1 février 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-11.297

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:C300063

Texte de la décision

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er février 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 63 F-D

Pourvoi n° J 22-11.297




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2024

La société AZ Tours, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 22-11.297 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société L'Immobilière européenne des mousquetaires, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Boutin et compagnie, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société AZ Tours, de Me Balat, avocat de la société L'Immobilière européenne des mousquetaires, et après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 14 décembre 2021), par acte authentique du 2 février 2007, la société Boutin et compagnie, aux droits de laquelle vient la société L'Immobilière européenne des mousquetaires (la venderesse) a vendu à la société civile immobilière AZ Tours (l'acquéreur), un « ensemble immobilier » à usage commercial, de bureaux et d'habitation, au prix de 300 000 euros.

2. Soutenant que ce prix était très inférieur à la valeur réelle du bien, la venderesse a, par acte du 22 octobre 2007, assigné l'acquéreur en annulation de la vente pour dol et subsidiairement, sur le fondement de la rescision pour lésion, et en désignation du collège d'expert prévu par l'article 1678 du code civil.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de dire qu'à défaut pour lui d'opter pour la conservation du bien en réglant le complément du prix « dans les deux mois du présent arrêt », il devrait restituer le bien avec les fruits perçus à la venderesse à charge pour cette dernière de restituer le prix de vente payé, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, ni la société IEM, ni la SCI AZ Tours n'ayant demandé la fixation d'un délai pour exercer le droit d'option tiré de l'article 1681 du code civil, seul un délai raisonnable devait être respecté par les parties, laissé à leur appréciation ; qu'en fixant le délai à deux mois à compter de l'arrêt attaqué sans pour autant qu'aucune des parties au litige n'ait formulé une telle prétention, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :

5. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

6. Selon le second, le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé.

7. L'arrêt retient que faute pour l'acquéreur d'opter pour la conservation du bien en payant le complément de prix fixé, dans les deux mois de la décision, il devra restituer à la venderesse le prix du bien et les fruits reçus.

8. En statuant ainsi, alors qu'aucune des parties ne sollicitait la fixation d'un délai pour l'exercice de l'option offerte à l'acquéreur par l'article 1681 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de fixer le supplément du prix à la somme de 1 964 550 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en rescision du 22 octobre 2007 et de dire qu'à défaut d'opter pour la conservation du bien en réglant ces sommes dans les deux mois de l'arrêt, il devra restituer le bien et les fruits perçus, alors « que si l'acquéreur préfère garder la chose en fournissant le supplément du juste prix, il doit l'intérêt du supplément du jour de la demande en rescision ; que le supplément du juste prix étant une quotité de la valeur de la chose, les intérêts se calculent sur un capital variable en fonction des fluctuations de la valeur de la chose depuis le jour de la vente ; qu'en jugeant pourtant que les intérêts devraient se calculer sur l'évaluation définitive du bien vendu sans prendre en compte l'évolution de sa valeur depuis 2007, année de la vente, la cour d'appel a violé l'article 1682 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1682 du code civil :

10. Selon ce texte, si l'acquéreur préfère garder la chose en fournissant le supplément du juste prix, il doit l'intérêt de ce supplément du jour de la demande.

11. Il est jugé que ce supplément étant une quotité de la valeur de la chose, il suit jusqu'à son évaluation définitive les variations de valeur de cette chose (3e Civ., 3 mai 1972, pourvoi n° 71-11.404, Bull. n° 284).

12. L'arrêt, après avoir fixé en 2020 le supplément de prix à la somme de 1 964 550 euros, majore cette somme des intérêts légaux à compter du 22 octobre 2007, date de l'assignation en rescision, sans distinguer selon les variations de la valeur de l'immeuble entre ces deux dates.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susuvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe un délai de deux mois à compter de l'arrêt, à la société civile immobilière AZ Tours, pour conserver le bien et payer le complément de prix ou restituer le bien avec les fruits reçus et recevoir le prix payé à la venderesse et en ce qu'il augmente le montant du supplément du juste prix qu'il fixe des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en rescision du 22 octobre 2007, l'arrêt rendu le 14 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée ;

Condamne la société civile immobilière AZ Tours aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière AZ Tours et la condamne à payer à la société L'Immobilière européenne des mousquetaires la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-quatre.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.