30 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-82.058

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CR00068

Titres et sommaires

AVOCAT - Secret professionnel - Perquisition effectuée dans son cabinet - Saisie de documents - Opposition du bâtonnier - Juge des libertés et de la détention - Délai pour statuer - Sanction - Nullité - Exclusion

Le respect du délai de cinq jours imposé au juge des libertés et de la détention par l'article 56-1, alinéa 4, du code de procédure pénale pour se prononcer sur une contestation élevée en matière de saisie effectuée dans le cabinet d'un avocat ou au domicile de ce dernier, n'est pas prescrit à peine de nullité. Les convocations adressées à l'avocat au cabinet ou au domicile duquel la perquisition a été effectuée, au bâtonnier ou son délégué, peuvent l'être par tout moyen

AVOCAT - Secret professionnel - Perquisition effectuée dans son cabinet - Saisie de documents - Opposition du bâtonnier - Juge des libertés et de la détention - Convocation - Forme

Texte de la décision

N° U 23-82.058 F-B

N° 00068


RB5
30 JANVIER 2024


REJET


M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 JANVIER 2024



MM. [W] [Y] et [G] [X] ont formé des pourvois contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 4 avril 2023, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'escroquerie aggravée, faux et usage, a prononcé sur une contestation élevée en matière de saisie effectuée dans le cabinet d'un avocat.

Par ordonnance du 17 août 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.

Des mémoires ont été produits.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [W] [Y] et [G] [X], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par deux ordonnances des 29 novembre 2022 et 2 décembre suivant, le juge des libertés et de la détention a autorisé le juge d'instruction chargé de la procédure à réaliser une perquisition dans les locaux professionnels où MM. [W] [Y] et [G] [X] exercent la profession d'avocat.

3. À l'occasion de cette perquisition, effectuée le 5 décembre 2022, le représentant du bâtonnier de l'ordre s'est opposé à la saisie de certains éléments, qui ont été placés sous scellé fermé.

4. Le magistrat instructeur a saisi, le 8 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention pour qu'il prononce sur cette opposition.

5. Par ordonnance du 29 mars 2023, ce magistrat a ordonné le versement à la procédure du contenu du scellé concerné.

6. MM. [Y] et [X] ont relevé appel de cette décision le 30 mars suivant.

Examen des moyens

Sur le second moyen proposé pour M. [Y] et le moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour M. [X]


7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le premier moyen proposé pour M. [Y]

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant ordonné le versement à la procédure du contenu du scellé fermé « JI/CAB/1 » constitué lors de la perquisition du cabinet de MM. [Y] et [X], alors :

« 1°/ d'une part que le délai de 5 jours ouvert au juge des libertés et de la détention pour statuer sur la contestation de la saisie d'un document à l'occasion d'une perquisition dans le cabinet d'un avocat est prescrit à peine de nullité et de restitution à l'avocat de la pièce en cause ; qu'en affirmant, pour dire la procédure suivie en l'espèce régulière même s' « il est constant que le délai de cinq jours pour statuer n'a pas été respecté par le juge des libertés et de la détention », « le délai n'est pas prévu à peine de nullité », le Président de la Chambre de l'instruction a violé les articles 56-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

2°/ d'autre part et en tout état de cause que la méconnaissance du délai de 5 jours ouvert au juge des libertés et de la détention pour statuer sur la contestation de la saisie d'un document à l'occasion d'une perquisition dans le cabinet d'un avocat entraîne la nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention lorsqu'il en est résulté une atteinte aux droits et libertés de l'avocat perquisitionné ; qu'en se bornant, pour dire la procédure suivie régulière même s' « il est constant que le délai de cinq jours pour statuer n'a pas été respecté par le juge des libertés et de la détention », que « le délai n'est pas prévu à peine de nullité », sans rechercher si le dépassement du délai n'avait pas porté atteinte aux droits et libertés de Me [Y], le Président de la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 56-1, 59, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

3°/ de troisième part que devant le Président de la Chambre de l'instruction, Me [Y] faisait valoir que le juge des libertés et de la détention avait statué 111 jours après la perquisition, ce qui avait nécessairement porté atteinte, en le privant de la disponibilité des éléments saisis, au libre exercice de sa profession, aux droits de la défense et au secret professionnel ; qu'en affirmant que la méconnaissance par le juge des libertés et de la détention des dispositions de l'article 56-1 du Code de procédure pénale ne produisait aucun effet, le Président de la Chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 56-1, 59, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Pour rejeter le moyen pris du caractère tardif de la décision du juge des libertés et de la détention, rendue le 29 mars 2023, soit plus de cinq jours après réception des pièces transmises le 8 décembre 2022, l'ordonnance attaquée constate que ce délai imparti par l'article 56-1 du code de procédure pénale au juge des libertés et de la détention pour statuer n'a pas été respecté.

10. Le président de la chambre de l'instruction relève que, néanmoins, seules les dispositions du premier alinéa de ce texte sont prescrites à peine de nullité.

11. Il en conclut que le dépassement dudit délai ne peut constituer une cause d'annulation, ni d'infirmation.

12. En se déterminant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, dès lors que le respect du délai de cinq jours imposé au juge des libertés et de la détention par l'article 56-1, alinéa 4, du code de procédure pénale, n'est prescrit à peine de nullité ni par ce texte ni par l'article 59 dudit code.

13. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Sur le moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [X]

Enoncé du moyen

14. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté la demande de renvoi de M. [X] et a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant ordonné le versement à la procédure du contenu du scellé fermé « JI/CAB/1 » constitué lors de la perquisition du cabinet de MM. [Y] et [X], alors :

« 1°/ d'une part que le Président de la Chambre de l'instruction ne peut statuer sur la contestation des saisies effectuées lors d'une perquisition en cabinet d'avocat qu'après avoir mis l'avocat dont le cabinet a été perquisitionné en mesure d'être entendu par lui, ce qui suppose que cet avocat ait été convoqué, sinon cinq jours au moins avant la tenue de l'audience, du moins par lettre recommandée ; qu'au cas d'espèce, il résulte des propres constatations du Président de la Chambre de l'instruction que Maître [X] n'a été convoqué à l'audience du 3 avril 2023 que par lettre simple du 31 mars 2023 ; qu'en conséquence, sa défense sollicitait le renvoi de l'audience afin de permettre la régularisation de cette convocation ; qu'en affirmant, pour refuser de faire droit à la demande de renvoi et statuer sur la contestation qui lui était soumise, que Maître [X] avait été convoqué par lettre simple et par appel téléphonique à ses avocats, le Président de la Chambre de l'instruction a violé les articles 56-1, 59, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

15. Pour rejeter la demande de renvoi présentée par M. [X], qui faisait valoir qu'il n'avait pas été convoqué conformément aux dispositions de l'article 197 du code de procédure pénale, l'ordonnance attaquée énonce que ce texte n'est pas applicable.

16. Le président de la chambre de l'instruction relève que l'intéressé a été convoqué le vendredi 31 mars 2023 par lettre simple à son adresse déclarée, qui est celle de son domicile.

17. Il précise que le greffe a pris contact avec les avocats de M. [X] le jour même pour que ce dernier soit bien informé de la convocation, des messages ayant été laissés sur les répondeurs desdits avocats.

18. Il observe enfin qu'en raison du caractère contraint des délais prévus à l'article 56-1 du code de procédure pénale, la demande de renvoi ne peut qu'être rejetée.

19. En se déterminant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, dès lors qu'en l'absence de toute disposition expresse et en considération du très bref délai imparti à ce magistrat pour se prononcer, les convocations adressées à l'avocat au cabinet ou au domicile duquel la perquisition a été effectuée, au bâtonnier ou son délégué, peuvent l'être par tout moyen.


20. Le moyen doit ainsi être écarté.

21. L'ordonnance est par ailleurs régulière en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-quatre.

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