14 février 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-14.784

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00091

Titres et sommaires

BANQUE

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 février 2024




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 91 F-B

Pourvoi n° Z 22-14.784









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 FÉVRIER 2024

La société Gicur, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 22-14.784 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [H] [L], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Entreprise Henry,

2°/ à M. [R] [M], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Entreprise Henry,

3°/ à la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

4°/ à la société Entreprise Henry, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Gicur, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon, après débats en l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Gicur du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. [H] [L] et [R] [M], pris en leurs qualités respectives de commissaire à l'exécution du plan et de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Entreprise Henry, et contre cette société.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 décembre 2021), le 2 octobre 2015, la société Gicur a confié un lot d'un marché de travaux à la société Entreprise Henry.

3. Le 23 novembre 2015, la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon (la banque) a notifié à la société Gicur la cession à son profit, par la société Entreprise Henry, des créances liées à l'exécution de ces travaux à concurrence du montant total de ces derniers, cette notification visant un bordereau de cession de créances professionnelles du 19 novembre 2015.

4. La société Gicur ayant refusé de lui payer les créances liées aux situations de travaux n° 2 à 5, à échéances comprises entre le 28 février 2016 et le 30 avril 2016, émises par la suite par la société Entreprise Henry, la banque l'a assignée en paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Gicur fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la banque la somme de 85 404,24 euros avec intérêts à compter du 8 mars 2017, alors « que la notification d'une cession de créance par le cessionnaire au débiteur cédé assortie de l'interdiction faite à celui-ci de payer la créance entre les mains du cédant, qui n'est pas justifiée par la production d'un bordereau de cession de créances antérieur à la notification, revêtu de toutes les mentions exigées par l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, est dépourvue d'effet ; que la notification de cession de créance adressée par la banque à la société Gicur le 23 novembre 2015 mentionne que la société Entreprise Henry a cédé à la banque, par bordereau en date du 19 novembre 2015, la créance d'un montant de 315 480,37 euros du lot n° 8 du marché privé de travaux d'extension de l'Intermarché de [Localité 6] ; qu'ayant constaté que la lettre recommandée du 23 novembre 2015 adressée par la banque à la société Gicur comportait les mentions prévues aux articles L. 313-23 et R. 313-25 du code monétaire et financier et indiquait sans ambiguïté la créance cédée, à savoir "le montant de 315 480,37 euros TTC correspondant au marché privé de travaux (…) ayant pour objet le lot numéro 8 – électricité à [Localité 6] (…) avec une échéance à réception des situations", et que tout règlement à compter de la notification au titre de cette créance devait être effectué à son profit, la cour d'appel, qui, pour condamner la société Gicur à payer à la banque la somme de 85 404,24 euros, a énoncé que cette notification, non contestée, valait interdiction, sans qu'aucune autre notification ne soit nécessaire, pour la société Gicur de payer toute facture relative à ce marché entre les mains de la société Entreprise Henry, sans constater que la banque avait justifié de l'existence, contestée par la société Gicur, d'un bordereau de cession de créances en date du 19 novembre 2015 portant sur ce marché, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 313-23, L. 313-28 et R. 313-15 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 313-23 du code monétaire et financier :

6. A défaut de production du bordereau de cession de créances professionnelles revêtu de toutes les mentions exigées par ce texte, une cession prétendument conclue selon les modalités prévues par celui-ci n'est pas opposable aux tiers.

7. Pour condamner la société Gicur à payer à la banque la somme de 85 404,24 euros, l'arrêt retient que la lettre de notification du 23 novembre 2015 indique sans ambiguïté la créance cédée et que cette notification valait interdiction pour la société Gicur, sans qu'aucune autre notification ne fût nécessaire, de payer toute facture relative à ce marché entre les mains de la société Entreprise Henry. Il retient ensuite que la banque verse aux débats cinq situations du marché, dont elle a été destinataire et dont quatre sont restées impayées. Il en déduit que la société Gicur demeure débitrice envers la banque de la somme correspondant à ces quatre situations, diminuée d'une somme payée en cours de procédure.

8. En se déterminant ainsi, sans constater que la banque produisait le bordereau de cession des créances professionnelles dont elle demandait le paiement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne la société Gicur à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon la somme de 85 404,24 euros avec intérêts à compter du 8 mars 2017 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre la société Gicur et la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon, l'arrêt rendu le 14 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon et la condamne à payer à la société Gicur la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre, et signé par lui et M. Mollard, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

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