16 février 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 19/06749

8ème chambre 3ème section

Texte de la décision

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me BRONZONI et Me DE BIASI
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me BLANGY




8ème chambre
3ème section

N° RG 19/06749
N° Portalis 352J-W-B7D-CQA5O

N° MINUTE :

Assignation du :
05 juin 2019








JUGEMENT

rendu le 16 février 2024
DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], représenté par son syndic la S.A.S. COTRAGI
[Adresse 4]
[Localité 7]

représenté par Maître Reynald BRONZONI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0250


DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic le cabinet FONCIERE DES DEUX RIVES
[Adresse 1]
[Localité 7]

représenté par Maître Gilles DE BIASI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0951


S.A.R.L. SEGINE
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître François BLANGY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0399
Décision du 16 février 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/06749 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQA5O

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Lucile VERMEILLE, vice-présidente
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge

assistés de Léa GALLIEN, greffier,


DÉBATS

A l’audience du 24 novembre 2023 tenue en audience publique devant Madame Frédérique MAREC, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

En raison de l'empêchement de la présidente, la décision a été signée par l'un des juges qui en ont délibéré, en application de l'article 456 alinéa 1er du code de procédure civile


JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort



FAITS ET PRÉTENTIONS

L’immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 7] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis et administré par la SAS Cotragi ès qualités de syndic.

Ayant constaté que le mur le séparant de l’immeuble situé [Adresse 3] était humide, il a mandaté la SARL Suria, architecte, dont le rapport établi le 7 juin 2013 a conclu à la nécessité pour la copropriété voisine de rétablir en urgence l’ensemble des canalisations passant dans la cour et dans l’ancienne fosse septique, de changer ses collecteurs par des collecteurs en fonte conformes à la réglementation et de faire procéder à une inspection par caméra des collecteurs situés dans la cour.

La SAS Cotragi a demandé à la SARL Segine, syndic de l’immeuble sis [Adresse 3], de faire le nécessaire au regard du mauvais état de ses canalisations et de la vétusté de ses collecteurs par un courrier du 17 juin 2013.

Cette dernière a répondu, le 07 octobre 2013, avoir demandé à son architecte de mener des investigations supplémentaires, s’engageant à faire réaliser les travaux nécessaires dès réception du rapport.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 avril 2015, la SAS Cotragi a mis en demeure la SARL Segine de lui indiquer les mesures mises en oeuvre pour remédier aux désordres.

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La SARL Segine a répondu, par courrier du 1er décembre 2015, avoir demandé un devis à la société Berthelot pour la vérification de l’état des canalisations et de l’ancienne fosse ainsi que l’établissement d’un plan de l’emplacement desdites canalisations.

Aux termes d’un second rapport établi le 06 juin 2016, la SARL Suria a constaté que le mur mitoyen était complètement détrempé et que les travaux semblant avoir été réalisés dans l’immeuble du [Adresse 3] n’étaient pas satisfaisants, les canalisations d’eaux pluviales et d’eaux vannes se trouvant contre le mur du 25 n’ayant pas été reprises.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 09 juin 2016, la SAS Cotragi a de nouveau mis en demeure la SARL Segine de faire réaliser les travaux dans les meilleurs délais.

Cette dernière a répondu, le 08 août 2016, avoir missionné une société pour reprendre la fonte fuyarde au niveau du WC commun dans la cour, arracher le lierre sur le mur mitoyen pour prévenir d’autres infiltrations et réviser la couverture en zinc.

De nombreuses relances datées des 15 septembre, 18 octobre et 27 décembre 2016, 17 janvier et 3 mars 2017 étant restées vaines, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 7] a fait citer le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] devant le juge des référés de ce tribunal, par acte du 1er juin 2017, afin d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire.

M. [H] [U], désigné par une ordonnance du 1er août 2017, a déposé son rapport le 21 septembre 2018.

L’assemblée générale du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] du 24 avril 2019 a désigné le cabinet Foncière des deux rives ès qualités de syndic aux lieu et place de la SARL Segine.

Par acte du 05 juin 2019, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 7] a fait citer le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] ainsi que la société Segine, à titre personnel, au fond devant la présente juridiction.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] a voté la réalisation de travaux de plomberie lors de son assemblée générale du 11 juin 2020.

Saisi par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] par conclusions de reprise d’instance notifiées le 18 février 2019, le juge des référés de ce tribunal a, suivant ordonnance du 10 septembre 2020, ordonné sous astreinte au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] de réaliser les travaux réparatoires préconisés par l’expert judiciaire, à savoir la création de deux descentes séparées, l’une pour les eaux pluviales, l’autre pour les eaux usées et les eaux vannes, ainsi que la reprise de la maçonnerie du mur mitoyen et du ravalement de la façade de la cour.

Les travaux de plomberie ont été réalisés au mois de septembre 2020 et les travaux de maçonnerie l’ont été au mois de décembre 2020.


***

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Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2023, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 7] demande au tribunal, au visa des articles 122 du code de procédure civile, 1240 et 2224 du code civil et 14 de la loi du 10 juillet 1965, de :

“Déclarer l’action du syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] à [Localité 7], pris en la personne de son syndic le cabinet COTRAGI, recevable.

Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 7] et la société SEGINE à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] à [Localité 7] la somme de 27.261,67 euros à titre d’indemnisation des préjudices subis du fait du défaut d’entretien des parties communes de l’immeuble voisin.

Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 7] et la société SEGINE à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] à [Localité 7] une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 7] et la société SEGINE aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître BRONZONI, AARPI ANTES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS.

Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.”

***

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 05 avril 2023, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] demande au tribunal, au visa de la loi du 10 juillet 1965, de :

“RECEVOIR le Syndicat des Copropriétaires en ses demandes, fins et conclusions, et l’y déclarer bien-fondé,

CONSTATER que le SDC du [Adresse 3] n’est pas responsable de l’étendue des dommages économiques survenus depuis le 7 juin 2013 subis par le SDC du [Adresse 5],

CONSTATER le manque de diligence et le laxisme fautif du cabinet SEGINE,

En conséquence,

DÉBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5] de ses demandes à l’encontre du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] ;

DÉBOUTER le Cabinet SEGINE de ses demandes à l’encontre du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] ;

CONDAMNER le cabinet SEGINE à indemniser le Syndicat des copropriétaires du montant des travaux de reprise de la maçonnerie du mur mitoyen et du ravalement de la façade cour de l’immeuble, à hauteur de la somme de 65.538,38 euros ;
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A titre subsidiaire,

CONDAMNER le Cabinet SEGINE à garantir le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] de toute condamnation pouvant être prononcées à son encontre au profit du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] ;

En tout état de cause,

CONDAMNER le cabinet SEGINE à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens conformément à l'article 696 du Code de procédure civile.

***

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2022,la société Segine demande au tribunal, au visa des articles 1240, 1231-1 et 2224 du code civil, 53 et 122 du code de procédure civile,18 et 18-2 de la loi du 10 juillet 1965, de :

“DIRE irrecevables comme prescrites les demandes formulées par le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5] à l’encontre de la société SEGINE ;

DIRE irrecevables comme prescrites les demandes formulées par le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à l’encontre de la société SEGINE ;

DIRE irrecevables pour défaut d’intérêt à agir les demandes formulées par le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à l’encontre de la société SEGINE;

DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5] de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de la société SEGINE ;

EN TOUTE HYPOTHESE

DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] de
l’ensemble de ses demandes indemnitaires formulées à l’encontre de la société SEGINE ;

DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] de son appel en garantie formulé à l’encontre de la société SEGINE ;

CONDAMNER solidairement le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5] et le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à payer la somme de 4.000 € à la société SEGINE au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction directe au profit de Maître François BLANGY en application de l’article 699 du code de procédure civile.”
***

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Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits, de la cause et des prétentions des parties.

La clôture de la procédure a été prononcée le 12 avril 2023 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 24 novembre 2023, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 19 janvier 2024, puis prorogée au 16 février 2024.



MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes formées par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] à l’encontre de la SARL Segine

Au visa de l’article 2224 du code civil, la société Segine soutient que la demande formée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] à son endroit se prescrit par cinq ans ; que ce dernier connaissait les désordres et les mesures propres à y remédier depuis a minima juin 2013 ; que l’instance introduite devant le juge des référés le 1er juin 2017 n’a pas interrompu le délai de prescription à son égard puisqu’elle n’était pas partie à la procédure ; que les demandes formulées à son encontre par assignation délivrée le 05 juin 2019 sont donc irrecevables car prescrites.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] oppose que ce n’est qu’à compter du dépôt du rapport de l’expert que les désordres ont été clairement identifiés, chiffrés et les responsabilités caractérisées notamment celle de la société Segine ; qu’il n’a donc eu connaissance de l’ensemble des éléments lui permettant d’agir à l’encontre de cette dernière qu’au 21 septembre 2018, de sorte que son action est recevable comme non prescrite.

Sur ce,

En application des dispositions de l'article 2224 du code civil, la mise en cause de la responsabilité délictuelle du syndic est soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action.

Il convient donc de déterminer la date à laquelle le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] a pu connaître l'absence de diligences du cabinet Segine de nature à engager sa responsabilité.

Depuis le 7 juin 2013, date du rapport établi par la société Suria, le demandeur connaît non seulement l’existence des désordres d’humidité affectant son mur mitoyen mais également la défectuosité des canalisations et collecteurs de la copropriété voisine, dont il a informé la société Segine par un courrier du 17 juin 2013 lui demandant de faire des investigations et réparations.

Cette dernière a répondu le 07 octobre 2013 avoir demandé à son architecte de mener des recherches supplémentaires, s’engageant à faire réaliser les travaux nécessaires dès réception du rapport.

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Aucune correspondance n’est ensuite produite par les parties avant le 14 avril 2015, date à laquelle la SAS Cotragi a adressé une mise en demeure à la SARL Segine exigeant de connaître les mesures mises en oeuvre pour remédier aux désordres, puis le 1er décembre 2015, date à laquelle cette dernière a répondu avoir demandé un devis notamment pour la vérification de l’état des canalisations et de l’ancienne fosse.

Le rapport établi le 06 juin 2016 par la SARL Suria démontrant l’insuffisance des travaux réalisés, la SAS Cotragi, a de nouveau mis en demeure la SARL Segine de faire réaliser les travaux dans les meilleurs délais par lettre recommandée avec accusé de réception du 09 juin 2016, ce à quoi cette dernière a répondu, le 08 août 2016, avoir missionné une société pour reprendre la fonte fuyarde au niveau du WC commun dans la cour, arracher le lierre sur le mur mitoyen pour prévenir d’autres infiltrations et réviser la couverture en zinc.

A compter du 15 septembre 2016, le syndic de l’immeuble sis [Adresse 3] n’a plus répondu aux multiples relances du syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], qui ne pouvait dès lors ignorer la carence fautive de ce dernier.

L’action pouvait donc valablement être introduite jusqu’au 15 septembre 2021, de sorte que l’instance introduite par assignation délivrée le 05 juin 2019 est recevable.

2- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes formées par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à l’encontre de la SARL Segine

La SARL Segine fait valoir qu’elle a informé son mandant des demandes du syndicat voisin dès 2013 ; que le conseil syndical ne pouvait ignorer l’existence des devis portant sur les travaux réparatoires puisqu’elle était tenue de solliciter son avis pour tous travaux d’un montant supérieur à 1 000 euros ; que le syndicat a été assigné en référé-expertise dont les opérations se sont déroulées dans l’immeuble et était donc nécessairement informé des prétendues fautes aujourd’hui reprochées à l’ancien syndic avant le dépôt du rapport ; qu’elle a en tout état de cause indiqué au syndicat des copropriétaires du 25/27 avoir sollicité des devis aux fins de résoudre les désordres par lettre du 1er décembre 2015 et a informé le conseil syndical de sa démarche ; qu’il revenait en conséquence au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] d’intenter une action en responsabilité à son encontre avant 2018, ou au plus tard avant le 1er décembre 2020, date à laquelle il était nécessairement informé de la survenance des désordres dans l’immeuble mitoyen ; qu’en ne signifiant ses conclusions que le 28 janvier puis le 1er février 2021, ses demandes incidentes sont irrecevables car prescrites.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] oppose que, s’il a été informé de l’existence d’un désordre portant sur le mur mitoyen, il pensait légitimement que son syndic maîtrisait ce désordre en raison de ses obligations légales et qu’il serait informé des difficultés rencontrées ; que la SARL Segine ne justifie pas avoir soumis des devis de travaux réparatoires au conseil syndical, ni même dans le cadre des assemblées générales ; qu’elle justifie encore moins avoir sollicité l’autorisation du conseil syndical pour faire réaliser les devis nécessaires pour mettre fin aux désordres subis par la copropriété voisine ; que la prescription de son action n’a donc commencé à courir qu’au jour du dépôt du rapport d’expertise rendu par M. [U] le 21 septembre 2018, date à laquelle il a pris connaissance des faits lui permettant d’exercer son action en responsabilité contre son syndic et en indemnisation de son préjudice.
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Sur ce,

La mise en cause de la responsabilité contractuelle du syndic est soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action.

Le point de départ du délai n’est donc pas, en l’espèce, le jour où le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] a eu connaissance des désordres affectant le mur mitoyen mais le jour où il a eu connaissance des manquements de la SARL Segine dans la gestion de son mandat.

Les procès-verbaux des 11 juin 2014, 11 juin 2015, 13 octobre 2016, 07 juin 2017, 04 juin 2018, et 17 avril 2019 ne contiennent mention ni des doléances du syndicat des copropriétaires voisin ni de la nécessité de faire réaliser un diagnostic des canalisations et collecteurs de l’immeuble.

S’il résulte du rapport établi par la SARL Suria, le 06 juin 2016, que des travaux semblaient alors avoir été entrepris par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], qui a ensuite été assigné en référé par exploit du 1er juin 2017 aux fins de désignation d’un expert judiciaire chargé de décrire les désordres allégués par la copropriété du [Adresse 5] et les moyens propres à y remédier, ces seuls éléments ne démontrent pas qu’il aurait eu connaissance de l’inexécution par son syndic de ses obligations contractuelles avant le dépôt du rapport d’expertise, intervenu le 21 septembre 2018.

Les demandes formées par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à l’encontre de la SARLSegine, par conclusions du 28 janvier 2021, ne sont donc pas prescrites.

3- Sur la fin de non-recevoir tirée de la délivrance du quitus

La SARL Segine soutient que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] lui a donné quitus pour sa gestion au titre de l’ensemble des exercices compris entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017 ; que ce quitus vaut renonciation du syndicat des copropriétaires à critiquer postérieurement l’ensemble des actes de gestion qu’elle a effectués ; que le syndicat des copropriétaires n’ignorait pas les actions prises par son syndic dans le cadre du litige l’opposant à l’immeuble voisin ; qu’il est donc irrecevable à rechercher sa responsabilité alors qu’il a accepté en connaissance de cause la gestion faite par celui-ci.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] oppose qu’un quitus n'est libératoire de responsabilité que pour les actes de gestion dont l'assemblée générale a eu connaissance et qu'elle a été à même d'apprécier ; qu’en l’espèce, le syndicat des copropriétaires n’a pris connaissance de la négligence du syndic qu’avec le rapport d’expertise établi par M. [U] le 21 septembre 2018 ; qu’il n’a, ainsi, pas donné quitus sur l’inaction du syndic concernant les désordres objets du litige.

Sur ce,

Conséquence du contrat de mandat, le quitus est l'acte par lequel celui qui a géré les affaires d'autrui et lui en a rendu compte est reconnu par son mandant s'en être acquitté régulièrement de manière à être déchargé de toute responsabilité dans l'accomplissement de sa mission.
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Le quitus donné sans réserve au syndic de copropriété vaut donc ratification de tous les actes accomplis par le syndic, quels qu'ils soient, et renonciation du syndicat des copropriétaires à critiquer les conditions d'exécution du mandat et à rechercher ultérieurement la responsabilité civile du syndic.

Le quitus n'est cependant libératoire de responsabilité que pour les actes de gestion dont l'assemblée générale a eu connaissance et qu'elle a été à même d'apprécier.

La SARL Segine a effectivement reçu quitus pour l’ensemble des exercices 2013 à 2017.

Il résulte toutefois des précédents développements que, s’il connaissait les désordres invoqués par l’immeuble voisin a minima à compter de 2016, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] n’avait pas connaissance de la carence de son syndic dans l’exécution de son mandat et n’a donc pas été à même, lors du vote du quitus, d'en apprécier les conséquences.

Le quitus ne peut dans ces circonstances exonérer la société Segine de sa responsabilité, de sorte que la fin de non-recevoir sera écartée.

4- Sur les désordres et leur origine

Lors de sa visite du 06 juin 2013, la SARL Suria, architecte, a constaté que la cave de l’immeuble du [Adresse 3] était très humide avec une canalisation en contrepente fuyarde au niveau de la fosse septique, laquelle contenait en outre des gravats. Elle a par ailleurs préconisé le rétablissement en urgence de l’ensemble des canalisations passant dans la cour et dans l’ancienne fosse septique ainsi que le changement des collecteurs pour les rendre conformes à la réglementation.

Au cours d’une visite réalisée trois ans après, soit le 06 juin 2016, elle a relevé que le mur mitoyen était complètement détrempé et que les travaux réalisés par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] n’étaient pas satisfaisants en l’absence de reprise des canalisations d’eaux usées et d’eaux vannes.

Aux termes de son rapport établi après trois réunions organisées sur site les 13 mars, 10 avril et 31 mai 2018, l’expert judiciaire a relevé, dans l’immeuble du [Adresse 5], des dégradations sur le mur pignon du fond avec des taux d’humidité de 80 à 90 % dans l’appartement du premier étage droite, appartenant à M. [M], d’importantes dégradations sur le mur de gauche mitoyen à l’immeuble du [Adresse 3] avec des taux de 20 à 100 % dans la descente de garage et des dégradations sur le mur de gauche mitoyen à l’immeuble du 23 avec des taux d’humidité de 40 à 100 % dans le parking à gauche de l’entrée de l’immeuble et le parking du plombier.

Il explique que ces désordres proviennent des parties communes de l’immeuble du [Adresse 3], à savoir des infiltrations par la descente EP/EV sur cour entre sous-sol et 1er étage, un défaut d’étanchéité du mur de la cour mitoyen avec l’immeuble du 25 et un défaut d’étanchéité du ravalement de la façade cour de l’immeuble du [Adresse 3].

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5- Sur les demandes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 5]

A- Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3]

Au visa de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] recherche la responsabilité du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] en faisant valoir qu’il ressort du rapport d’expertise que les canalisations et les murs extérieurs de ce dernier étaient dans un état de dégradation avancée que les copropriétaires ne pouvaient ignorer nonobstant le manque de diligence de leur ancien syndic ; qu’il s’est de plus écoulé plus de 15 mois entre le changement de syndic intervenu le 24 avril 2019 et la réalisation des travaux sur canalisations ordonnés en référé sous astreinte, en août/septembre 2020.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] oppose que la SARL Segine est informée depuis le mois de juin 2013 de la présence d’humidité dans le mur mitoyen ; qu’elle n’a rien fait malgré plusieurs mises en demeure dont elle a seule été destinataire ; qu’elle n’a effectué aucune diligence dans le cadre de l’expertise judiciaire malgré les nombreuses interrogations de l’expert ; que ce n’est que par la défaillance de son syndic qu’il n’a pas été en mesure d’agir pour faire cesser l’écoulement d’eau ; que le tribunal ne pourra donc retenir que la responsabilité pleine et entière du cabinet Segine et le condamner seul à indemniser le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5].

Sur ce,

L'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 30 octobre 2019, dispose que le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes, et qu'il est responsable de plein droit des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d' entretien des parties communes.

La responsabilité du syndicat des copropriétaires est donc encourue, même en l'absence de faute, dès lors que l'absence d'entretien ou la vétusté de l'immeuble est établie, seule la preuve d'une cause étrangère ou de la faute de la victime ou d’un tiers permettant de l'exonérer.

L’expert judiciaire impute principalement les désordres au mauvais état des parties communes de l’immeuble du [Adresse 3] et, dans une moindre mesure, au laxisme de la société Segine qui n’a pas entrepris les travaux qui s’imposaient depuis 2013 ni fourni les devis des travaux de remise en état des parties communes de l’immeuble en cours d’expertise.

S’il est donc établi que le syndic a manqué à ses obligations en négligeant de prendre les mesures nécessaires pour conserver les parties communes et supprimer les causes des désordres subis par la copropriété voisine, ces manquements n’exonèrent nullement le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] de sa responsabilité alors que M. [U] a relevé, chez ce dernier, un défaut manifeste d’entretien qu’il ne pouvait ignorer (humidité importante et défaut d’étanchéité au niveau du raccordement de la descente eaux pluviales sur la descente eaux vannes de l’immeuble, coulures de rouille au niveau de la culotte de distribution prenant le WC du 1er étage, engorgement de la descente eaux pluviales alors que le règlement sanitaire interdit le mélange des eaux pluviales avec les eaux usées et les eaux vannes, très mauvais état du ravalement du mur dans la cour côté 25).

Les infiltrations provenant de la canalisation sur cour, du défaut d’étanchéité du mur mitoyen avec l’immeuble du 25 et du défaut d’étanchéité du ravalement de la façade cour de l’immeuble du [Adresse 3], parties communes, engagent donc la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires sur le fondement des dispositions précitées.

B- Sur la responsabilité de la SARL Segine

Au visa de l’article 1240 du code civil, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] soutient que la responsabilité de la SARL Segine a été mise en cause dans le cadre des opérations d’expertise pour ne pas avoir diligenté les travaux urgents en temps utile et pour ne pas avoir participé activement aux opérations d’expertise ; que la maçonnerie du mur mitoyen et le ravalement de la façade cour de l’immeuble du 23 devaient en effet être repris de façon urgente ; que l’absence de diligence du syndic a retardé la réalisation des travaux nécessaires et engendré des frais plus importants ; qu’il importe peu que la société Segine n’ait pas été attraite aux opérations d’expertise en son nom propre puisqu’elle était tenue d’y participer en sa qualité de syndic ; que ses absences répétées et son absence totale de collaboration aux demandes de l’expert caractérisent un manquement professionnel qui a participé à l’aggravation de son préjudice.

La SARL Segine fait valoir pour sa part que le rapport d’expertise judiciaire ne lui est pas opposable puisqu’elle n’était pas partie à la procédure d’expertise à titre individuel, mais simplement en qualité de syndic du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] ; qu’elle ne saurait être tenue responsable de l’état général des parties communes ; que s’il appartient au syndic de copropriété de pourvoir à l’entretien de l’immeuble, il ne peut agir, sans accord des copropriétaires, que dans le cadre de travaux urgents ; que l’absence d’entretien ancien et continu de celles-ci incombe en l’espèce uniquement au syndicat des copropriétaires qui a toujours refusé de lui donner les moyens de remplir sa mission d’entretien de l’immeuble ; que les copropriétaires ont en effet démontré à l’occasion des assemblées générales leur volonté de n’engager aucun frais pour l’entretien des parties communes.

Sur ce,

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il et arrivé à le réparer.

Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

En application de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est, en particulier, chargé d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien, et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci.

Au titre de son mandat, il incombe au syndic de pourvoir au mieux aux intérêts de son mandant et de le préserver de tout risque connu, le syndic répondant de sa gestion comme tout mandataire et devant par conséquent réparation des fautes qu'il a pu commettre en agissant contrairement aux intérêts de son mandant.
Décision du 16 février 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/06749 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQA5O


Il résulte suffisamment des précédents développements que, bien qu’informée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], selon courrier du 17 juin 2013, des désordres d’humidité constatés sur le mur mitoyen et de la nécessité de reprendre au plus vite l’ensemble des canalisations et collecteurs, la SARL Segine ne justifie d’aucune diligence accomplie pour vérifier l’état des installations de son mandant et procéder aux réparations nécessaires nonobstant les engagements pris en ce sens par courriers des 07 octobre 2013, 1er décembre 2015 et 08 août 2016.

Si un rapport d'expertise judiciaire n'est opposable à une partie que lorsqu'elle a été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut cependant refuser de prendre en considération ce rapport dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.

Les constatations réalisées par M. [H] [U], aux termes de son rapport déposé le 21 septembre 2018 dont la SARL Segine a pu discuter les conclusions, ne font en l’espèce que confirmer les diagnostics réalisés par la société Suria quant au défaut de conformité des canalisations de l’immeuble du [Adresse 3] et à l’absence d’étanchéité du mur mitoyen.

Elles établissent par ailleurs la négligence de la SARL Segine en cours de procédure puisque celle-ci n’a pas répondu à la demande de l’expert, après la 1ère réunion du 13 mars 2018, de faire entreprendre un sondage et une mise à jour du raccordement de la descente eaux pluviales sur la descente eaux vannes à niveau du WC commun de la cour, de produire un devis de maçonnerie pour la reprise des ravalements et de communiquer la facture du dégorgement de la descente eaux pluviales sur cour.

En cas de sinistre, il appartient au syndic, au titre de ses pouvoirs d'administration et de conservation de l'immeuble en copropriété, d'accomplir toutes les diligences qui sont en son pouvoir à l'effet d'établir aussi rapidement que possible l’origine des désordres et faire réaliser les travaux nécessaires pour en éviter l'aggravation.

A ce titre, la SARL Segine ne saurait se retrancher derrière l’inaction du syndicat des copropriétaires dont elle était la seule représentante à l’égard du voisin lésé et envers lequel elle était tenue d’une obligation d’information et de conseil dont elle ne justifie pas s’être acquittée.

Elle ne pouvait davantage se contenter d'accomplir les premières diligences en répondant ponctuellement aux mises en demeure du syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] ou en informant le conseil syndical mais devait encore s'assurer que les mesures propres à remédier aux désordres étaient réalisées et relancer, en tant que de besoin, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] dont il n’est nullement démontré qu’il aurait refusé de prendre en charge les travaux réparatoires.

Ces éléments caractérisent suffisamment une gestion incomplète et négligente du syndic pendant six années, en lien direct avec l'aggravation des conséquences des infiltrations, engageant sa responsabilité à l’égard du syndicat des copropriétaires du [Adresse 5].

Décision du 16 février 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/06749 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQA5O

C- Sur les préjudices

Le demandeur explique que l’expert judiciaire a évalué son préjudice à la somme totale de 25.538,61 euros TTC au regard des justificatifs qui lui ont été transmis ; qu’il convient de soustraire de son calcul les honoraires d’avocat (2.400 € TTC) et les frais d’assignation (166,35 €) qui relèvent des frais irrépétibles et des dépens ; qu’après réactualisation pour tenir compte de l’inflation et de l’augmentation du coût des matériaux, le montant total des travaux de maçonnerie restant à exposer s’élève à la somme de 23.205,01 euros TTC à laquelle il convient d’ajouter une somme de 2.531,46 € TTC pour la maîtrise d’oeuvre ; que le montant total de ses préjudices s’élève donc à la somme de 27.261,67 euros TTC.

Les défendeurs ne contestent pas le chiffrage des travaux de reprise des parties communes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 5].

Sur ce,

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] est fondé à mettre en oeuvre tous les moyens techniques nécessaires à la réparation intégrale de son préjudice.

Après avoir expliqué que la reprise des désordres nécessitait la suppression des enduits du mur intérieur mitoyen, l’expert judiciaire a effectivement chiffré les travaux devant être réalisés par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] à la somme de 25.538,61 euros TTC.

Compte tenu des devis actualisés versés aux débats, le préjudice de ce dernier sera fixé à la somme TTC de 27.261,67 euros, en ce compris les honoraires de maîtrise d’oeuvre à hauteur de 10% du montant des travaux, les honoraires du syndic et les factures des diagnostics techniques établis les 09 février et 03 juin 2016 par l’architecte de l’immeuble.

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] et la SARL Segine seront par conséquent condamnés in solidum au paiement de cette somme.

C- Sur l’appel en garantie

Les parties ayant concouru ensemble à la réalisation d'un même dommage, condamnées in solidum à réparation, ne sont cependant tenues in fine, dans le cadre de leur contribution définitive à la dette, qu'à proportion de leurs responsabilités respectives à l'origine des désordres constatés.

Au regard des constatations de l’expert judiciaire et des productions des parties, le tribunal dispose d'éléments suffisants sur les responsabilités respectives des défendeurs pour fixer leur contribution à la dette de réparation du préjudice comme suit :

- le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] : 70%
- la SARL Segine : 30%

Sur la base et dans la limite du partage de responsabilité instauré, il sera donc fait droit à l’appel en garantie du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] à l’encontre de la SARL Segine, pour toutes les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5], en principal, intérêts et frais y compris irrépétibles.

6- Sur les demandes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3]

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] demande la condamnation du cabinet Segine au paiement d’une somme de 65.538,38 euros correspondant au montant des travaux de reprise de la maçonnerie du mur mitoyen et du ravalement de la façade cour de l’immeuble, faisant valoir que son ancien syndic est responsable de la dégradation avancée du mur.

La défenderesse oppose qu’elle n’est pas responsable de l’absence de travaux dans les parties communes de l’immeuble du [Adresse 3] ; qu’elle n’a pas davantage manqué à son devoir de conseil et d’information puisque le syndicat des copropriétaires était informé des désordres depuis l’origine ; que le conseil syndical a en effet participé à des réunions afin de déterminer les différents travaux nécessaires à la remise en état des parties communes ; qu’elle ne pouvait faire aucun travaux sans l’aval du conseil syndical et n’est pas responsable de l’inefficacité des travaux commandés.

Elle ajoute que le préjudice invoqué n’est pas justifié et provient exclusivement de l’état de délabrement des parties communes de l’immeuble causé par de nombreuses années d’inaction du syndicat des copropriétaires qui n’a pas souhaité faire de provisions pour travaux ; qu’aucuns travaux ne sont d’ailleurs intervenus dans la copropriété pour remettre en état les parties communes alors qu’elle n’est plus syndic depuis le 17 avril 2019 ; qu’il s’agit en tout état de cause de travaux d’amélioration devant être laissés à la charge des copropriétaires d’autant plus qu’il n’est en aucun cas démontré qu’ils résulteraient de l’absence de travaux consécutivement aux désordres affectant l’immeuble voisin.

Sur ce,

Il incombe au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] de démontrer que les travaux de maçonnerie réalisés sur le mur mitoyen et le ravalement de la façade cour de l’immeuble sont intégralement imputables à la carence du syndic dans l’exécution de son mandat, ce qu’il ne fait pas.

L’examen des pièces communiquées ne permet en effet pas d’imputer à la seule société Segine le très mauvais état des parties communes de l’immeuble, sa carence fautive dans la gestion du sinistre dénoncé par l’immeuble voisin étant uniquement à l’origine de l'aggravation des désordres provoqués par les infiltrations non traitées durant six années.

Il par ailleurs exact, comme le soutien la société Segine, qu’elle a été remplacée dans ses fonctions de syndic à compter de l’assemblée générale du 17 avril 2019 et n’est nullement responsable du retard pris ensuite dans la réalisation des travaux qui n’est intervenue qu’à la fin de l’année 2020.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la part de responsabilité de la SARL Segine dans la dégradation des revêtements des murs de son mandant sera fixée à 30%.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] justifie avoir fait réaliser les travaux de reprise par la société Battech pour un montant total TTC de 57.855,05 euros, à laquelle il convient d’ajouter les honoraires du maître d’oeuvre, la société Archipro, justifiés à hauteur de 5.640,21 euros, et du coordonnateur SPS, la société MCEA, justifiés à hauteur de 1.000 euros, soit un montant total TTC de 64.495,26 euros.

Décision du 16 février 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/06749 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQA5O

La SARL Segine sera par conséquent condamnée à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 7] la somme de 19.348,60 euros TTC (64.495,26 x 30%) à titre de dommages et intérêts.

7- Sur le surplus des demandes

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7], et la SARL Segine, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Reynald Bronzoni conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Tenus aux dépens, ils seront condamnés in solidum à verser au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 5] à [Localité 7], la somme équitable de 5.000 euros en indemnisation des frais engagés pour faire valoir ses droits et non compris dans les dépens, et seront déboutés de leur demande à ce titre.

La nature et l’ancienneté de l’affaire commandent le prononcé de l’exécution provisoire de la présente décision.


PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort :

DÉCLARE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] recevable en ses demandes formées à l’encontre de la SARL Segine ;

DÉCLARE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] recevable en ses demandes formées à l’encontre de la SARL Segine ;

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] et la SARL Segine à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 7] la somme de 27.261,67 euros TTC en réparation de son préjudice matériel ;

FIXE à 70% la contribution du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à la dette de réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] ;

FIXE à 30% la contribution de la SARL Segine à la dette de réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] ;

Sur la base et dans la limite du partage de responsabilité instauré, FAIT droit à l’appel en garantie du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] à l’encontre de la SARL Segine, pour toutes les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 5], en principal, intérêts et frais y compris irrépétibles ;

CONDAMNE la SARL Segine à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 7] la somme de 19.348,60 euros TTC à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] et la SARL Segine, aux entiers dépens de l’instance, incluant les frais d’expertise judiciaire, dont distraction au profit de Maître Reynald Bronzoni conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] et la SARL Segine à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 5] à [Localité 7], la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et les DÉBOUTE de leur demande à ce titre ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision ;

REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties.


Fait et jugé à Paris le 16 février 2024


Le greffierPour la présidente empêchée,
Madame Lucile VERMEILLE, vice-présidente

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