24 janvier 2024
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 22/00268

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 24 JANVIER 2024









N° RG 22/00268 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MQLZ







S.A.S. BAZ INDUSTRIES





c/



S.A.S. OCEANO LOISIRS























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 octobre 2021 (R.G. 2019F01310) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 19 janvier 2022





APPELANTE :



S.A.S. BAZ INDUSTRIES, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]



représentée par Maître Max BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Josian FRAYSSE, avocat au barreau de TOULOUSE





INTIMÉE :



S.A.S. OCEANO LOISIRS, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]



représentée par Maître Anne-sophie ROUGIER, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Stéphan VIGNÉ, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 décembre 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,



Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT





ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.














FAITS ET PROCÉDURE



Selon contrat du 07 octobre 2013, la SAS Oceano Loisirs, qui exploite un parc de loisirs et sportif à [Localité 2] (Vendée), a signé un « contrat de prestations de services » pour confier à la SAS Baz Industries la conception et la gestion des travaux d'installation d'une activité nommée « Water Jump », qui permet aux clients d'effectuer des sauts dans l'eau à partir de tremplins.



Le contrat comporte notamment une clause d'exclusivité au bénéfice de la société Oceano Loisirs, interdisant au fournisseur de mettre en place un projet équivalent durant cinq années dans le département de la Vendée et dans cinq départements limitrophes.



La société Océano Loisirs a découvert sur Internet que le fournisseur avait vendu le même concept à une société « Lauchris », située dans le périmètre d'exclusivité.



Au vu de l'autorisation donnée sur requête le 21 avril 2016 par le président du tribunal de grande instance de Poitiers, Maître [O] [V], huissier de justice, a constaté que la société Lauchris Loisirs a développé l'activité de Water Jump sur la commune de [Localité 4] (86), en contractant avec une société Baz Innovation, dirigée par les mêmes personnes que Baz Industries, sous l'intitulé « contrat de licence de marque ». La société Baz Industries n'a pas donné suite à un courrier recommandé de la société Océano Loisirs du 27 juillet 2016 la mettant en demeure et l'invitant à trouver une solution amiable.



Par acte du 21 novembre 2019, la société Oceano Loisirs a fait assigner la société Baz Industries devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause d'exclusivité. La société Baz Industries a présenté une demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive.



Par jugement contradictoire du 1er octobre 2021, le tribunal a statué comme suit:



- déboute la société Baz Industries de ses demandes,

- condamne la société Baz Industries à payer à la société Oceano Loisirs la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamne la société Baz Industries à payer à la société Oceano Loisirs la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société Baz Industries aux dépens.



Par déclaration du 19 janvier 2022, la société Baz Industries a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Océano Loisirs.

L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 22/00268. La même société a déposé une seconde déclaration d'appel le 3 mars 2022, enrôlée sous le numéro RG 22/01092, affaire jointe au n° 22/00268 par mention au dossier.





PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 21 novembre 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Baz Industries, demande à la cour de :





Vu le principe de la liberté du commerce et de l'industrie,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu l'article 1162 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les pièces versées au débat,



- rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 01/10/2021 (sous le numéro RG N°2019F01310), en ce qu'il :

« - déboute la société Baz Industries de ses demandes,

- condamne la société Baz Industries à payer à la société Oceano Loisirs la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamne la société Baz Industries à payer à la société Oceano Loisirs la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société Baz Industries aux dépens. »



Statuant à nouveau,

- rejeter toutes demandes, fins, conclusions et prétentions contraires,

- débouter la société Oceano Loisirs de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Oceano Loisirs à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société Oceano Loisirs à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Oceano Loisirs aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile.



La société Baz Industries fait notamment valoir que le tribunal a omis de tirer les conséquences du caractère illicite de la clause de non-concurrence invoquée, a interprété de manière erronée la clause invoquée, et n'a pas constaté la carence de la société Océano Loisirs à rapporter des éléments de preuve pour évaluer son prétendu préjudice ; qu'elle a contesté en défense devant le tribunal la licéité de la clause invoquée, qui n'établit pas l'intérêt légitime de la société Océano Loisirs, et qu'elle est manifestement disproportionnée du point de vue de sa limitation dans l'espace et dans le temps ; qu'elle n'a pas violé la clause de non-concurrence, alors qu'elle n'a aucun lien capitalistique avec Baz Innovations et que les deux projets ne sont pas équivalents ; que les deux parc ne sont pas équivalents et proposent des offres différentes aux consommateurs, le premier s'adressant à un public familial, le second à des pratiquants plus aguerris ; que la société Océano Loisirs ne caractérise ni n'évalue un potentiel préjudice ; que la société Océano Loisirs l'a assignée de manière totalement inepte sans aucun élément de preuve ; qu'elle a attendu pour agir la prescription de l'exception de nullité de la clause de non-concurrence, dont elle connaissait le caractère illicite.



Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 12 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Oceano Loisirs, demande à la cour de :



- juger l'appel de la société Baz Industries mal fondé et l'en débouter,

- confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner la société Baz Industries au paiement des intérêts au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la mise en demeure du 27 juillet 2016, sur la somme allouée à titre de dommages et intérêts,



- ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamner la société Baz Industries à payer une somme de 6 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Baz Industries aux entiers dépens d'instance et d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, lesquels comprendront notamment le coût du constat d'huissier réalisé le 24 mai 2016.



La société Océano Loisirs fait notamment valoir :

A titre principal, que la société Baz Industries soulève « l'illicéité » de la clause de non-concurrence sans véritablement formaliser cette demande dans son dispositif, et que la cour n'en est donc pas saisie ; qu'en tout état de cause, une demande de nullité de la clause serait prescrite ; que le contrat a reçu pleine exécution et que l'exception de nullité se prescrit par 5 ans ; que la société Baz Industries soulève une illicéité qui serait en fait une nullité, plus de 5 ans après la signature du contrat ; qu'elle est irrecevable car prescrite ;

A titre subsidiaire, que la clause de non-concurrence, rédigée par ses soins, est valide comme limité dans le temps, limitée dans l'espace, limitée dans son objet, et indispensable à la protection des intérêts légitimes de son entreprise ;

Que, par l'intermédiaire de la société Baz Innovations, la société Baz Industries a procédé à la mise en place d'un projet équivalent à celui pour lequel elle avait concédé une exclusivité de cinq années ; que les dirigeants de Baz Innovations sont également les dirigeants de Baz Industries ; que la comparaison des photos des deux sites confirme qu'il s'agit d'un concept identique, unique, tel que développé par les société Baz industries et Baz Innovations appartenant au même groupe et dirigé par les mêmes personnes ; que l'exclusivité devait notamment lui permettre de rentabiliser sur 5 années les investissements matériels et financiers pour installer l'activité « water jump », lui garantissant que la clientèle du grand ouest ne pouvait être captée par un parc concurrent ; que le jugement a omis le intérêts sur la somme allouée et la capitalisation des intérêts.



L'ordonnance de clôture, initialement rendue le 22 novembre 2023, a été reportée au jour des plaidoiries, fixé au 6 décembre 2023.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.






MOTIFS DE LA DECISION



La société Baz Industries a vendu et installé dans le parc sportif et de loisirs de la société Océano Loisirs une activité de sa création qui consiste en des sauts dans l'eau à partir de tremplins de différentes tailles, à l'aide de matériel divers tel que bouées, skis et rollers. L'activité a commencé à être exploitée en avril 2014. Toutefois, en janvier 2016 la cliente a constaté l'annonce par Baz Industries de l'ouverture prochaine d'un « Water Jump » à [Localité 4], Vienne, au bénéfice d'une autre société.



La société Océano Loisirs poursuit alors la société Baz Industries en dommages-intérêts pour non-respect de la clause d'exclusivité.



Pour trancher le litige, la cour doit déterminer si la clause d'exclusivité contenue dans le contrat au bénéfice de Océano Loisirs n'a pas été respectée par Baz Industries, causant ainsi un préjudice à la première.





Les parties s'opposent d'abord sur la licéité de la clause, contestée par Baz Industries. Il y aura ensuite lieu de rechercher si une violation de la clause est caractérisée, et, le cas échéant, si cette violation a été commise par Baz Industries. Enfin, il appartient à la cour de vérifier si Océano Loisirs établit un préjudice indemnisable.





Sur la licéité de la clause invoquée



La société Baz Industries soutient d'abord le caractère illicite de la clause invoquée par Océano Loisirs.



Cette clause litigieuse du contrat de prestations de services du 7 octobre 2013 (pièce n° 6 Océano Loisirs) est ainsi rédigée (page 5 « conditions du contrat ») :



« Le fournisseur s'interdit de procéder à la mise en place d'un projet équivalent à celui objet du présent contrat, durant 5 années à compter de la signature du présent contrat directement ou indirectement, sur les départements suivants : 85, 17, 79, 44, 49, 86, sous peine de dommages et intérêts au profit du client, sans préjudice du droit pour ceux-ci, de faire cesser cette contravention (... ».



La clause prévoit ensuite des cas d'exonération pour le fournisseur, au cas où le client ne paierait pas les sommes convenues ou s'il n'exploite par l'activité pendant une durée consécutive de douze mois. Elle prévoit aussi que le client s'oblige en contrepartie à solliciter le fournisseur pour tout projet du même type durant la période et sur le ressort de l'exclusivité.



La période d'exclusivité courrait donc du 7 octobre 2013 au 7 octobre 2108.



Il peut être observé que l'appelante ne tire pas de conséquence juridique directe du caractère illicite qu'elle attribue à la clause, et notamment qu'elle n'en demande pas dans ses prétentions la nullité ni la constatation d'un quelconque caractère non écrit, ses prétentions tendant uniquement au débouté de l'intimée de ses demandes. Ses développements sur une illiceité ne constituent donc pas une exception de nullité, et il n'y a dès lors pas lieu de statuer davantage sur l'éventuelle prescription d'une telle exception.



Une clause illicite est une clause qui contrevient à des dispositions légales ou règlementaire.



La société Baz Industries omet d'invoquer la disposition légale ou règlementaire précise à laquelle la clause contreviendrait, au profit d'explications sur les conditions que devraient remplir une clause de non-concurrence, et d'un rappel du principe général de la liberté du commerce et de l'industrie.



Or, en l'espèce, il s'agit d'une clause d'exclusivité et non d'une clause de non-concurrence, ce qui rend inopérantes les explications de Baz Industries sur les clauses de non-concurrence, tout particulièrement sur les clauses de non-concurrence contenues dans des contrats de travail, totalement étrangères au litige.



La clause d'exclusivité permet à l'une des parties d'obtenir une exclusivité en termes de marchandises ou de services de l'autre partie, alors que la clause de non-concurrence interdit une concurrence entre les deux signataires. La clause du contrat ci-dessus ne traite pas d'une concurrence entre Baz Industries et Océano Loisirs, qui



n'exercent pas la même activité, mais interdit au fournisseur, sous certaines conditions, de mettre en place un projet équivalent à celui fourni à Océano Loisirs, ce qui garantit une exclusivité limitée à la société cliente.



La clause de ce contrat porte exclusivité de l'attraction au profit du client, pendant la durée limité de 5 ans et dans une zone géographique limitée à 6 départements limitrophes.



La clause litigieuse ne contrevient à aucune disposition légale ou réglementaire, et n'est notamment pas contraire à la liberté du commerce et de l'industrie, ni n'empêche le jeu de la concurrence et du marché, en que qu'elle est raisonnablement limitée dans le temps, dans son objet et dans son emprise géographique, est qu'elle est nécessaire à la société Océano Loisirs pour protéger ses intérêts légitimes, la cliente entendant protéger sa clientèle et amortir son investissement en lui garantissant un monopole temporaire et local. Elle comporte aussi des cas d'exonération pour le débiteur de l'obligation, ainsi qu'une contrepartie d'exclusivité à la charge du client.



La clause d'exclusivité du contrat est donc parfaitement valide et permet d'examiner la demande de dommages-intérêts présentée par Océano Loisirs qui en allègue la violation.





Sur la violation alléguée de la clause d'exclusivité par Baz Industries



La société Océano Loisirs poursuit la société Baz Industries en dommages-intérêts au motif de la violation de la clause d'exclusivité. Le tribunal de commerce a fait droit à sa demande.



La société Baz Industries conteste la violation de la clause d'exclusivité, en faisant valoir que Océano Loisirs ne prouverait pas un manquement de sa part. Elle estime que le contrat a retenu les termes de « mise en place », « projet » et « équivalent », alors que le tribunal a substitué le terme « similaire » au terme « équivalent » et celui de « concept » à celui de « projet ».



Elle fait valoir que les deux parcs ne sont pas équivalents : que Océano Loisirs proposait 9 modes de pratique de l'activité, alors que le site de [Localité 4] n'en proposait que 5 ; que Lauchris propose 1 niveau supplémentaire de pratique et une progression plus linéaire entre les niveaux ; que les niveaux les plus élevés de chaque parc ne sont pas identiques ; que les deux parcs ont été conçus de manière différente et construits avec des matériaux différents ; que les bassins de réception des deux parcs ne sont pas équivalents. Elle conclut que le premier parc s'adresse à un public familial alors que le second s'adresse à des pratiquants plus aguerris.



La société Océano Loisirs oppose qu'il résulte du constat de l'huissier la mise en place à [Localité 4] (Vienne - 86) d'un projet équivalent à celui pour lequel elle avait une exclusivité pour 5 années.



Il peut être ici relevé que le mot « projet » utilisé dans le contrat s'avère peu adapté aux faits de la cause, s'agissant d'une attraction déjà développée et installée, qui avait donc largement dépassé le stade du projet, mot qui désigne un but, une idée, une première ébauche ou une étude de quelque chose à atteindre ou à faire. Le mot de concept proposé par Océano Loisirs et repris par le tribunal est plus adapté pour appréhender l'attraction dans son ensemble, et ne dénature pas le contrat ni l'intention des parties.



Ce contrat expose en effet, dans un article préalable (pièce précitée, page 1) que Baz Industries « a créé des modules permettant l'activité de saut dans l'eau à l'aide de tremplins et de toboggans, avec ou sans matériel », qu'elle désigne comme ses « créations ».



Il ne s'agit donc pas d'une attraction uniforme toujours strictement identique, mais d'un ensemble divers d'installations et de matériels permettant aux clients de sauter dans l'eau à partir de tremplins ou toboggans et à l'aide d'accessoires, sous la dénomination en langue anglaise de « Water Jump ».



Or, il ressort du constat de Me [V], Huissier de Justice (pièce n° 16 Océano Loisirs), que la société Lauchris était en train d'installer, le 24 mai 2016 sur son site de [Localité 4] (Vienne) des tremplins et tobogans aboutissant dans des plans d'eau, sous couverture juridique d'un « contrat de licence de marque » pour exploiter cette attraction sous la marque « Drop-In ».



Cette attraction est sans conteste équivalente au sens de la clause d'exclusivité à celle vendue par Baz Industries à Océano Loisirs. Le fait que quelques détails dans les conditions d'exploitation puissent différer d'un site à l'autre ne remet pas en cause le caractère équivalent des deux installations, le mot équivalent signifiant qui a la même valeur ou qui est comparable, et non quelque chose d'identique. Peu importe également l'intitulé différent des deux contrats ou le choix de leur terminologie, tous deux ayant en réalité pour objet d'installer l'attraction « Water Jump » dans le parc du client et d'en permettre l'exploitation par celui-ci.



Les éléments matériels de la violation de la clause d'exclusivité sont donc réunis, étant observé que la date de la violation, 2016, et son lieu, le département de la Vienne, sont bien concernés par la clause, ce qui n'est pas contesté.



La société Baz Industries tente alors de s'exonérer en arguant que ce n'est pas elle qui a contracté avec la société Lauchris de [Localité 4], mais une société Baz Innovation, sans lien capitalistique avec elle, et qu'elle-même n'a joué aucun rôle dans la mise en place du parc de la société Lauchris.



Pour autant, cette affirmation se trouve démentie par les faits de la cause.



Il peut être d'abord observé que la clause d'exclusivité ne concerne pas nommément la société Baz Industries, mais vise le terme plus générique de « fournisseur ».



Surtout, il est constant que les dirigeants de la société Baz Innovation, au nom particulièrement proche de Baz Industries, sont les mêmes MM. [P] et [U], et que plusieurs entités sont présentées comme faisant partie d'un même « groupe » dans les documents émanants de Baz Industries elle-même (portfolios 2015 et 2016, pièces n° 3 et 17 de Océano Loisirs) : Baz Innovation pour l'aspect recherche et développement ; Baz Industries pour la réalisation et la commercialisation ; Drop-In, présentée comme une marque et/ou process.



Le même document précise d'ailleurs expressément que Baz Innovation est une « franchise ou filiale » (Sic) de Baz Industries.



On doit dès lors s'interroger sur le choix par les dirigeants uniques de ces diverses entités de la société Baz Innovation, censée ne s'occuper que de recherche et développement, pour signer le contrat avec Lauchris. La société Océano Loisirs peut à cet égard utilement soutenir que MM. [U] et [P] étaient parfaitement conscients de violer leurs engagements contractuels et entendaient le camoufler, citant par exemple un message de M. [P] au dirigeant de Lauchris lui recommandant de communiquer avec lui sur une adresse personnelle, alors que les premiers échanges avaient eu lieu sur l'adresse de Baz Industries (pièces 23 à 25 de Océano Loisirs).



Il peut être en sus relevé que l'annonce de l'ouverture du parc de [Localité 4], sous la dénomination « Drop-in 86 » est annoncée dans le « portolio 2015 » de Baz Industries (pièce précitée), ainsi que sur le site « Facebook » de la même Baz Industries (pièce n° 10).



Pour l'ensemble des motifs ci-dessus, la société Baz Industries est mal fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas participé à l'opération menée à [Localité 4] avec la société Lauchris, et elle est bien redevable des conséquences de la violation de la clause d'exclusivité caractérisée ci-dessus.





Sur le préjudice allégué



La violation de la clause d'exclusivité par la société Baz Industries, génératrice d'un trouble commercial, cause de manière certaine un préjudice à la société Océano Loisirs, qui s'est vue concurrencée par un parc similaire situé dans un département limitrophe, situation entraînant la perte d'une partie de la clientèle qu'elle pouvait espérer, alors qu'elle était garantie par une clause d'exclusivité.



Le principe de dommages-intérêts en cas de violation est d'ailleurs prévu par la clause elle-même, comme vu ci-dessus.



La société Océano Loisirs peut utilement exposer qu'elle a versé la somme de 35 000 euros, outre une rémunération variable, à la société Baz Industries, et que l'exclusivité devait lui permettre de rentabiliser les investissements matériels et financiers pour l'installation et le développement de l'attraction.



Ces éléments de préjudice permettent à la cour d'arrêter l'indemnisation de la société Océano Loisirs à la somme de 30 000 euros comme demandé par celle-ci.



Ainsi, le jugement du tribunal de commerce sera confirmé.



Le tribunal a omis de statuer sur l'allocation d'intérêts au taux légal et leur capitalisation.



En application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil, et s'agissant d'une condamnation à une indemnité, la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts allouée à la société Océano Loisirs portera intérêt au taux légal à compter de la décision de première instance du 1er octobre 2021 et non d'une mise en demeure antérieure comme le demande Océano Loisirs.



Vu la demande de la société Océano Loisirs, les intérêts échus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.



Ces deux derniers chefs de décision, omis par le tribunal, seront ajoutés au présent arrêt.















Sur les autres demandes



La société Océano Loisirs étant accueillie en ses demandes, la procédure initiée par elle n'est en rien abusive. La société Baz Industries doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive qu'elle renouvelle devant la cour.



La société Baz Industries paiera à la société Océano Loisirs la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



La société Baz Industries sera tenue aux dépens d'appel, qui ne saurait toutefois comprendre que les frais énumérés par l'article 695 du code de procédure civile, les frais de constat pour préconstituer une preuve n'y étant pas inclus comme relevant des frais irrépétibles déjà indemnisés ci-dessus.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,



Confirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Bordeaux le 1er octobre 2021, y compris le chef de jugement déboutant la société Baz Industries de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive,



Y ajoutant,



Dit que la somme de 30 000 euros allouée à la société Océano Loisirs à titre de dommages-intérêts portera intérêts au taux légal à compter de la date de la décision de première instance,



Dit que les intérêts échus dus pour au moins une année entière produiront intérêt,



Condamne la société Baz Industries à payer à la société Océano Loisirs la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,



Condamne la société Baz Industries aux dépens d'appel, qui ne saurait toutefois comprendre que les frais énumérés par l'article 695 du code de procédure civile, et non le constat d'huissier du 24 mai 2016.



Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier Le Président

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