2 février 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 22/11597

Chambre 4-6

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 02 FEVRIER 2024



N° 2024/ 038













Rôle N° RG 22/11597 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4YC







S.A.S. TRIOMPHE SECURITE





C/



[S] [R] [H]

























Copie exécutoire délivrée

le :02/02/2024

à :



Me Céline FALCUCCI, avocat au barreau de TOULON



Me Mikael STANISIC, avocat au barreau de PARIS





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 04 Juillet 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F20/00677.





APPELANTE



S.A.S. TRIOMPHE SECURITE sise [Adresse 1]



représentée par Me Mikael STANISIC, avocat au barreau de PARIS





INTIME



Monsieur [S] [R] [H], demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Céline FALCUCCI, avocat au barreau de TOULON













*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller









Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Février 2024.







ARRÊT



contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Février 2024



Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***



























































1. Selon contrat à durée déterminée du 22 juin 2017, M. [S] [R] [H] a été recruté en qualité d'agent de sécurité SSIAP 1 et 2 coefficient 140 niveau 3 indice 2 à temps plein pour une rémunération de 1 767,60 euros par la SAS Triomphe sécurité ayant une activité de services de sécurité privée dans le domaine de la grande distribution et le commerce.



2. Par avenant du 31 août 2017, la relation de travail s'est poursuivie sous la forme d'un contrat à durée indéterminée.



3. Le 12 novembre 2019, la SAS Triomphe Sécurité a convoqué M.[H] à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'à son licenciement prévu le 25 novembre 2019.



4. Le 2 décembre 2019, la SAS Triomphe sécurité a licencié M. [H] pour faute grave en raison d'un ton inadapté avec le chef de poste, de propos négatifs à son égard auprès des agents et d'avoir évoqué l'urgence d'organiser des réunions à l'encontre du chef d'équipe et de site, après convocation du salarié à un entretien préalable pour le 25 novembre 2019.



5. Par lettre recommandée avec accusé de réception, M. [H] a contesté le solde de tout compte adressé par courrier du 15 janvier 2020.



6. Le 2 décembre 2020, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon en contestation de son licenciement pour faute grave aux fins de reconnaissance d'un licenciement abusif dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtention de diverses sommes.



7. Par jugement du 4 juillet 2022, le conseil de prud'hommes de Toulon a:

- dit que le licenciement pour faute grave doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- condamné la SAS Triomphe sécurité à payer à M. [H] les sommes suivantes:

- 10 606,60 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 535 euros au titre des deux mois de préavis,

- 353,52 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 1 156,05 euros pour rappel de salaire sur annulation de la mise à pied et ainsi que les congés payés afférents de 115,60 euros,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Triomphe sécurité à la remise de documents rectifiés;

- débouté la SAS Triomphe sécurité de ses demandes reconventionnelles;

- mis les entiers dépens à la charge de la SAS Triomphe sécurité.



8. Le 15 août 2022, la SAS Triomphe sécurité a fait appel.



9. A l'issue de ses dernières conclusions du 15 mai 2023, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SAS Triomphe sécurité demande à la cour de:

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 4 juillet 2022 en ce qu'il requalifie le licenciement pour faute grave de M. [H] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 4 juillet 2022 en ce qu'il la condamne à payer à M. [H] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

- une indemnité de 10 605,60 euros;

- la somme de 3 535,30 euros correspondant à deux mois de préavis;

- la somme de 353,52 euros de congés payés sur préavis;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 4 juillet 2022 en ce qu'il la condamne à payer à M. [H] la somme de 1 156,05 euros pour rappel de salaire sur annulation de la mise à pied ainsi que les congés payés y afférent 115,60 euros;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 4 juillet 2022 en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts de M. [H];

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 4 juillet 2022 en ce qu'il rejette les demandes formulées par M. [H] au titre de la discrimination alléguée;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 4 juillet 2022 en ce qu'il rejette la demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 4 juillet 2022 en ce qu'il la condamne à la remise des documents rectifiés,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 4 juillet 2022 en ce qu'il la condamne à verser à M. [H] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- infirmer le jugement en ce qu'il la déboute de toutes ses demandes reconventionnelles,

- et statuant à nouveau, dire que le licenciement pour faute grave de M. [H] est justifié,

- dire qu'elle a réglé l'intégralité des sommes dues à M. [H] au titre de son contrat de travail,

- débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [H] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner M. [H] aux dépens.



10. Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que conformément aux dispositions de l'article 1104 du code civil, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et cette obligation générale, s'imposant à la fois à l'employeur et au salarié, comporte pour ce dernier, des obligations particulières, soit d'exécuter personnellement et consciencieusement le travail prévu au contrat, respecter les prescriptions du règlement intérieur et l'organisation générale du travail, notamment en matière d'horaires, de discipline, d'hygiène et de sécurité, de se soumettre aux instructions de l'employeur, de s'abstenir de tout acte contraire durant l'exécution du contrat de travail de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise.



11.Elle rappelle que selon une jurisprudence constante, constituent une faute grave, le fait de tenir des propos insultants et menaçants envers un responsable d'encadrement, de dénigrer son supérieur, ces propos ayant entraîné des difficultés dans l'entreprise, ou de le traiter à plusieurs reprises d'incompétent et que toujours selon une jurisprudence constante, des éventuelles réclamations alléguées par le salarié ne peuvent en aucun cas légitimer la violence et les menaces proférées par le salarié aux temps et lieu de travail.



12. Elle fait observer que les griefs exposés dans la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige, à savoir une campagne de dénigrement orchestrée par M. [H] à l'encontre de ses supérieurs, soit le chef de site, M. [N] et son chef d'équipe, M. [G], sont étayés par des éléments versés aux débats, en l'occurrence des attestations de plusieurs salariés, dont l'un évoque un trouble grave engendré au sein de l'équipe, après constat d'une dégradation des relations professionnelles, mais aussi des injures et menaces proférées le 9 novembre 2019, lorsque le salarié a été convoqué à un rendez-vous, pour faire le point, par le chef d'exploitation, M. [E], ayant établi un rapport d'incident.



13. Elle expose que sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour ne pourra que réformer le jugement ayant contrevenu au barème prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail, en la condamnant à verser la somme de 10 606,60 euros, soit six mois de salaire à M. [H], ce dernier ne comptant qu'une ancienneté de deux années pleines.



14. Elle soutient que sur le prétendu traitement discriminatoire en raison de ses origines africaines, au regard du caractère justifié du licenciement pour faute grave démontré et de l'absence de démonstration d'un quelconque traitement discriminatoire, il convient de rejeter la demande de M. [H].



15. Elle ajoute sur la prétendue mise à l'écart discriminatoire quant à l'accès au PC sécurité, que les modalités d'organisation et d'affectation des collaborateurs relèvent du pouvoir de direction de l'employeur et le salarié a fait l'objet d'un accompagnement et de formation lui permettant d'évoluer au sein de la société, à l'instar de l'ensemble des salariés de l'entreprise, d'autant qu'à son embauche, il ne disposait d'aucune expérience en matière de sécurité incendie et qu'il a bénéficié d'une formation SSIAP 2 financée par l'entreprise pour acquérir de nouvelles compétences.



16. Elle fait valoir sur le non-respect de la procédure de licenciement, que les délais de convocation à l'entretien préalable, la mention de la possibilité de se faire assister et le délai de notification de la lettre de licenciement ont été respectés.





17. Elle fait observer que, contrairement aux allégations de l'intimé, les élections des représentants du personnel ont bien eu lieu le 12 juin 2019 mais en raison d'irrégularités ayant entaché les opérations de vote du collège employés, une contestation a été formée devant le tribunal d'instance, lequel a prononcé une annulation partielle relative à l'élection du collège employés.



18. Elle ajoute que l'instance représentative du personnel a continué à fonctionner avec les élus du collège cadres et agents de maîtrise, et que M. [H] avait la possibilité de se faire assister par un élu du collège cadres ou agents de maîtrise ou par un éventuel salarié titulaire d'un mandat syndical.



19. Elle conclut que le salarié ne démontre aucun préjudice à ce titre.



20. A l'issue de ses dernières conclusions du 14 février 2023, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M. [H] demande à la cour de:

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions;

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la faute grave n'est pas caractérisée,

- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé la mise à pied disciplinaire du 12 novembre 2019 avec toutes conséquences de droit,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit en conséquence que le licenciement intervenu est sans cause réelle et sérieuse;

- infirmer le jugement et dire que les plafonds d'indemnisation doivent être écartés du fait du caractère discriminatoire du licenciement;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Triomphe sécurité au paiement d'une somme de 10 605,60 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Triomphe sécurité au paiement d'une somme de 3 535,20 euros au titre du préavis et à la somme de 353,52 euros au titre des congés payés sur préavis;

- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé la mise à pied et condamné la SAS Triomphe sécurité au paiement d'une somme de 1 156,05euros au titre des rappels de salaire sur annulation de la mise à pied outre la somme de 115,60 euros au titre des congés payés dus à ce titre;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Triomphe sécurité à la remise des documents rectifiés et l'infirmer, en ordonnant une astreinte;

- rectifier l'omission de statuer et condamner la SAS Triomphe sécurité à lui payer une somme de 1 104,75 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Triomphe sécurité à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article ainsi qu'aux entiers dépens pour ses frais de première instance;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS Triomphe sécurité de toutes ses demandes reconventionnelles;

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal avec anatocisme;

- condamner la SAS Triomphe sécurité à lui régler la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Céline Falcucci, avocat sur sa due affirmation de droit.



21. Au soutien de ses prétentions, M. [H] fait essentiellement valoir sur le non-respect de la procédure de licenciement, que les élections de représentants du personnel n'ayant pas été organisées par l'employeur, il n'a pas été en mesure d'être assisté, s'est donc rendu seul à l'entretien préalable et n'a pu obtenir un procès-verbal de l'entretien, ce qui lui cause préjudice dans la présente instance.



22. Il fait valoir l'absence de faute grave, la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige n'indiquant ni à qui il se serait adressé ni quand ses prétendus propos négatifs auraient été portés de sorte qu'il est impossible d'en vérifier la véracité, s'ils sont prescrits au moment du licenciement ou encore réels et sérieux.



23. Il fait observer que la lettre de licenciement qui allègue une attitude contestataire lors de la rencontre du 9 novembre 2019 avec le chef d'exploitation, des menaces et insultes et que le portail aurait été secoué est également contestée, que le ton est monté en raison d'insultes de son supérieur, qu'il n'a pas supportées.



24. Il précise qu'il était souvent mis sur des missions de chef de poste ce qui est attesté par les plannings versés aux débats et il n'a fait qu'indiquer qu'il souhaitait qu'une réunion soit organisée pour faire remonter cela aux supérieurs.



25. Il expose qu'il a ressenti une vive discrimination, était systématiquement mis à l'écart en raison de son origine africaine, les autres salariés étant maghrébins pour la plupart, alors qu'il était un très bon agent, travailleur, responsable, disponible et formant les nouveaux arrivants, ce qui est attesté par Mme [C].



26. Il ajoute que les faits relevés ne caractérisaient pas une faute grave et ne rendaient pas impossibles son maintien au sein de la société de sorte que le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse.



27. Il soutient que la rupture du contrat de travail lui a causé un préjudice direct et certain, il a perçu une allocation de retour à l'emploi, n'a retrouvé une situation pérenne en contrat à durée indéterminée que le 1er novembre 2021 se retrouvant en situation d'impécuniosité.



28. Il indique concernant les plafonds d'indemnisation, qu'il convient de les écarter dans la mesure où ils ne permettent pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi compatible avec les exigences de l'article 10 de la convention n°158 de l'OIT et au vu du droit constitutionnel à une réparation intégrale du préjudice, d'autant que l'attitude discriminatoire subi justifie de surcroît cette mise à l'écart des plafonds, d'où une demande d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 12 mois de salaire, soit la somme de 21 211,60 euros.



29. Il précise qu'il a fait l'objet de discrimination pour avoir été empêché d'accéder au PC sécurité alors qu'il était titulaire d'un SSIAP 1 et 2 de sorte que la discrimination subie doit être réparée par l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 3 000 euros.



30. Il fait observer une omission de statuer du conseil de prud'hommes, puisque le licenciement pour faute grave étant sans cause réelle et sérieuse, il a droit à une indemnité légale de licenciement, soit la somme de 1 104,75 euros suivant le calcul 1 767,60/4*2,5 ans.



31. Il fait valoir que du fait de l'effet dévolutif, il convient de rectifier l'omission de statuer, et de faire droit à sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement dont il a été injustement privé.



32. La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 septembre 2023. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.




MOTIVATION



Sur le licenciement pour faute grave:



33. L'article L.1132-1 du code du travail, dans sa version en vigueur à l'époque du licenciement de M.[H] prévoit notamment qu'aucune personne ne peut être licenciée en raison de son origine.



34. Il résulte de l'article L. 1134-1 du code du travail que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance du principe de non-discrimination, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.







35. Enfin, il ressort de l'article L.1132-4 du code du travail qu'un licenciement fondé sur l'origine du salarié est nul.



36. En l'espèce, il n'est pas contesté que M.[H] est d'origine africaine et que ses collègues de travail sont d'origine maghrébine.



37. Cette seule circonstance, en l'absence de tout autre élément de nature à présumer l'existence d'un lien entre l'origine de M.[H] et la rupture de son contrat de travail ne permet pas de présumer l'existence d'une discrimination à l'égard de M.[H].



38. Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l'employeur, le salarié n'ayant rien à prouver.



En l'espèce, la lettre de licenciement adressée le 2 décembre 2019 par la SAS Triomphe Sécurité à M.[H] est rédigée dans les termes suivants:

Par courrier recommandé daté du 12 novembre 2019, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à votre éventuel licenciement qui s'est déroulé le 25 novembre 2019.

Vous vous êtes présenté seul à cette convocation.

Nous vous rappelons, ici. les faits qui nous ont amenés à engager cette procédure:

A titre liminaire, il est indiqué que vous avez été engagé au sein de notre entreprise en qualité d'agent de sécurité/agent de sécurité incendie, le 22 juin 2017.

Vous êtes affecté sur le site de nos clients CENTRE COMMERCIAL MAYOL et ELECTRO DEPOT [Localité 3].

La cohésion d'équipe est un élément essentiel de la réussite de notre mission sur site.

Or, nous avons appris par des agents que vous tentiez de discréditer notre chef de site Monsieur [N] et notre chef d'équipe Monsieur [G]. Selon vous, ces derniers seraient des « incompétents » qui ne « feraient pas leur travail » et il est selon vous « urgent d'organiser des réunions à l'encontre du chef d'équipe et du chef de site ».

Certains agents nous ont appris que vous aviez tenté de les monter contre leurs responsables hiérarchiques et contre d'autres agents. Selon vous, en effet, les responsables privilégiaient des agents au détriment des autres ! Pour preuve flagrante, toujours selon vous, certains agents pouvaient aller au PC sécurité alors que d'autres n'avaient pas d'autorisation d'accès. Et pour cause, l'accès au PC sécurité n'est donné qu'à des personnes ayant une formation spécifique; celles-ci sont en outre, obligatoirement habilitées à intervenir auprès du PC Sécurité par le chef de site, le chef d'équipe et le client. A toutes fins utiles, il est spécifié que ces personnes reçoivent une habilitation pour gérer le SSI, les appels, etc... Bien que vous ayez une parfaite connaissance de cette organisation, vous n'avez pas hésité à tenter de créer des frustrations, de la jalousie et plus généralement un esprit de rébellion au sein de notre équipe.

Informé de votre comportement, Monsieur [T] [E], responsable d'exploitation, a souhaité vous rencontrer le 09 novembre dernier lors de sa venue sur [e centre commercial Mayol.

Vers 15h30, vous vous êtes présenté au PC sécurité clairement sur la défensive; votre responsable d'exploitation a été contraint de mettre un terme presque immédiatement à votre échange. En effet, alors que votre responsable souhaitait entamer le dialogue vous lui avez fait comprendre par une attitude contestataire que vous refusiez de vous remettre en cause. Face à votre comportement, Il a été contraint de vous signifier qu'une convocation à entretien disciplinaire vous serait officiellement envoyée.

Aux alentours de 18h05, vous vous êtes rendu au PC sécurité pour faire votre fin de service. Monsieur [E] était en train de préparer les plannings des agents avec Monsieur [G], chef d'équipe. Dès votre arrivée, vous l'avez invectivé: « j'attends votre convocation et envoyez-la moi vite !». Compte tenu de votre comportement, Monsieur [E] vous a demandé de quitter le site et vous a raccompagné jusqu'à la sortie. Arrivé au niveau du portail d'accès, vous avez à nouveau pris à partie Monsieur [E] sur un ton agressif. Monsieur [G], chef d'équipe a alors tenté de vous ramener à la raison, sans succès. Il vous a donc demandé de rentrer chez vous. Au lieu d'obtempérer vous vous êtes avancé très près de Monsieur [E], pour le menacer et l'insulter. Ci-après un florilège de vos propos à son encontre: « vas te faire foutre », « tu ne me connais pas, tu verras... » « moi je suis un bonhomme, je porte mes couilles.. », « fils de pute ». Monsieur [E] n'a pas répondu à vos insultes et à votre agressivité. Manifestement vous cherchiez à le pousser à la faute, sans succès. Ce dernier est resté calme. Vous vous en êtes alors pris avec force, au portail d'accès, que vous avez secoué avec violence à deux reprises !

Votre comportement vis-à-vis de votre responsable et plus généralement vis-à-vis de notre équipe sur site n'est pas tolérable. Vous avez insulté votre responsable d'exploitation et tenté de créer des conflits pour votre seul profit sans vous soucier des conséquences désastreuses sur l'équipe et plus globalement sur la mission qui nous a été confiée.

Compte tenu de ces faits particulièrement inacceptables, nous ne saurions envisager de vous maintenir au sein de notre effectif auquel vous cesserez d'appartenir dès l'envoi de la présente, valant notification de licenciement pour faute grave ».



39. Il résulte de l'article L. 1232-6 du code du travail que la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. Cependant, la datation des faits invoqués n'est pas nécessaire et l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.



40. En l'espèce, bien que la lettre de licenciement ne précise pas à qui aurait été adressés les propos reprochés à M.[H] ni à quelle date ceux-ci auraient été proférés, elle énonce des motifs précis et matériellement vérifiables. Par ailleurs, dans le cadre de la présente instance, la SAS Triomphe Sécurité produit aux débats divers courriels et courriels à l'appui de l'argumentation qu'elle développe pour justifier du bien-fondé du licenciement de M.[H]. Ce dernier ne peut en conséquence tirer argument d'une motivation insuffisante de la lettre de licenciement.



41. Pour établir les faits reprochés à M.[H], verse aux débats:

- un courrier qui lui a été adressé par M.[K], salarié de l'entreprise, dans lequel ce dernier l'informe que M.[H] tentait monter les agents contre le chef de site et le chef d'équipe, qu'il n'arrêtait pas de dire que les chefs d'équipes ne faisaient pas leur travail et qu'il fallait une réunion et que comportement générait un climat professionnel difficile,

- un courriel de M.[N], chef de site, du 11 novembre 2019, dans lequel celui-ci porte à la connaissance de la SAS Triomphe Sécurité que M.[H] avait commencé par critiquer les chefs d'équipe auprès des agents en indiquant qu'il était urgent d'organiser une réunion à l'encontre des chefs d'équipes car il estimait qu'ils ne faisaient pas leur travail et que l'audition de divers salariés avait établi que M.[H] [R] discréditait ses supérieurs hiérarchiques en remettant en cause leur compétence,

- un courrier de M.[V], salarié de l'entreprise, qui avise la SAS Triomphe Sécurité que M.[H] était allé à la rencontre des agents de l'équipe en compagnie de Mme [C] [P] dans le but d'organiser une réunion afin de dénigrer le travail effectué par les chefs de postes actuels,

- un courriel de M.[G], du 11 novembre 2019, dans lequel celui-ci l'informe avoir constaté une dégradation de relations professionnelles entre les agents, qu'après avoir entamé une discussion personnelle avec eux pour installer un climat apaisé et favorable à l'évolution de chacun et de continuer à travailler dans de bonnes conditions, le résultat était que M.[H] remontait les agents les uns contre les autres et même contre les chefs de poste, que ce comportement était dangereux pour la SAS Triomphe Sécurité en qualité de prestataire en fragilisant sa réputation aux yeux de la direction du centre et créant des problèmes au sein de notre équipe ,

- le témoignage de M.[A], agent de sécurité au centre commercial Mayol, qui expose avoir été approché par M.[H] qui lui disait que des agents embauchés après lui étaient formés au PC sécurité ce qui n'était pas normal que les chefs d'équipe faisaient du favoritisme et qu'il fallait se plaindre à la direction,

- un rapport d'incident dressé le lundi 11 novembre 2019 par M.[E], responsable d'exploitation chez la SAS Triomphe Sécurité, indiquant que le Le samedi, vers 18h05, alors qu'il était au bureau du chef d'équipe, pour travailler ses plannings, M.[H] s'était présenté au PC pour effectuer sa fin de service, c'est en ce moment-là qu'il était parti la provocation en lui disant qu'il attendait sa convocation et qu'il fallait lui envoyer celle-ci rapidement, que n'ayant pas eu la réponse escomptée, il avait traversé le hall d'accueil, pour le provoquer et avait haussé le ton, que M.[G] était arrivé et avait demandé à M.[H] de sortir et que ce dernier lui avait dit d'aller se « faire foutre » et l'avait menacé,

- le rapport d'incident de M.[G] du 11 novembre 2011 exposant que, le samedi 9 novembre, il avait constaté que M.[E] essayait de calmer M.[H] mais que ce dernier avait insulté M.[E] en disant d'aller se « faire foutre », en le traitant de « fils de pute » et en le menaçant et que les tentatives pour raisonner M.[H] avait été vaines.



42. Ces courriels, courriers et témoignages, précis et concordants établissent clairement la réalité des faits de dénigrement et d'agressivité verbale de M.[H] à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques et qui, à raison de leur importance, rendaient impossible le maintien de M.[H] dans l'entreprise, justifiant ainsi son licenciement pour faute grave.



43. Le jugement déféré, qui a requalifié le licenciement pour faute grave de M.[H] en licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à verser à M.[H] diverses sommes de ce chef, sera infirmé et M.[H] sera débouté de ses demandes de ce chef.



Sur le respect de la procédure de licenciement:



44.Selon l'article L.1232-4 du code du travail, lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.



45.Il n'est pas contesté que, lors de son entretien préalable à licenciement du 25 novembre 2019, faute de représentants du collège employé au sein du comité social et économique de l'entreprise (CSE), M.[H] n'a pu être assisté par un membre du CSE.



46.Cependant, la SAS Triomphe sécurité justifie que, par jugement du 16 novembre 2019, le tribunal d'instance de Paris a annulé l'élection du collège employé des membres du CSE. Dès lors, cette impossibilité d'être assisté trouvant sa cause dans un événement extérieur à l'entreprise, elle ne peut présenter un caractère fautif ouvrant droit à indemnisation au profit de M.[H].



Sur le surplus des demandes:



47.M.[H] ne verse aux débats aucun élément de preuve de nature à démontrer qu'il a été privé de l'accès au PC Sécurité ni à laisser présumer qu'une telle interdiction d'accéder, à la supposer établie, était fondée sur son origine. Dès lors, il ne peut prétendre à des dommages et intérêts pour discrimination.



48.Enfin M.[H], partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, devra payer à la SAS Triomphe Sécurité la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS;



La cour, statuant publiquement et contradictoirement;



INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 4 juillet 2022 en ce qu'il a:

- dit que le licenciement pour faute grave doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- condamné la SAS Triomphe sécurité à payer à M. [H] les sommes suivantes:

- 10 606,60 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 535 euros au titre des deux mois de préavis,

- 353,52 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 1 156,05 euros pour rappel de salaire sur annulation de la mise à pied et ainsi que les congés payés afférents de 115,60 euros,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Triomphe sécurité à la remise de documents rectifiés;

- mis les entiers dépens à la charge de la SAS Triomphe sécurité.



LE CONFIRME pour le surplus ;



STATUANT à nouveau;



DEBOUTE M.[H] de ses demandes ;



CONDAMNE M.[H] à payer à la SAS Triomphe Sécurité la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;



CONDAMNE M.[H] aux dépens de première instance et d'appel.



Le Greffier Le Président

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