17 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-23.909

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00024

Titres et sommaires

VENTE - Garantie - Vices cachés - Connaissance du vendeur - Vendeur professionnel - Présomption irréfragable de connaissance du vice - Portée - Obligation de réparation intégrale

Il résulte de l'article 1645 du code civil une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence

Texte de la décision

COMM.

CH.B


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 janvier 2024




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 24 F-B

Pourvoi n° X 21-23.909





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JANVIER 2024

La Société de travaux et débardage Antunes (STDA), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-23.909 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Sogedep, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la société GAN assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3] et actuellement [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La société GAN assurances a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la Société de travaux et débardage Antunes (STDA), de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Sogedep, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société GAN assurances, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 7 septembre 2021) et les productions, en avril 2007, la société Sogedep a vendu à la Société de travaux et débardage Antunes (la société STDA) un engin agricole que celle-ci a donné en location-vente à M. [E], exploitant d'une entreprise de débardage, par un contrat du 10 janvier 2015.

2. L'engin ayant pris feu lors de son ravitaillement en carburant, entraînant la destruction du tracteur et occasionnant des dégâts aux propriétés environnantes, M. [E] a obtenu en référé la désignation d'un expert.

3. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 4 juin 2016.

4. Les 19 avril et 8 juin 2017, la société GAN assurances (la société GAN), assureur de M. [E], a assigné les sociétés Sogedep et STDA en garantie des vices cachés. La société STDA a exercé une action récursoire contre la société Sogedep.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. La société STDA fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société GAN les sommes de 90 877,32 euros pour l'indemnisation des consorts de l'indivision [X], de 4 672,50 euros pour l'indemnisation de M. [D] et de 6 146 euros pour les frais d'assistance à l'expertise par un technicien, alors « que seul le vendeur professionnel, présumé connaître les vices de la chose, ou celui qui connaissait ces vices au moment de la vente est tenu, outre à restitution des prix, de tous dommages et intérêts envers l'acquéreur ; qu'en affirmant purement et simplement, pour la condamner, outre à restituer le prix du véhicule, à indemniser l'assureur subrogé dans les droits de l'acquéreur des conséquences du dommage causé par le vice, que la société STDA, professionnelle des travaux forestiers, était un vendeur professionnel, la cour d'appel, qui n'a constaté ni que la société STDA se livrait de manière habituelle à la vente de véhicules d'occasion, ni qu'elle connaissait le vice, a statué par des motifs impropres à justifier légalement sa décision, violant ainsi les articles 1645 et 1646 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1645 du code civil :

6. Il résulte de ce texte une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence.

7. Pour condamner la société STDA à l'indemnisation de tous les dommages qui sont la conséquence du vice affectant l'engin litigieux, l'arrêt, après avoir constaté que celle-ci était professionnelle de travaux forestiers, retient qu'elle a la qualité de vendeur professionnel.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait, si la société STDA se livrait de façon habituelle à la vente d'engins agricoles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

9. La société STDA fait grief à l'arrêt d'accueillir le moyen de prescription soulevé en appel par la société Sogedep, de déclarer irrecevable l'action récursoire visant la société Sogedep et de mettre hors de cause la société Sogedep, alors « que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, sans avoir à être intentée dans un délai de prescription de cinq ans à compter du jour de la vente ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer irrecevable l'action exercée par la société STDA à l'encontre de son vendeur, la société Sogedep, que la vente intervenue entre la Sogedep et la société STDA remontant au mois d'avril 2007, aucune action en garantie pour vice caché n'est plus recevable depuis le mois d'avril 2013, soit cinq ans après la date de la vente, la cour d'appel a violé les articles 1648, alinéa 1, 2224 et 2232 du code civil, ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1648, alinéa 1, et 2232 du code civil :

10. En application de ces textes, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

11. Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie.

12. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action récursoire en garantie des vices cachés exercée contre la société Sogedep, après avoir énoncé que le délai-butoir prévu à l'article 2232 du code civil n'était pas en vigueur au mois d'avril 2007, lors de la conclusion du contrat de vente liant cette dernière et la société STDA, l'arrêt retient qu'en application des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, aucune action en garantie des vices cachés n'est plus recevable depuis le mois d'avril 2013.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

14. La cassation prononcée sur le second moyen du pourvoi principal du chef de l'irrecevabilité de l'action en garantie des vices cachés exercée par la société STDA contre la société Sogedep entraîne, par voie de conséquence, la cassation de la disposition critiquée par le moyen unique du pourvoi incident qui, déclarant irrecevable l'action en garantie des vices cachés exercée par la société GAN contre la société Sogedep au motif qu'aucune action en garantie pour vice caché n'est plus recevable depuis le mois d'avril 2013, s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il condamne la Société de travaux et débardage Antunes à payer à la société GAN assurances la somme de 76 000 euros et rejette la demande de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 7 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Sogedep aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Sogedep, la condamne à payer à la Société de travaux et débardage Antunes (STDA) la somme de 3 000 euros et à la société GAN assurances la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille vingt-quatre.

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