18 janvier 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/00578

Pôle 6 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 18 JANVIER 2024



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00578 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC7PU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Paris - RG n° 18/01893





APPELANT



Monsieur [R] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Arthur BOUCHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : A785





INTIMÉE



S.A.S. FRANCESCO SMALTO INTERNATIONAL

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère



Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU



ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




EXPOSÉ DU LITIGE



Monsieur [R] [E] a été engagé par la société Francesco Smalto International par contrat à durée indéterminée à compter du 5 septembre 2016, en qualité de directeur administratif et financier, position cadre, groupe 8, niveau B de la convention collective de la couture parisienne.



Son contrat de travail a été suspendu à plusieurs reprises pour cause de maladie.



S'estimant victime de harcèlement moral et d'un accident du travail pour des faits survenus le 6 février 2018, Monsieur [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 13 mars 2018.



Le 20 novembre 2018, le médecin du travail a prononcé son inaptitude définitive à son poste, précisant toutefois que le salarié était apte à occuper un autre poste dans l'entreprise.



Par courrier du 18 décembre 2018, la société Francesco Smalto International lui a proposé deux postes en vue de son reclassement, qu'il a refusés par lettre du 8 janvier 2019.



La société Francesco Smalto International l'a convoqué le 8 janvier 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 18 janvier 2019.



Par courrier du 23 janvier 2019, elle lui a notifié son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.



Monsieur [E] a également contesté le bien fondé de ce licenciement devant le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 24 novembre 2020, a :

- annulé l'avertissement du 22 janvier 2018,

- débouté Monsieur [R] [E] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Francesco Smalto International de sa demande reconventionnelle,

- condamné Monsieur [E] au paiement des entiers dépens.



Par déclaration du 23 décembre 2020, Monsieur [E] a interjeté appel de ce jugement.



Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 17 mars 2021, Monsieur [E] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 24 novembre 2020, sauf en ce qu'il a annulé l'annulation de l'avertissement infligé le 22 janvier 2018,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- juger que l'inaptitude de Monsieur [E] a une origine professionnelle,

en conséquence,

- condamner la société Francesco Smalto International à verser à Monsieur [E] :

- 20 499,99 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 2 049,99 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 1 584,77 euros au titre du rappel de l'indemnité de licenciement,

- 3 843,75 euros au titre du doublement de l'indemnité de licenciement,

- juger que le licenciement de Monsieur [E] est nul,

en conséquence, dans le cas où la cour reconnaîtrait une inaptitude d'origine professionnelle :

- condamner la société Francesco Smalto International à verser à Monsieur [E] la somme de 409 999,80 euros à titre de dommages-intérêts (5 ans de salaire),

dans le cas où la cour ne reconnaîtrait pas une inaptitude d'origine professionnelle :

- condamner la société Francesco Smalto International à verser à Monsieur [E] :

- 409 999,80 euros à titre de dommages-intérêts (5 ans de salaire),

- 20 499,80 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 2 049,99 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 1 584,77 euros au titre du rappel d'indemnité de licenciement,

dans tous les cas :

- condamner la société Francesco Smalto International à verser à Monsieur [E] la somme de 40 999,98 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi (6 mois de salaire),

subsidiairement au licenciement nul :

- juger que le licenciement de Monsieur [E] est sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

dans le cas où la cour reconnaît une inaptitude d'origine professionnelle :

- condamner la société Francesco Smalto International à verser à Monsieur [E] la somme de 23 916,65 euros à titre de dommages-intérêts (3,5 mois de salaire),

dans le cas où la cour ne reconnaît pas une inaptitude d'origine professionnelle :

- condamner la société Francesco Smalto International à verser à Monsieur [E] :

- 23 916,65 euros à titre de dommages-intérêts (3,5 mois de salaire),

- 20 499,99 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 2 049,99 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 1 584,77 euros au titre du rappel de l'indemnité de licenciement,

- 9 218,58 euros au titre de rappel de congés payés,

- 4 912,63 euros correspondant aux garanties conventionnelles et de prévoyance et au maintien de salaire dans l'attente du reclassement,

- 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Francesco Smalto International aux entiers dépens.



Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 16 juin 2021, la société Francesco Smalto International demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 27 novembre 2019,

- débouter Monsieur [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Monsieur [E] à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre 2023 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 14 novembre 2023.



Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.






MOTIFS DE L'ARRET



Sur la nullité du licenciement :



Monsieur [E] soutient que son licenciement est fondé sur une inaptitude causée par la dégradation de ses conditions de travail en raison du harcèlement moral qu'il a subi à compter de l'automne 2017, bien plus encore à son retour d'arrêts maladie et après son mi-temps thérapeutique. Il invoque donc la nullité de la rupture du contrat de travail pour ce motif ou, à titre subsidiaire, pour discrimination en raison de son état de santé.



La société Francesco Smalto International conclut à une absence totale de faits constitutifs de harcèlement moral ou de discrimination.



Sur le harcèlement moral :



L'article L.1152-1 du code du travail dispose qu''aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'



Selon l'article L.1154-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'



Au titre du harcèlement moral subi, Monsieur [E] invoque:

- la posture de la direction de l'entreprise le considérant comme absent alors qu'il travaillait à mi-temps thérapeutique,

- le retrait de ses tâches concernant les achats,

- de nouvelles attributions sans obtenir les informations nécessaires et dans des délais de rendu incompatibles avec son état de santé,

- son exclusion systématique des groupes de courriels,

- des demandes répétées de documents, en toute mauvaise foi pour le déstabiliser,

- son positionnement subalterne par rapport à Monsieur [H], tiers à l'entreprise, partageant son poste,

- le retrait de sa prime de responsabilité à compter de février 2018,

- la notification d'un avertissement infondé, sans respect de la procédure disciplinaire, le 22 janvier 2018,

- des remontrances, brimades, marques de mépris et commentaires désobligeants sur son état de santé.



Au soutien de ses reproches, Monsieur [E] verse aux débats plusieurs de ses courriels sollicitant de façon répétée des arbitrages managériaux pour lui permettre de procéder à la consolidation des comptes ou des explications nécessaires à l'avancement de ses missions, l'avenant à son contrat de travail stipulant du 11 décembre 2017 au 28 février 2018 un temps partiel dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, une déclaration de main courante contenant ses doléances au sujet d'insinuations relatives au mi-temps thérapeutique, de reproches quant au travail de l'entreprise perturbé de son fait et de critiques quant à sa prétendue absence.



Il produit notamment un message et une instruction de la Présidente Directrice Générale de l'entreprise faisant état notamment 'de l'absence de notre DAF depuis plusieurs mois' en date des 18 et 24 janvier 2018, période pendant laquelle Monsieur [E] travaillait à mi-temps thérapeutique dans l'entreprise, sa fiche de poste listant ses différentes attributions et notamment 'le pilotage et le suivi des contrats, négociations fournisseurs des prix d'achat, délais et qualité avec les équipes achat et la direction artistique', un courriel de la direction en date du 24 janvier 2018 déclarant reprendre 'la supervision des achats, la validation des commandes et tarifs fournisseurs', ainsi que des échanges de mails en date de janvier 2018 dans lesquels M. [E] est parfois destinataire en copie, concernant les opérations d'achat mais aussi des opérations du service comptabilité, suscitant de la part de l'intéressé plusieurs courriels se plaignant d'être 'régulièrement supprimé des réponses sur des sujets de la DAF' 'même quand je suis là'.



Monsieur [E] fournit la copie de son courriel du 27 février 2018 se plaignant du non- versement de sa prime de responsabilité et la réponse de la direction lui indiquant que cette prime n'est plus due puisqu'elle avait été instituée pour compenser son surcroît de responsabilité, à la suite du départ du responsable des achats.



Le salarié fournit également des courriels de Monsieur [H] lui donnant des directives

(cf le courriel du 5 février 2018 'concernant la facture que vous me faites passer, si vous aviez revu les comptes de bilan de FSI de manière plus rigoureuse, vous auriez pu remonter à l'origine de cette FAE.' [...] 'Par mail du 16 janvier 2018 je vous demande urgemment d'établir les déclarations CICE de FSI. Selon le grand livre que la comptabilité m'a fourni, il y aurait 307 K€ de CICE cumulés ! Où en êtes-vous et dans quels délais ces déclarations seront adressées à l'administration '' [...] ainsi que sa réponse 'tout d'abord votre mail me stupéfait, entre insinuations déplacées, propos hors contexte, voire calomnieux puisque vous faites allusion à mes responsabilités en tant que DAF quant à la réalisation de certaines tâches et qui plus est ne m'ont même pas été confiées, de décisions qui ne peuvent être prises que par le représentant légal de la société que je ne suis pas !'(sic).



L'échange avec Monsieur [H] est produit en outre 'un DAF doit avoir un esprit critique, et entre autres responsabilités, arrêter les comptes, présenter un dossier de révision clair et documenté', ' nous avons repris en janvier 2018 l'ensemble de ces tâches qui vous incombent et qui aurait dû être préparées bien avant. Nous avons repris un nombre important de vos interventions sur ces annexes non finalisées et corrigé les erreurs. Vous n'avez pas fourni les livrables attendus au niveau de qualité correspondant à votre poste', 'nous sommes obligés de correspondre directement avec les équipes Deloitte pour la finalisation des contrats en votre lieu et place pour trois annexes que vous n'aviez pas préparées en amont. C'est aussi pour cette raison que la direction de Smalto a dû nous faire intervenir en urgence. Vous n'avez pas pris la mesure de vos obligations en n'établissant pas ses projets.[...] Ne vous réfugiez donc pas derrière votre mi-temps thérapeutique pour expliquer votre retard dans l'établissement de ces projets de comptes', le courriel de doléances de Monsieur [E] à la direction de l'entreprise (sic) 'vous m'aviez dit que vous allez stopper l'harcèlement de cette personne qui n'est pas un salarié du groupe Smalto. Celui-ci, continu ses insinuations déplacés et diffamatoires. C'est insupportable dans ces conditions', ainsi qu'à la déléguée syndicale , à qui il demandait de l'aide, outre le courriel de Madame [Y], PDG, lui indiquant qu''il ne devrait plus y avoir de tels débordements désormais'.



Relativement à l'avertissement notifié le 22 janvier 2018, le salarié verse aux débats la notification qui lui en a été faite, lui reprochant de 'nombreuses erreurs dans les documents comptables nécessaires à l'arrêté des comptes 2016 -2017', ainsi qu' 'un certain nombre de manquements dans l'exercice de ses missions de directeur administratif et financier' (absence d'outils de reporting et de pilotage de l'activité, manque de suivi et de soutien du service comptable, insuffisance de support à destination de la direction générale)', la copie du courriel en date du 14 décembre 2017 décrivant le rétroplanning des tâches à effectuer pour la publication des comptes au 31 mars 2017 et répartissant différentes tâches.



Il verse aussi aux débats la déclaration d'accident du travail en date du 30 août 2018 relative à une ' maladie psychique en relation avec le travail', évoquant des faits du 6 février 2018, à savoir des 'violences verbales et reproches infondés ayant abouti à un choc psychologique', différents avis d'arrêt de travail pour accident du travail, des attestations de suivi de la part d'une psychologue faisant état 'd'un syndrome anxiodépressif réactionnel','en lien avec une dégradation alléguée de ses conditions de travail', le patient ayant développé une 'hypervigilance avec sentiment d'insécurité', 'une anticipation anxieuse omniprésente à l'idée de retourner sur les lieux de travail et de rentrer en contact avec sa supérieure hiérarchique, entraînant des crises d'angoisse, des ruminations, un désarroi identitaire, un état d'épuisement physique et émotionnel avec des troubles de la concentration et de la mémoire', notamment.



Le salarié présente donc des éléments de fait relatifs au retrait de ses attributions en matière d'achats et de sa prime de responsabilité, à de vives critiques de la part d'un tiers à l'entreprise sur la gestion de son poste, à une sanction disciplinaire et à des remontrances, marques d'ignorance de la part de la direction, lesquels, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.



La société Francesco Smalto International considère qu'aucun des faits allégués par Monsieur [E] n'est avéré, que le salarié a été effectivement absent certains jours, pendant son mi-temps thérapeutique, en raison de son état de santé et que Madame [Y], en tant que PDG, devait prendre la main, l'intéressé ne pouvant continuer à assumer l'intégralité de ses tâches. Elle affirme que Monsieur [H], contrôleur de gestion au sein du groupe Acanthe, a dû intervenir en raison de l'absence de l'appelant mais également des erreurs nombreuses commises par lui et que ses observations, justifiées et fondées sur des faits matériellement vérifiables, étaient partagées par la direction de l'entreprise.



À cet effet, la société intimée verse aux débats l'avenant au contrat de travail de Monsieur [E], en date du 18 septembre 2017, prévoyant une reprise d'activité à temps partiel jusqu'au 28 février 2018 avec un mi-temps thérapeutique de 8h30 à 16h30 les lundis, mardis et jeudis de la semaine 1 et des horaires de 8h30 à 16h30 le lundi et le mardi ou le jeudi au cours de la semaine 2. Ces éléments expliquent que la PDG parfois fasse état de l'absence du salarié, nonobstant sa reprise à mi-temps thérapeutique.



La société Francesco Smalto International verse aux débats les courriers électroniques échangés entre le 1er et le 6 février 2018 avec Monsieur [H] - pointant des défaillances du salarié dans l'exécution de ses fonctions, et corroborant indirectement l'avertissement notifié en date du 22 janvier 2018-, le courriel de Madame [Y] du 6 février 2018 sollicitant de ce dernier qu'il évite toute communication directe avec Monsieur [E] et proposant de servir de relai, outre le courriel de remerciements de ce dernier en date du même jour.



Au sujet de l'avertissement, les parties sollicitent la confirmation du jugement déféré, qui a prononcé son annulation.



Les éléments produits par l'employeur permettent de vérifier que la situation du service comptable et de la direction administrative et financière - dont l'activité s'articule avec des échéances impératives - nécessitait un redressement rapide que l'absence, puis la présence à mi-temps seulement du directeur administratif et financier ne pouvait assurer, rendant urgente l'intervention d'un contrôleur de gestion extérieur.

Le partage des tâches organisé alors pour la clôture des comptes à l'échéance fixée était manifestement lié aux intérêts de l'entreprise et non destiné à une ostracisation de l'appelant. De surcroît, l'interposition diligente de Madame [Y], dès la réception des doléances de Monsieur [E] s'oppose à ce que les agissements très ponctuels d'un tiers à l'entreprise soient qualifiés de harcelants.



La société Francesco Smalto International verse d'ailleurs aux débats le rapport d'enquête administrative en date du 31 octobre 2018 de la CPAM de Nanterre concluant que 'l'existence d'un fait accidentel le 6 février 2018 tel que prévu par la législation en matière d'accident du travail n'a pu être démontrée', ainsi que le courrier de notification (10 avril 2018 ) du refus de prise en charge de la 'nouvelle lésion' datée du 7 février 2018.



L'absence, puis la présence à mi-temps du salarié, qui avait bénéficié de certaines des attributions de la direction des achats à la suite du départ de sa titulaire en attendant le recrutement d'un nouveau directeur pour ce service - recrutement qui n'a pas eu lieu en raison des difficultés financières rencontrées par la société-, mais encore l'urgence à remédier à la situation comptable, justifiaient le retrait de ces tâches et leur reprise par la présidente de l'entreprise, avec corrélativement le retrait de la prime correspondant à cette responsabilité (cf les pièces 18, 19 et 22, 66, 68 et 69 du dossier de la société Francesco Smalto International), sans qu'un usage puisse être utilement invoqué en l'espèce.



Par conséquent, hormis l'avertissement, événement unique ne pouvant constituer à lui seul un harcèlement moral, la société intimée justifie les faits dénoncés, démontrant qu'ils ont été dictés par des considérations étrangères à tout harcèlement moral.



La demande de licenciement nul à ce titre ne saurait prospérer. Le jugement de première instance sera confirmé.



Sur la discrimination :



Par ailleurs, Monsieur [E] invoque une discrimination à raison de son état de santé.



Selon l'article L.1132-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, ou en raison de son état de santé.



L'article L.1134-1 du code du travail dispose que 'lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'



Monsieur [E] verse aux débats, à l'appui de ce moyen, les mêmes pièces que précédemment pour le harcèlement moral.

La société Francesco Smalto International fait de même.



Force est de constater que si les décisions de la société Francesco Smalto International ont pour contexte la maladie, puis le mi-temps thérapeutique de Monsieur [E], elles sont fondées sur la situation objective de l'entreprise à laquelle il fallait remédier, liée à l'absence totale puis à l'absence relative du salarié, toutes deux impactantes eu égard aux responsabilités inhérentes au poste occupé, mais non à son état de santé, lequel apparaît avoir été indifférent dans les options prises.



La demande de nullité du licenciement à ce titre doit, elle aussi, être rejetée.





Sur le bien-fondé du licenciement :



La lettre de licenciement adressée le 23 janvier 2019 à Monsieur [E] contient les motifs suivants, strictement reproduits :



'A la suite des visites en date du 5 novembre 2018 et du 20 novembre 2018, le médecin du travail vous a déclaré inapte à occuper l'emploi de « Directeur Administratif et Financier» qui était le vôtre dans notre entreprise, et « apte sur un autre poste ».

Les membres du CSE ont été consultés le 13 décembre 2018, lors d'un CSE extraordinaire, sur vos possibilités de reclassement au sein de l'entreprise. 4 votes blancs ont été comptabilisés.

Par courrier en date du 18 décembre 2018, nous vous avons proposé un reclassement sur les postes d'Assistant polyvalent et de Coursier.

Par lettre en date du 8 janvier dernier, vous avez refusé nos propositions de reclassement.

Aucun autre emploi approprié à vos capacités n'étant disponible au sein de l'unité économique et sociale Smalto, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.'



Monsieur [E] considère que les manquements de son employeur (qui n'a pas permis l'exécution normale et sereine du contrat de travail) ont causé son inaptitude professionnelle, s'agissant d'anxiété généralisée réactionnelle, et rendent son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il rappelle qu'il a déclaré un accident du travail suite à un choc psychologique sur son lieu de travail, dans un contexte de harcèlement moral et de discrimination. Il souhaite ainsi bénéficier des dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail et percevoir une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 20'499,99 euros, ainsi que les congés payés y afférents, un rappel d'indemnité de licenciement, outre une indemnité de licenciement doublée, soit à ce titre 3 843,75€.



La société Francesco Smalto International considère que l'état de santé de Monsieur [E] est dépourvu de tout lien avec ses conditions de travail, que son accident de travail en date du 30 octobre 2017 (entorse de la cheville sur le lieu de travail) a donné lieu à une suspension du contrat de travail du 6 novembre au 10 décembre 2017 et à un mi-temps thérapeutique à compter du 11 décembre 2017 et que la prétendue altercation avec Monsieur [H] le 6 février 2018 non seulement n'a aucun rapport avec l'accident du travail initial mais encore n'a pas été reconnue comme accident du travail, même après l'enquête menée par la CPAM.

Elle rappelle que le comité social et économique a été consulté mais ses membres se sont abstenus d'exprimer un avis. Relativement à l'obligation de recherche de reclassement, elle estime être allée au-delà de ses obligations légales en interrogeant la société Acanthe, une entité juridique entièrement distincte et rappelle avoir proposé à M. [E] deux postes ouverts au sein de l'U.E.S., les seuls existants, à défaut de pouvoir lui proposer des postes de la même catégorie que le sien.



Lorsque l'inaptitude a partiellement une origine professionnelle et que l'employeur en avait connaissance au moment du licenciement, les dispositions des articles L 1226-14 et suivants du code du travail sont applicables.



En l'espèce, il n'a pas été retenu de harcèlement moral, ni de discrimination à raison de son état de santé, commis par l'employeur à l'encontre de Monsieur [E]; ces données ne sauraient donc être en lien avec l'inaptitude de l'intéressé.



Par ailleurs, si plusieurs certificats médicaux d'accident du travail ont été établis par le médecin traitant de l'appelant constatant une 'anxiété généralisée réactionnelle d'origine professionnelle' et si plusieurs documents, émanant d'une psychologue, font état d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel 'en lien avec une dégradation alléguée de ses conditions de travail (violences perçues et pratique de techniques de management pathogènes de la part de sa supérieure hiérarchique, processus de décision et autonomie limitée, pressions temporelles, qualités empêchées')', force est de constater qu'aucun des auteurs de ces documents, se bornant à reproduire les allégations du patient, n'a personnellement constaté la réalité de l'influence de la sphère professionnelle du salarié sur son état de santé.



Au surplus, l'interaction entre le salarié et Monsieur [H] a été très brève, interrompue rapidement à l'initiative de Madame [Y] dans le cadre de l'obligation de sécurité de l'employeur.



Il n'est donc pas démontré que l'inaptitude ait été consécutive à un manquement de l'employeur et/ou ait une origine professionnelle.



Alors qu'après une enquête de la CPAM prenant en considération les déclarations, informations et contestations du salarié à ce titre, la société Francesco Smalto International avait reçu le 10 avril 2018 la notification de la part de la caisse d'assurance-maladie des Hauts-de-Seine de son refus de prise en charge de la lésion du 7 février 2018 au titre d'un accident de travail, ne pouvant reconnaître son caractère professionnel, elle ne saurait se voir reprocher de n'avoir pas considéré l'inaptitude comme, même partiellement, d'origine professionnelle.



Par ailleurs, l'article L.1226-2 du code du travail dans sa version applicable au litige dispose:

' lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.'



La société intimée justifie avoir consulté le conseil économique et social relativement aux propositions de reclassement et verse aux débats à cet effet la convocation de ses membres du 10 décembre 2018 à la réunion extraordinaire du 13 décembre 2018 ainsi que les pièces jointes à cette convocation, outre le procès-verbal de cette réunion extraordinaire au cours de laquelle ' quatre votes blancs ont été comptabilisés'.



En revanche, si la société Francesco Smalto International reconnaît faire partie d'une unité économique et sociale constituée de trois sociétés et fait valoir ses sollicitations - sans obligation, selon elle, mais par acquit de conscience- à l'égard d'un représentant du groupe Acanthe en vue de trouver un reclassement à Monsieur [E], elle ne produit que sa conversation électronique du 28 novembre 2018 avec Monsieur [Z] de la société Acanthe et les états financiers de la société Luxury Cannes Distribution. Ne sont pas versés aux débats les éléments montrant les études de mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants qui auraient été effectuées dans le cadre de sa recherche de reclassement, son registre du personnel pour démontrer l'absence de tout poste disponible comparable à celui de l'appelant, ni d'ailleurs le registre du personnel de la société-mère Smalto SA permettant de vérifier - comme elle le déclare- qu'elle n'emploie plus de salarié depuis 2016.



Il convient donc de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.



Tenant compte de l'âge du salarié (41 ans) au moment de la rupture, de son ancienneté (remontant au 5 septembre 2016 ), de son salaire moyen mensuel brut (soit 5 833,32 €, au vu des bulletins de salaire produits, prime de treizième mois proratisée incluse), de l'absence de justification de sa situation professionnelle après la rupture, il y a lieu de fixer à 11 500 € l'indemnisation de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Monsieur [E] doit bénéficier en outre d'une indemnité compensatrice de préavis

- nonobstant son incapacité à l'exécuter, son licenciement ayant été déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse -, et des congés payés y afférents, à hauteur respectivement de 17 496,96 € et de 1 749,69 €.





Sur la base du salaire moyen retenu et de l'ancienneté de M. [E] incluant seulement ses absences pour l'accident du travail reconnu comme tel, aucun rappel d'indemnité de licenciement n'est dû. La demande doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.





Sur le maintien de salaire :



Ayant été déclaré inapte le 5 novembre 2018 et licencié le 27 janvier 2019, l'appelant invoque les articles L.1226-4 et L.1226-11 du code du travail ainsi que les dispositions conventionnelles de maintien de salaire pour réclamer la somme de 4 912,63 €.



La société Francesco Smalto International verse aux débats le bulletin de salaire de janvier 2019 et rappelant que la somme de 5 467,31 € a été versée à l'intéressé pour la période allant du 21 décembre 2018 au 23 janvier 2019, conclut au rejet de la demande.



La convention collective de la couture parisienne (en son article 49) prévoit:

[...] 'Pour les salariés relevant des groupes 6 à 9 :

- en cas d'incapacité de travail pour maladie ou accident (à l'exclusion des cures thermales) les cadres bénéficieront d'une indemnité conventionnelle complétant les indemnités journalières de la sécurité sociale et éventuellement les indemnités complémentaires perçues au titre de tout régime de prévoyance dans les conditions suivantes :



Pendant la durée totale d'absence ouvrant droit à indemnisation, l'indemnisation ne pourra dépasser au cours d'une période de 12 mois consécutifs calculée comme indiquée ci-après :

- 45 jours après 1 an d'ancienneté dans l'entreprise appréciée au 1er jour de l'arrêt ;

- 60 jours après 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise appréciée au 1er jour de l'arrêt ;

- 90 jours de 5 à 15 ans d'ancienneté dans l'entreprise appréciée au 1er jour de l'arrêt ;

- 120 jours après 15 ans d'ancienneté dans l'entreprise appréciée au 1er jour de l'arrêt.



En cas d'accident du travail, à l'exclusion des accidents de trajet, les durées d'indemnisation indiquées ci-dessus seront portées à :

- 60 jours après 1 an d'ancienneté dans l'entreprise appréciée au 1er jour de l'arrêt ;

- 80 jours après 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise appréciée au 1er jour de l'arrêt ;

- 120 jours de 5 à 15 ans d'ancienneté dans l'entreprise appréciée au 1er jour de l'arrêt ;

- 180 jours après 15 ans d'ancienneté dans l'entreprise appréciée au 1er jour de l'arrêt.



Pour le calcul des indemnités dues au titre d'une période de paie, il sera tenu compte du nombre de jours indemnisés à l'intéressé durant les 12 mois précédant le 1er jour de l'arrêt de telle sorte que si plusieurs absences pour maladie ou accident ont été indemnisées au cours de ces 12 mois, la durée totale d'indemnisation ne dépasse pas la durée d'indemnisation indiqué ci-dessus.'[...]



Monsieur [E] justifie du régime de prévoyance des cadres, souscrit par son employeur, stipulant, en cas d'incapacité temporaire totale, le versement d'une 'indemnité journalière complétant les prestations servies par la sécurité sociale à concurrence de 80 % de la 365ème partie de la base des garanties'.



Cependant, s'il invoque son courrier du 13 mai 2019 faisant état d'une information donnée par la société de prévoyance relativement à la somme versée à l'employeur au titre de ces indemnités de prévoyance d'octobre à novembre 2018, force est de constater qu'il n'en justifie nullement et que la preuve d'un écart dans les taux et durée d'indemnisation complémentaire n'est pas faite.



Par ailleurs, selon l'article L.1226-4 alinéa 1 du code du travail, 'lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.'



En l'espèce, l'avis d'inaptitude date du 20 novembre 2018.



L'examen des bulletins de salaire produits et notamment la fiche de paie de janvier 2019 permet de vérifier que le paiement de l'intégralité de la rémunération de Monsieur [E] n'a pas été effectif un mois après la déclaration d'inaptitude jusqu'au licenciement : la somme de 1 404,69 € est donc due au salarié.





Sur les congés payés :



Sollicitant l'application du droit communautaire qui exclut toute distinction dans la computation des congés payés en fonction de l'origine de l'absence du travailleur en congé maladie, Monsieur [E] considère qu'il peut prétendre au paiement d'une part de 22,46 jours acquis au 30 avril 2018, et donc à la réintégration des 3,46 jours retirés en octobre 2018 alors qu'il se trouvait en maladie, d'autre part des trois jours de congés payés acquis lors de l'exercice précédent et qu'il n'a pu poser en raison de son arrêt maladie, et enfin des 21,87 jours de congés qu'il aurait dû acquérir entre le 1er mai 2018 et son licenciement du 24 janvier 2019, soit globalement la somme de 9 218,58 €.



Rappelant que Monsieur [E] a cessé d'acquérir des congés à compter du 7 février 2018 puisqu'il ne se trouvait pas en arrêt de travail d'origine professionnelle, la société Francesco Smalto International conclut au rejet de la demande.



Selon l'article L.3141-3 du code du travail, 'le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.

La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.'



L'article L. 3141-5 du même code dans sa version applicable au litige dispose que 'sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :

1° Les périodes de congé payé ;

2° Les périodes de congé de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption ;

3° Les contreparties obligatoires sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30,

L. 3121-33 et L. 3121-38 ;

4° Les jours de repos accordés au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article

L. 3121-44 ;

5° Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;

6° Les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque.'



Si le Droit français lie l'acquisition des jours de congés payés à l'exécution d'un travail effectif, le Droit communautaire reconnaît ce droit à congé, qui a une finalité de repos mais également d'équilibre entre la sphère professionnelle et la vie privée du salarié, en cas de suspension du contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle comme pour cause de maladie professionnelle, de façon indifférente.



Ce droit à congé s'inscrit dans les règles posées par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, qui fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail. L'article 7 (intitulé 'congé annuel') de cette directive dispose que ' les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales' et que la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.



L'article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne énonce que "tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés".



Or, il incombe au juge national d'assurer la protection juridique découlant de l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée la réglementation nationale.



Il convient en conséquence d'écarter partiellement l'application de l'article L.3141-3 du code du travail et de juger que Monsieur [E] peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de ses arrêts de travail pour cause de maladie non professionnelle et d'accident du travail, en application de l'article L. 3141-9 du code du travail (selon lequel 'les dispositions de la présente section ne portent atteinte ni aux stipulations des conventions et des accords collectifs de travail ou des contrats de travail ni aux usages qui assurent des congés payés de plus longue durée.')



Par ailleurs, l'employeur est tenu de prendre les mesures propres à assurer au salarié le bénéfice de son droit à congé.

Le salarié qui n'a pas pu prendre, du fait d'un arrêt maladie, ses congés payés dans le délai prévu a droit à leur report.



L'article 30 ' congé payé' de la convention collective nationale de la couture parisienne prévoit que 'le salarié qui, en raison de l'absence liée à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle se trouve dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels durant la période de référence a droit au report de ses congés payés sous réserve que ceux-ci soient pris au plus tard 15 mois après l'expiration de la période de référence'.



N'ayant pu bénéficier de ses jours de congés acquis, du fait de son arrêt de travail pour cause de maladie et en raison de son licenciement intervenu consécutivement, Monsieur [E] doit bénéficier de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.



Sur la base du taux retenu et du nombre de jours de congés réclamés - contestés seulement en leur principe -, il convient d'accueillir la demande de Monsieur [E] à hauteur de la somme de 7 869,22 €.





Sur le remboursement des indemnités de chômage :



Les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail permettent, dans le cas d'espèce, le licenciement de Monsieur [E] étant sans cause réelle et sérieuse, d'ordonner le remboursement par la société Francesco Smalto International des indemnités de chômage éventuellement perçues par l'intéressé, dans la limite de six mois d'indemnités.



Le présent arrêt devra, pour assurer son effectivité, être porté à la connaissance de Pôle Emploi, conformément aux dispositions de l'article R.1235-2 alinéas 2 et 3 du code du travail.





Sur les dépens et les frais irrépétibles :



L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d'appel.



L'équité commande d'infirmer le jugement de première instance au titre des frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile également en cause d'appel et d'allouer à ce titre la somme globale de 4 000 € à Monsieur [E].

PAR CES MOTIFS



La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,



Dans les limites de l'appel et de l'appel incident,



INFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions rejetant les demandes au titre d'un harcèlement moral, d'un licenciement nul, d'un solde d'indemnité de licenciement, des frais irrépétibles de l'employeur,



Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,



DIT le licenciement de Monsieur [R] [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse,



CONDAMNE la société Francesco Smalto International à payer à Monsieur [E] les sommes de :

- 1 404,69 € au titre du maintien de salaire,

- 17 496,96 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 749,69 € au titre des congés payés y afférents,

- 11 500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 7 869,22 € à tire d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



ORDONNE le remboursement par la société Francesco Smalto International aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à Monsieur [E] dans la limite de six mois,



ORDONNE l'envoi par le greffe d'une copie certifiée conforme du présent arrêt, par lettre simple, à la Direction Générale de Pôle Emploi,



REJETTE les autres demandes des parties,



CONDAMNE la société Francesco Smalto International aux dépens de première instance et d'appel.







LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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