2 février 2024
Cour d'appel de Bourges
RG n° 23/00384

Chambre Sociale

Texte de la décision

SD/SLC





N° RG 23/00384

N° Portalis DBVD-V-B7H-DRKX





Décision attaquée :

du 27 mars 2023

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de NEVERS







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M. [P] [X]





C/



MUTUALITÉ FRANÇAISE BOURGUIGNONNE- SERVICES DE SOINS ET ACCOMPAGNEMENTS MUTUALISTES







--------------------



Expéd. - Grosse



Me THURIOT 2.2.24



Me DUCHANOY 2.2.24



















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 2 FÉVRIER 2024



N° 16 - 9 Pages





APPELANT :



Monsieur [P] [X]

[Adresse 3] - [Localité 4]



Ayant pour avocat postulant Me Denis THURIOT de la SCP THURIOT- STRZALKA du barreau de NEVERS

Représenté par Me Gilles-Jean PORTEJOIE de la SCP PORTEJOIE, avocat plaidant, du barreau de CLERMONT-FERRAND







INTIMÉE :



MUTUALITÉ FRANÇAISE BOURGUIGNONNE- SERVICES DE

SOINS ET ACCOMPAGNEMENTS MUTUALISTES

[Adresse 1] - [Localité 2]



Représentée par Me Loïc DUCHANOY de la SCP LDH AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, substitué à l'audience par Me LAVAL de la SCP SOREL avocat au barreau de BOURGES.











COMPOSITION DE LA COUR



Lors des débats et du délibéré :



PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre



ASSESSEURS : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CHENU, conseillère





GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON





DÉBATS : À l'audience publique du 08 décembre 2023, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 26 janvier 2024 par mise à disposition au greffe. À cette date le délibéré était prorogé au 2 février 2024.



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ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 2 février 2024 par mise à disposition au greffe.




* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE



La Mutualité Française Bourguignonne - Services de Soins et Accompagnements Mutualistes,

ci-après dénommée la MFB-SSAM, régie par le code de la mutualité, gère notamment le centre de santé dentaire sis à [Localité 5] (58).



À l'issue de l'exercice de son activité libérale, le Dr [P] [X] a été embauché à compter du 1er décembre 2019 en qualité de chirurgien-dentiste selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 05 novembre 2019.



Par courriers des 14 et 18 janvier 2022, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé au 27 janvier 2022 à 18h15 puis 11 heures.



À sa demande, et par nouveau courrier du 19 janvier 2022, l'entretien préalable à un éventuel licenciement a été repoussé au 03 février 2022 à 11 heures.



Par courrier du 24 février 2022, M. [X] a été licencié pour faute grave.



Contestant son licenciement et sollicitant paiement de diverses sommes, M. [X] a saisi, le 27 mai 2022, le conseil de prud'hommes de Nevers, lequel, par jugement du 27 mars 2023 a :

- dit M. [X] irrecevable en ses demandes et prétentions,

- dit que son licenciement est fondé sur une faute grave,

En conséquence,

- l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,

- a débouté la MFB-SSAM de sa demande de paiement d'une indemnité de procédure,

- a dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.



M. [X] a régulièrement interjeté appel le 21 avril 2023 de la décision prud'homale, qui lui avait été notifiée le 30 mars 2023, en ce qu'elle le déboutait de ses demandes.



Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 05 juin 2023, M. [X] demande à la cour, par l'infirmation du jugement critiqué en toutes ses dispositions, de :

- À titre principal :

- prononcer la nullité du licenciement pour faute grave en raison de l'existence d'une discrimination en lien avec l'état de santé,

- en conséquence, condamner la Mutualité Française Bourguignonne ' Services de Soins et Accompagnement Mutualistes à lui payer la somme de 80 000 € à titre de dommages et intérêts, nets de CGS et de CRDS et autres charges sociales,

- À titre subsidiaire :

- juger que son licenciement, outre qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse, est abusif,

- en conséquence, condamner la Mutualité Française Bourguignonne -Services de Soins et Accompagnement Mutualistes à lui payer la somme de 56 121,70 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et celle de 23 878,30 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- En tout état de cause :

- juger que les relations contractuelles entre lui et la Mutualité Française Bourguignonne-Services de Soins et Accompagnement Mutualistes étaient soumises à la convention collective nationale de la Mutualité,

- débouter la Mutualité Française Bourguignonne-Services de Soins et Accompagnement Mutualistes de toutes ses demandes, fins et conclusions,



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- la condamner à lui payer la somme de 6 822,37 € nette à titre principal au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et subsidiairement, celle de 3 684,08 € nette au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- la condamner à lui payer la somme de 20 467,11 € à titre d'indemnité brute compensatrice de préavis, outre 2 046,71 € brut de congés payés afférents,

- la condamner à lui payer la somme de 6 822,37 € à titre de dommages et intérêts résultant de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

- la condamner à lui remettre, sous astreinte de 50 € par jour de retard, à compter du 15ème jour de la décision à intervenir, les bulletins de salaire modifiés selon la décision à intervenir,

- ordonner que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Nevers,

- la condamner à lui payer la somme totale de 5 100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des frais irrépétibles exposés, tant en première instance qu'en cause d'appel, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er septembre 2023, la MFB-SSAM demande à la cour de :

- dire M. [X] tant irrecevable que mal fondé en son appel,

- constater que les conclusions d'appelant ne respectent pas les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile,

- prononcer la caducité de l'appel,

- écarter à tout le moins les pièces de l'appelant numérotées 1 à 5, 7, 8 et 11 à 25,

Subsidiairement,

- confirmer le jugement rendu le 27 mars 2023 par le conseil de prud'hommes de Nevers en toutes ses dispositions,

- dire le licenciement de M. [X] fondé sur une faute grave dûment établie,

- dire la procédure de licenciement régulière,

En conséquence,

- débouter M. [X] de ses demandes,

- condamner M. [X] à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 08 novembre 2023.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.






SUR CE



I - Sur la caducité de l'appel



L'article 954 du code de procédure civile dispose que les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.



Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.



En l'espèce, la MFB-SSAM soutient que les conclusions de l'appelant, qui n'y réplique pas, ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 954 sus-visé en ce qu'elles ne contiendraient pas

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l'énoncé des chefs du jugement critiqué et ne comporteraient aucune indication des pièces invoquées, ni leur numérotation à l'exclusion des pièces 6, 9 et 10.



Il en déduit la caducité de l'appel et en tout état de cause, demande que les pièces 1 à 5, 7, 8 et 11 à 25 soient écartées des débats.



Il est néanmoins constant que l'absence de respect des dispositions des alinéas 1 et 2 de l'article 954 énonçant des règles formelles tenant à la présentation et à la structuration des conclusions n'a pas pour sanction la caducité de l'appel, ni ne permet d'écarter les pièces des débats dans la mesure où il n'est pas contesté qu'elles ont été régulièrement communiquées et débattues contradictoirement.



La demande sera rejetée.



II - Sur la rupture du contrat de travail



1) Sur la cause du licenciement



L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute existe, il profite au salarié.



La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être existante et exacte ce qui oblige le juge à vérifier que d'autres faits allégués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement. La cause sérieuse est celle d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.



La faute grave, enfin, est une cause réelle et sérieuse mais d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.



Seuls les manquements volontaires à une obligation professionnelle ou les erreurs profes-sionnelles consécutives à la mauvaise volonté délibérée du salarié peuvent être considérés comme fautifs.



L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Les griefs avancés doivent être fondés sur des faits exacts, précis, objectifs et matériellement vérifiables. À défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.



La preuve de la faute grave repose exclusivement sur l'employeur.



En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement, trop longue pour être entièrement reproduite ici, qui fixe les limites du litige, la société reproche à M. [X] les manquements suivants, justifiant, selon elle, son licenciement pour faute grave :



'M., (....)



1°) En date du 18 novembre 2021, vous vous êtes plaint d'une défaillance et de lenteurs du système informatique et du logiciel métier dentaire. Cette nouvelle plainte de votre part faisait suite à plusieurs remontées que vous aviez effectuées auprès de votre hiérarchie déplorant des lenteurs et des bugs du système informatique. Votre directrice régionale, Mme [M] a alors contacté le service informatique du groupe Vyv3 afin de savoir si des remontées similaires avaient été faites de la part d'autres praticiens sur d'autres centres dentaires du groupe. La réponse du service informatique du groupe a été négative : aucune autre plainte sur des dysfonctionnements du système informatique. Ce même service informatique du groupe lui a alors conseillé de se tourner vers notre propre service informatique afin d'analyser les flux



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sur le réseau. (...)

Une première réponse du S.I. lui a été apportée en date du 2 décembre 2021 et fait apparaître depuis l'adresse IP de votre poste de travail et à partir de votre session Windows, les temps de connexion suivants sur les 30 jours précédents :

- 14 heures de connexion à Netflix,

- 33 heures de connexion à Amazon Prime.

Saisi du problème, le DRH a alors demandé au service informatique de pousser les investigations. Le S.I. a donc poursuivi l'analyse de l'utilisation de votre PC et il s'avère qu'entre le 4 novembre 2021 et le 3 janvier 2022, on dénombre 17 jours durant lesquels votre poste de travail a été connecté à Netflix.

Il est évidemment plus que probable que ceux-ci puissent expliquer les lenteurs de l'application métier dans la mesure où ces connexions sollicitaient lourdement la mémoire de votre PC.

(...)

Au cours de notre entretien, nous vous avons rappelé que cette utilisation à des fins de distraction personnelle, sur votre lieu et pendant votre temps de travail, des outils informatiques de l'entreprise, est non seulement interdite, mais peut également être source de virus et de problèmes, tels ceux justement que vous avez fait remonter fréquemment, pouvant affecter la performance du système informatique dans son ensemble et, par voie de conséquence, le travail de vos collègues sur le même site.

Vous avez reconnu totalement et sans réserve, et les sites visités, et les temps de connexion dont vous nous avez fait part lors de l'entretien, et vous vous êtes contenté de préciser que vous ne saviez pas que cela était interdit et que vous visionniez effectivement des vidéos sur Internet, mais uniquement entre les interventions, sur des temps où vous n'aviez pas de patient à soigner. (...)

2°) Nous vous avons également reproché des fautes en matière de facturation de vos actes à l'organisme de complémentaire santé, puisqu'il est avéré que vous avez facturé des actes réalisés au titre de votre activité salariée de la M FB-SSAM à partir et au profit de votre ancien numéro FINESS de votre activité libérale, ceci occasionnant un règlement à votre profit et sur un compte bancaire à votre nom de la part de l'organisme de mutuelle et un manque à gagner pour votre employeur d'un montant de 3046,53 €. Il est important de préciser ici que ces demandes de prise en charge ainsi que les factures correspondantes, n'ont pu être émises que par vous seul puisque vous êtes l'unique titulaire des identifiants et mots de passe vous permettant de vous connecter à la plate-forme de tiers payant sous votre numéro FINESS libéral.

Votre directrice vous a expliqué lors de l'entretien préalable que ce qui vous était reproché en la matière n'était pas tant l'erreur de départ, qui peut toujours arriver, mais bien votre comportement par la suite, puisqu'en date du 21 décembre 2021 et après plusieurs relances de sa part, vous avez refusé catégoriquement de corriger cette erreur, ce qui l'a obligée à porter réclamation auprès de l'organisme de mutuelle concerné, qui lui a indiqué par mail du 27 janvier 2022, transmettre la demande au service en charge des fraudes, ceci confirmant à tout le moins votre mauvaise facturation des actes concernés. (...)

3°) Enfin, nous vous avons reproché une insubordination et un dénigrement quasi systématique de votre hiérarchie et des autres collaborateurs de l'entreprise.

Sans nous livrer à une lecture exhaustive des nombreux mails que vous nous avez envoyés pour dénigrer tel ou tel membre du personnel de l'entreprise, le service informatique en tête pour les raisons évoquées ci-dessus, nous vous avons simplement rappelé deux écrits de votre main :

- l'un en date du 22 juillet 2021 dans lequel vous attribuez selon vos propres mots « le bonnet d'âne » à Mesdames [K] et [M], ainsi qu'au directeur général de notre entreprise,

- le second en date du 12 mai 2021 dans lequel vous accueillez la responsable paye de la MFB SSAM de vous avoir spolié de vos ISJJ. (...)



Quoi qu'il en soit, tous ces faits constituent des manquements inacceptables à vos obligations professionnelles nous obligeant à vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave, mesure privative des indemnités de préavis et de licenciement, qui sera effective à la date d'envoi de ce courrier. (...)'



M. [X] soutient que l'employeur ayant été informé de l'utilisation personnelle de l'outil informatique au mois de juillet 2021, les agissements reprochés sont prescrits par application des dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail, la procédure disciplinaire n'ayant été mise en 'uvre que le 14 janvier 2022, soit au-delà du délai légal de deux mois, ce que conteste la MFB-SSAM.



S'il est exact que le salarié avait fait part à son employeur dès le 7 juillet 2021 des lenteurs de son ordinateur professionnel, ce dernier qui avait immédiatement fait intervenir un technicien pour vérifier le bon fonctionnement du système informatique, n'avait pas connaissance des connexions reprochées à M. [X].



Ce n'est qu'ensuite d'une nouvelle alerte sur le dysfonctionnement de son ordinateur formalisée



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par ce dernier par e-mail du 2 décembre 2021, que la société mutualiste ayant sollicité que des investigations plus poussées soient entreprises, a connu le 2 décembre 2021 l'utilisation de Netflix et de Amazon Prime vidéo, pour en découvrir la réelle ampleur par l'analyse des logs d'utilisation sur le site d'[Localité 5], le 3 janvier 2022.



La procédure de licenciement ayant ainsi été engagée dans le délai de deux mois après que les vérifications nécessaires ont été réalisées, les griefs articulés contre le salarié ne sont pas prescrits.



M. [X] reproche encore aux premiers juges d'avoir retenu que les éléments justifiant des connexions caractérisaient une faute grave en ce que sa rémunération n'étant nullement proportionnelle aux actes accomplis, il n'était pas soumis à des normes de rendement alors que l'employeur ne lui avait jamais fait de remarque sur son temps de travail. Il soutient, en conséquence, que ses connexions ne se faisaient pas au détriment de son employeur et qu'il n'a ainsi, violé aucune des obligations contractuelles qui étaient les siennes.



Néanmoins, l'intimée réplique justement que les modalités de rémunération mensuelle n'impactent aucunement la durée de travail contractuellement fixée entre les parties.



En effet, il se déduit de l'article 3 du contrat de travail signé le 5 novembre 2019 que M. [X] travaillait à temps complet sur la base d'un horaire mensuel de référence de 151,67 heures, et que ses horaires et jours de travail étaient déterminés par son supérieur hiérarchique et conformément aux horaires d'ouverture du centre de soins dentaires. Il y était précisé que les centres de soins dentaires de la MFB-SAM sont ouverts du lundi au samedi sur une amplitude d'ouverture journalière de 8 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures selon les centres de santé et les jours de la semaine et qu'en tout état de cause, la durée journalière de travail ne pourrait dépasser 10 heures.



Ainsi, le moyen dont se prévaut l'appelant tiré de l'absence de conséquences de l'utilisation du système informatique à des fins personnelles sur la réalisation des missions qui lui étaient confiées est inopérant en ce qu'il ne pouvait, contrairement à ce qu'il affirme, vaquer à des activités personnelles pendant son temps de travail, peu important qu'il s'agisse des 10 minutes de nettoyage imposées par le conseil de l'ordre entre chaque patient ou d'intervalles inoccupés entre deux tâches.



M. [X] prétend ensuite que l'utilisation de son ordinateur professionnel n'est pas démontrée.



Néanmoins, le listing produit en pièce 10 de l'employeur des connexions établies sur le site Netflix entre le 5 novembre 2021 et le 23 décembre 2021 correspond expressément, après la recherche qui en a été effectuée, à l'adresse IP de l'ordinateur utilisé par le salarié.



C'est par ailleurs inexactement que celui-ci soutient que l'employeur ne peut se prévaloir de l'utilisation du matériel informatique à des fins personnelles pendant les heures de travail qu'il avait tolérée sans l'interdire.



En effet, la tolérance invoquée ne se déduit d'aucune des pièces du dossier, alors que le nombre, la fréquence et la durée des connexions de M. [X] à des fins non professionnelles, et notamment le 17 décembre 2021 de 10h19 à 14h33, le 21 décembre 2021 de 14h48 à 16h20, le 23 décembre 2021 de 14h55 à 18h45, caractérisent le caractère abusif de l'utilisation d'internet par le salarié pendant son temps de travail.



Ce comportement est, ainsi, constitutif d'une faute d'une gravité telle qu'elle rendait immédiatement impossible la poursuite de la relation de travail.



Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres manquements invoqués dans la lettre de

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rupture, la réalité de la faute grave se trouve démontrée.



2) Sur la nullité du licenciement



M. [X] affirme que son licenciement est nul au motif qu'il serait fondé sur son état de santé.



L'employeur conteste la nullité du licenciement en ce que celui-ci a été prononcé pour faute grave et non en raison de l'état de santé du salarié.



Il résulte des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé, et que tout licenciement trouvant sa cause dans l'état de santé d'un salarié est nul.



En application de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 1132-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par les dispositions de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008. Il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.



Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



En l'espèce, M. [X] expose que l'employeur avait connaissance qu'âgé de 68 ans, il était une personne à risque et fragile, qu'il avait signalé qu'il souffrait de comorbidités, qu'il devait subir une opération de la cataracte des deux yeux et qu'il s'était vu attribuer la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.



Au soutien de sa demande, il produit :



- une attestation de M. [S] [U] indiquant avoir été choqué par les éternuements d'un homme non masqué sortant des toilettes en face de la porte du cabinet du Dr [X], le 03 janvier 2022,

- des emails des 4 et 6 janvier 2022 dans lesquels M. [X] indique dans un premier temps vouloir exercer son droit de retrait en raison de son état de santé en attendant que la vague redevienne compatible avec un risque acceptable avec ses facteurs de comorbidité, puis prend acte de l'ordre qui lui est donné de reprendre son activité,

- un échange d'emails du 10 janvier 2022 annonçant qu'il doit subir une opération d'une cataracte avancée bilatérale avant 2 mois et qu'il sera indisponible pendant probablement un mois,

- une attestation de bénéficiaire de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés datée du 10 janvier 2022,

- un certificat médical du 17 janvier 2022 établi par son médecin généraliste, le Dr [W], indiquant que le salarié présente des polypathologies à risque avéré de forme grave de Covid-19 : diabète de type 2, hypertension artérielle, un syndrome d'apnée du sommeil, une bronchopathie chronique obstructive.



Ainsi, l'ensemble de ces éléments, corrélé à la chronologie des événements, laisse supposer une discrimination liée à l'état de santé du salarié.



La MFB-SSAM dénie tout lien entre la rupture du contrat de travail et l'état de santé du salarié.



Si l'âge de M. [X], soit 68 ans au moment de la rupture du contrat de travail, ne fait pas débat, l'employeur démontre qu'il n'avait pas connaissance des facteurs de comorbidité dont le salarié se prévaut dans son e-mail du 4 janvier 2022 pour faire valoir son droit de retrait pour



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une semaine.



En effet, tant l'attestation de bénéficiaire de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés datée du 10 janvier 2022 à effet au 7 janvier 2022, que le certificat médical du médecin traitant daté du 17 janvier 2022 précisant qu'il souffre de certaines pathologies l'exposant à une forme grave de Covid-19, n'ont été portés à la connaissance de l'employeur par M. [X], qui ne le conteste pas, que par email du 18 janvier 2022, soit postérieurement au courrier du 14 janvier 2022 par lequel il a dans un premier temps été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement.



C'est ainsi justement que la MFB-SSAM pouvait répondre dès le 4 janvier 2022 à son salarié que dans un contexte général de pandémie, alors qu'elle avait pris toutes les mesures conservatrices nécessaires visant à protéger la santé et assurer la sécurité de son personnel de l'antenne d'[Localité 5], il lui appartenait de se rapprocher de son médecin traitant pouvant lui prescrire un arrêt de travail s'il le jugeait nécessaire.



Par ailleurs, la démonstration par laquelle M. [X] veut établir l'absence de mesures de protection sérieuse prises à l'encontre de la propagation du virus, les témoins attestant d'une salle d'attente encombrée et d'une cohue aux portes des cabinets médicaux, est inopérante en ce qu'elle n'est pas corrélée avec la décision de licenciement intervenue.



Enfin, la réponse immédiate de soutien de la société mutualiste à l'annonce par M. [X] le 10 janvier 2022 de la nécessité de se faire opérer dans les deux mois d'une cataracte avancée bilatérale le rendant indisponible pendant probablement un mois, permet d'établir que cette information n'a pas été déterminante dans sa volonté de le licencier, la faute grave ayant par ailleurs été ci-avant caractérisée.



Ainsi, l'employeur prouve que sa décision de licencier son salarié est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, si bien que la demande visant à ce que soit prononcée la nullité du licenciement ne peut prospérer.



Dès lors, le licenciement pour faute grave de M. [X] est fondé. Il en résulte que le salarié doit être débouté, par confirmation du jugement critiqué, de sa contestation et des demandes indemnitaires subséquentes.



3 ) Sur la régularité de la procédure



Aux termes des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien des prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.



M. [X] sollicite dans le dispositif de ses conclusions la condamnation de la MFB-SSAM, qui s'y oppose, à lui verser la somme de 6 822,37 € à titre de dommages et intérêts résultant de l'irrégularité de la procédure de licenciement.



À défaut d'avoir développé dans la discussion de ses conclusions les moyens nécessaires au soutien de cette prétention, l'appelant sera débouté, par confirmation du jugement critiqué, de sa demande de ce chef.



III - Sur l'application de la convention collective nationale de la mutualité



Il se déduit des dispositions de l'article 1 de la convention nationale de la mutualité que sont exclus de son champ d'application notamment, les professionnels de santé exerçant des activités médicales ou dentaires, liés par un contrat individuel particulier, inscrits à un ordre en application d'un code de déontologie.



Par ailleurs, il n'apparaît pas que les parties aient opté pour la possibilité qui leur était offerte



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à l'alinéa 2 dudit article d'entrer dans le champ d'application de la convention, le contrat de travail signé le 05 novembre 2019 mentionnait expressément qu'il n'était pas régi par une convention collective, peu important que d'autres professionnels de santé aient pu en bénéficier, ce qu'au demeurant M. [X] ne démontre pas.



Il sera en conséquence également débouté de cette demande par confirmation du jugement déféré.



IV - Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles



Compte tenu de ce qui précède, M. [X] n'est pas fondé à réclamer la remise sous astreinte de bulletins de salaire modifiés. Il doit dès lors en être débouté.



Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.



M. [X], qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure.



Il sera condamné à verser à la MFB-SSAM la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS :





La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :



REJETTE la demande tendant au prononcé de la caducité de l'appel ;



DÉBOUTE la Mutualité Française Bourguignonne-Services de Soins et Accompagnement Mutualistes (MFB-SSAM) de sa demande tendant à ce que les pièces de l'appelant numérotées 1 à 5, 7, 8 et 11 à 25 soient écartées des débats ;



CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;



Y ajoutant,



CONDAMNE M. [P] [X] à payer à la MFB-SSAM la somme de 1 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Le CONDAMNE aux entiers dépens d'appel et le DÉBOUTE de sa propre demande pour frais de procédure.





Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;



En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.



LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,







S. DELPLACE C. VIOCHE

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