14 février 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-19.351

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00169

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 février 2024




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 169 F-D

Pourvoi n° P 22-19.351




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024


Mme [M] [P], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 22-19.351 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2022 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les Mines, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ au préfet de région Occitanie, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ au ministre de la santé et de la prévention, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les Mines, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nimes, 24 mai 2022), Mme [P] a été engagée, en qualité de médecin, par la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, à compter du 1er octobre 2003 et elle exerçait, depuis le 30 juin 2014, dans un centre de santé géré par la caisse régionale des mines du Sud-Est (la CARMI).

2. Après avoir été, par lettre remise en main propre le 1er octobre 2015, mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable fixé au 14 octobre, la salariée a été licenciée, pour faute grave, par lettre du 1er décembre 2015.

3. Contestant ce licenciement et soutenant avoir été victime de harcèlement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 15 décembre 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de sa demande de requalification et de toutes ses autres ou plus amples demandes, fins et prétentions, alors :

« 1°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, à charge pour l'employeur, le cas échéant, de prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que dès lors, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée et en examinant pour chacun d'eux les éléments avancés par l'employeur pour les justifier, cependant qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail et l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

2°/ qu'en jugeant que les faits présentés par la salariée ne laissaient pas présumer l'existence d'un harcèlement moral, cependant qu'elle constatait que la salariée établissait, d'une part, s'être ''plainte auprès du directeur, courant 2015, d'une activité insuffisante, au point qu'elle a dû demander de calculer sa rémunération sur ses résultats acquis en 2013, ce qui, suivant ses propres dires, a été accepté'', d'autre part, avoir été victime d'un accident du travail en raison d'un stress qu'elle imputait à l'ambiance de travail dans l'entreprise, en outre, avoir été contrainte de déposer plainte auprès du conseil de l'Ordre à l'encontre de deux médecins de l'entreprise, et enfin, avoir subi une dégradation de son état de santé attestée par plusieurs certificats médicaux, ce dont il résultait l'existence de faits laissant présumer le harcèlement moral invoqué par la salariée, la cour d'appel a, derechef, violé l'article L. 1152-1 du code du travail et l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

3°/ qu'il appartient au juge de vérifier et apprécier, lui-même, la réalité de la situation de harcèlement moral invoquée par le salarié sans pouvoir se contenter d'adopter les motifs d'une décision rendue dans une instance disciplinaire ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a relevé que la chambre disciplinaire du conseil de l'ordre n'avait pas retenu les difficultés relationnelles avec le docteur [U] que la salariée évoquait et qui avaient été à l'origine de l'insuffisance de sa patientèle et de son isolement, le conseil de l'ordre ''ayant rejeté sa plainte aux motifs que ses griefs n'étaient pas justifiés et qu'elle n'avançait aucun élément de fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement'' et que, ''si elle indique avoir déposé plainte auprès du conseil de l'ordre à l'encontre du docteur [U] et du docteur [G], il ressort de ses propres pièces non seulement que sa plainte à l'encontre du premier médecin a été rejetée par décision du 29 mai 2018, mais en outre que, par décision distincte du même jour, un blâme a été prononcé à son encontre pour manquement aux dispositions des articles R. 4127-56 et R. 4127-110 du code de la santé publique'' ; qu'en statuant ainsi par voie de référence à une décision rendue dans une autre instance, sans apprécier elle-même la nature et l'importance des difficultés rencontrées par la salariée avec le docteur [U] que celle-ci disait être à l'origine de l'insuffisance de sa patientèle et de son isolement, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail et l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;

4°/ qu'il appartient au juge de vérifier et apprécier, lui-même, la réalité de la situation de harcèlement moral invoquée par le salarié sans pouvoir se contenter d'adopter les motifs d'une décision rendue dans une instance disciplinaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a encore énoncé que, « dans sa décision du 29 mai 2018 concernant le docteur [B], également invoquée par l'appelante au soutien de sa demande, le conseil de l'ordre a indiqué qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le compte-rendu rédigé par ce médecin dans le cadre des plaintes croisées du docteur [P] et du docteur [U] ''aurait eu pour mobile de nuire au docteur [P]'' ou ''participerait ainsi d'une quelconque cabale ou d'un harcèlement moral'', mais ''qu'en qualifiant de paranoïde le comportement de Mme [P]'', le docteur [B] avait ''excédé les nécessités de son rapport et porté un jugement médical qu'il ne lui appartenait pas de qualifier devant l'ordre des médecins du Gard'' » ; qu'en statuant ainsi par voie de référence à une décision rendue dans une autre instance, sans apprécier elle-même cet élément présenté par la salariée comme ayant participé de la situation de harcèlement moral lui ayant été infligée, la cour d'appel a encore violé l'article L. 1152-1 du code du travail et l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble l'article 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, exerçant, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve, les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit, que les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement régulier et fondé sur une faute grave et, en conséquence, de la débouter de sa demande de requalification et toutes ses autres ou plus amples demandes, fins et prétentions, alors :

« 1°/ qu'aucune sanction, y compris un licenciement disciplinaire, ne peut intervenir plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable à la sanction, le report de la date d'entretien qui résulte de la seule initiative de l'employeur ne faisant pas courir un nouveau délai pour notifier le licenciement disciplinaire ; que si en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à cet entretien préalable l'employeur peut convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable, en sorte que le délai d'un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction court à compter de la date de ce dernier entretien, c'est à la condition qu'il ait adressé au salarié la convocation à ce second entretien disciplinaire dans le délai d'un mois à compter du premier entretien ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement de la salariée justifié par une faute grave, la cour d'appel a retenu, d'une part, que ''Mme [P] a été convoquée, par lettre du 21 septembre 2015, à un entretien fixé au 1er octobre 2015, conformément aux dispositions conventionnelles applicables'', d'autre part, qu' ''à l'issue de cet entretien, l'employeur l'a convoquée, par lettre remise en main propre, lui confirmant sa mise à pied conservatoire notifiée verbalement le même jour, à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 14 octobre 2015, puis par lettre du 18 novembre 2015, à un nouvel entretien fixé au 27 novembre 2015, au motif que, dans l'intervalle, de nouveaux faits fautifs de fausses facturations avaient été portés à sa connaissance par la caisse primaire d'assurance maladie'', et enfin que ''Mme [P] a été licenciée pour faute grave par lettre ainsi rédigée, adressée le 1er décembre 2015, soit dans le délai d'un mois à compter du second entretien nécessité par la découverte des faits nouveaux'' ; qu'en statuant ainsi quand il ressortait de ses propres constatations que l'employeur avait adressé à la salariée une convocation à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave par lettre du 18 novembre 2015, soit plus d'un mois après la date du premier entretien qui s'était tenu le 1er octobre 2015, et même plus d'un mois après le deuxième entretien fixé au 14 octobre 2015, ce dont il résultait que la troisième convocation était tardive et n'emportait pas report du point de départ du délai d'un mois prévu par l'article L. 1332-2 du code du travail et que le licenciement, notifié par lettre du 1er décembre 2015, avait donc été prononcé postérieurement à l'expiration du délai d'un mois imparti pour prononcer la sanction, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-2 du code du travail ;

2°/ que le délai d'un mois prévu à l'article L. 1332-2 du code du travail est une règle de fond et que l'expiration de ce délai interdit à l'employeur aussi bien de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits que de sanctionner disciplinairement ces faits, sauf si dans l'intervalle une procédure imposée par une disposition conventionnelle a été mise en oeuvre ; que si, lorsque l'employeur abandonne une première procédure disciplinaire pour sanctionner des faits qui ont été portés à sa connaissance postérieurement à l'entretien préalable, la convocation au nouvel entretien préalable n'a pas à intervenir dans un délai spécifique par rapport à la procédure abandonnée, le licenciement ne peut toutefois sanctionner que des faits distincts de ceux initialement envisagés ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement justifié par une faute grave, la cour d'appel a retenu que si un doute subsistait concernant le second grief relatif à l'établissement de fausses factures par la salariée, il n'en demeurait pas moins que les faits relatifs au comportement de cette dernière vis-à-vis de ses collègues étaient établis et caractérisaient à eux seuls des manquements de la salariée à ses obligations contractuelles d'une importance telle qu'ils rendaient impossible le maintien de l'intéressée dans l'entreprise ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le seul manquement fautif qu'elle tenait pour établi, à savoir le grief lié au comportement de la salariée envers ses collègues, n'était pas le grief initialement envisagé dans la première procédure disciplinaire, voire la deuxième, lesquelles n'avaient pas donné lieu à sanction dans le délai d'un mois suivant l'entretien préalable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1332-2 du code du travail :

8. Il résulte de ce texte que le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le délai d'un mois à compter de la date de l'entretien préalable. L'expiration de ce délai interdit à l'employeur de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits.

9. Lorsqu'en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à cet entretien préalable, l'employeur adresse au salarié, dans le délai d'un mois à compter du premier entretien, une convocation à un nouvel entretien préalable, c'est à compter de la date de ce dernier que court le délai d'un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction.

10. Pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt énonce d'abord que la salariée a été convoquée, par lettre du 21 septembre 2015, à un entretien fixé au 1er octobre 2015, conformément aux dispositions conventionnelles applicables, puis que, à l'issue de ce premier entretien, l'employeur lui a remis, en main propre, une lettre lui confirmant sa mise à pied conservatoire, notifiée verbalement le même jour, et la convoquant à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 14 octobre 2015.

11. L'arrêt relève ensuite que, l'employeur a adressé à la salariée, par lettre du 18 novembre 2015, une nouvelle convocation à un second entretien préalable, fixé au 27 novembre 2015, au motif que, dans l'intervalle, de nouveaux faits fautifs de fausses facturations avaient été portés à sa connaissance par la caisse primaire d'assurance maladie.

12. Il retient enfin que la salariée a été régulièrement licenciée, pour faute grave, par lettre adressée le 1er décembre 2015, soit dans le délai d'un mois à compter du second entretien nécessité par la découverte des faits nouveaux.

13. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la convocation au second entretien préalable était intervenue plus d'un mois après la date fixée le 14 octobre 2015 pour le premier entretien préalable et que l'employeur reprochait à la salariée, aux termes de la lettre de licenciement, non seulement les faits nouveaux portés à sa connaissance par la caisse primaire d'assurance maladie le 23 octobre 2015 mais également son attitude de dénigrement, irrespectueuse et agressive à l'égard de ses collègues visée par la première procédure de licenciement disciplinaire engagée le 1er octobre 2015, ce dont elle aurait dû déduire que ces faits objets du premier entretien préalable ne pouvaient plus justifier le licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

14. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors « que la consultation d'un organisme chargé en vertu d'une disposition conventionnelle de donner son avis sur la mesure disciplinaire envisagée par l'employeur constitue une garantie de fond ; qu'il s'ensuit que le licenciement prononcé sans que cet organisme ait été consulté et ait rendu son avis selon une procédure régulière ne peut avoir de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que son licenciement pour faute grave était sans cause réelle et sérieuse dès lors que l'employeur n'avait pas sollicité l'avis du conseil départemental de l'ordre des médecins avant d'envisager son licenciement, contrairement aux dispositions de l'article 50 de la convention collective nationale des omnipraticiens exerçant dans les centres de santé miniers du 23 janvier 2008 alors que les fautes qui lui étaient reprochées constituaient des manquements aux règles de la déontologie médicale ; qu'en jugeant qu'il ne résultait pas des termes de la lettre de licenciement ''que les faits reprochés constituaient un manquement aux règles de la déontologie médicale nécessitant l'avis du conseil départemental de l'Ordre des médecins, s'agissant d'une part, du comportement de la salariée à l'égard de ses collègues de travail, et d'autre part, de fausses facturations dépassant le cadre des obligations déontologiques'' quand le fait qu'un grief reproché à la salariée dépasse le cadre des obligations déontologiques n'exonérait pas l'employeur de son obligation de consulter le conseil départemental de l'ordre des médecins dès lors que ce grief constituait aussi un manquement à une obligation déontologique, la cour d'appel a violé l'article 50 de la convention collective nationale des omnipraticiens exerçant dans les centres de santé minier prévoit, dans sa rédaction du 23 janvier 2008. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 50 de la convention collective nationale des omnipraticiens exerçant dans les centres de santé miniers du 23 janvier 2008 :

15. Selon ce texte, en cas de faute dans l'exercice de leurs fonctions, ou de manquement à leurs obligations conventionnelles, les omnipraticiens sont passibles, selon le cas, des mesures disciplinaires suivantes : avertissement (...) licenciement. Lorsqu'il s'agit de fautes professionnelles susceptibles en raison de leur nature de constituer un manquement aux règles de la déontologie médicale, ces mesures ne sont prises qu'après avis motivé du conseil départemental de l'ordre des médecins faisant suite à une demande motivée de la CARMI. Le conseil départemental dispose d'un délai de 2 mois pour émettre son avis à compter de la réception d'une demande motivée du directeur de la CARMI. Cet avis, communiqué au praticien, sera pris en considération par le directeur pour la suite de la procédure disciplinaire. Si dans ce même délai le conseil départemental décide de saisir le conseil régional d'une plainte, la CARMI ne peut prendre de décision à l'égard de l'intéressé qu'après jugement du conseil régional. L'avis rendu par l'instance ordinale est pris en considération par l'employeur pour la suite de la procédure disciplinaire. A défaut de réponse dans le délai prescrit, le directeur poursuit la procédure.

16. La consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle ou d'un règlement intérieur, de donner son avis sur un licenciement envisagé par un employeur constitue une garantie de fond, en sorte que le licenciement prononcé sans que cet organisme ait été consulté ne peut avoir de cause réelle et sérieuse.

17. Pour dire le licenciement fondé, l'arrêt retient qu'il ne résulte pas des termes de la lettre de licenciement que les faits reprochés à la salariée constituaient un manquement aux règles de la déontologie médicale nécessitant l'avis du conseil départemental de l'ordre des médecins, s'agissant d'une part, du comportement de la salariée à l'égard de ses collègues de travail, et d'autre part, de fausses facturations dépassant le cadre des obligations déontologiques.

18. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des articles R. 4127-56 et R. 4127-53 du code de la santé publique que tant les rapports des médecins entre eux que les actes par lesquels un médecin réclame des honoraires relèvent des obligations du code de déontologie médicale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

19. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt déboutant la salariée de ses demandes, au titre de la régularité de la procédure de licenciement et rejetant la demande reconventionnelle de l'employeur relative au logement mis à la disposition de la salariée, par des motifs qui ne sont pas critiqués par le moyen.

Mise hors de cause

20. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause le ministre de la santé et le préfet de la région Occitanie, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [P] de ses demandes au titre de la régularité de la procédure de licenciement et rejette la demande reconventionnelle de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines relative au logement mis à la disposition de la salariée, l'arrêt rendu le 24 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Met hors de cause le ministre de la santé et le préfet de la région Occitanie ;

Condamne la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines et la condamne à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.

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