14 février 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.135

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00210

Texte de la décision

SOC.

FP6



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 février 2024




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 210 F-D

Pourvoi n° T 21-24.135




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024

Mme [Z] [N], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lecart Bousselet, domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 21-24.135 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [R] [V], domicilié [Adresse 1],

2°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 4], dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [N], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 20 octobre 2021) et les productions, M. [V] a été engagé par la société Lecart Bousselet à compter du 1er novembre 1987.

2. A la suite d'un accident du travail survenu le 29 février 2016, le salarié a été placé en arrêt maladie sans discontinuer, jusqu'a l'avis d'inaptitude prononcé par le médecin du travail le 1er février 2019.

3. Le 16 octobre 2018, la société a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 19 février 2019, la société Lecart-Bousselet, représentée par Mme [N] étant désignée en qualité de liquidateur.

4. Convoqué le 19 février 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, le salarié a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle et le contrat a été rompu le 21 mars 2019.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [N], en sa qualité de liquidateur de la société Lecart Bousselet fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de M. [V] fondé et en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes d'indemnités de rupture et d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile, de fixer les créances de M. [R] [V] au passif de la société Lecart Bousselet, à diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de l'article L.1226-14 du code du travail, d'indemnité spéciale de licenciement et de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dire que les condamnations sont prononcées sous réserve d'y déduire le cas échéant, les charges sociales et salariales et que l'arrêt est commun et opposable au CGEA-AGS d'[Localité 4] qui devra garantir la condamnation dans les limites et plafonds légal et réglementaires, alors :

« 1°/ qu'est justifié le licenciement pour motif économique d'un salarié déclaré inapte fondé sur la cessation d'activité de l'entreprise consécutive à sa liquidation sans aucune possibilité de reclassement ; qu'en l'espèce, pour infirmer le jugement entrepris ayant retenu qu'eu égard à la cessation d'activité de la société Lecart Bousselet et à l'impossibilité de reclassement, le liquidateur était en droit de licencier pour motif économique le salarié et pour inscrire au passif de l'entreprise des indemnités de rupture, la cour d'appel a énoncé que l'avis d'inaptitude professionnelle du 1er février 2019 obligeait l'employeur à rompre le contrat de travail dans les conditions des dispositions protectrices des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail ce qui excluait ainsi toute rupture pour un motif autre, y compris pour motif économique, de sorte que la rupture du contrat de travail par l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle en dehors des dispositions précitées était sans cause réelle et sérieuse ; qu'en excluant ainsi par principe la possibilité de procéder au licenciement pour motif économique d'un salarié déclaré inapte, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1226-10 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 et le second dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ;

2°/ qu'est justifié le licenciement pour motif économique d'un salarié inapte fondé sur la cessation d'activité de l'entreprise consécutive à sa liquidation judiciaire sans aucune possibilité de reclassement ; qu'en l'espèce, pour infirmer le jugement entrepris ayant retenu qu'eu égard à la cessation d'activité de la société Lecart Bousselet et à l'impossibilité de reclassement, le liquidateur était en droit de licencier pour motif économique le salarié et pour inscrire au passif de l'entreprise des indemnités de rupture, la cour d'appel a énoncé que l'avis d'inaptitude professionnelle du 1er février 2019 obligeait l'employeur à rompre le contrat de travail dans les conditions des dispositions protectrices des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail ce qui excluait ainsi toute rupture pour un motif autre, y compris pour motif économique, de sorte que la rupture du contrat de travail par l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle en dehors des dispositions précitées était sans cause réelle et sérieuse ; qu'en s'abstenant ainsi de rechercher, comme elle y était pourtant invitée si, comme l'avait jugé le conseil de prud'hommes, la rupture n'était pas justifiée par la cessation définitive d'activité de l'entreprise consécutive à sa liquidation judiciaire et par l'impossibilité de reclasser le salarié inapte, ce dernier ne contestant ni l'une ni l'autre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 1226-10 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 et le second dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1233-3 et L. 1226-10, alinéa 1er, du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 et le second dans sa rédaction issue de ordonnances n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :

6. Aux termes du premier de ces textes, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à la cessation d'activité de l'entreprise.

7. Selon le second de ces textes, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

8. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'avis d'inaptitude professionnelle rendu le 1er février 2019 obligeait l'employeur à rompre le contrat de travail dans les conditions des dispositions protectrices de l'article L. 1226-10 et L. 1226-12 du code civil, excluant ainsi toute rupture pour un motif autre, y compris pour motif économique.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le motif économique du licenciement, non remis en cause par le salarié, ressortissait à la cessation définitive de l'activité de la société et qu'il n'était pas prétendu que la société appartenait à un groupe, ce dont se déduisait l'impossibilité de reclassement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée emporte la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt relatif à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de M. [V] fondé et en ce qu'il l'a débouté le salarié de ses demandes d'indemnités de rupture et d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile, fixe les créances de M. [V] au passif de la société Lecart Bousselet, aux sommes de 5 185,52 euros d'indemnité compensatrice de l'article L. 1226-14 du code du travail, de 55 229,38 euros, en quittance ou deniers, d'indemnité spéciale de licenciement et de 17 377,02 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit que les condamnations sont prononcées sous réserve d'y déduire le cas échéant, les charges sociales et salariales et que l'arrêt est commun et opposable au CGEA-AGS d'[Localité 4] qui devra garantir la condamnation dans les limites et plafonds légal et réglementaires, garantie qui ne comprend pas l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile et condamne la société Lecart-Bousselet, représentée par Mme [N] en sa qualité de liquidateur aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [V] la somme de 1 000,00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 20 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel deNancy ;

Condamne M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.

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