8 février 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 22/03414

Ch.protection sociale 4-7

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89A



Ch.protection sociale 4-7





ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 08 FEVRIER 2024



N° RG 22/03414 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQPV



AFFAIRE :



S.A.S. [5]





C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'INDRE ET LOIRE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Octobre 2022 par le Pole social du TJ de NANTERRE

N° RG : 19/00366





Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL [6]



CPAM D'INDRE ET LOIRE



Copies certifiées conformes délivrées à :



S.A.S. [5]



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'INDRE ET LOIRE







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



S.A.S. [5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Camille-Frédéric PRADEL de la SELARL PRADEL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Nadia CHEHAT de l'AARPI JUNON AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 88





APPELANTE

****************



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'INDRE ET LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 3]



non comparante, ni représentée





INTIMÉE

****************





Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère,

Madame Laëtitia DARDELET, Conseillère,



Greffière, lors des débats : Madame Elza BELLUNE,








EXPOSÉ DU LITIGE



Le 10 avril 2018, la société [5] (la société) a déclaré, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire la caisse), un accident survenu le 5 avril 2018 au préjudice de Mme [P] [U] (la salariée), spécialiste de la santé, qui a ressenti une douleur au bras droit en voulant attraper son agenda à l'arrière de sa voiture.



Le certificat médical initial établi le 6 avril 2018, fait état d'une 'tendinopathie de la coiffe des rotateurs épaule droite '.



Le 6 juillet 2018, la caisse a pris en charge l'accident de la salariée au titre de la législation sur les risques professionnels.



La salariée a été déclarée guérie à la date du 24 mars 2019.



Contestant la décision de prise en charge et la durée des arrêts et des soins pris en charge au titre de l'accident du travail, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse puis le pôle social du tribunal de grande instance de Nanterre, devenu tribunal judiciaire de Nanterre.



Par jugement du 20 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a dit le recours de la société concernant la demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse du 6 juillet 2018 irrecevable et ordonné une expertise médicale judiciaire sur pièces pour déterminer la date à partir de laquelle la prise en charge des soins et arrêts n'est plus médicalement justifiée au regard de l'évolution du seul état consécutif à l'accident déclaré et pour préciser à partir de quelle date cet état pathologique évoluant pour son propre compte est devenue la cause exclusive des arrêts et soins.



Le docteur [X], expert désigné, a rendu son rapport le 5 février 2021.



Par jugement du 25 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- déclaré opposable à la société la prise en charge des soins et arrêts de travail prescrits à la salariée au titre de son accident du 5 avril 2018 ;

- rejeté l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société aux dépens.



Par déclaration reçue le 14 novembre 2022, la société a interjeté appel et les parties ont été convoquées à l'audience du 12 décembre 2023.



Par conclusions écrites et soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour :

- de la juger recevable et bien fondée en son appel ;

- de réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre du 25 octobre 2022 en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

- de débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes ;

sur l'inopposabilité des arrêts de travail pris en charge au titre du sinistre déclaré à compter du 17 mai 2018,

- de juger que les conclusions du docteur [X] sont claires et dépourvues d'ambiguïté ;

- d'entériner les conclusions du rapport d'expertise du docteur [X] ;

- de juger que seuls les soins et arrêts de travail prescrits jusqu'au 17 mai 2018 (six semaines après l'accident) sont imputables de manière directe et certaine au sinistre déclaré par la salariée le 5 avril 2018 ;

- en conséquence, de déclarer les soins et arrêts de travail prescrits postérieurement au 17 mai 2018 inopposables à son égard ;

- à tout le moins, d'ordonner un complément d'expertise médicale judiciaire ou une nouvelle expertise ;

- de juger qu'elle apporte des éléments de nature à caractériser une difficulté d'ordre médical dont dépend la solution du litige, rendant nécessaire la mise en 'uvre d'un complément d'expertise ou une nouvelle expertise judiciaire ;

suivant les résultats de l'expertise judiciaire,

- de lui déclarer inopposables les décisions de prise en charge des arrêts imputés à tort sur son compte employeur au titre du sinistre du 5 avril 2018.



La société expose que l'expert a expliqué que la capsulite rétractile apparue rapidement sur les certificats médicaux n'était pas imputable de manière directe et certaine aux faits déclarés ; que cet avis est conforme à celui donné par le docteur [N], médecin mandaté par la société.



La caisse, bien qu'ayant signé l'avis de réception de sa convocation, n'a pas comparu ni sollicité de dispense de comparution. Elle a adressé ses conclusions et pièces, reçues le 8 décembre 2023, mais la procédure étant orale devant la cour en matière de sécurité sociale, les conclusions de la caisse ne peuvent être prises en compte.



La société ne présente aucune demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Il résulte des articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1353 du code civil que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.



En l'espèce, le certificat médical initial en date du 6 avril 2018 fait état d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite et prescrit un arrêt de travail à la salariée jusqu'au 22 avril 2018.



Le arrêts ont été prorogés jusqu'au 23 septembre 2018 et la salariée s'est ensuite vue prescrire des soins jusqu'au 24 mars 2019, date de la guérison.

Les certificats médicaux de prolongation font état d'une capsulite de l'épaule droite à compter du 16 mai 2018.



La présomption d'imputabilité doit donc s'appliquer jusqu'à la date du 24 mars 2019, date de la guérison, y compris pour les lésions nouvelles, sauf à l'employeur de rapporter la preuve contraire.



Le docteur [I] [N], médecin mandaté par la société, écrit dans un avis du 29 avril 2020, que 'la notion de capsulite intervient aux environs de trois mois après une affection affectant l'épaule. La notion de capsulite corrobore l'existence d'une pathologie antérieure à l'accident du travail relaté. Dans cette phase douloureuse, l'épaule reste encore mobile puis elle évolue vers une limitation caractéristique des mouvements de l'épaule avec enraidissement de quelques semaines à quelques mois. L'examen échographique signalé par le médecin traitant ne relève pas de lésion traumatique récente imputable au geste non traumatique réalisé le 05/04/2018. La capsulite ne peut être imputable de manière directe, certaine et exclusive avec le fait relaté le 05/04/2018.

L'arrêt de travail et les soins en rapport avec le geste non traumatique du 05/04/2018 ne saurait s'étendre au delà du 16/05/2018, au-delà, il s'agit de la prise en charge d'une affection inflammatoire chronique de l'épaule par le risque maladie, car non imputable de manière directe, certaine et exclusive au fait relaté le 05/04/2018.'



Le docteur [X], expert désigné par le tribunal, précise que la 'capsulite rétractile est une pathologie qui ne relève pas d'un accident traumatique car il s'agit d'une pathologie non élucidée pour laquelle l'expert joindra au rapport un élément de bibliographie. C'est une pathologie qui n'est pas clairement identifiée et qui survient chez des sujets à la suite de chocs émotionnels.

Le geste traumatique du 5 avril 2018 ne peut en aucun cas avoir causé une capsulite rétractile de l'épaule, qui est une pathologie spécifique et qui n'est jamais en rapport avec un traumatisme.

La suite du geste de torsion de l'épaule vers l'arrière peut donner une élongation du long biceps droit et être responsable d'une périarthrite scapulo-humérale pour laquelle une infiltration permet la guérison en moins d'un mois et tout au plus en six semaines.

Une capsulite rétractile dite également 'épaule gelée' régresse en un ou deux ans, malgré un traitement adapté.

Aucun geste traumatique ne précède la survenue d'une capsulite rétractile de l'épaule et est toujours précédée de plusieurs mois de poussées douloureuses avant de voir l'articulation s'enraidir.

Si bien que, en conclusion, nous disons que le geste malencontreux de madame [P] [U] est sans rapport avec la pathologie présentée.'



C'est ainsi que l'expert, par des conclusions claires et précises, a conclu que la salariée a été victime d'une simple périarthrite qui n'a pu durer que six semaines au maximum, que la capsulite rétractile révélée par une échographie résultait d'un état antérieur préexistant à l'accident qui ne l'a pas temporairement aggravé et que cette capsulite de l'épaule droite est à l'origine exclusive des arrêts de travail postérieurs au 16 mai 2018.



En conséquence, il convient d'entériner le rapport, de déclarer les arrêts et soins postérieurs au 16 mai 2018 inopposables à la société.

Le jugement sera, dès lors, infirmé en toutes ses dispositions.



La caisse, qui succombe à l'instance, est condamnée aux dépens tant devant le tribunal judiciaire de Nanterre qu'en cause d'appel.



PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,



Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours de la société [5] ;



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Déclare opposables à la société [5] les soins et arrêts de travail prescrits à compter du 5 avril 2018 et jusqu'au 16 mai 2018 au titre de l'accident dont Mme [P] [U] a été victime le 5 avril 2018 ;



Déclare inopposables à la société [5] les soins et arrêts de travail prescrits à compter du 17 mai 2018 au titre de l'accident dont Mme [P] [U] a été victime le 5 avril 2018 ;



Condamne la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire aux dépens exposés tant devant le tribunal judiciaire de Nanterre qu'en cause d'appel ;



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Madame Laëtitia DARDELET, conseillère, pour Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente empêchée et par Madame Juliette DUPONT, Greffière, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.





La GREFFIÈRE, P/La PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE

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