15 février 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/20095

Pôle 5 - Chambre 7

Texte de la décision

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 7



ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2024



(n° 4, 25 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/20095 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEV5M



Décision déférée à la Cour : Décision du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n° 09-38-21 rendue le 13 octobre 2021







REQUÉRANTE :



ENEDIS S.A.

Prise en la personne de sa présidente du directoire

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 444 608 442

Dont le siège social est au [Adresse 7]

[Localité 12]



Élisant domicile au cabinet PELLERIN-DE MARIA-GUERRE

[Adresse 3]

[Localité 10]



Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Maîtres Anne-Laure-Hélène DES YLOUSES, Paul PEYRET et Lauren MECHRI du CABINET FIELDFISHER, avocats au barreau de PARIS, toque : D1148







DÉFENDERESSE AU RECOURS :



ELEC'CHANTIER 44 S.A.S.

Prise en la personne de son président,

Agissant comme mandataire de Monsieur et Madame [H] et [L] [T] demeurant [Adresse 4] [Localité 9]

Immatriculée au RCS de la Rochelle sous le n° 515 249 704

Dont le siège social est au [Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 2]



Représentée par Me Alexandre DUVAL-STALLA de la SELARL DUVAL-STALLA & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : J128

Assistée de Me Mounir MEDDEB de la SELEURL MEDDEB - ENERGIE-LEGAL SELARLU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0928











EN PRÉSENCE DE :



LA COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

Prise en la personne du président du Comité de règlement des différends et des sanctions

[Adresse 1]

[Localité 11]



Représentée par Me Ludovic CUZZI de la SELARL PARME AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R272







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 30 novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :



' Madame Isabelle FENAYROU, présidente de chambre, présidente,

' Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre,

' M. Gildas BARBIER, président de chambre,



qui en ont délibéré.





GREFFIER, lors des débats : M. Valentin HALLOT



MINISTÈRE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par M. Stephen ALMASEANU, substitut général





ARRÊT PUBLIC :



' contradictoire,



' prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



' signé par Mme Isabelle FENAYROU, présidente de chambre et par M. Valentin HALLOT, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.









Vu la déclaration de recours, comprenant un exposé sommaire des moyens, déposée au greffe de la Cour, le 22 novembre 2021, par la société Enedis, contre la décision du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de la régulation de l'énergie n° 09-38-21 du 13 octobre 2021, notifiée le 21 octobre, reçue le 22, sur le différend qui oppose la société Enedis à la société Elec'Chantier 44, relatif au raccordement d'une installation de consommation au réseau public de distribution d'électricité ;



Vu le mémoire à l'appui de la déclaration de recours déposé au greffe de la Cour le 22 décembre 2021 par la société Enedis ;



Vu les observations en défense n° 1 déposées au greffe de la Cour le 8 juin 2022 par la société Elec'Chantier 44 ;



Vu les observations de la Commission de régulation de l'énergie déposées au greffe de la Cour le 8 novembre 2022 ;



Vu les observations en réplique déposées au greffe de la Cour le 29 mars 2023 par la société Enedis ;



Vu les conclusions récapitulatives déposées au greffe de la Cour le 4 septembre 2023 par la société Enedis ;



Vu l'avis du ministère public du 24 novembre 2023, communiqué le même jour aux parties et à la Commission de régulation de l'énergie ;



Après avoir entendu à l'audience publique du 30 novembre 2023 les conseils des sociétés Enedis et Elec'Chantier 44, le représentant de la Commission de régulation de l'énergie et le ministère public.









SOMMAIRE








FAITS ET PROCÉDURE

§ 1



Notions techniques

§ 1



Textes régissant les branchements

§ 6



La demande de M. et Mme [T] et la proposition de la société Enedis

§ 18



Les échanges ultérieurs entre les parties et le différend devant le CoRDIS

§ 25



Le recours entrepris

§ 38






MOTIVATION

§ 42





I. SUR L'IRRECEVABILITÉ DE LA SAISINE DU CORDIS PAR ELEC'CHANTIER POUR DÉFAUT D'INTÉRÊT À AGIR

§ 42





II. SUR LA VIOLATION PAR LE CORDIS DU DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE

§ 60





A. Sur la première branche du moyen, prise du manquement au devoir d'impartialité

§ 63



B. Sur la deuxième branche du moyen, prise de l'inversion de la charge de la preuve

§ 74



C. Sur la troisième branche du moyen, prise de la violation de l'interdiction de statuer ultra petita

§ 88



D. Sur la quatrième branche du moyen, prise du caractère tardif de la décision attaquée

§ 95





III. SUR LA DÉNATURATION DES TERMES DE L'ARTICLE 4 DE L'ARRÊTÉ DU 3 AOÛT 2016 PORTANT RÉGLEMENTATION DES INSTALLATIONS ÉLECTRIQUES DES BÂTIMENTS D'HABITATION

§ 106





IV. SUR L'EXERCICE PAR LA COUR DE SON POUVOIR D'ÉVOCATION

§ 128



V. SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

§ 130





PAR CES MOTIFS

§ 130















































FAITS ET PROCÉDURE





Notions techniques



1.Les principales notions techniques nécessaires à la compréhension de l'affaire sont les suivantes.



2.Un branchement est constitué par l'établissement d'une liaison par câble électrique entre le réseau public de distribution (ci-après, « RPD ») et l'appareil général de commande et de protection (ci-après, « AGCP »). Le point de livraison (ci-après, « PDL ») se trouve aux bornes aval de l'AGCP.



3.Entre le RPD et l'AGCP, se trouve le coupe-circuit principal individuel (ci-après, « CCPI »), dont la fonction est de séparer les installations des utilisateurs du RPD. La partie de l'installation située entre le RPD et le CCPI est dénommée « liaison au réseau ». La partie de l'installation située entre le CCPI et l'AGCP est dénommée « dérivation individuelle ».



4.Il existe deux types de branchements (types 1 et 2). Dans le cas d'un branchement de type 1, le point de livraison se trouve dans les locaux de l'utilisateur, selon le schéma ci-dessous.



5.Dans le cas d'un branchement de type 2, le point de livraison ne se trouve pas dans les locaux de l'utilisateur, et se trouve en général placé en limite de la parcelle à raccorder, selon le schéma ci-dessous. Un dispositif supplémentaire est alors installé dans les locaux de l'utilisateur afin d'assurer la coupure d'urgence et le sectionnement.







Textes régissant les branchements



6.Les textes régissant le raccordement au réseau public de maisons individuelles, comme en l'espèce, sont les suivants :



' l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique (ci-après, « l'arrêté du 17 mai 2011 ») ;



' l'arrêté du 28 août 2007 fixant les principes de calcul de la contribution mentionnée aux articles 4 et 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (ci-après, « l'arrêté du 28 août 2007 ») ;



' l'arrêté du 3 août 2016 portant réglementation des installations électriques des bâtiments d'habitation (ci-après, « l'arrêté du 3 août 2016 ») ;



' la norme publiée par l'AFNOR référencée NF C 14-100 (ci-après, « la norme NF C 14-100 »).



7.L'arrêté du 17 mai 2001 constitue le cadre qui fixe les principes généraux de la construction des ouvrages de distribution d'électricité. Les articles 5 à 76 bis de cet arrêté sont visés à l'article 3 de l'arrêté du 3 août 2016.



8.L'article 4 de cet arrêté énonce que « les dispositions techniques adoptées pour les ouvrages, ainsi que les conditions de leur exécution et de leur entretien, doivent être conformes aux règles de l'art ; elles doivent assurer d'une façon générale le maintien de l'écoulement des eaux, de l'accès des maisons et des propriétés, des télécommunications, de la sécurité et de la commodité de la circulation sur les voies publiques empruntées, la sauvegarde de la flore, de la faune, des paysages, la sécurité des services publics, la sécurité des personnes et la santé publique ».



9.Son article 7 prévoit que « les installations des clients doivent pouvoir être séparées du réseau par un dispositif de sectionnement qui peut être à fonctionnement hors charge », dispositif qui correspond au CCPI. Son article 37 précise notamment que « les canalisations électriques doivent être protégées contre les avaries que pourraient leur occasionner le tassement des terres, le contact des corps durs et le choc des outils métalliques à main ».



10.L'arrêté du 28 août 2007 contient un article 1er et un article 5 ainsi rédigés (soulignements ajoutés) :



« Article 1



Pour l'application du présent arrêté, une opération de raccordement de référence est un ensemble de travaux sur le Réseau Public de Distribution et, le cas échéant, sur les réseaux publics d'électricité auquel ce dernier est interconnecté :



(i) nécessaire et suffisant pour satisfaire l'évacuation ou l'alimentation en énergie électrique des installations du demandeur à la puissance de raccordement demandée ;

(ii) qui emprunte un tracé techniquement et administrativement réalisable, en conformité avec les dispositions du cahier des charges de la concession ou du règlement de service de la régie ;

(iii) et conforme au référentiel technique publié par le gestionnaire du réseau public de distribution.

L'opération de raccordement de référence minimise la somme des coûts de réalisation des ouvrages de raccordement énumérés aux articles 1 et 2 du décret du 28 août 2007 susvisé, calculés à partir du barème ['].» .



« Article 5

['] Les dispositions des deux alinéas précédents [relatives au montant de certaines contributions] ne s'opposent pas à ce que le gestionnaire du réseau de distribution réalise une opération de raccordement différente de l'opération de raccordement de référence. Si le gestionnaire du réseau de distribution la réalise à son initiative, il prend à sa charge tous les surcoûts qui pourraient en résulter. S'il la réalise à la demande de l'utilisateur qui demande à être raccordé, ce dernier prend à sa charge tous les surcoûts éventuels. ['] ».



11.L'arrêté du 3 août 2016 contient notamment les dispositions suivantes (soulignement ajouté) :



« Article 1

Le présent arrêté s'applique aux installations électriques des bâtiments d'habitation neufs et aux ouvrages de branchement du réseau public de distribution d'électricité à basse tension des bâtiments d'habitation neufs, de la limite de propriété jusqu'aux socles de prises de courant ou jusqu'aux bornes d'alimentation des matériels d'utilisation ou des équipements alimentés par des canalisations fixes.

Les installations électriques et les ouvrages de branchement de ces bâtiments répondent aux caractéristiques fixées par le présent arrêté afin d'assurer la sécurité des personnes et le bon fonctionnement de l'installation électrique et de l'ouvrage de branchement. ».



« Article 2

Les installations électriques des bâtiments d'habitation sont conçues et réalisées selon les six règles fondamentales suivantes :

1- L'installation électrique garantit la protection des personnes contre les dangers pouvant résulter d'un contact avec des masses en cas de défaut (contacts indirects). Pour atteindre cet objectif, [suivent des prescriptions techniques]

2 - L'installation électrique protège les personnes contre les dommages de températures trop élevées ou de contraintes mécaniques dues à des surintensités susceptibles de se produire dans les conducteurs actifs. Pour atteindre cet objectif, [suivent des prescriptions techniques]

3 - Les circuits terminaux garantissent la sécurité des personnes et le bon fonctionnement de l'installation électrique. Pour atteindre cet objectif, [suivent des prescriptions techniques]

4 - La distribution électrique est organisée et sécurisée. Pour atteindre cet objectif, [suivent des prescriptions techniques]

5 - L'installation électrique protège les personnes contre les risques pouvant résulter d'un contact avec les parties actives dangereuses (contact direct). Pour atteindre cet objectif, [suivent des prescriptions techniques]

6 - L'installation électrique limite les risques d'incendie, limite la propagation du feu et de la fumée, contribue à la sécurité des occupants et à l'intervention des secours, et, le cas échéant, assure le fonctionnement des installations de sécurité. Pour atteindre cet objectif, [suivent des prescriptions techniques] ».



« Article 3

Les ouvrages de branchement se situant sur la parcelle privative sont conçus et réalisés selon les prescriptions des articles 5 à 76 bis de l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique. » .







« Article 4

Les installations électriques des bâtiments d'habitation mentionnées à l'article 2 du présent arrêté, conçues et réalisées selon les prescriptions du titre 10 de la norme NF C 15-100 de 2002, la mise à jour de 2005 de la norme NF C 15-100 de 2002 et ses amendements A1 à A5, et les ouvrages de branchement mentionnés à l'article 3, conçus et réalisés selon les prescriptions de la norme NF C 14-100 de 2008 et ses amendements A1 à A3, sont présumés satisfaire aux objectifs du présent arrêté.



Toute autre norme équivalente peut être utilisée dès lors qu'elle permet d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment. ».



12.La norme NF C 14-100 « traite de la conception et de la réalisation des installations de branchement du domaine basse tension comprise entre le point de raccordement au réseau et le point de livraison » (pièce 19, Enedis).



13.Ce document précise (page 2) les règles qui doivent régir son interprétation (« Pour comprendre les normes »). Il indique ainsi (caractères gras dans le texte original, soulignements ajoutés) que « [s]eules les formes verbales doit et doivent sont utilisées pour exprimer une ou des exigences qui doivent être respectées pour se conformer au présent document. (') En outre, le présent document peut fournir des renseignements supplémentaires destinés à faciliter la compréhension ou l'utilisation de certains éléments ou à en clarifier l'application, sans énoncer d'exigence à respecter. Ces éléments sont présentés sous forme de notes ou d'annexes informatives ».



14.Le point 3.2.6.2, relatif au branchement individuel à puissance limitée « type 2 » (point de livraison en dehors des locaux de l'utilisateur), précise que « [L'AGCP] est alors placé en général à proximité du CCPI (sur la parcelle dont l'utilisateur a l'exclusivité de l'usage) ».



15.Le point 5.1.2, concernant la fonction et l'emplacement du coupe-circuit principal, indique que « [le CCPI'] doivent être accessibles à tout moment aux agents du gestionnaire du réseau de distribution. [Le CCPI] est 'placé sur une paroi verticale et accessible depuis le domaine public, sans franchissement d'accès contrôlé' ». « Un accès contrôlé peut être une porte verrouillée (à code, à clef, etc.) ». (soulignement ajouté)



16.Le point 8.1 (dérivation individuelle, caractéristiques générales) dispose que « [la] dérivation se trouve dans un domaine privé ou dans une enceinte close. Son parcours ne doit pas empiéter sur des domaines privés (terrains et locaux) autres que celui desservi ». (soulignement ajouté)



17.Le point 8.2 (dérivation individuelle d'un branchement individuel) ajoute que « [d]ans le cas d'un branchement individuel à puissance limitée de type 2 (voir 3.2.6.2), le point de livraison se trouve en dehors des locaux de l'utilisateur, à l'entrée de sa propriété. »





La demande de M. et Mme [T] et la proposition de la société Enedis



18.M. et Mme [T] sont propriétaires d'une parcelle cadastrée ZE [Cadastre 5], située sur le territoire de la Commune de [Localité 13] (17), desservie par une voie de passage privée, cadastrée ZE [Cadastre 6], dont les époux [T] sont propriétaires indivis avec M. et Mme [S].



19.La société Elec'Chantier (ci-après, « Elec'Chantier » a pour activité la distribution d'électricité provisoire sur les chantiers et la gestion des démarches relatives aux demandes de raccordements provisoires et de raccordements définitifs.



20.M. et Mme [T] l'ont mandatée au mois de septembre 2020 aux fins d'effectuer, en leur nom et pour leur compte, les démarches nécessaires pour le raccordement de leur pavillon au réseau de distribution d'électricité (pièce 3, Elec'Chantier, « mandat spécial de représentation » daté des 8 et 23 septembre 2020).



21.En vertu de ce mandat, Elec'Chantier 44 a déposé le 1er octobre 2020 (pièce 5, Elec'Chantier) une demande de raccordement définitif en électricité auprès de la société Enedis (ci-après « Enedis » ou « le gestionnaire de réseau ») pour un pavillon neuf isolé tendant à la réalisation d'un branchement de type 2 dont le CCPI serait situé en limite de domaine public, en bordure de la parcelle cadastrée n° ZE [Cadastre 6].



22.Par un courrier électronique en date du 28 décembre 2020, Enedis a adressé à M. et Mme [T], avec copie à Elec'Chantier, une proposition de raccordement pour la création d'un branchement de type 2 prévoyant l'implantation du CCPI et de l'AGCP en limite de la parcelle n° ZE [Cadastre 5], donc en dehors du pavillon (pièce 6, Elec'Chantier).



23.Enedis a également communiqué un projet de convention de servitude portant sur la parcelle n° ZE [Cadastre 6], qui devait être signée par M. et Mme [S]. Ce projet tendait à reconnaître à Enedis le droit d'établir dans une bande d'un mètre de large, une canalisation souterraine sur une longueur de dix-sept mètres, ainsi que ses accessoires. Elle précisait que les propriétaires de la parcelle renonçaient à demander l'enlèvement ou la modification des ouvrages précité (pièce 6, Elec'Chantier).



24.Les deux propositions peuvent se résumer dans le schéma suivant :



Les échanges ultérieurs entre les parties et le différend devant le CoRDIS



25.Par un courrier électronique en date du 4 janvier 2021, Elec'Chantier a indiqué à Enedis, notamment, que l'emplacement prévu pour le CCPI dans la proposition de raccordement ne correspondait pas à sa demande (pièce 7, Elec'Chantier).



26.Par un courrier électronique en date du 25 janvier 2021, Enedis a maintenu sa proposition de branchement, la justifiant par la norme NF C 14-100, et en particulier son article 8.1, qui précise que le parcours de la dérivation individuelle ne doit pas empiéter sur des domaines privés autres que celui desservi. Elle a joint à ce courriel un projet de convention de servitude modifié, considérant que « le chemin d'accès étant en indivision, seule la signature des propriétaires indivis, M. et Mme [T], est nécessaire » (pièce 8, Elec'Chantier).



27.Les 3 et 4 février 2021, Mme. et M. [T] ont accepté la proposition de raccordement, signé le projet de convention de servitude, et ont réglé un acompte (pièce 14, Elec'Chantier).



28.Par un courrier électronique en date du 9 février 2021, Elec'Chantier 44 a, par ailleurs et de nouveau, contesté la solution technique présentée par Enedis ainsi que la nécessité de signer une convention de servitude (pièce 9, Elec'Chantier).



29.Par un courrier électronique en date du 23 février 2021, Enedis a informé Mme et M. [T], avec copie à Elec'Chantier 44, que les travaux devaient être réalisés le 18 mars 2021 (pièce 13, Elec'Chantier).



30.Par un courrier électronique en date du 9 mars 2021, Elec'Chantier 44 a informé Enedis qu'elle méconnaissait le mandat de représentation accordé à la première par Mme et M. [T] (pièce 11, Elec'Chantier).



31.Par un courrier électronique du même jour, Enedis s'est engagée à ne pas réaliser les travaux prévus pour le 18 mars 2021 et à annuler le devis et la convention de servitude (pièce 30, Elec'Chantier).



32.Par un courrier électronique en date du 12 mars 2021, Enedis a confirmé l'application de la norme NF C 14-100 pour le raccordement de la parcelle n° ZE [Cadastre 5] et a maintenu sa demande qu'une convention de servitude soit signée par Mme et M. [T] (pièce 36, Elec'Chantier).



33.En réponse, par un courrier électronique en date du 22 mars 2021, Elec'Chantier a informé Enedis qu'elle entendait saisir le comité de règlement des différends et sanctions (ci-après, le « CoRDiS » ou « le comité ») de la Commission de la régulation de l'énergie (ci-après, « la CRE ») afin d'obtenir « un branchement de type 2 à l'emplacement souhaité par [s]es clients et ce sans convention de servitude » (pièce 36, Elec'Chantier).



34.Le 16 avril 2021, Elec'Chantier a saisi le CoRDiS d'une demande de règlement de différend dirigée contre Enedis, et tendant notamment à ce que le comité :



' se déclare compétent pour statuer sur la demande de règlement du différend qui oppose, d'une part, Mme et M. [T] et, d'autre part, Enedis Poitou-Charentes ;



' déclare recevables et fondées la saisine et toutes les autres prétentions de la société Elec'Chantier 44 représentant Mme et M. [T] ;



' enjoigne à Enedis Poitou-Charentes de réaliser un branchement de type 2 mais avec le CCPI situé en limite de domaine public, en bordure de la parcelle cadastrée n° ZE [Cadastre 6], pour le raccordement de la construction de Mme et M. [T] située sur la parcelle cadastrée n° ZE [Cadastre 5], sans conclusion d'une convention de servitude ;



' à titre subsidiaire, enjoigne à Enedis Poitou-Charentes de respecter ses obligations de service public, conformément au code de l'énergie, au code de bonne conduite et à la documentation technique de référence.



35.Enedis a demandé au comité de :



' déclarer irrecevable la saisine d'Elec'Chantier pour défaut d'intérêt et de qualité à agir ;



' donner acte à Enedis que la solution de raccordement qu'elle propose correspond à l'opération de raccordement de référence applicable au cas d'espèce et à la seule opération de raccordement possible ;



' rejeter toutes les demandes, moyens, fins et prétentions d'Elec'Chantier.



36.Par sa décision n° 09-38-21 du 13 octobre 2021, le CoRDiS a enjoint à la société Enedis « de produire une proposition de raccordement se fondant sur l'opération de raccordement de référence et qui est effectivement réalisable au regard de la demande de raccordement ». Il a notamment retenu :



' que faute de convention de servitude consentie par les époux [T], le tracé retenu par Enedis n'était pas administrativement possible (points 27, 28), ladite convention devant au demeurant être signée par l'ensemble des propriétaires indivis (points 15, 28) ;



' que la solution technique exposée par la société Enedis ne saurait constituer l'opération de raccordement de référence (point 28, in fine) ;



' que la norme NF C 14-100 n'est plus d'application obligatoire depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 août 2016, tandis que les ouvrages de branchement doivent répondre aux caractéristiques fixées par cet arrêté (point 12) ;



' que la société Enedis ne démontre pas que l'implantation du CCPI et de l'AGCP en bordure du domaine public sur la parcelle n° ZE [Cadastre 6] ne satisferait pas aux objectifs fixés par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 (solution retenue, incidemment pour les voisins) (point 23).



37.À la suite de cette décision, Enedis a adressé le 19 novembre 2021 à Elec'Chantier une proposition de raccordement portant sur la réalisation d'un branchement de type 2 avec implantation du coupe-circuit principal individuel en limite du domaine public, sur la parcelle n° ZE [Cadastre 6]. Cette proposition a été signée par M. et Mme [T] le 23 novembre 2021 et les travaux de raccordement définitifs ont été réalisés le 31 janvier 2022.





Le recours entrepris



38.Enedis a formé un recours à l'encontre de la décision du CoRDIS par lequel elle a demandé à la Cour de l'annuler ou de la réformer.



39.Aux termes de ses dernières écritures, Enedis demande à la Cour :



' de rejeter les demandes et prétentions d'Elec'Chantier ;



' de constater que la solution technique de raccordement initiale proposée par Enedis correspond à l'opération de raccordement de référence ;



' de constater que cette solution est la seule à garantir le respect des exigences qui s'imposent à Enedis conformément aux dispositions légales et règlementaires en vigueur ;



' de constater que l'arrêté du 3 août 2016 portant réglementation des installations électriques des bâtiments d'habitation impose de recourir à une norme équivalente et non pas à toute autre solution répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 ;



' de constater que ni Elec'Chantier, ni le CoRDiS n'ont été en mesure de rapporter la preuve de l'existence d'une quelconque autre norme équivalente à la norme NF C 14-100 et qu'Enedis ne pouvait donc que se fonder sur la norme NF C 14-100 ;



' de constater que le CoRDiS ne pouvait déduire des termes de l'arrêté du 3 août 2016 portant réglementation des installations électriques des bâtiments d'habitation qu'il était possible d'utiliser toute autre solution technique ;



' de constater que le refus des propriétaires de la parcelle privative sur laquelle doivent être implantés des ouvrages de réseau public pour le raccordement d'une parcelle enclavée de signer une convention de servitude n'est pas de nature à écarter le caractère administrativement réalisable du tracé du fait de l'existence de la servitude légale prévue par le code de l'énergie ;



' de constater qu'Enedis n'était pas en mesure de proposer une autre solution de raccordement.



' et en tout état de cause, de condamner Elec'Chantier au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



40.Elec'Chantier demande à la Cour :



' de rejeter l'ensemble des moyens et demandes d'Enedis ;



' de confirmer la décision du CoRDIS n° 09-38- 21 en date du 13 octobre 2021 ;



' de condamner Enedis à lui verser la somme de 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



' de condamner Enedis aux entiers dépens.



41.La CRE invite la Cour à rejeter les conclusions de la société Enedis et à confirmer la décision n° 09-38-21 du CoRDiS en date du 13 octobre 2021.









MOTIVATION





I. SUR L'IRRECEVABILITÉ DE LA SAISINE DU CORDIS PAR ELEC'CHANTIER POUR DÉFAUT D'INTÉRÊT À AGIR



42.Dans la décision attaquée (point 4), le CoRDiS a décidé que le différend opposant Enedis, en sa qualité de gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité, et la société Elec'Chantier, agissant au nom et pour le compte de Mme et M. [T], utilisateurs de ce réseau et demandeurs au raccordement, était né et existant à la date de la saisine du comité. Il a précisé qu'Elec'Chantier représentait ses clients tant auprès d'Enedis en vertu d'un mandat exprès du 23 septembre 2020, que devant le CoRDiS en vertu d'un mandat de représentation en date du 17 mars 2021 « dont les termes, l'objet et la finalité l'habilitaient à saisir le CoRDiS du présent différend et à représenter valablement Mme et M. [T] devant le comité ».



43.Enedis soutient qu'au jour de la saisine du CoRDiS, le 16 avril 2021, M. et Mme [T] avaient signé la proposition de raccordement d'Enedis (3 février 2021), et qu'il n'existait ainsi à cette date, aucun différend portant sur l'accès au réseau ou sur le contrat, selon les dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie. Ils n'avaient dès lors aucun intérêt à agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile.



44.Le gestionnaire de réseau ajoute que le mandat dont Elec'Chantier disposait ne lui permettait pas d'agir devant le CoRDiS dans le cadre d'une procédure de règlement de différend, le mandat visant des « manquements », ce qui correspond à la procédure de sanctions de l'article L. 134-25 du code de l'énergie et non à celle de règlement de différends fondée sur l'article L. 134-19 du même code.



45.Elec'Chantier réplique qu'à la date de la saisine du CoRDiS, le différend était en cours, puisque la proposition que M. et Mme [T] avaient signée le 3 février 2021 avait immédiatement été contestée par leur mandataire et qu'Enedis avait confirmé, le 13 avril 2021, son annulation et le remboursement de l'acompte versé.



46.Elec'Chantier ajoute qu'elle était titulaire d'un pouvoir spécial, daté du 17 mars 2021, par lequel M. et Mme [T] lui avaient donné tout pouvoir pour les représenter devant le CoRDiS et faire cesser les manquements d'Enedis.



47.La CRE, reprenant la chronologie des échanges entre les parties, rappelle que M. et Mme [T] étaient revenus sur leur accord et qu'Enedis avait accepté l'annulation de cet accord plus d'un mois avant la saisine du CoRDiS, et qu'ainsi, à la date du 16 avril 2021, le différend était né et existant.



48.Elle ajoute que les mandats donnés à Elec'Chantier par M. et Mme [T] étaient clairs, le pouvoir de représentation du 17 mars 2021 habilitant la société prestataire à saisir le comité.



49.Le ministère public partage l'analyse de la CRE.









Sur ce, la Cour :



50.L'article L. 134-19 du code de l'énergie dispose notamment que « [l]e comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ou de réseaux fermés de distribution d'électricité [']. Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats ['] ».



51.En premier lieu, il est avéré que la détermination de la solution technique permettant l'accès au réseau d'électricité de M. et Mme [T] est à l'origine de la présente affaire. Il résulte des différents échanges entre les parties, rappelés précédemment (§ 21 à § 30 du présent arrêt), que M. et Mme [T] et Elec'Chantier, d'une part, Enedis, d'autre part, ont soutenu des solutions de raccordement divergentes quant à l'emplacement du CCPI.



52.Enedis ne saurait arguer utilement de ce que M. et Mme [T] avaient accepté sa proposition le 3 février 2021 dès lors qu'elle a accepté l'annulation de cet accord de façon parfaitement explicite le 9 mars 2021 (pièce 30, Elec'Chantier), ainsi qu'il ressort d'un courriel adressé à Elec'Chantier et rédigé dans les termes suivants : « Je vous confirme par la présente que nous [nous] engageons à annuler les travaux prévus le 18 mars. Je vous confirme que nous nous engageons à annuler le devis et la convention de servitude. La situation constitue une erreur manifeste de nos services sans volonté de malveillance ou de tromperie. Ayant eu M. ['] hier soir, je me suis engagé auprès de lui sur ce sujet en y ajoutant nos excuses sans équivoques ».



53.Il ressort implicitement de ce courriel du 9 mars qu'Enedis a admis qu'à cette date, Elec'Chantier représentait valablement M. et Mme [T] vis-à-vis d'elle.



54.L'accord signé le 3 février 2021 était ainsi caduc au 16 avril 2021, ce qui laissait subsister toute entière l'opposition entre les parties. Cette opposition sur la solution technique s'analyse en un différend portant sur l'accès au réseau d'électricité au sens de l'article L. 134-19 précité.



55.En second lieu, M. et Mme [T], par un acte signé le 17 mars 2021 et dénommé « Pouvoir spécial de représentation » (pièce 1, Elec'Chantier), ont, selon les termes du document, donné « tous pouvoirs » à Elec'Chantier « à l'effet, de :



' [les] représenter dans le cadre du litige qui [les] oppose à Enedis et particulièrement les manquements constatés dans le traitement de notre demande de raccordement définitif,



' accomplir tous les actes de procédure nécessaires pour faire cesser ces manquements d'Enedis, produire toutes pièces justificatives, effectuer tous dépots de pièces, signer tous documents,



' et de [les] représenter aux audiences ou convocations du CoRDiS de la CRE sur la demande formée contre Enedis ».



56.Il résulte de ce document parfaitement clair, même s'il ne mentionne pas explicitement le terme de « différend », que M. et Mme [T] ont donné mandat à Elec'Chantier aux fins de les représenter devant le CoRDiS dans le cadre de la procédure en règlement de différend qui les opposait à Enedis.



57.Cette dernière ne saurait valablement soutenir que cet acte aurait pu avoir une autre portée, du fait de l'emploi du terme « manquement ». En effet, d'une part, aucune procédure de sanctions au sens de l'article L. 134-25 du code de l'énergie n'a constitué un enjeu entre les parties, d'autre part, M. et Mme [T] étaient fondés à considérer qu'ils étaient en « litige », comme le mentionne l'acte, et à reprocher un « manquement » au gestionnaire de réseau, dans la mesure où Enedis leur avait, à tort, fait signer une proposition de raccordement incompatible avec celle que leur mandataire, Elec'Chantier, soutenait en leur nom.



58.Il résulte de ce document que la saisine du CoRDiS par Elec'Chantier a été régulièrement formée.



59.Le moyen est rejeté.





II. SUR LA VIOLATION PAR LE CORDIS DU DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE





60.Dans la décision attaquée, le CoRDiS indique notamment :



' qu'il est possible que le gestionnaire de réseau étudie une alternative à l'opération de raccordement de référence (point 11),



' que la norme NF C 14-100 n'est plus d'application obligatoire depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 août 2016, tandis que les ouvrages de branchement doivent répondre aux caractéristiques fixées par cet arrêté (point 12),



' qu'ainsi les dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 prévoient la possibilité de mettre en 'uvre « toute autre solution répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 en permettant d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment » (point 16),



' qu'en l'espèce, faute de convention de servitude consentie par M. et Mme [T], le tracé retenu par Enedis n'était pas administrativement possible (points 27, 28), ladite convention devant au demeurant être signée par l'ensemble des propriétaires indivis (points 15, 28),



' que dès lors, il appartient au gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité « de réaliser une étude technique et financière, détaillée et approfondie, des différentes solutions techniquement et administrativement réalisables au regard des finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016, y compris celle demandée, le cas échéant, par le demandeur au raccordement » (point 17), « d'apprécier exactement, lors de l'élaboration de sa proposition de raccordement, l'ensemble des conditions de droit et de fait dont la réunion est nécessaire pour rendre possible l'opération de raccordement de référence » (point 18), enfin, « d'expliciter et de justifier l'opération de raccordement de référence » (point 29),



' qu'en l'espèce, Enedis ne démontre pas que l'implantation du CCPI et de l'AGCP en bordure du domaine public sur la parcelle n° ZE [Cadastre 6] ne satisferait pas aux objectifs fixés par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016, solution retenue, incidemment pour les voisins (point 23),



' qu'elle ne justifie pas non plus que l'absence de signature d'une convention de servitude rendrait impossible le raccordement au réseau selon la solution proposée par Elec'Chantier, M. et Mme [T] disposant d'un droit de propriété indivis sur la parcelle ZE [Cadastre 6] (point 26).



61.Enedis soutient que son droit à un procès équitable a été méconnu en raison de quatre manquements du CoRDiS tenant :



' au non-respect de son obligation d'impartialité,



' à l'inversion de la charge de la preuve,



' à une décision statuant ultra petita,



' au caractère tardif de la décision, en violation du délai imparti par l'article L. 134-20 du code de l'énergie.



62.La Cour examinera chacune de ces branches, successivement.





A. Sur la première branche du moyen, prise du manquement au devoir d'impartialité



63.Enedis expose que les motifs de la décision ne contiennent aucune réponse à une partie de l'argumentation développée par Enedis dans sa note en délibéré (pièce 13, Enedis) dans la mesure où le CoRDiS s'est borné à constater le caractère impossible de la réalisation de la solution technique proposée par Enedis au seul motif que celle-ci s'est heurtée au refus des utilisateurs de conclure une convention instituant une servitude sur la parcelle n° [Cadastre 6].



64.Enedis rappelle que dans sa note en délibéré, elle indiquait qu'« en cas de refus de conclure une convention de servitude, la déclaration d'utilité publique permet de garantir à tout demandeur au raccordement l'accès au réseau public de distribution d'électricité » et encore « qu'un éventuel refus de signer une convention de servitude n'est pas de nature à écarter le caractère administrativement réalisable du tracé du fait de l'existence de la servitude légale prévue par le code de l'énergie ['] », ce dont il découlait que le tracé qu'elle proposait devait être considéré comme administrativement réalisable. Enedis ajoute qu'il est indifférent que la convention de servitude n'ait pas été signée par l'ensemble des propriétaires de la parcelle indivise.



65.Elec'Chantier relève que la décision mentionne la teneur de la note en délibéré communiquée par Enedis et rappelle que « dans l'hypothèse d'un refus des propriétaires ['], les travaux ['] peuvent être ['] déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative compétente ». Elle soutient que le CoRDiS a statué en prenant en considération les éléments du dossier dans leur état au jour de sa décision et précise qu'à cette date, le 13 octobre 2021, Enedis n'avait nullement envisagé de présenter une demande de déclaration d'utilité publique pour surmonter l'opposition de M. et Mme [T]. Elle considère que le CoRDiS n'avait dès lors pas à prendre en considération une telle demande pour apprécier le caractère réalisable du tracé proposé par le gestionnaire de réseau et qu'ainsi il ne saurait être admis que l'argumentation d'Enedis aurait été délaissée.



66.Elec'Chantier ajoute encore qu'en tout état de cause, une éventuelle demande de déclaration d'utilité publique aurait été vaine, faute de motif d'intérêt général suffisant, au sens de l'article L. 323-3 du code de l'énergie et de la décision n° 2015-518 QPC du Conseil constitutionnel du 2 février 2016, dans le cas d'un tel branchement individuel.



67.La CRE soutient qu'elle a pris en considération l'ensemble de l'argumentation d'Enedis, mais que dans la mesure où le gestionnaire de réseau avait indiqué devant le CoRDiS n'avoir jamais envisagé de recourir à la procédure de déclaration d'utilité publique (pièce CRE n° 2, observations récapitulatives n° 2 du 1er juillet 2021, page 16), celui-ci a pu légitimement en déduire que l'opération de raccordement prévue par Enedis n'était pas administrativement réalisable, aucune convention de servitude ne pouvant par ailleurs être établie, faute d'accord de l'ensemble des propriétaires de la partie indivise. Dès lors, le CoRDIS, qui n'avait pas à examiner la totalité des moyens et pièces proposés, n'a pas manqué au principe d'impartialité.



68.Le ministère public partage l'argumentation développée par la CRE et Elec'Chantier. Il conclut au rejet du moyen.









Sur ce, la Cour :



69.L'arrêté du 28 août 2007 « fixant les principes de calcul de la contribution mentionnée aux articles 4 et 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité », contient un article 1er qui précise qu'une « opération de raccordement de référence » est un ensemble de travaux qui, notamment, « emprunte un tracé techniquement et administrativement réalisable ».



70.La teneur de la note en délibéré évoquée par Enedis devant la Cour est précisément rappelée par la décision attaquée (page 9, in fine), et ce dans les termes suivants : « Par une note en délibéré du 22 juillet 2021, la société Enedis précise que : ['] pour être administrativement réalisable, le tracé doit bénéficier des autorisations nécessaires à l'implantation d'un câble de distribution publique d'électricité sur le domaine public de la commune et/ou des autorisations de passage sur une propriété privée pour poser une liaison réseaux de branchement, voire une extension de réseaux ; que pour ce faire, elle bénéficie d'une servitude légale qu'elle peut utiliser pour l'ensemble des éléments du réseau public, prévue aux articles L. 323-3 et suivants et R. 323-1 et suivants du code de l'énergie, qui se formalise par la conclusion d'une convention de servitude avec le propriétaire de la parcelle traversée, prévue par le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 ; cette voie conventionnelle étant privilégiée à la voie unilatérale via une déclaration d'utilité publique, qui peut toutefois être utilisée en cas de refus du propriétaire ; ainsi un tracé est administrativement réalisable dès lors que la société Enedis propose une solution de raccordement incluant un droit de passage obtenu soit par la conclusion d'une convention de servitude, soit par une déclaration d'utilité publique ; ['] » (soulignement ajouté).



71.La Cour relève, d'abord, que dans les motifs de sa décision, le CoRDIS rappelle que « dans l'hypothèse d'un refus des propriétaires ['], les travaux ['] peuvent être ['] déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative compétente », ce qui constitue un premier élément de réponse à l'argumentation développée par Enedis, attestant de la prise en compte de la teneur de sa note en délibéré (décision attaquée, point 15).



72.Elle relève, ensuite, que la décision conclut que « ['] la solution technique exposée par la société Enedis, ['] ne peut être regardée comme empruntant, au jour de la présente décision, un tracé administrativement réalisable ['] » (décision attaquée, point 28, soulignement ajouté), ce qui constitue une motivation suffisante dès lors, d'une part, qu'Enedis admettait dans son mémoire récapitulatif (page 16) n'avoir jamais envisagé, dans la présente affaire, de recourir à la procédure de déclaration d'utilité publique, d'autre part, qu'il s'en évince que le CoRDiS considérait n'avoir à statuer qu'en l'état du dossier tel qu'il se présentait concrètement au jour de la décision, et qu'ainsi il rejetait l'argumentation selon laquelle la possibilité purement théorique pour Enedis de recourir à la procédure de déclaration d'utilité publique suffit en soi à établir le « caractère administrativement réalisable du tracé ».



73.Il ne saurait dès lors être reproché au CoRDIS, sous couvert d'un défaut de réponse à une note en délibéré, d'avoir manqué à l'obligation d'impartialité.





B. Sur la deuxième branche du moyen, prise de l'inversion de la charge de la preuve



74.Enedis reproche au CoRDiS de lui avoir demandé de démontrer que l'implantation du CCPI et de l'AGCP en bordure du domaine public comme demandé par Elec'Chantier ne satisfaisait pas aux objectifs fixés par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016, de justifier que l'absence de conclusion de la convention de servitude par les époux [T] rendait impossible le raccordement au réseau public de distribution d'électricité, et de démontrer que la solution technique demandée par Elec'Chantier n'empruntait pas un tracé techniquement et administrativement réalisable.



75.Le gestionnaire de réseau soutient qu'en application des articles 6 et 9 du code de procédure civile, c'était à Elec'Chantier qu'il incombait de démontrer que la solution technique proposée par Enedis, qui supposait l'implantation du coupe-circuit principal individuel et de l'appareil général de commande de protection en limite de la parcelle n° [Cadastre 5], ne permettait pas de satisfaire aux objectifs fixés par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016. Enedis soutient, de façon générale, qu'il ne lui appartient pas de démontrer que la solution sollicitée par le demandeur n'est pas techniquement et administrativement réalisable.



76.Elec'Chantier soutient avoir démontré dès l'origine que la solution préconisée par M. et Mme [T] répondait aux objectifs fixés par la réglementation et constituait une alternative possible à l'opération de raccordement de référence au sens de l'arrêté du 28 août 2007, en sorte qu'Enedis, en sa qualité de gestionnaire du réseau, était tenue de l'étudier. Faute de l'avoir fait, cette société a manqué à son devoir de transparence (Cass., Com., 24 novembre 2015, pourvoi n° 14-20.421) et de non-discrimination. Dès lors, aucune inversion de la charge de la preuve ne saurait être retenue.



77.La CRE expose, d'abord, que le CoRDiS statuant en matière de règlement de différend rend une décision administrative, qui n'est pas une décision juridictionnelle, et que dans cette procédure, le régime de preuve est objectif : il appartient à chacune des parties de fournir les éléments au soutien de ses prétentions respectives, à charge pour le CoRDiS d'établir les faits qui soutiennent sa décision.



78.Elle explique, ensuite, qu'aux termes des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 28 août 2007, de la délibération n° 2019-275 de la Commission de régulation de l'énergie du 12 décembre 2019 (portant décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d'électricité et le suivi de leur mise en 'uvre) et de la procédure ENEDIS PRO-RAC-21E, le gestionnaire de réseau est tenu, lorsque plusieurs solutions de raccordement sont envisageables, non seulement de proposer l'opération de raccordement de référence (« ORR »), qui est celle qui minimise la somme des coûts des ouvrages de raccordement, mais également d'étudier toute opération de raccordement différente qui répondrait aux choix ou préférences exprimés par le demandeur, et de faire état, le cas échéant, de ces deux solutions dans la proposition de raccordement.



79.Enfin, Enedis est chargé, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de distribution, en application de l'article L. 322-8 du code de l'énergie, « 4° d'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l'accès [aux] réseaux de distribution (') », et « 5° de fournir aux utilisateurs des réseaux les informations nécessaires à un accès efficace aux réseaux ». Il lui incombe de justifier des choix opérés en matière de raccordement.



80.Elle conclut qu'Enedis devait ainsi établir, d'une part, que la solution technique qu'elle proposait correspondait effectivement à l'opération de raccordement de référence et, d'autre part, exposer les raisons pour lesquelles une solution technique expressément proposée par le demandeur ne répondait pas aux critères posés par l'arrêté du 28 août 2007 précité.



81.Le ministère public partage l'argumentation développée par la CRE et Elec'Chantier. Il conclut au rejet du moyen.









Sur ce, la Cour :



82.Il résulte de l'article L. 322-8 du code de l'énergie, que le gestionnaire de réseau, Enedis dans la présente affaire, est chargé, notamment « 4° d'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l'accès [aux] réseaux de distribution (') », et « 5° de fournir aux utilisateurs des réseaux les informations nécessaires à un accès efficace aux réseaux » (soulignement ajouté).



83.L'article 5 de l'arrêté du 28 août 2007 dispose que « ['] Les dispositions des deux alinéas précédents ne s'opposent pas à ce que le gestionnaire du réseau de distribution réalise une opération de raccordement différente de l'opération de raccordement de référence. Si le gestionnaire du réseau de distribution la réalise à son initiative, il prend à sa charge tous les surcoûts qui pourraient en résulter. S'il la réalise à la demande de l'utilisateur qui demande à être raccordé, ce dernier prend à sa charge tous les surcoûts éventuels. ['] » (soulignement ajouté).



84.Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'il incombe au gestionnaire de réseau, qui dispose de l'expertise technique, de fournir aux utilisateurs les informations nécessaires à un accès efficace au réseau, même quand l'opération de raccordement demandée par ces derniers n'est pas l'opération de raccordement proposée par le gestionnaire de réseau.



85.Ainsi, l'obligation d'information qui incombe à ce dernier ne saurait être appréciée de façon restrictive et comme ne portant que sur sa seule proposition ; elle s'applique également à l'opération de raccordement alternative le cas échéant demandée par l'utilisateur.



86.Le CoRDiS était dès lors fondé, nonobstant la position procédurale de défenderesse d'Enedis, à relever que celle-ci ne démontrait pas que « l'implantation du CCPI et de l'AGCP en bordure du domaine public sur la parcelle n° ZE [Cadastre 6] ne satisferait pas aux objectifs fixés par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 » alors que cette solution avait été admise au profit des voisins de M. et Mme [T] (décision attaquée, point 23), que le gestionnaire de réseau « ne justifie pas non plus que l'absence de conclusion de cette convention par M. et Mme [E], propriétaire indivis de la parcelle ZE [Cadastre 6] ['] rendrait impossible le raccordement au réseau public de distribution d'électricité demandé par » Elec'Chantier (point 26), ou encore qu'Enedis ne démontrait pas que « la solution technique demandée par la société Elec'Chantier 44 n'emprunterait pas un tracé techniquement et administrativement réalisable » (point 28).



87.Le grief que fait Enedis au CoRDIS d'avoir inversé la charge de la preuve doit en conséquence être écarté.





C. Sur la troisième branche du moyen, prise de la violation de l'interdiction de statuer ultra petita



88.Enedis soutient que le CoRDiS a statué ultra petita en considérant qu'il appartenait au gestionnaire de réseau de réaliser une étude détaillée, tant sur le plan technique que financier, des différentes solutions techniquement et administrativement réalisables, et d'apprécier exactement, lors de l'élaboration de la proposition de raccordement, l'ensemble des conditions de droit et de fait dont la réunion était nécessaire pour rendre possible l'opération de raccordement de référence proposée. Selon elle, outre que les obligations ainsi mises à la charge d'Enedis l'ont été en méconnaissance de la portée de l'article L. 134-20 du code de l'énergie et dépassent ce qui peut être exigé d'un gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité, Elec'Chantier n'a jamais formulé de telles demandes.



89.Elec'Chantier réplique que la décision du CoRDiS tire seulement les conséquences des dispositions de l'article L. 134-20 du code de l'énergie, lequel prévoit notamment que la décision « est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés ». Elle ajoute que la décision s'est limitée à enjoindre à Enedis de « produire une proposition de raccordement se fondant sur l'opération de raccordement de référence et qui est effectivement réalisable au regard de la demande de raccordement », ce qui correspondait à ses demandes.



90.La CRE indique qu'ayant constaté que la solution proposée par Enedis n'était pas administrativement réalisable, il appartenait au comité, afin de permettre à M. et Mme [T] d'avoir un accès effectif au réseau, d'enjoindre à Enedis de produire une proposition de raccordement qui soit effectivement réalisable. Elle ajoute qu'en se prononçant comme il l'a fait, le CoRDiS a simplement, et dans la mesure où cela s'avérait nécessaire pour assurer un accès effectif au réseau, précisé les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux est assuré, et fixé de manière objective, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation, sans excéder les dispositions de l'article L. 134-20 du code de l'énergie, ni les termes de la saisine d'Elec'Chantier.



91.Le ministère public partage l'argumentation développée par la CRE et Elec'Chantier. Il conclut au rejet du moyen.









Sur ce, la Cour :



92.La Cour relève que devant le CoRDIS, Elec'Chantier soutenait, notamment, que « la société Enedis a fait preuve d'un défaut d'information, d'objectivité et de transparence dans le cadre du traitement de la demande de raccordement de l'habitation de Mme et M. [E], alors même que les dispositions du code de bonne conduite, qui s'appliquent pourtant à l'ensemble des équipes du gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité, prévoient une obligation d'assurer la communication des informations utiles aux clients 'pour leur prise de décision et le suivi du traitement de leurs demandes' ainsi que la mise en 'uvre d'un dispositif général de communication des informations et des données détenues par le gestionnaire du réseau dans un cadre réglementaire avec objectivité, transparence et sans discrimination, au regard des demandes exprimées par les clients et parties prenantes » (décision attaquée, page 3/16).



93.Ainsi qu'il a été dit précédemment, il découle des dispositions combinées de l'article L. 322-8 du code de l'énergie et de l'article 5 de l'arrêté du 28 août 2007 que l'obligation de fourniture des informations nécessaires à un accès efficace au réseau qui incombe au gestionnaire de réseau s'applique à l'opération de raccordement alternative le cas échéant demandée par l'utilisateur.



94.Dès lors, c'est sans méconnaître l'objet du litige que le CoRDIS a décidé comme il l'a fait.





D. Sur la quatrième branche du moyen, prise du caractère tardif de la décision attaquée



95.Enedis expose que la décision du CoRDiS a été rendue tardivement, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 134-20 du code de l'énergie, sans qu'elle y ait consenti.



96.Elec'Chantier répond que si l'article L. 134-20 du code de l'énergie mentionne deux délais de deux et quatre mois, il précise encore que le délai dans lequel le comité se prononce peut être prorogé sous réserve de l'accord de la partie plaignante. Elle ajoute qu'elle a consenti au dépassement des délais mentionnés à l'article L. 134-20 du code de l'énergie tout au long des différentes phases de la procédure et relève qu'Enedis n'a jamais élevé de difficulté devant le CoRDiS sur ce point.



97.La CRE expose que la méconnaissance d'un délai est sans incidence sur la légalité d'une décision prise, sauf à ce qu'un texte sanctionne son dépassement par la nullité ou le dessaisissement. Elle ajoute que le délai fixé par l'article L. 134-20 du code de l'énergie, issu de la transposition de la directive UE n° 2019/944 du 5 juin 20169 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, est prévu en faveur de l'auteur de la saisine, qui seul pourrait s'en prévaloir puisqu'il s'agit de la personne à protéger contre d'éventuels actes dilatoires l'empêchant d'avoir accès au réseau. Elle précise encore qu'Enedis ne peut avancer aucun grief que lui aurait causé ce retard, la procédure s'étant déroulée dans le parfait respect du principe du contradictoire.



98.Le ministère public partage l'argumentation développée par la CRE et Elec'Chantier. Il conclut au rejet du moyen.









Sur ce, la Cour :



99.L'article L. 134-20, premier alinéa, du code de l'énergie, dispose que « dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, le comité se prononce dans un délai de deux mois, après avoir diligenté, si nécessaire, une enquête dans les conditions fixées aux articles L. 135-3 et L. 135-4 et mis les parties à même de présenter leurs observations. Le délai peut être porté à quatre mois si la production de documents est demandée à l'une ou l'autre des parties. Ce délai de quatre mois peut être prorogé sous réserve de l'accord de la partie plaignante ».



100.Il résulte de ce texte que la prorogation du délai de quatre mois est permise lorsque la partie plaignante l'autorise.



101.La Cour en déduit, corrélativement, que l'éventuelle irrégularité tenant au dépassement de ce délai ne peut être invoquée que par la partie en faveur de laquelle celui-ci a été institué, à savoir la partie plaignante.



102.Il s'ensuit que seule Elec'Chantier, à l'exclusion d'Enedis, a qualité à se prévaloir de l'éventuelle irrégularité de la procédure à raison du dépassement du délai mentionné à l'article L. 134-20 du code de l'énergie.



103.À titre surabondant, la Cour relève encore que si le comité s'est, dans la présente affaire, prononcé le 13 octobre 2021, soit dans un délai supérieur à quatre mois à compter de sa saisine (16 avril 2021), Elec'Chantier soutient avoir consenti au dépassement du délai tout au long de la procédure, tandis qu'Enedis n'allègue aucun grief et ne conteste pas que la procédure ait été menée devant le CoRDIS dans le respect du principe du contradictoire.



104.La quatrième branche du moyen ne saurait ainsi prospérer.



105.En conclusion de l'ensemble de ces développements, le moyen pris de la violation par le CoRDIS du droit à un procès équitable est rejeté.





III. SUR LA DÉNATURATION DES TERMES DE L'ARTICLE 4 DE L'ARRÊTÉ DU 3 AOÛT 2016 PORTANT RÉGLEMENTATION DES INSTALLATIONS ÉLECTRIQUES DES BÂTIMENTS D'HABITATION





106.Dans la décision attaquée, le CoRDIS indique au point 16 de sa décision (soulignement ajouté) que « ['] s'il est constant que les ouvrages de branchement réalisés selon les prescriptions de la norme NF C 14-100 sont présumés satisfaire aux objectifs de l'arrêté du 3 août 2016 et, plus particulièrement, aux prescriptions de l'arrêté du 17 mai 2001, les dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 prévoient la possibilité de mettre en 'uvre toute autre solution répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 en permettant d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment ».



107.Enedis expose que le comité a dénaturé les termes de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 en considérant que ce dernier prévoyait la possibilité de mettre en 'uvre toute autre solution « répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 en permettant d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment », alors que l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 ne prévoit que la possibilité de recourir à une « norme » équivalente en cas de dérogation à l'utilisation de la norme NF C 14-100, et non à une autre « solution ».



108.Le gestionnaire de réseau ajoute qu'aucune des différentes locutions utilisées par le CoRDIS au fil de ses différentes décisions ne permet de déroger à la norme précitée. Il ne saurait ainsi être question :



' de « tout autre référentiel équivalent [à la norme NF C 14-100] et par conséquent toute autre solution technique qui permettrait de satisfaire aux objectifs dudit arrêté [du 3 août 2016] » (décision n° 05-38-21 du 9 juin 2021 du CoRDiS ayant fait l'objet d'un recours puis d'un désistement),



' ni de « toute autre solution technique susceptible d'être reproduite dans des circonstances similaires et répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 en permettant d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment » (décision n° 14-38-21 du 8 février 2022 du CoRDiS, n° RG 22/04490),



' ni encore de « toute autre solution répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 en permettant d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment » comme dans la présente affaire.



109.Enedis explique que la notion de norme renvoie à l'activité de normalisation, laquelle est un processus d'élaboration de standards communs sur lesquels s'accordent les différents acteurs économiques afin de faciliter les échanges commerciaux, de réduire les asymétries d'information, de maintenir une forme de confiance entre les opérateurs. La notion de « norme » est sous tendue par les concepts d'homogénéité, de neutralité, de non-discrimination ; elle est dès lors incompatible dans son principe même avec la multiplication de « solutions » personnalisées. Ainsi, si l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 ménage une certaine flexibilité en laissant la possibilité de recourir à d'autres normes que la norme NF C 14-100, la référence qu'il contient à la notion de « norme » vise néanmoins à éviter la multiplicité de « solutions ». Enfin, la norme NF C 14-100 étant aujourd'hui la seule existante, elle constitue, en l'état des textes, l'unique norme de référence possible pour la réalisation des branchements individuels.



110.Enedis précise que l'arrêté du 17 mai 2001 fixe les principes généraux de la construction des ouvrages d'électricité, lesquels se distinguent des prescriptions concrètes figurant dans les normes, qui seules permettent la réalisation des ouvrages de raccordement conformes aux conditions techniques fixées par l'arrêté précité. L'arrêté du 3 août 2016 détermine quant à lui les règles et les objectifs de sécurité des personnes et de bon fonctionnement auxquels doivent satisfaire les installations électriques et les ouvrages de branchement du réseau public de distribution d'électricité de basse tension des bâtiments d'habitation neufs. Le gestionnaire de réseau conclut que ces deux arrêtés et la norme NF C 14-100 forment un ensemble de textes complémentaires entre eux, ce qui justifie la présomption de conformité posée par l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016.



111.Enfin Enedis soutient que les observations de la CRE devant la Cour contredisent la position du comité telle qu'elle ressort de la décision attaquée.



112.Elec'Chantier conteste toute dénaturation des textes. Elle rappelle que depuis l'arrêté du 3 août 2016, la norme NF C 14-100 n'est plus d'application obligatoire et qu'en tout état de cause, l'arrêté ne soumet pas les installations au respect d'une norme, mais à ses objectifs de sécurité et de fonctionnement.



113.La société soutient que la solution qu'elle préconise respecte les objectifs de sécurité énumérés aux articles 1 à 3 de l'arrêté du 3 août 2016, en sorte qu'il n'importe qu'elle puisse ne pas répondre en tout point à la norme NF C 14-100. Elle précise sur ce point que « les impératifs de sécurité évoqués et tels que posés par l'arrêté du 3 août 2016 n'empêchent en rien d'établir un branchement de type 2 avec positionnement du CCPI en limite de domaine public » et que « l'intervention éventuelle des secours se verrait même facilitée par rapport à un CCPI implanté en plein milieu du chemin d'accès de l'habitation des demandeurs ». Elle ajoute que sur la parcelle ZE [Cadastre 6], qui est un chemin privé, indivis, seule la norme NF C 15-100 a vocation à s'appliquer.



114.La CRE rappelle que seule la norme NF C 14-100 prévoit que le CCPI soit implanté en limite de la parcelle dont l'utilisateur a l'exclusivité de l'usage (point 3.2.6.2 de la norme), justifiant la proposition d'Enedis tendant à implanter le CCPI en limite de la parcelle ZE [Cadastre 5].



115.Elle ajoute que depuis l'arrêté du 3 août 2016, si les ouvrages de branchement réalisés selon les prescriptions de la norme NF C 14-100 bénéficient d'une présomption de conformité aux objectifs fixés par l'arrêté du 3 août 2016, de même que toute solution technique établie sur la base d'une norme équivalente à la NF C 14-100, cependant, la norme NF C 14-100 n'est plus d'application obligatoire, en sorte que la solution technique applicable doit être établie en conformité avec les seules prescriptions de l'arrêté du 3 août 2016 et des articles 5 à 76 bis de l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique.



116.Elle précise encore que tant l'arrêté du 17 mai 2001 que celui du 3 août 2016 édictent des prescriptions suffisamment précises pour ne pas avoir besoin d'être appliquées de façon combinée avec la norme NF C 14-100.



117.Elle considère que si la norme NF C 14-100 donne des indications de nature technique permettant d'atteindre les objectifs de sécurité et de bon fonctionnement du réseau, justifiant que toute installation établie sur son fondement soit présumée conforme aux arrêtés susvisés, elle ne peut en revanche avoir pour objet de définir le régime d'implantation des ouvrages publics sur une propriété privée par voie conventionnelle ou légale.



118.Le ministère public est d'avis que depuis l'arrêté du 3 août 2016, l'application de la norme NF C 14-100, qui demeure une norme de référence, n'est plus une norme obligatoire, et qu'elle ne peut plus servir à Enedis pour refuser de prendre en compte d'autres solutions qui lui ont été proposées. Seule importe dès lors la conformité des solutions proposées aux règles posées par l'ensemble des arrêtés précités.



119.Il conclut que la motivation de la décision attaquée est exempte de toute dénaturation des termes de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 et que le moyen d'annulation basé sur la dénaturation de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 ne peut être retenu.







Sur ce, la Cour :



120.Les articles 1 à 4 de l'arrêté du 3 août 2016 ont été reproduits au paragraphe 11 du présent arrêt.



121.La Cour déduit des dispositions de l'arrêté du 3 août 2016 que le recours à la norme NF C 14-100 (art. 4, al 1) s'analyse en une facilité pour le maître d'ouvrage propre à établir la preuve de la conformité des ouvrages de branchement aux prescriptions des articles 5 à 76 bis de l'arrêté du 17 mai 2001, et non en une condition à la réalisation de ces ouvrages.



122.En effet, la Cour relève, d'abord, que l'article 6 de l'arrêté du 3 août 2016 abroge l'arrêté du 22 octobre 1969 « portant réglementation des installations électriques des bâtiments d'habitation », qui prévoyait en son article 1er que « [l]es installations électriques des bâtiments d'habitation doivent être conformes aux dispositions des normes NF C 14-100 et NF C 15-100 en vigueur au moment de la demande de permis de construire ou de la déclaration préalable de construction » (soulignement ajouté). La conformité des ouvrages de raccordement à la norme NF C 14-100 n'est donc plus obligatoire, en sorte que le recours à cette norme ne peut être, en droit, que volontaire.



123.Reste que la combinaison à l'article 4 des locutions « les ouvrages ('), conçus et réalisés selon les prescriptions de la norme NF C 14-100 ('), sont présumés (') » et « toute autre norme équivalente peut être utilisée dès lors qu'elle permet d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment » implique que les ouvrages de branchement soient conçus et réalisés selon une norme, qu'il s'agisse de la norme NF C 14-100, ou d'une autre.



124.En effet, la mention de la possibilité de recourir à une « norme équivalente », si elle a pour objet d'affirmer que la norme NF C 14-100 n'est pas la seule susceptible d'être appliquée et qu'une alternative est possible en droit, implique encore la nécessité de recourir à une norme au sens de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 pour la conception et la réalisation des ouvrages de branchement, afin d'assurer leur conformité aux prescriptions de l'arrêté du 17 mai 2001.



125.Or, une « solution répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 » ne saurait être assimilée à une norme au sens dudit article.



126.Il en résulte que le comité, en affirmant que les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 prévoient « la possibilité de mettre en 'uvre toute autre solution répondant de manière équivalente aux finalités poursuivies par les arrêtés du 17 mai 2001 et du 3 août 2016 en permettant d'atteindre le même niveau de sécurité à l'échelle de l'installation électrique et du bâtiment », a dénaturé ce texte.



127.Ce moyen étant fondé, il convient d'annuler la décision attaquée.





IV. SUR L'EXERCICE PAR LA COUR DE SON POUVOIR D'ÉVOCATION





128.Comme il a été indiqué au paragraphe 37 du présent arrêt, les travaux de raccordement définitifs ont été réalisés le 31 janvier 2022.



129.Le différend qui opposait les parties sur les conditions de raccordement définitif de la propriété de M. et Mme [T] ayant été ainsi réglé en cours d'instance, et partant n'ayant plus d'objet, il n'y a pas lieu pour la Cour d'exercer son pouvoir d'évocation.





V. SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE





130.Au regard de l'ensemble des éléments du dossier, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de rejeter leurs demandes respectives formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.











PAR CES MOTIFS





REJETTE le moyen pris de l'irrecevabilité de la saisine du CoRDIS par la société Elec'Chantier 44 pour défaut d'intérêt à agir ;



REJETTE le moyen pris de la violation par le CoRDIS du droit à un procès équitable ;



DIT que le moyen tiré de la dénaturation de l'article 4 de l'arrêté du 3 août 2016 est fondé ;



En conséquence,



ANNULE la décision du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de la régulation de l'énergie n° 09-38-21 du 13 octobre 2021 sur le différend qui oppose la société Enedis à la société Elec'Chantier 44 relatif au raccordement d'une installation de consommation au réseau public de distribution d'électricité ;



CONSTATE qu'il n'existe plus de différend à régler entre les parties ;



En conséquence,



DIT n'y avoir lieu pour la Cour d'exercer son pouvoir d'évocation ;



DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et rejette leurs demandes respectives formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





LE GREFFIER,











Valentin HALLOT

LA PRÉSIDENTE,











Isabelle FENAYROU

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