9 février 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 22/14591

9ème chambre 3ème section

Texte de la décision

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre 3ème section


N° RG 22/14591 - N° Portalis 352J-W-B7G-CX32I

N° MINUTE : 4



Assignation du :
30 Septembre 2022









JUGEMENT
rendu le 09 Février 2024
DEMANDEURS

Monsieur [M] [YG]
[Adresse 3]
[Localité 47]

Madame [LF] [G]
[Adresse 24]
[Localité 37]

Madame [U] [LR]
[Adresse 11]
[Localité 30]

Monsieur [TG] [XN]
[Adresse 13]
[Localité 31]

Madame [YN] [IX]
[Adresse 29]
[Localité 42]

Monsieur [TM] [XN]
[Adresse 6]
[Localité 36]


Madame [H] [XN]
[Adresse 16]
[Localité 40]

Monsieur [YU] [XN]
[Adresse 19]
[Localité 43]

Madame [KF] [SE] [BD] [PN] [IP] [YG], épouse de Monsieur [FH] [OE] [TM] [TV] [SE] [LW], (intervenante volontaire)
[Adresse 27]
[Localité 47]

Madame [OH] [XU] [O] [SE] [YG], épouse de Monsieur [V] [FO] [SE] [MW] [BX], (intervenante volontaire)
[Adresse 18]
[Localité 35]

Monsieur [RP] [RV] [WD] [SE] [YG], époux de Madame [TO] [B] [HX], (intervenant volontaire)
[Adresse 7]
[Localité 38]

Madame [N] [GN] [C] [SE] [YG], épouse de Monsieur [D] [ZX] [SE] [AW] [YX], (intervenante volontaire)
[Adresse 32]
[Localité 35]

Madame [S] [ZN] [VD] [SE] [YG], épouse de Monsieur [IE] [E] [SE] [UP], (intervenante volontaire)
[Adresse 4]
[Localité 45]

Monsieur [RM] [ET] [SW] [SE] [YG] époux de Madame [GO] [SE] [J] [YK], (intervenant volontaire)
[Adresse 21]
[Localité 38]

Monsieur [NW] [UM] [MW] [SE] [YG] époux de Madame [P] [LF] [SE] [BJ] [X], (intervenant volontaire),
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 35]

Monsieur [NF] [WG] [M] [UG] [YG], époux de Madame [JX] [SE] [DZ], (intervenante volontaire)
[Adresse 17]
[Localité 39]



Madame [IP] [CX] [XU] [SE] [YG], (intervenante volontaire)
[Adresse 28]
[Localité 46]

Madame [I] [AI] [SE] [DL] [YG], épouse de Monsieur [A] [SE] [XX] [KX], (intervenante volontaire)
[Adresse 25]
[Localité 47]

Madame [UD] [FW] [L] [SE] [YG], épouse de Monsieur [ZU] [UM] [SE] [CK], (intervenante volontaire)
[Adresse 12]
[Localité 1] - BELGIQUE

Madame [F] [BD] [OW] [SE] [YG], (intervenante volontaire)
EHPAD [Adresse 48]
[Localité 41]

Madame [PN] [SE] [KF] [YG], (intervenante volontaire)
[Adresse 8]
[Localité 23]

Madame [GN] [SE] [AD] [YG], épouse de Monsieur [T] [SE] [UX] [TG] [PE], (intervenante volontaire)
[Adresse 9]
[Localité 34]

Monsieur [PW] [SE] [AW] [YG], époux de Madame [FW] [ZG] [HP] [KN], (intervenant volontaire)
[Adresse 20]
[Localité 44]

Monsieur [E] [WG] [NF] [VX] [YG], époux de Madame [K] [Y] [R] [FG], (intervenant volontaire)
[Adresse 2]
[Localité 43]

Madame [EG] [B] [YG], épouse de Monsieur [MN] [WD] [PP], (intervenante volontaire)
[Adresse 22]
[Localité 38]

Monsieur [UX] [IE] [AW] [SE] [YG], époux de Madame [W] [Z] [SE] [AI] [WX], (intervenant volontaire)
[Adresse 26]
[Localité 36]

Représentés par Maître Fabrice MARAUX de la SELEURL FM AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0436


Décision du 09 Février 2024
9ème chambre - 3ème section
N° RG 22/14591 - N° Portalis 352J-W-B7G-CX32I


DÉFENDERESSE

DIRECTEUR DES FINANCES PUBLIQUES
DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’IDF ET DU DEPARTEMENT DE PARIS
Pôle gestion fiscale, pôle juridictionnel judiciaire
[Adresse 5]
[Localité 33]

Représenté par son inspecteur muni d’un pouvoir spécial


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente
Monsieur MALFRE, Vice-président
Monsieur BERTAUX, Juge

assistés de Chloé GAUDIN, Greffière lors des débats et de Claudia CHRISTOPHE, Greffière lors de la mise à disposition.


DÉBATS

A l’audience du 15 Décembre 2023 tenue en audience publique devant Hadrien BERTAUX, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 09 février 2024.


JUGEMENT

rendu publiquement par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort



EXPOSE DU LITIGE


[AI] [YG] est décédée le [Date décès 10] 2015 laissant pour lui succéder ses frère et soeur, M. [M] et Mme [KF] [YG] ainsi que :

- sept héritiers venant en représentation de leur mère, Mme [BD] [YG] soeur de la défunte ayant renoncé à la succession,
- six héritiers venant en représentation de M. [WG] [YG], frère de la défunte ayant également renoncé à la succession,
- onze héritiers venant en représentation de leur père, M. [VX] [YG], décédé après la défunte (ci après “les requérants”).

Une déclaration de succession a été enregistrée le 21 juillet 2016.


Par deux propositions de rectification du 02 décembre 2019, l’administration fiscale a notamment remis en cause l’exonération dont a bénéficié M. [M] [YG] sur la part de succession lui revenant ainsi que concernant le bénéfice de plusieurs contrats d’assurance-vie.

Les requérants ont formulé des observations suite à ces deux propositions par courriers recommandés du 05 février 2020, l’administration fiscale ayant répondu le 16 février 2021, concernant les droits de succession mis à la charge de M. [M] [YG].

Deux avis de mise en recouvrement du 15 octobre 2021 ont été adressés à MM. [M] [YG] et [TM] [XN], l’ensemble des héritiers, dont M. [YG], ayant formé une réclamation par lettres recommandées des 09 novembre et 22 décembre 2021 contestant l’ensemble des droits de succession mis à leur charge.

Faute de réponse de l’administration fiscale, MM. [M] [YG], [TG], [TM] et [YU] [XN], Mmes [LF] [G], [U] [LR], [YN] [IX] et [H] [XN] ont, par actes des 30 septembre 2022, fait assigner cette dernière devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’obtenir la décharge de l’ensemble des droits mis à sa charge, ces affaires ayant été respectivement enrolées sous les n°RG 22/14591 et 22/14595.

Suivant conclusions signifiées par huissier le 06 octobre 2022, 18 autres héritiers (désignés ci-dessus comme étant “les requérants”) sont intervenus volontairement à l’instance n° 22/14595.

Les affaires ont été jointes par mention au dossier.

Suivant dernières conclusions signifiées par huissier le 30 juin 2023, les requérants demandent au tribunal :

“vu les articles R. 198-10, R.199-1 alinéa 2 et R. 202-3 du livre de procédures fiscales ;
vu l’article 796-0 ter du code général des impôts ;
vu l’article 102 du Code civil ;
vu les articles L. 55 à L. 61 B du Livre de procédures fiscales,
vu l’article 700 du code de procédure civile ;
vu les pièces versées au débat ;

A titre principal :

- Annuler les décisions de rejet implicite de la Direction Générale des Finances Publiques (BCFI 3) des Procédures 1 et 2 ;

- Annuler les avis de mise en recouvrement référencés 2021 1000161 et 2021 1000162 du 15 octobre 2021 ;

- Prononcer en conséquence la décharge de l’imposition contestée par les Requérants d’un montant total de 1.247.415 € et de 403.206 € ;

A titre subsidiaire :

- Annuler, s’agissant de la Procédure 1, l’ensemble de la procédure de rectification concernant les assurances-vie de Madame [AI] [HN] au profit de Monsieur [M] [YG] pour vice de procédure lié à l’absence de réponse aux observations du contribuable ;

- Condamner la Direction Générale des Finances Publiques (BCFI 3) prise en la personne de son Directeur, à verser, au titre des frais irrépétibles, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 10.000 euros aux Requérants ;

- Condamner la Direction Générale des Finances Publiques (BCFI 3) prise en la personne de son Directeur aux entiers dépens”.

Suivant dernières conclusions signifiées par huissier le 30 mai 2023, l’administration fiscale demande au tribunal, à titre principal, de :

- débouter les requérants de l’intégralité de leurs demandes ;
- les condamner aux dépens ;

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 03 novembre 2023, l’affaire appelée à l’audience du 15 décembre et mise en délibéré au 09 février 2024.



MOTIFS DE LA DECISION


Sur la demande principale

Il sera rappelé, à titre liminaire, que le caractère écrit de la procédure prévue par l’article R 202-2 du LPF excluant la preuve testimoniale dans les litiges relatifs aux droits n’interdit pas aux juges du fond de constater les faits à partir d’attestations écrites, valant à titre de simples présomptions dès lors que celles-ci sont suffisamment précises et concordantes.

Aux termes de l’article 796-0 ter du code général des impôts, est exonérée de droits de mutation par décès la part de chaque frère ou soeur, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, à la double condition :

1° Qu'il soit, au moment de l'ouverture de la succession, âgé de plus de cinquante ans ou atteint d'une infirmité le mettant dans l'impossibilité de subvenir par son travail aux nécessités de l'existence ;

2° Qu'il ait été constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq années ayant précédé le décès.

La doctrine administrative (BOI-ENR-DMTG-10-20-10 [50]) précise en outre que “l'héritier doit avoir été constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq ans qui ont précédé le décès. Il convient de se référer aux dispositions des articles 102 et suivants du code civil pour déterminer si le défunt et l'héritier ont eu un domicile commun. Cette notion civile du domicile n'implique pas une cohabitation constante. Il en résulte par ailleurs que ce domicile commun peut être fixé à la résidence d'un tiers : parent, autre héritier ou maison de retraite. Par mesure de tempérament, l’exonération pourra être accordée lorsque le logement commun est quitté pour raison de santé (hospitalisation, placement en maison médicalisée, etc.). Dans cette hypothèse, il convient de se placer à la date de ce départ pour apprécier la condition de cohabitation effective pendant cinq ans”.

Il résulte de l’article 102 du code civil que le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement, l’article 103 de ce code prévoyant que le changement de domicile s'opérera par le fait d'une habitation réelle dans un autre lieu, joint à l'intention d'y fixer son principal établissement ; la détermination du principal établissement est essentiellement une question de fait relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond.

Il convient de préciser que, s’agissant des deux procédures jointes, les moyens de fait et de droit au fond sont identiques et portent sur l’application de l’article 796-0 ter du code général des impôts, les parties étant uniquement en désaccord sur le domicile du contribuable sur une période de cinq années précédent le décès.

En l’espèce, les requérants produisent plusieurs attestations permettant d’établir de façon certaine le domicile de [AI] [YG] au [Adresse 14] à [Localité 38], étant précisé que :

- l’attestation de Mme [TY] permet d’établir la présence de M. [M] [YG] au domicile de cette dernière du 14 février 2011 au 14 février 2015,

- l’attestation de Mme [MF] expose que ce dernier “cohabitait” avec sa soeur jusqu’en décembre 2015, Mme [MF] ayant emménagé à proximité durant l’année 2008,

- l’attestation de Mme [SM] confirme la présence du requérant entre le 15 décembre 2010 et le [Date décès 10] 2015 au domicile de sa soeur,

- l’attestation de M. [GH] établit une cohabitation sur une période s’étendant de l’année 2008 au 30 juin 2015.

Par ailleurs, les requérants produisent :

- divers courriers adressés, entre 2007 et 2015, à M. [YG] où figurent ladite adresse,

- des attestations prouvant que celui-ci n’occupait pas le bien sis [Adresse 3] à [Localité 47], accompagnés de documents justificatifs (bulletins de salaire), sur les périodes suivantes : 31 août 2009-31 août 2011, 12 septembre 2011-30 septembre 2012, 01-octobre 2012-31 mai 2014, 08 septembre 2014-11 septembre 2016.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, lesquels sont suffisamment précis et concordants, que le domicile de [AI] [YG] était établi au [Adresse 14] à [Localité 38] et que M. [YG], d’une part, a cohabité avec cette dernière sur une période d’au moins cinq années avant son décès, et, d’autre part, que le bien dont celui-ci était propriétaire [Adresse 3] à [Localité 47] était occupé à titre gratuit par des proches sur une période correspondant à celle où il explique avoir établi son domicile chez sa soeur défunte.

En conséquence, les conditions d’application de l’article 796-0 ter du code général des impôts sont réunies et il y aura lieu de prononcer la décharge des droits correspondants dûs par M. [M] [YG], étant précisé que les autres requérants ont agi en qualité de contribuables solidaires.


Sur les autres demandes

L’administration fiscale, succombant à la présente instance, sera condamnée aux dépens.

Il n’y aura lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS


Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe, et en premier ressort,

RECOIT l’intervention volontaire des 18 héritiers listés au chapeau de la présente décision ;

PRONONCE la décharge des impositions des droits d’enregistrement dus par M. [M] [YG] à hauteur de 1 247 415,00 et 403 206,00 euros ;

DEBOUTE les requérants de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE l’administration fiscale aux dépens ;


Fait et jugé à Paris le 09 Février 2024



Le GreffierLe Président

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