14 février 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-70.015

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C115001

Titres et sommaires

MINEUR - Assistance éducative - Mesure d'assistance - Placement éducatif à domicile - Qualification - Assistance éducative en milieu ouvert renforcée ou intensifiée

La demande d'avis porte sur la qualification juridique pouvant être donnée, en l'état du droit en vigueur depuis la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, à la mesure dite « de placement éducatif à domicile » selon laquelle l'enfant, « placé à domicile », demeure chez son ou ses deux parents, tout en bénéficiant d'une intervention à domicile de soutien à la parentalité par des professionnels du service d'assistance éducative, plusieurs fois par semaine, avec un accueil ponctuel par le service, possible mais restant exceptionnel. Un tel placement relève, non pas d'un placement au service de l'aide sociale à l'enfance prévu à l'article 375-3, 3°, du code civil, mais d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, renforcée ou intensifiée, éventuellement avec hébergement, prévue à l'article 375-2 du même code

MINEUR - Assistance éducative - Mesure d'assistance - Assistance éducative en milieu ouvert renforcée ou intensifiée - Cas - Placement éducatif à domicile

Texte de la décision

Demande d'avis
n°D 23-70.015

Juridiction : le tribunal judiciaire de Moulins




VL12





Avis du 14 février 2024



n° 15001 FS-B








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

COUR DE CASSATION
_________________________

Première chambre civile


Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;

La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, et les observations écrites et orales de M. Poirret, Premier avocat général ;


Énoncé de la demande d'avis

1. La Cour de cassation a reçu, le 16 novembre 2023, une demande d'avis formée le 29 juin 2023 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Moulins, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une procédure d'assistance éducative.

2. La demande est ainsi formulée :

« La mesure éducative qualifiée de "placement éducatif à domicile PEAD" et également dénommé dans l'Allier SAPMN (Service d'accompagnement progressif en Milieu Naturel) et SP2I (Service de Placement Intermédiaire et Individualisé) peut-elle encore, compte tenu de ses modalités détaillées dans le jugement du 31 mars 2023, joint à la présente décision, et de la loi du 7 février 2022, être ordonnée sous forme de placement à l'aide sociale à l'enfance (article 375-3, 3°, du code civil), ou doit-elle être requalifiée sous forme d'assistance éducative en milieu ouvert intensifiée ou renforcée avec autorisation d'hébergement (article 375-2 du code civil), ou encore sous forme de placement direct (article 375-3, 4° du code civil) et, dans la première hypothèse comment s'articule ce placement à l'aide sociale avec les dispositions des articles 373-4 (actes usuels), 375-3 (évaluation préalable d'un placement familial ou tiers digne de confiance en cohérence avec le projet pour l'enfant) et 375-7 (droit de visite des parents) du code civil et de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles (prise en charge des frais par le département). »

Examen de la demande d'avis

3. Aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire, avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent solliciter l'avis de la Cour de cassation.

4. La présente demande d'avis intervient dans les conditions procédurales suivantes : le juge des enfants du tribunal judiciaire de Moulins est saisi aux fins de renouvellement d'une mesure d'assistance éducative par laquelle un mineur a été confié au service départemental de l'aide sociale à l'enfance sur le fondement de l'article 375-3, 3°, du code civil, « s'exerçant sous forme d'un placement externalisé au domicile parental avec intervention du SP2I » (Service de Placement Intermédiaire et Individuel éducatif à domicile).

5. Il résulte des pièces que la mesure dite « placement éducatif à domicile » (PEAD) correspond à une pratique, connue sous diverses appellations, qui s'est développée dans de nombreux départements, notamment à l'initiative de services de conseils départementaux pour répondre à des objectifs variés.

6. La demande d'avis porte sur la qualification juridique pouvant être donnée à une telle mesure, en l'état du droit en vigueur depuis la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants.

7. Selon la description de cette mesure qui figure au jugement du 31 mars 2023 auquel il est renvoyé, l'enfant « placé à domicile » demeure chez son ou ses deux parents, tout en bénéficiant d'une intervention à domicile de soutien à la parentalité par un binôme de professionnels du service d'assistance éducative, trois fois par semaine le premier mois, puis deux fois par semaine. Un accueil ponctuel par le service est possible mais reste exceptionnel.


8. Il y a lieu de rappeler que lorsqu'un enfant est en danger, au sens de l'article 375 du code civil, le juge des enfants peut être saisi et ordonner des mesures d'assistance éducative au profit du mineur.

9. Les articles 375 et suivants du code civil prévoient les mesures pouvant être ordonnées, par ordre de priorité, selon le degré de gravité du danger auquel est exposé l'enfant.

10. Le maintien du mineur dans son milieu actuel, qui s'entend de son milieu familial naturel, est le principe.

11. Ainsi, l'article 375-2 du code civil prévoit que, chaque fois qu'il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel.

12. Un tel maintien est assorti d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, le cas échéant renforcée ou intensifiée (alinéa 1er du même texte, tel qu'issu de la loi du 7 février 2022), éventuellement avec possibilité d'un hébergement exceptionnel ou périodique (alinéa 2, introduit par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007).

13. Ce maintien peut être subordonné à des obligations particulières (même texte, dernier alinéa).

14. Le mineur reste alors sous la responsabilité civile du ou des parents chez qui il demeure.

15. Le placement du mineur est l'exception.

16. Selon l'article 375-3, 3°, du code civil, ce n'est que si la protection de l'enfant l'exige, que le juge des enfants peut décider de le confier à un service départemental de l'aide sociale à l'enfance.

17. Il n'est pas prévu par le texte précité de mesure par laquelle l'enfant serait confié à ce service, tout en demeurant quotidiennement (jour et nuit) auprès de ses parents.

18. Une telle mesure ne répond pas à l'objet et aux conditions de mise en oeuvre de ce texte, dont découle un régime juridique spécifique, et notamment les règles relatives à la responsabilité civile encourue par le gardien désigné pour accueillir l'enfant.

19. En revanche, elle entre dans le champ d'application de l'article 375-2 du code civil qui permet au juge des enfants d'ordonner une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, renforcée ou intensifiée, avec possibilité d'hébergement exceptionnel ou périodique.

EN CONSEQUENCE, la Cour :

EST D'AVIS QUE :

La mesure dite de « placement éducatif à domicile », dans ses modalités détaillées aux points 5 et 7, relève, non pas d'un placement au service de l'aide sociale à l'enfance, mais d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, renforcée ou intensifiée, éventuellement avec hébergement, prévue à l'article 375-2 du code civil.



Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 14 février 2024, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 6 février 2024 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : Mme Champalaune, Président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Agostini, conseillers, MM. Duval, Buat-Ménard, Mmes Azar, Lion et Daniel, conseillers référendaires, M. Poirret, Premier avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre ;

Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.

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