25 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-17.009

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:C200079

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 janvier 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 79 F-D

Pourvoi n° T 22-17.009




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2024

Mme [D] [K], épouse [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-17.009 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, Etablissement public national, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [K], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 30 mars 2022), [M] [E] était atteint d'un mésothéliome diagnostiqué en 2015, dont le caractère professionnel a été reconnu au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles par décision du 5 octobre 2015, avec versement par la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen (la caisse) d'une rente annuelle, et d'un adénocarcinome pulmonaire diagnostiqué le 15 mai 2012, dont le caractère professionnel a été reconnu au titre du tableau n° 30 bis, cancer broncho-pulmonaire, par décision du 20 décembre 2019, avec versement par la caisse d'une rente annuelle à compter du 22 janvier 2019.

2. Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA), par décision du 5 mars 2021, a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice fonctionnel au titre du cancer broncho-pulmonaire, au motif que ce préjudice était entièrement pris en charge par la caisse. [M] [E] a contesté cette décision devant une cour d'appel. Il est décédé le [Date décès 1] 2021. Sa veuve, Mme [K], a repris l'instance.

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 53, I, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime :

4. Il résulte d'une jurisprudence constante que la rente versée à la victime d'un accident du travail en application des articles L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale indemnise les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité.

5. Si la Cour de cassation jugeait que cette rente indemnisait également le déficit fonctionnel permanent (Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. crim. 2009, n° 97 ; 2ème Civ., 11 juin 2009, pourvois n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155 ; n° 07-21.768, Bull 2009, II, n° 153 ; n° 08-16.089, Bull. 2009, II, n° 154), par deux arrêts d'assemblée plénière rendus le 20 janvier 2023 (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947), revenant sur cette jurisprudence, elle juge désormais que la rente visée aux articles précités ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

6. Pour débouter Mme [K] de sa demande de condamnation du FIVA à lui adresser une offre concernant le déficit fonctionnel de la victime lié au cancer broncho-pulmonaire, la cour d'appel retient notamment que le FIVA soutient à juste titre que la rente versée par l'organisme social doit être imputée sur le préjudice de déficit fonctionnel permanent.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'indemnisation des préjudices moral, physique et d'agrément résultant de l'adénocarcinome pulmonaire dont a été victime [M] [E], l'arrêt rendu le 30 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et le condamne à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-quatre.

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