24 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-16.115

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C100018

Titres et sommaires

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Démarchage et vente à domicile - Contrat - Mentions obligatoires - Dispositions du code de la consommation - Reproduction dans le contrat - Connaissance des causes de nullité tirées de l'inobservation du formalisme - Insuffisance - Confirmation tacite du contrat - Caractérisation - Office du juge

La reproduction sur le contrat, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite de ce contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 janvier 2024




Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 18 FS-B

Pourvoi n° W 22-16.115




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JANVIER 2024

La société Eco environnement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-16.115 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel de Douai (Chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [X] [I], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La société Cofidis a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Eco environnement et de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, de Me Occhipinti, avocat de M. [I], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Mme Peyregne-Wable, conseillers, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 25 novembre 2021), par contrat conclu hors établissement le 7 avril 2016, M. [I] (l'acquéreur) a commandé auprès de la société Eco environnement (le vendeur) la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, financés par un crédit souscrit le même jour auprès de la société Cofidis (la banque).

2. Invoquant des irrégularités du bon de commande, l'acquéreur a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat principal et du crédit affecté.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses trois premières branches et le premier moyen du pourvoi incident, pris en ses trois premières branches


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident pris en leurs quatrième et cinquième branches, réunis

Enoncé du moyen

4. Par son moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, le vendeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat de vente, de le condamner, en conséquence, à reprendre son installation et à remettre les lieux en l'état, ainsi qu'à rembourser son prix de 28 900 euros à l'acquéreur, et de rejeter ses demandes, alors :

« 4°/ que l'exécution volontaire d'un contrat de vente conclu lors d'un démarchage, en connaissance des vices affectant le bon de commande, vaut confirmation du contrat et prive l'acquéreur de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles invoquées, et que la reproduction intégrale des articles du code de la consommation, dès lors qu'ils figurent en caractères parfaitement lisibles dans les conditions générales de vente, suffit à permettre à l'acquéreur d'avoir connaissance des irrégularités formelles affectant les mentions du bon de commande ; qu'en retenant que la mention des dispositions du code de la consommation était en l'espèce insuffisante à l'information de M. [I] aux seuls motifs que celui-ci ne serait pas un
« consommateur averti », la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°/ au surplus, qu'en ne précisant pas en quoi M. [I] ne serait pas un consommateur averti, la cour d'appel a statués par des motifs affirmatifs violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile. »

5. Par son premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, la banque fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 7 avril 2016 entre l'acquéreur et le vendeur, alors :

« 4°/ que la confirmation d'un acte nul procède de son exécution volontaire en connaissance du vice qui l'affecte et que la reproduction lisible dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions ; qu'après avoir constaté que "les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande reprennent les dispositions des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 121-17, L. 121-18, L. 121-18-1, L. 121-18-2, L. 121-19-2, L. 121-21, L. 121-21-2 et L. 121-21-5 du code de la consommation" étaient "parfaitement lisibles", la cour d'appel retient que ce seul fait "est insuffisant en lui-même à révéler à l'emprunteur non averti les vices affectant ce bon", M. [I] ne pouvant en l'espèce "être qualifié de consommateur averti", en quoi elle ne tire pas les conséquences légales de ses propres constatations et statue par des motifs manifestement inopérants, en violation de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en se déterminant sur la base d'une qualification de "consommateur averti" qu'aucune disposition légale ne reconnaît pour l'application de l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Le moyen pose la question des conditions de la confirmation tacite d'un contrat conclu hors établissement comportant un vice et plus précisément celle de savoir si la reproduction des articles du code de la consommation relatifs aux mentions obligatoires d'un tel contrat, dès lors que ces textes figurent en caractères lisibles dans les conditions générales de vente, suffit à permettre à l'acquéreur d'avoir connaissance des irrégularités formelles affectant ce contrat.

7. Il résulte de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que la confirmation d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité peut résulter de l'exécution volontaire de l'obligation après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée et que cette exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

8. Pour caractériser la connaissance du vice qui affecte l'acte, la première chambre civile juge, depuis 2020, que la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions. Une telle connaissance, jointe à l'exécution volontaire du contrat par l'intéressé, emporte la confirmation de l'acte nul (1re Civ., 9 décembre 2020, pourvoi n° 18-25.686, publié ; 1re Civ., 31 août 2022, pourvoi n° 21-12.968, publié).

9. Si cette jurisprudence est justifiée par le souhait d'éviter que les acquéreurs échappent à leurs obligations, notamment celles résultant du contrat de crédit affecté en invoquant une irrégularité formelle du contrat de vente, cependant que celui-ci a fait l'objet d'une exécution normale, elle est de nature néanmoins, ainsi qu'une partie de la doctrine a pu le relever, à se concilier imparfaitement avec l'objectif de protection du consommateur.

10. Ces considérations ont conduit la première chambre civile à renforcer son contrôle quant à la reproduction effective des textes légaux (1re Civ., 1er mars 2023, pourvoi n° 22-10.361, publié) et l'examen des décisions des juridictions du fond révèle que le contentieux se porte désormais sur cette question (Douai, 6 octobre 2022, n° 19/04414 ; Riom, 4 octobre 2022, n° 21/00146 ; Agen, 12 octobre 2022, n° 21/00478 ; Metz, 13 octobre 2022, n° 21/00721 ; Lyon, 13 octobre 2022, n° 21/04477, Douai, 5 octobre 2023, n° 21/01507 ; Nancy, 28/09/2023, n° 23/00102 ; Paris, 14/06/2023, n° 20/03044). Plusieurs juridictions du fond s'appuient sur une approche in concreto (Paris, 22 septembre 2022, n° 20/07564 ; Riom, 21 septembre 2022 n° 21/00093 ; Bordeaux, 6 octobre 2022, n° 19/05772), tandis que d'autres excluent que la seule reproduction, même lisible, de textes du code de la consommation soit suffisante pour caractériser une connaissance du vice (Dijon, 22 septembre 2022, n° 19/01598 ; Douai, 15 septembre 2022, n° 20/03080; Rouen, 8 septembre 2022, n° 21/01822, Toulouse, 3 octobre 2023, n° 21/04428, Douai, 14 septembre 2023 n° 22/03279, Versailles, 19 septembre 2023, n° 21/03905).

11. En outre, il convient de relever que pour les contrats conclus postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 1182, alinéa 3 du code civil dispose que l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.

12. L'article 1183 du même code énonce qu'une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d'agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion.

13. L'ensemble de ces éléments conduit la première chambre civile à juger désormais que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1183 du code civil, dans sa rédaction issue l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l'article 9 de cette ordonnance, aux contrats conclus dès son entrée en vigueur.

14. Enfin, il apparaît justifié, afin que soit prise en considération une telle connaissance du vice, d'uniformiser le régime de la confirmation tacite et de juger ainsi dans les contrats souscrits antérieurement comme postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

15. Ayant relevé que le seul fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande reprenaient les dispositions des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 121-17, L. 121-18, L. 121-18-1, L. 121-18-2, L. 121-19-2, L. 121-21, L. 121-21-2 et L. 121-21-5 du code de la consommation, dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles, était insuffisant en lui-même à révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon, et constaté souverainement qu'il ne ressortait d'aucun des éléments aux débats qu'il ait eu conscience de ceux-ci au moment de la souscription du contrat ou de son exécution, la cour d'appel, abstraction faite de la référence erronée au consommateur averti, a pu en déduire que la confirmation de l'acte entaché de nullité n'était pas caractérisée.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

17. La banque fait grief à l'arrêt de constater la nullité du contrat de crédit affecté, alors « que la cassation qui interviendra du chef de dispositif attaqué par le premier moyen de cassation, ou le moyen de cassation du pourvoi principal, entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif visé par le second moyen de cassation qui en dépend ».

Réponse de la Cour

18. Le moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident étant rejetés, le second moyen du pourvoi incident, qui invoque une cassation par voie de conséquence, n'a plus d'objet.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Eco environnement aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Eco environnement et la société Cofidis et condamne la société Eco environnement à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.

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