31 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-10.276

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00117

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire - Plan de cession - Substitution de cessionnaire - Conditions - Autorisation du tribunal - Défaut - Effets - Contrats de travail des salariés de l'entreprise cédée - Transfert des contrats de travail au cessionnaire - Portée

Aux termes de l'article L. 642-9, alinéa 3, du code de commerce, toute substitution de cessionnaire doit être autorisée par le tribunal dans le jugement arrêtant le plan de cession, sans préjudice de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 642-6. Il en résulte qu'en l'absence d'autorisation par le tribunal ayant arrêté le plan de redressement d'une substitution de cessionnaire, les contrats de travail des salariés de l'entreprise cédée dont l'emploi est maintenu par le plan sont de plein droit transférés au cessionnaire. Une cour d'appel, qui a constaté que le jugement du tribunal de commerce n'avait arrêté le plan de cession qu'au profit d'une société qu'il désignait et qu'il ne mentionnait aucune autorisation d'une éventuelle substitution du cessionnaire, notamment au profit d'un tiers se présentant à un salarié comme repreneur, en a exactement déduit que le contrat de travail de ce salarié s'était poursuivi de plein droit avec la société désignée en application de l'article L. 1224-1 du code du travail

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Plan - Plan de cession - Substitution de cessionnaire - Conditions - Autorisation du tribunal - Défaut - Effets - Contrats de travail des salariés de l'entreprise cédée - Transfert des contrats de travail au cessionnaire - Portée

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 janvier 2024




Rejet


M. SOMMER, président



Arrêt n° 117 FS-B

Pourvoi n° Z 22-10.276



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 JANVIER 2024

1°/ La société Groupe SAG, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société Agence alpine gardiennage sécurité (SAGS), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par la société MJ synergie, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 7], prise en la personne de M. [M], en qualité de liquidateur judiciaire,

ont formé le pourvoi n° Z 22-10.276 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [O] [I], domicilié [Adresse 6],

2°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF Ouest, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à l'AGS-CGEA d'[Localité 8], dont le siège est [Adresse 5],

4°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [R] [G], en qualité de mandataire liquidateur de la société Leader sécurité,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des sociétés Groupe SAG et Agence alpine gardiennage sécurité, représentée par la société MJ synergie, liquidateur judiciaire, de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. [I], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, Panetta, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 septembre 2021) et les productions, M. [I] a été engagé en qualité d'agent de sécurité à compter du 12 février 2015 par la société Leader sécurité.

2. Après l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Leader sécurité le 31 août 2017, le tribunal a prononcé le 17 août 2018 sa liquidation judiciaire et a arrêté un plan de cession de ses actifs, avec pour cessionnaire la société Groupe SAG, en précisant que l'entrée en jouissance de cette dernière aurait lieu à la date du jugement arrêtant le plan de cession.

3. Un avenant au contrat de travail a été soumis à la signature du salarié le 17 août 2018 par la société Agence alpine gardiennage sécurité (la société SAGS) aux fins de transférer son contrat de travail à cette société. Le salarié a refusé de le signer, soutenant que la société Groupe SAG demeurait son employeur.

4. Le 29 août 2018, à l'occasion d'un litige l'opposant à la société Leader sécurité devant la juridiction prud'homale, le salarié a appelé en intervention forcée la société Groupe SAG, la société SAGS ainsi que M. [N], en sa qualité d'administrateur judiciaire et la société Luc Gomis, aux droits de laquelle est venue la société MJ synergie, en sa qualité de mandataire judiciaire de cette société, ainsi que l'AGS CGEA d'[Localité 8], pour faire juger que son contrat de travail avait été transféré à la société Groupe SAG et que le transfert décidé à la société SAGS était frauduleux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société Groupe SAG fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail du salarié a été transféré de plein droit en son sein en application du jugement du tribunal de commerce du 17 août 2018, alors « que le transfert de plein droit des contrats de travail organisé par l'article L 1224-1 du code du travail a pour objet d'assurer la pérennité de l'emploi des salariés ; qu'en affirmant, pour dire que la société Groupe SAG était l'employeur de M. [I] à compter du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 17 août 2018, que le transfert du contrat de travail de M. [I] au profit de la société SAGS s'était fait en fraude de l'article L 1224-1 du code du travail et du jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 août 2018, dès lors que l'offre de reprise avait été présentée par la société Groupe SAG, après avoir pourtant relevé que les contrats de travail des salariés, dont celui de M. [I], s'étaient poursuivis au sein de la société SAGS de sorte que bien que le transfert ait opéré au sein d'une autre société que celle désignée dans le jugement, la pérennité des emplois avait été assurée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L 1224-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

8. Selon l'article L. 642-5 , alinéa 1er, du code de commerce, après avoir recueilli l'avis du ministère public et entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur, l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et les contrôleurs, le tribunal retient l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d'exécution. Il arrête un ou plusieurs plans de cession.

9. En application de l'alinéa 3 du même texte, le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions applicables à tous.

10. En vertu de l'article L. 642-6 du code de commerce, une modification substantielle dans les objectifs et les moyens du plan ne peut être décidée que par le tribunal, à la demande du cessionnaire.

11. Aux termes de l'article L. 642-9, alinéa 3, du même code, toute substitution de cessionnaire doit être autorisée par le tribunal dans le jugement arrêtant le plan de cession, sans préjudice de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 642-6. L'auteur de l'offre retenue par le tribunal reste garant solidairement de l'exécution des engagements qu'il a souscrits.

12. Il en résulte qu'en l'absence d'autorisation par le tribunal ayant arrêté le plan de redressement d'une substitution de cessionnaire, les contrats de travail des salariés de l'entreprise cédée dont l'emploi est maintenu par le plan sont de plein droit transférés au cessionnaire.

13. La cour d'appel, qui a constaté que le jugement du tribunal de commerce n'avait arrêté le plan de cession qu'au profit de la société Groupe SAG et qu'il ne mentionnait aucune autorisation d'une éventuelle substitution du cessionnaire, notamment au profit de la société SAGS ou d'une société à créer, en a exactement déduit que le contrat de travail du salarié s'était poursuivi de plein droit avec la société Groupe SAG en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.


Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. La société Groupe SAG fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié à ses torts exclusifs à effet de cet arrêt et de la condamner, en conséquence, à verser au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, à titre d'indemnité de licenciement et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner de remettre au salarié un certificat de travail mentionnant comme période d'emploi, le 17 août 2018 avec une reprise d'ancienneté au 12 février 2015 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt, une attestation Pôle emploi, un solde de tout compte et un bulletin de paie conformes, alors « que, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation, qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier et/ou du deuxième moyen, emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts exclusifs de la société Groupe SAG à effet du présent arrêt et en ce qu'il l'a condamnée à lui payer diverses sommes et lui remettre divers documents subséquents. »

Réponse de la Cour

16. Les premier et deuxième moyen étant rejetés, le grief tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Groupe SAG et la société Agence alpine gardiennage sécurité, représentée par la société MJ synergie, liquidateur judiciaire, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Groupe SAG et Agence alpine gardiennage sécurité, représentée par la société MJ synergie, liquidateur judiciaire, et les condamne in solidum à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-quatre.

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