23 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-80.647

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CR00045

Titres et sommaires

ACTION CIVILE

Texte de la décision

N° K 23-80.647 F-B

N° 00045


MAS2
23 JANVIER 2024


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 JANVIER 2024



M. [H] [K], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 7 octobre 2022, qui, dans la procédure suivie contre Mme [M] [O] du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [H] [K], les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [M] [O] et de la société [1], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le tribunal correctionnel a déclaré Mme [M] [O] coupable de blessures involontaires par conducteur de véhicule terrestre à moteur sur la personne de M. [H] [K], dont la constitution de partie civile a été déclarée recevable.

3. Statuant ultérieurement sur les intérêts civils, il a condamné Mme [O] à verser certaines sommes à la partie civile, l'assureur de Mme [O], la société [1] (la société), étant intervenu à la procédure.

4. M. [K], Mme [O] et la société ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième moyens et le huitième moyen, pris en sa première branche


5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fixé le préjudice de M. [K], à la suite des faits dont il a été victime le 9 mai 2012, à la somme de 1 032 345,06 euros avant déduction de la créance du tiers payeur et déduction des provisions versées, dont 235 617,74 euros au titre des dépenses de santé actuelles, alors :

« 1°/ que le principe de la réparation intégrale du préjudice n'implique pas de contrôle sur l'utilisation des fonds alloués à la victime qui conserve leur libre utilisation ; qu'en rejetant la demande de Monsieur [K] de remboursement d'un matelas et cadre de lit anti-escarres aux motifs que « la facture d'achat ne précise pas s'il s'agit d'un matériel médical, ni la classe de ce matelas anti-escarres » (arrêt, p. 5, § 6), la cour d'appel a méconnu les articles 1240 du code civil, 2, 3, 464, 591 et 593 du code de procédure pénale ;


2°/ que la cour d'appel ne pouvait infirmer le jugement sans prendre en compte les pièces qui lui étaient soumises ; qu'en l'espèce, dès lors que le besoin de disposer d'un lit anti-escarre était constaté, lequel avait été acheté suivant la prescription médicale qui a été versée aux débats (Piece n° 8.1, n° 8.2 et n° 8.3), la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision de rejeter la demande de Monsieur [K] au titre des dépenses de santé actuelles. »

Réponse de la Cour

7. Pour rejeter la demande de M. [K] visant au remboursement d'une dépense de santé restée à sa charge au titre d'un matelas anti-escarres et d'un cadre de lit, l'arrêt attaqué énonce que si le certificat médical daté du jour de l'achat a prescrit d'acquérir un tel matelas, la facture d'achat produite ne précise ni s'il s'agissait d'un matériel médical, ni la classe de ce matelas.

8. Les juges ajoutent que l'intéressé ne justifie pas de la nécessité de l'achat concomitant du cadre de lit.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui, par des motifs qui procèdent de son appréciation souveraine, a retenu que l'existence d'une dépense de santé non remboursée n'était pas établie, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

10. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le huitième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il n'a pas imputé la créance du tiers payeur, alors :

« 2°/ que les juges du fond ne peuvent valablement considérer que l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs sur la base d'une rente viagère d'une victime privée de toute activité professionnelle pour l'avenir fait obstacle à une indemnisation supplémentaire au titre de l'incidence professionnelle ; qu'en jugeant que « le solde de la créance de la CPAM est alors de 236 216,69 euros et devra s'imputer sur l'indemnité fixée au titre du poste déficit fonctionnel permanent » (arrêt, p. 16), la cour d'appel n'a pas davantage justifié sa décision au regard des articles précités. »





Réponse de la Cour

Sur la recevabilité du moyen, contestée en défense par la société [1] et Mme [O]

12. Le moyen est recevable en l'espèce, dès lors que la possibilité d'imputer la rente pour accident du travail sur le poste de préjudice relatif au déficit fonctionnel permanent était dans les débats, M. [K] contestant devant la cour d'appel qu'un reliquat de créance du tiers-payeur au titre de cette rente puisse venir en déduction de ce poste.

Sur le fond

Vu les articles 1240 du code civil et L. 434-2 du code de la sécurité sociale :

13. Il résulte du premier de ces textes que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.

14. Selon le second, lorsque l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité, qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.

15. Il en résulte que la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime au titre de ses pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle et que, dès lors, le recours des caisses de sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer sur le poste de préjudice relatif au déficit fonctionnel permanent, que cette rente ne répare pas.

16. Pour imputer la créance du tiers-payeur relative à la rente versée au titre des accidents du travail perçue par la partie civile sur le poste de préjudice relatif au déficit fonctionnel permanent, l'arrêt attaqué énonce qu'en l'absence de pertes de gains professionnels futurs ou d'incidence professionnelle, cette pension indemnise nécessairement le déficit fonctionnel permanent.

17. Les juges ajoutent qu'en présence de pertes de gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle, le reliquat éventuel de la rente, laquelle indemnise prioritairement ces deux postes de préjudice patrimoniaux, ne peut s'imputer que sur le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel permanent, s'il existe.

18. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

19. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour:

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux en date du 7 octobre 2022, mais en ses seules dispositions ayant imputé la créance du tiers-payeur au titre de la rente accident du travail sur le déficit fonctionnel permanent, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt-quatre.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.