7 février 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-18.940

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00160

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Travail à temps partiel modulé - Accord collectif de modulation - Reconnaissance ultérieure de son inopposabilité - Effets - Rémunération - Prime mensuelle de compensation - Maintien - Détermination - Portée

Il résulte de l'article 3-3-4 « Temps partiel modulé » de l'accord d'entreprise portant notamment révision de l'accord du 28 avril 1999 sur la réduction du temps de travail modifié par avenant du 18 août 2000, signé le 31 juillet 2007, que la prime mensuelle que ce texte prévoit, destinée à compenser les sujétions du salarié à temps partiel soumis à un régime de modulation, lui reste acquise, nonobstant une reconnaissance ultérieure de l'inopposabilité de l'accord collectif instituant cette modulation. Doit dès lors être approuvée la cour d'appel qui, pour rejeter la demande subsidiaire de l'employeur tendant à la restitution des sommes versées au salarié au titre de la modulation, par suite de l'inopposabilité de l'accord de modulation, a retenu que l'intéressé avait été soumis de manière effective, dans son planning, durant sa période d'emploi, à une modulation du temps de travail, faisant ainsi ressortir les sujétions compensées par la prime mensuelle de modulation

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Travail à temps partiel - Accord collectif de modulation - Reconnaissance ultérieure de son inopposabilité - Effets - Rémunération - Prime mensuelle de compensation - Office du juge - Détermination - Portée


TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Travail de nuit - Conditions de mise en oeuvre - Caractère exceptionnel - Office du juge - Continuité des activités ou des services - Nécessité - Détermination - Portée

Aux termes de l'article L. 3122-32 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale. Viole dès lors ces dispositions la cour d'appel qui déboute le salarié de ses demandes relatives à l'illégalité du recours au travail de nuit, sans constater que le recours au travail de nuit par l'employeur était justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale, peu important que le salarié n'ait pas le statut de travailleur de nuit, qu'il ait perçu une contrepartie pour les heures de travail accomplies la nuit et qu'il ait souhaité travailler en soirée

Texte de la décision

SOC.

FP6



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 février 2024




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 160 FS-B


Pourvois n°
S 22-18.940
Z 22-21.385 JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 FÉVRIER 2024


I. La société Meubles Ikea France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-18.940 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [F] [Z], épouse [B], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

II. Mme [F] [Z], épouse [B], a formé le pourvoi n° Z 22-21.385 contre le même arrêt rendu dans le litige l'opposant à la société Meubles Ikéa France, défenderesse à la cassation.

La demanderesse au pourvoi n° S 22-18.940 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi n° Z 22-21.385 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Meubles Ikea France, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [Z], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° S 22-18.940 et Z 22-21.385 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 mars 2022), Mme [Z], épouse [B], a été engagée en qualité d'employée de caisse/service par la société Meubles Ikea France, suivant contrats à durée déterminée pour les périodes comprises entre les 9 juillet et 16 septembre 2012 et 28 septembre 2012 et 6 janvier 2013, puis contrat à durée indéterminée à compter du 7 janvier 2013, à temps partiel modulé, soumis à la convention collective nationale du négoce de l'ameublement du 31 mai 1995.

3. Licenciée le 1er décembre 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 26 décembre 2016.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen du pourvoi n° S 22-18.940 de l'employeur


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.



Sur le premier moyen du pourvoi n° S 22-18.940, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'accord de modulation était inopposable à la salariée, que celle-ci pouvait prétendre au paiement de la majoration afférente aux heures complémentaires effectuées conformément aux dispositions légales pour la période du 17 février 2014 au 18 juin 2014 et conformément à l'accord d'entreprise à compter du 19 juin 2014, de lui ordonner de reprendre le calcul de la rémunération de la salariée à compter du 17 février 2014, de régler la majoration pour heures complémentaires due semaine par semaine et de remettre un bulletin de salaire rectifié, alors « que l'accord d'entreprise du 31 juillet 2007, portant révision de l'accord du 28 avril 1999 sur la réduction du temps de travail modifié par avenant du 18 août 2000, en son article 3-1-7 (article 17-7 de l'accord interne), intitulé ''programmation indicative de la modulation et fixation des plannings'', énonce : ''Afin de tenir compte des spécificités régionales influant sur les variations de l'activité des magasins, ceux-ci peuvent retenir une programmation indicative différente de celle mentionnée ci-dessous. Dans ce cas, les organisations syndicales signataires du présent accord sont associées, et le comité d'établissement est consulté sur cette programmation qui sera affichée au moins 15 jours avant le début de la période de modulation. Le programme indicatif concernant la mise en œuvre de la modulation s'établit de la façon suivante et conformément à l'article 17.4 : - durée hebdomadaire du travail généralement supérieure ou égale à l'horaire contractuel au cours du premier tertial (de septembre à décembre), - durée hebdomadaire du travail généralement inférieure ou égale à l'horaire contractuel au cours du deuxième et troisième tertial (de janvier à août). Le planning des horaires hebdomadaires de travail est établi pour chaque unité de travail (magasin, département, service ou rayon) et pour chaque période, par le responsable. Il est communiqué aux salariés concernés, au moins 15 jours avant le début de la période, et affiché'' ; que pour les salariés à temps partiel, l'article 3-3-4 (article 22-4 de l'accord interne) intitulé ''temps partiel modulé'' stipule au paragraphe ''modalités de communication au salarié du programme indicatif'' que ''le régime de la programmation indicative de la modulation des temps partiels est soumis aux mêmes dispositions que l'article 17.6 [lire 17.7] de l'accord interne relatif au programme indicatif des salariés modulés'' ; que cet article indique également que ''les horaires de travail des salariés concernés leur seront notifiés par écrit 15 jours minimum avant, sauf accord de l'intéressé. Toutefois ce délai pourra être réduit à 7 jours en cas exceptionnel de remplacement d'une absence non prévue (hors congé, formation...) ou en cas de travaux urgents'' ; que cet accord d'entreprise du 31 juillet 2007, mettant en place la modulation au sein de l'entreprise, prévoit donc le programme indicatif de la répartition de la durée du travail en instituant une période haute (septembre à décembre) et une période basse (janvier à août) et n'impose pas l'établissement d'un nouveau programme pour chaque période annuelle, mais seulement la notification des horaires de travail aux salariés au moins 15 jours avant, obligation dont la salariée admettait qu'elle avait été respectée puisqu'elle indiquait avoir eu connaissance de son planning trois à quatre semaines à l'avance ; qu'en affirmant que cet accord d'entreprise ne pouvait permettre à lui seul la mise en œuvre de la modulation du temps de travail faute de préciser le programme indicatif de la répartition de la durée du travail et que la société Meubles Ikéa France ne produisait pas les programmes indicatifs de répartition de la durée du travail, pour en déduire que l'irrégularité de l'accord de modulation ou de sa mise en œuvre privait cet accord d'effet, la cour d'appel a violé cet accord. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 212-8 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1 607 heures. Ces conventions et accords doivent fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail. Ils fixent en outre les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés.

7. Selon l'article 3-1 « Aménagement du temps de travail des employés et agents de maîtrise : Modulation du temps de travail » de l'accord d'entreprise portant notamment révision de l'accord du 28 avril 1999 sur la réduction du temps de travail modifié par avenant du 18 août 2000, signé le 31 juillet 2007, les salariés à temps partiel sont soumis aux dispositions relatives au temps partiel modulé figurant à l'article 3-3 du présent accord (article 22-4 de l'accord interne).

8. Selon l'article 3-3-4 « Temps partiel modulé » de cet accord, la période de modulation est fixée à une année, décomptée du 1er septembre d'une année au 31 août de l'année suivante, elle devra comporter des semaines civiles entières (la semaine civile commençant un lundi matin). La durée minimale de travail hebdomadaire est fixée à dix heures (durée calculée sur la base d'un contrat à quinze heures hebdomadaire démodulé d'un tiers). La durée minimale de travail pendant les jours travaillés est fixée à quatre heures et à cinq heures le dimanche. La planification des semaines de démodulation se fera sur un maximum de quatre journées de travail. La durée du travail des salariés concernés ne pourra être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée hebdomadaire de référence applicable dans l'entreprise, c'est-à-dire trente-trois heures. L'écart entre les limites à l'intérieur desquelles la durée du travail peut varier et la durée stipulée au contrat de travail des salariés concernés ne pourra excéder le tiers de cette durée. Le régime de la programmation indicative de la modulation des temps partiels est soumis aux mêmes dispositions que l'article 17.6 [lire 17.7] de l'accord interne relatif au programme indicatif des salariés modulés.

9. Selon l'article 7-2 « Modalités de communication au collaborateur du programme indicatif » de l'accord d'entreprise portant révision des dispositions de l'accord du 31 juillet 2007 relatives au travail à temps partiel au sein de Meubles Ikea France SAS, signé le 19 juin 2014, le régime de la programmation indicative de la modulation des temps partiels est soumis aux mêmes dispositions que l'article 17.6 [lire 17.7] de l'accord interne relatif au programme indicatif des collaborateurs modulés.

10. L'article 3-1-7 (article 17-7 de l'accord interne) « Programmation indicative de la modulation et fixation des plannings » de l'accord du 31 juillet 2007 prévoit :
« Afin de tenir compte des spécificités régionales influant sur les variations de l'activité des magasins, ceux-ci peuvent retenir une programmation indicative différente de celle mentionnée ci-dessous.
Dans ce cas, les organisations syndicales signataires du présent Accord sont associées, et le Comité d'Etablissement est consulté sur cette programmation qui sera affichée au moins 15 jours avant le début de la période de modulation.
Le programme indicatif concernant la mise en oeuvre de la modulation s'établit de la façon suivante, et conformément à l'article 17.4 :
* Durée hebdomadaire du travail généralement supérieure ou égale à l'horaire contractuel au cours du premier tertial (de septembre à décembre).
* Durée hebdomadaire du travail généralement inférieure ou égale à l'horaire contractuel au cours du deuxième et troisième tertial (de janvier à août).
Le planning des horaires hebdomadaires de travail est établi pour chaque unité de travail (magasin, département, service ou rayon) et pour chaque période, par le responsable. Il est communiqué aux salariés concernés, au moins 15 jours avant le début de la période, et affiché. Les horaires hebdomadaires et le planning indicatif ci-dessus, pourront varier d'un établissement à l'autre et au sein d'un même établissement d'un service ou rayon à l'autre, compte tenu des manifestations locales, des activités commerciales du magasin qui peuvent entraîner des surcroîts d'activité au cours de périodes réputées creuses.
Il est entendu que la journée de travail ne doit pas comporter de coupure. Est considérée comme une coupure, toute interruption de travail prévue au planning d'une durée supérieure à 1 heure et 15 minutes. »

11. Il en ressort que l'accord collectif du 31 juillet 2007, qui, en l'absence, notamment, de toute précision de limite de la variation horaire hebdomadaire, ne fixe pas le programme indicatif de la répartition de la durée du travail ni les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés, ne répond pas aux exigences de l'article L. 212-8 du code du travail, alors applicable.

12. La cour d'appel a, dès lors, retenu à bon droit que l'accord d'entreprise du 31 juillet 2007 ne pouvait permettre à lui seul la mise en œuvre de la modulation du temps de travail.

13. Elle en a exactement déduit qu'était inapplicable à la salariée le décompte de la durée du travail dans un cadre autre qu'hebdomadaire.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° S 22-18.940

Enoncé du moyen

15. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en restitution des sommes perçues par la salariée au titre de la modulation et de sa demande de compensation des créances réciproques de ces chefs, alors « que lorsqu'un accord de modulation est privé d'effet, le paiement des sommes accordées en exécution de cet accord devient indu ; qu'en l'espèce, l'article 3-3-4 de l'accord d'entreprise du 31 juillet 2007 portant notamment révision de l'accord du 28 avril 1999 sur la réduction du temps de travail modifié par avenant du 18 août 2000 prévoit au bénéfice des salariés à temps partiel soumis à la modulation, ''pour accompagner la modulation de leur temps de travail'', une prime mensuelle correspondant à 2,5 % du salaire ; que la cour d'appel a jugé l'accord d'entreprise du 31 juillet 2007 inopposable à Mme [Z], épouse [B], et a ordonné à la société de reprendre le calcul de la rémunération de la salariée à compter du 17 février 2014 et de régler la majoration pour heures complémentaires due semaine par semaine ; qu'en rejetant [déboutant] cependant la société Meubles Ikéa France de sa demande en restitution des sommes perçues par la salariée au titre de la modulation et de sa demande de compensation des créances réciproques de ces chefs, au prétexte inopérant que la salariée avait effectivement soumis [été soumise] durant sa période d'emploi dans son planning à une modulation du temps de travail, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article 1302, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction issue de cette ordonnance. »

Réponse de la Cour

16. Selon l'article 3-3-4 « Temps partiel modulé » de l'accord du 31 juillet 2007, pour accompagner la modulation de leur temps de travail, les salariés à temps partiel modulé se verront attribuer une prime mensuelle qui correspond à 2,5 % de leur salaire de base mensuel.

17. Il en résulte que cette majoration, destinée à compenser les sujétions du salarié à temps partiel soumis à un régime de modulation, lui reste acquise, nonobstant une reconnaissance ultérieure de l'inopposabilité de l'accord collectif instituant cette modulation.

18. La cour d'appel, qui a retenu, pour rejeter la demande subsidiaire de l'employeur tendant à la restitution des sommes versées à la salariée au titre de la modulation, que la salariée avait été soumise de manière effective, dans son planning, durant sa période d'emploi, à une modulation du temps de travail, faisant ainsi ressortir les sujétions compensées par la prime mensuelle de modulation, a légalement justifié sa décision.

Mais sur le moyen du pourvoi n° Z 22-21.385 de la salariée

Enoncé du moyen

19. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à ce que soit constatée l'illégalité du recours au travail de nuit par l'employeur à son égard et que ce dernier soit condamné à lui verser une somme en réparation du préjudice subi de ce chef, alors :

« 1°/ que le recours au travail de nuit est exceptionnel ; qu'il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; qu'en application de l'article L. 3122-31 du code du travail, dans sa rédaction applicable, est considéré comme travailleur de nuit tout travailleur qui soit accompli, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de son temps de travail quotidien entre 21 heures et 6 heures, soit accompli, au cours d'une période de référence, un nombre minimal d'heures de travail de nuit ; que lorsque le recours au travail de nuit est illicite en ce qu'il n'est pas justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale, tous les salariés ayant effectué une partie de leur travail au-delà de 21 heures sont considérés comme ayant travaillé de nuit, peu important qu'ils ne soient pas considérés comme des ''travailleurs de nuit'' au sens de l'article L. 3122-31 du code du travail ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'indemnisation de Mme [B] en réparation du préjudice subi du fait du recours illégal à un travail de nuit, la cour d'appel s'est fondée, par motifs propres et adoptés, sur le fait que la salariée n'accomplissait pas, selon ses horaires habituels, au moins deux fois par semaine au moins trois heures de son temps de travail quotidien durant la période comprise entre 21 heures et 6 heures et n'accomplissait pas au moins deux cent soixante-dix heures de travail entre 21 heures et 6 heures pendant une période de douze mois consécutifs, de sorte qu'elle ne pouvait prétendre au statut de travailleur de nuit ; qu'en statuant ainsi, quand le fait que Mme [B] ne puisse pas être qualifiée de ''travailleur de nuit'' au sens de l'article L. 3122-31 du code du travail ne la privait pas du droit d'obtenir réparation du préjudice subi pour avoir travaillé de façon illicite au-delà de 21 heures, la cour d'appel a violé les articles L. 3122-29, L. 3122-31 et L. 3122-32 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 ;

2°/ que le recours au travail de nuit est exceptionnel ; qu'il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; que le fait qu'un salarié ait bénéficié d'une contrepartie, à savoir une majoration de salaire, compte-tenu de son travail occasionnel de nuit, ne permet pas d'écarter l'illégalité du recours par l'employeur au travail de nuit lorsqu'aucune nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale n'est justifiée par l'employeur ; qu'en l'espèce, en déboutant Mme [B] de sa demande d'indemnisation en réparation du préjudice subi du fait du recours illégal à un travail de nuit au motif adopté qu'elle avait bénéficié de la contrepartie accordée aux salariés amenés à travailler occasionnellement quelques heures par nuit, à savoir une majoration de salaire de 105 %, quand cette circonstance ne la privait pas du droit d'obtenir réparation du préjudice subi pour avoir travaillé de façon illicite au-delà de 21 heures, la cour d'appel a violé les articles L. 3122-29, L. 3122-31 et L. 3122-32 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 ;

3°/ que le recours au travail de nuit est exceptionnel ; qu'il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; que le fait qu'un salarié ait souhaité expressément travailler en soirée, ne permet pas d'écarter l'illégalité du recours par l'employeur au travail de nuit lorsqu'aucune nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale n'est justifiée par l'employeur ; qu'en l'espèce, en déboutant Mme [B] de sa demande d'indemnisation en réparation du préjudice subi du fait du recours illégal à un travail de nuit au motif adopté que c'était elle qui avait souhaité expressément travailler en soirée jusqu'à 23 heures afin que son planning soit compatible avec ses études, la cour d'appel a violé les articles L. 3122-29, L. 3122-31 et L. 3122-32 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3122-32 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

20. Aux termes de ce texte, le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale.

21. Pour débouter la salariée de ses demandes relatives à l'illégalité du recours au travail de nuit, l'arrêt retient, par motifs propres, que la salariée, qui, selon son horaire de travail habituel, n'accomplissait pas, au moins deux fois par semaine au moins trois heures de son temps de travail quotidien durant la période comprise entre 21 heures et 6 heures et n'accomplissait pas non plus au moins deux cent soixante-dix heures de travail entre 21 heures et 6 heures pendant une période de douze mois consécutifs, ne peut prétendre au statut de travailleur de nuit.

22. Il ajoute, par motifs adoptés, que la salariée bénéficiait de la contrepartie accordée aux salariés amenés à travailler occasionnellement quelques heures par nuit, à savoir une majoration de salaire de 105 %, et qu'elle souhaitait travailler en soirée jusqu'à 23 heures afin que son planning soit compatible avec ses études.

23. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans constater que le recours au travail de nuit était justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale, peu important que la salariée n'ait pas le statut de travailleur de nuit, qu'elle ait perçu une contrepartie pour les heures de travail accomplies la nuit et qu'elle ait souhaité travailler en soirée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

24. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif relatifs aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure, qui sont justifiés par d'autres dispositions prononcées à l'encontre de l'employeur et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° S 22-18.940 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [Z], épouse [B], de ses demandes tendant à constater l'illégalité du recours au travail de nuit par la société Meubles Ikea France à son égard et à condamner cette dernière à lui verser une somme en réparation du préjudice subi en conséquence, l'arrêt rendu le 2 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Meubles Ikea France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Meubles Ikea France et la condamne à payer à Mme [Z], épouse [B], la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille vingt-quatre.

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