun accès contrôlé, à savoir une porte verrouillée à code ou à clef.



164.Le GRD expose par ailleurs qu'une extension du réseau est nécessaire, sous la maîtrise d''uvre du SDEER, afin de pallier tout risque de chute de tension supérieure à 2 % « pour chaque branchement individuel (liaison réseau + dérivation individuelle) », en application de l'article 5.4 de la norme NF C 14-100.



165.Ensuite, Enedis précise qu'une convention de servitude reste incontournable en application des articles L. 323-3 et suivants du code de l'énergie mais que dans le cas où les consorts [Y] refuseraient de conclure une convention de servitude avec le SDEER, ce serait les demandeurs eux-mêmes qui feraient volontairement obstacle à la mise en 'uvre de la proposition de raccordement, en sorte qu'il ne pourrait en être tiré que la proposition de raccordement ne serait pas administrativement réalisable.



166.Le GRD ajoute qu'en l'absence de conclusion d'une convention de servitude, il conserve la possibilité d'obtenir une déclaration d'utilité publique, même pour la réalisation d'un branchement individuel, dans la mesure où celle-ci permet de garantir l'accès au réseau.



167.Enedis conclut qu'une convention de servitude est nécessaire quel que soit le branchement retenu, dès lors que les ouvrages de distribution traversent une propriété privée.



168.S'agissant du second moyen, Enedis soutient qu'aucun tracé alternatif ne permet de remplir les critères posés par l'arrêté du 28 août 2007 et les objectifs fixés par l'arrêté du 3 août 2016 et du 17 mai 2001.



169.Elle explique qu'il n'existe pas de norme alternative à la norme NF C 14-100 et que la situation enclavée de la parcelle à raccorder ne permet aucun tracé alternatif.



170.Elec'Chantier répond que la proposition de raccordement proposée par Enedis n'est pas administrativement et techniquement réalisable au sens de l'arrêté du 28 août 2007 et qu'elle procède d'une interprétation erronée (conclusions, page 72) de la norme NF C 14-100 et en particulier de ses articles 3.2.6 et 8.1.



171.Elle précise que la question de la chute de tension invoquée par Enedis ne se pose pas pour la proposition qu'Elec'Chantier défend et qu'en tout état de cause, il n'appartient pas à Enedis, de s'approprier la vérification du bon respect de la norme NF 15-100.



172.Elle soutient que la proposition d'Enedis, qui implique la réalisation d'une extension, a pour conséquence de faire supporter une charge financière supplémentaire aux consorts [Y], alors que celle d'Elec'Chantier, qui n'implique ni signature d'une convention de servitude, ni extension, est nécessairement celle qui minimise les coûts.



173.Elle observe encore que la proposition soutenue par Enedis implique que les voisins des consorts [Y] renoncent pour l'avenir à limiter l'accès du chemin, en posant un portail par exemple, et qu'en l'occurrence, les intéressés refusent de souscrire à ladite convention. Elle ajoute que les projets de convention communiqués par le SDEER et par Enedis prévoient des dispositions exorbitantes (droit du GRD de couper des arbres, interdiction du propriétaire de modifier le profil du terrain, de planter des arbres ou arbustes, droit du GRD de faire pénétrer sur la propriété des agents, des entreprises, notamment, etc.).



174.Elec'Chantier conteste la pertinence de la référence à la notion « d'unité foncière », développée par la jurisprudence administrative dans un tout autre contexte, et rappelle qu'une parcelle affectée à la desserte de bâtiments et sans laquelle leur accès serait impossible, constitue « un accessoire indispensable à l'usage commun des locaux », et que tel est le cas de la parcelle n° [Cadastre 2], qui donne accès à la parcelle n° [Cadastre 1], sur laquelle se trouve la construction.



175.Elle ajoute que les voisins des consorts [Y] consentent à la solution que préconise Elec'Chantier dès lors que leurs propres CCPI sont déjà installés en bordure du domaine public. Cette solution est en conséquence techniquement et administrativement réalisable.



176.La CRE soutient que la solution de raccordement qu'Enedis propose ne saurait, par principe, et dès lors qu'elle serait la seule à être établie sur le fondement de la norme NF C 14-100, constituer ni la seule opération de raccordement possible, ni l'opération de raccordement de référence.



177.Elle précise :



' que la prétendue nécessité d'implanter le CCPI sur la parcelle à desservir ne ressort que de la norme NF C 14-100, alors que ni l'arrêté du 3 août 2016, ni celui du 17 mai 2001 ne l'exigent ;



' qu'il en est de même du calcul de la dérivation individuelle sur lequel s'appuie Enedis pour justifier du recours à un branchement de type 1 : ce calcul est effectué à partir de cette implantation du CCPI sur la parcelle des consorts [Y] alors que ce lieu d'implantation n'est exigé que par la norme NF C 14-100, pourtant d'application non obligatoire ;



' que l'application du pourcentage de chute de tension admissible est également celui fixé par la norme NF C 14-100, qui ne peut être imposée, l'application de la norme NF C 15-100 ne pouvant d'ailleurs pas légitimer la solution préconisée par ENEDIS.



178.Elle rappelle que du point de vue administratif, Enedis ne dispose pas d'une servitude établie par convention, qui exige l'accord unanime de tous les propriétaires concernés, y compris dans le cadre d'une indivision, ni d'une servitude légale instituée après déclaration d'utilité publique.



179.La Commission ajoute que même si on venait à considérer, pour les seuls besoins de la démonstration, qu'Enedis serait tenue d'appliquer la norme NF C 14-100, il y aurait encore une difficulté dans la mesure où l'article 5.1.2 de cette norme prévoit que « le coupe-circuit principal collectif (CCPC) ou individuel (CCPI) est placé sur une paroi verticale et accessible depuis le domaine public, sans franchissement d'accès contrôlé ». En l'espèce, dans la solution préconisée par Enedis, le coupe-circuit individuel ne serait en fait pas accessible depuis le domaine public.



180.Le ministère public est d'avis qu'Enedis n'a pas été en mesure de démontrer en quoi la solution de raccordement sollicitée par Elec'Chantier ne permettrait pas d'atteindre les objectifs de sécurité et de bon fonctionnement du réseau et conclut qu'aucun des moyens de réformation soulevé n'est de nature à remettre en cause la décision attaquée.









Sur ce, la Cour :





Sur la proposition d'Enedis



181.En premier lieu, la Cour observe qu'aucune partie ne conteste que la proposition de raccordement présentée par Enedis soit conforme à la norme NF C 14-100, et particulièrement aux points 5.1.2 et 8.1, même si son caractère administrativement réalisable, au sens de l'arrêté du 28 août 2007, est contesté.



182.En deuxième lieu, elle relève que dans le cas de cette proposition, une extension de réseau est préconisée, ce qui suppose que des ouvrages de distribution soient implantés par le SDEER sur une, voire deux parcelles indivises (n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3]), propriété des demandeurs à hauteur d'une certaine quotité.



183.Il s'ensuit qu'une convention de servitude doit être conclue entre le SDEER, d'une part, et l'ensemble des propriétaires indivis des parcelles concernées, d'autre part.



184.En effet, « les canalisations électriques doivent être protégées contre les avaries que pourraient leur occasionner le tassement des terres, le contact des corps durs et le choc des outils métalliques à main » (art. 37 de l'arrêté du 17 mai 2001), ce qui implique une limitation de l'usage de la parcelle et une certaine surveillance. En outre, le CCPI doit demeurer accessible depuis la voie publique en application de l'article 5.1.2 de la norme NF C 14-100, ce qui oblige les indivisaires, pour l'avenir, à s'interdire de placer à l'entrée du chemin, un « franchissement d'accès contrôlé » tel qu'une porte verrouillée (à code, clé, etc.).



185.De telles contraintes s'analysent en une limitation de l'usage de la parcelle indivise (usus), attribut du droit de propriété, aux dépens de tous les indivisaires et supposent en conséquence la conclusion d'une convention de servitude.



186.Dans le cas où le demandeur au raccordement (en l'espèce, les consorts [Y]) refuserait, seul, de consentir à ladite convention de servitude, la conclusion qui s'en évincerait serait non pas que le tracé proposé serait administrativement non réalisable, mais seulement que la demande de raccordement devrait être regardée comme caduque.



187.En troisième lieu, il reste qu'en cas d'impossibilité d'obtenir la conclusion d'une convention de servitude sans que ce soit le fait des demandeurs, il demeure loisible au GRD de procéder par voie de déclaration d'utilité publique.



188.En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'Enedis et le SDEER aient formulé une proposition conjointe permettant aux consorts [Y] d'apprécier le coût global de l'opération de raccordement qu'ils proposent. Une telle proposition conjointe, que le partage des compétences entre Enedis et le SDEER commande, s'impose même dans le silence des textes.



189.Il n'est dès lors pas possible à la Cour d'apprécier, en l'état et compte tenu des développements qui suivent relatifs à la proposition soutenue par Elec'Chantier, si l'opération de raccordement proposée par Enedis minimise la somme des coûts de réalisation des ouvrages et peut être qualifiée d'opération de raccordement de référence au sens de l'arrêté du 28 août 2007.





Sur la proposition d'Elec'Chantier



190.En premier lieu, la Cour relève que la norme NF C 14-100 contient notamment les dispositions suivantes (pièce 19, dossier Enedis) :



' en page 2, « pour comprendre les normes » : « Seules les formes verbales doit et doivent sont utilisées pour exprimer une ou des exigences qui doivent être respectées pour se conformer au présent document. (') En outre, le présent document peut fournir des renseignements supplémentaires destinés à faciliter la compréhension ou l'utilisation de certains éléments ou à en clarifier l'application, sans énoncer d'exigence à respecter. Ces éléments sont présentés sous forme de notes ou d'annexes informatives » (caractères gras dans le texte original) ;



' en page 4, « Avant-propos » : « la présente édition [juillet 2021] comprend des commentaires qui contiennent des recommandations facilitant l'application des prescriptions, basées sur l'expérience et l'usage courant. Ces commentaires permettent d'expliciter les textes correspondants et de fournir les justifications des règles correspondantes. Ces commentaires sont imprimés en caractères italiques bleus immédiatement sous le texte normatif de référence » ;



' point 3.2.6.2, « branchement individuel à puissance limitée de type 2 » : « La disposition des lieux ne permet pas d'installer l'AGCP dans les locaux de l'utilisateur ; ce dernier est alors placé en général à proximité du CCPI (sur la parcelle dont l'utilisateur a l'exclusivité de l'usage) » ;



' point 5.1.2 « fonction et emplacement du coupe-circuit principal » : « [' et le CCPI'] doivent être accessible à tout moment aux agents du gestionnaire du réseau de distribution. Il est 'placé sur une paroi verticale et accessible depuis le domaine public, sans franchissement d'accès contrôlé' ». « Un accès contrôlé peut être une porte verrouillée (à code, à clef, etc.) » ; (soulignement ajouté)



' point 8.1, « dérivations individuelles », « caractéristiques générales » : « La dérivation se trouve dans un domaine privé ou dans une enceinte close. Son parcours ne doit pas empiéter sur des domaines privés (terrains et locaux) autres que celui desservi » ; (soulignement ajouté)



' point 8.2, « dérivation individuelle d'un branchement individuel » : « Dans le cas d'un branchement individuel à puissance limitée de type 2 (voir 3.2.6.2), le point de livraison se trouve en dehors des locaux de l'utilisateur, à l'entrée de sa propriété. » (commentaire en bleu)



191.Il résulte de ces textes que seuls les points 5.1.2 et 8.1 posent des exigences au sens de la norme NF C 14-100 elle-même.



192.Le point 5.1.2 ne contient aucune ambiguïté. L'accessibilité du CCPI depuis la voie publique est impérative. Cette accessibilité justifie d'ailleurs l'existence de ce dispositif. En revanche, la Cour observe que ce texte, pas plus que l'article 7 de l'arrêté du 17 mai 2001 (qui énonce que « les installations des clients doivent pouvoir être séparées du réseau par un dispositif de sectionnement qui peut être à fonctionnement hors charge »,) ne précise l'emplacement exact du CCPI, seul important son accessibilité depuis la voie publique.



193.Enedis soutient que le point 8.1 prévoit que le coffret contenant le CCPI et la dérivation individuelle doivent se trouver sur la parcelle à desservir et ne doivent pas empiéter sur la parcelle d'un tiers.



194.La Cour constate cependant que ce texte ne mentionne ni le coffret contenant le CCPI, ni le CCPI, et que ce dernier, s'il se trouve à l'origine de la dérivation individuelle, n'en fait cependant pas partie. Ce point ressort tant de la définition de la dérivation individuelle au point 3.3.7 de la norme NF C 14- 100 (« canalisation issue d'un CCPI et desservant un seul point de livraison ») que des schémas qui figurent en pages 16 et 17 de la norme et sont reproduits aux § 4 et § 5 du présent arrêt, qui présentent le CCPI (désigné sous la lettre « C ») comme une partie de la liaison au réseau et non comme une partie de la dérivation individuelle.



195.En tout état de cause, en cas de conflit d'interprétation entre les points 5.1.2 et 8.1, la Cour considère que la règle d'accessibilité depuis le domaine public prévaut, pour des impératifs de sécurité.



196.En deuxième lieu, la Cour relève encore que si, dans le cas général, qui est l'hypothèse de l'article 8.1, il est approprié que la dérivation individuelle n'empiète pas sur « des domaines privés (terrains et locaux) autres que celui desservi », et par voie de conséquence, notamment, sur une parcelle indivise, une telle règle ne se justifie que dans l'intérêt de la protection des droits des tiers, et le cas échéant, des indivisaires. Du point de vue de la sécurité, il est indifférent que la parcelle à raccorder soit ou non une unité foncière telle que définie par la jurisprudence administrative.



197.Il en résulte que dans le cas où l'ensemble des indivisaires d'une parcelle indivise consentiraient, par voie de convention de servitude, au passage d'une dérivation individuelle (et également d'une partie du branchement de l'installation intérieure régie par la norme NF C 15- 100) au profit de l'un d'eux, la Cour considère que la parcelle indivise ne peut être regardée comme un domaine privé « autre que celui desservi », les droits de l'ensemble des propriétaires étant préservés. Cette analyse s'impose d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, le chemin indivis s'avère être indispensable à l'usage des locaux d'habitation.



198.La conclusion d'une convention de servitude entre tous les indivisaires est une nécessité dès lors que l'implantation d'une dérivation individuelle, qui implique la création d'une canalisation ou l'enterrement de câbles, et qui suppose une surveillance de la voie et une protection de l'installation, est constitutive d'une atteinte au droit de propriété des autres indivisaires.



199.La Cour relève encore que si une convention de servitude peut permettre au GRD d'implanter un CCPI sur une voie privée, il n'y a pas lieu d'interdire à un demandeur l'installation d'une dérivation individuelle sur la même voie privée, après conclusion d'une convention de servitude appropriée entre les indivisaires. Dans les deux cas, la sécurité est préservée dès lors que le CCPI demeure accessible depuis la voie publique.



200.La portée de l'argument évoqué par Enedis tenant à l'harmonisation sur l'ensemble du territoire de l'emplacement des coffrets de coupure doit par ailleurs être relativisé dans la mesure où, en l'espèce, il ressort de la décision 07-38-21 du 17 mai 2021 que la norme NF C 14- 100, dans sa rédaction antérieure à 2008, a permis aux voisins des consorts [Y] de bénéficier d'un raccordement de type 2 (point 29 de la décision).



201.En troisième lieu, la proposition défendue par Elec'Chantier n'apparaît nullement contraire aux objectifs poursuivis par la réglementation. Il convient sur ce point de se reporter aux articles 1 à 4 de l'arrêté du 3 août 2016, reproduits au paragraphe 11 du présent arrêt.



202.Il résulte de ces dispositions, s'agissant des seuls « ouvrages de branchement du réseau public de distribution d'électricité à basse tension des bâtiments d'habitation neufs », que (soulignement ajouté) :



' les ouvrages de branchement des bâtiments d'habitation neufs répondent aux « caractéristiques fixées par le présent arrêté afin d'assurer la sécurité des personnes » et leur « bon fonctionnement » (article 1er) ;



' les ouvrages de branchement (se situant sur la parcelle privative) « sont conçus et réalisés selon les prescriptions des articles 5 à 76 bis de l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique » (article 3) ;



' « les ouvrages de branchement mentionnés à l'article 3, conçus et réalisés selon les prescriptions de la norme NF C 14-100 de 2008 et ses amendements A1 à A3, sont présumés satisfaire aux objectifs du présent arrêté » (article 4, alinéa 1er).



203.La Cour déduit de ces dispositions que les ouvrages de branchement doivent, d'une part, être conformes « aux caractéristiques fixées par le présent arrêté afin d'assurer la sécurité des personnes et le bon fonctionnement de l'ouvrage de branchement » (art. 1), d'autre part, satisfaire aux « objectifs du présent arrêté » (art. 4, al. 1), et qu'il convient pour que ces deux exigences soient satisfaites que les ouvrages en cause soient « conçus et réalisés selon les prescriptions des articles 5 à 76 bis de l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique » (art. 3).



204.En effet, aucun « objectif », autre que le respect des dispositions précitées de l'arrêt du 17 mai 2001, n'est assigné par l'arrêté à la conception et la réalisation des ouvrages de branchement, alors qu'à l'inverse, l'article 2 de l'arrêté énonce explicitement des objectifs (les « six règles fondamentales ») qui commandent spécifiquement la conception et la réalisation des installations électriques des bâtiments.



205.En conséquence, la Cour considère que la proposition d'Elec'Chantier, sous réserve de la conclusion d'une convention de servitude, est conforme aux points 5.1.2 et 8.1 de la norme NF C 14- 100 et satisfait aux objectifs des arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016.



206.En quatrième lieu, la Cour considère que dans l'hypothèse d'une solution de raccordement fondée sur un branchement de type 2 comprenant l'installation d'un CCPI en bordure du domaine public, il n'y aurait pas lieu, pour déterminer si la chute de tension demeure inférieure au seuil de 2 % prévu par les prescriptions de la norme NF C 14-100, de prendre en compte les installations situées en aval des bornes de sortie du disjoncteur adossé au CCPI, dès lors que ces dernières seraient, alors, des installations intérieures régies par la norme NF C 15-100. Par suite, le motif tiré de la nécessité de limiter la chute de tension à 2 % sur la longueur du branchement ne peut s'opposer à la mise en 'uvre de la proposition défendue par Elec'Chantier.



207.En cinquième lieu, la Cour relève qu'en l'absence de tout chiffrage figurant au dossier, il n'est pas établi que la proposition qu'Elec'Chantier préconise constituerait mieux que celle de la société Enedis l'opération de raccordement de référence.



208.En conclusion, il ne résulte pas du dossier que la proposition d'Elec'Chantier ne serait pas conforme au référentiel normatif en vigueur, ni qu'elle emprunterait un tracé qui ne serait pas techniquement ou administrativement réalisable, ni, enfin, qu'elle ne serait pas susceptible de constituer la solution minimisant la somme des coûts de branchement et d'extension au sens des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007 précédemment citées.





Conclusion



209.En conclusion des développements qui précèdent, il y a lieu d'enjoindre à Enedis et au SDEER pour régler le présent différend :



' d'étudier l'opération de raccordement présentée par Elec'Chantier,



' de réaliser, chacun pour ce qui le concerne, une étude permettant de déterminer l'opération de raccordement de référence, en transmettant tous les éléments nécessaires à la bonne et complète information d'Elec'Chantier ;



' d'établir une proposition de raccordement conjointe.



210.La Cour précise que pour ces études, Enedis et le SDEER n'auront pas, pour calculer la chute de tension admissible, à tenir compte de l'installation électrique située en aval des bornes de sortie du disjoncteur.



211.Il y a lieu d'enjoindre à Enedis de transmettre à Elec'Chantier la proposition de raccordement élaborée avec le SDEER.



212.Il y a lieu également d'enjoindre à Elec'Chantier de transmettre à Enedis et au SDEER l'accord de l'ensemble des propriétaires des parcelles indivises en vue de l'établissement de deux conventions de servitude, l'une avec le SDEER en vue de la réalisation de la proposition d'Enedis, l'autre aux fins de réalisation de la proposition des consorts [Y].



213.En cas d'impossibilité de recueillir le consentement de l'un des indivisaires à l'une ou l'autre de ces conventions de servitude, ou en cas de refus, il incombera à Elec'Chantier de constater ce fait par tout moyen et d'en informer Enedis et le SDEER.



214.La société Enedis, le SDEER et Elec'Chantier exécuteront ces injonctions dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.



215.En cas de persistance du différend, la partie la plus diligente pourra saisir le CoRDIS afin qu'il apprécie les mérites respectifs des solutions en concours sur la base des nouvelles pièces et études qui auront été réunies et menées.





VII. SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE





216.Au regard de l'ensemble des éléments du dossier, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de rejeter leurs demandes respectives formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.









PAR CES MOTIFS





CONSTATE que le Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime a renoncé à demander sa mise hors de cause ;



DÉCLARE irrecevables les demandes et moyens figurant dans les mémoires en réponse du Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime ;



REJETTE le moyen pris de l'irrecevabilité de la saisine du CoRDIS par la société Elec'Chantier 44 en application du principe de l'autorité de la chose jugée ;



REJETTE le moyen pris de la violation par le CoRDIS du droit à un procès équitable ;



DIT que le moyen tiré de la dénaturation de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 est fondé ;



En conséquence,



ANNULE la décision du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de la régulation de l'énergie n° 14-38-21 du 8 février 2022 sur le différend qui oppose la société Enedis à la société Elec'Chantier 44 relatif au raccordement d'une installation de consommation au réseau public de distribution d'électricité ;





DIT y avoir lieu pour la Cour d'exercer son pouvoir d'évocation ;



En conséquence,



DÉCLARE que l'opération de raccordement présentée par la société Elec'Chantier 44, sous réserve de la conclusion d'une convention de servitude, est conforme aux points 5.1.2 et 8.1 de la norme NF C 14- 100 et satisfait aux objectifs des arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 ;



ENJOINT à la société Enedis et au Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime, pour régler le présent différend :



' d'étudier l'opération de raccordement présentée par la société Elec'Chantier 44,



' de réaliser, chacun pour ce qui le concerne, une étude permettant de déterminer l'opération de raccordement de référence, en transmettant tous les éléments nécessaires à la bonne et complète information de la société Elec'Chantier 44 ;



' d'établir une proposition de raccordement conjointe ;



PRÉCISE que pour ces études, la société Enedis et le Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime n'auront pas, pour calculer la chute de tension admissible, à tenir compte de l'installation électrique située en aval des bornes de sortie du disjoncteur ;



ENJOINT à la société Enedis de transmettre à la société Elec'Chantier 44 la proposition de raccordement élaborée avec le Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime ;



ENJOINT à la société Elec'Chantier 44 de transmettre à la société Enedis et au Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime l'accord de l'ensemble des propriétaires des parcelles indivises en vue de l'établissement de deux conventions de servitude, l'une avec le Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime en vue de la réalisation de la proposition de la société Enedis, l'autre aux fins de réalisation de la proposition des consorts [Y] ;



DIT qu'en cas d'impossibilité de recueillir le consentement de l'un des indivisaires à l'une ou l'autre de ces conventions de servitude, ou en cas de refus, il incombera à la société Elec'Chantier 44 de constater ce fait par tout moyen et d'en informer la société Enedis et le Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime ;



DIT que la société Enedis, le Syndicat départemental d'électricité et d'équipement rural de la Charente Maritime et la société Elec'Chantier 44 exécuteront ces injonctions dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ;





DIT qu'en cas de persistance du différend, la plus diligente des parties pourra saisir le CoRDIS afin qu'il apprécie les mérites respectifs des solutions en concours sur la base des nouvelles pièces et études qui auront été réunies et menées ;



REJETTE toute autre demande, plus ample ou contraire ;



DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et rejette leurs demandes respectives formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.









LE GREFFIER,











Valentin HALLOT

LA PRÉSIDENTE,











Isabelle FENAYROU

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