11 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.126

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:C200018

Texte de la décision

CIV. 2

LC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 janvier 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 18 F-D

Pourvoi n° V 21-25.126

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 octobre 2021.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JANVIER 2024

Mme [K] [O], veuve [M], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° V 21-25.126 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [E] [S], domicilié chez Mme [Z] [Y], [Adresse 3],

2°/ à M. [G] [X], domicilié [Adresse 1],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [O], veuve [M], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 mars 2021), [F] [M] (la victime), salarié de M. [S] et M. [X] (les employeurs), a été victime, le 21 septembre 2006, d'un accident mortel sur son lieu de travail.
Par jugement du 24 novembre 2014, devenu définitif, le tribunal correctionnel a déclaré les employeurs coupables d'homicide involontaire commis dans le cadre du travail.

2. L'ayant droit a saisi, le 20 novembre 2015, une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable des employeurs.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'ayant droit fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite sa demande, alors « que la prescription de deux ans à laquelle est soumise l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduite par la victime d'un accident du travail ou par ses ayants droit est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits et, donc, notamment, par le réquisitoire introductif du procureur de la République tendant à l'ouverture d'une information judiciaire portant sur les faits ayant entraîné cet accident du travail, dès lors qu'un tel réquisitoire introductif met en mouvement l'action publique, sauf dans les seuls cas particuliers où la mise en mouvement de l'action publique est subordonnée au dépôt d'une plainte préalable ; qu'en retenant, par conséquent, pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande de l'ayant-droit, en reconnaissance de la faute inexcusable des employeurs de la victime, que la prescription à laquelle était soumise l'action de l'ayant-droit, en reconnaissance de la faute inexcusable des employeurs de la victime, qui avait commencé à courir le 21 septembre 2006, date de l'accident mortel de la victime, était arrivée à son terme le 21 septembre 2008, quand elle relevait qu'une information judiciaire avait été ouverte avant le 8 janvier 2007, pour les mêmes faits, sur les réquisitions du ministère public et quand elle ne caractérisait pas qu'en l'espèce, la mise en mouvement de l'action publique était subordonnée au dépôt d'une plainte préalable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les dispositions de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale et des articles premier et 80 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale :

4. Selon ce texte, les droits de la victime d'un accident du travail ou de ses ayants droit, aux prestations et indemnités dues se prescrivent par deux ans. Toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits.

5. Pour déclarer prescrite l'action engagée le 20 novembre 2015, l'arrêt retient que la prescription a commencé à courir le 21 septembre 2006, date de l'accident, qu'elle n'a pas été interrompue par la constitution de partie civile par voie d'intervention de l'ayant droit le 8 janvier 2007 et qu'elle est arrivée à son terme le 21 septembre 2008.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'une information judiciaire pour des faits d'infraction d'homicide involontaire commis dans le travail sur la personne de la victime avait été ouverte sur les réquisitions du procureur de la République avant le 8 janvier 2007, de sorte qu'une action pénale avait été engagée pour les mêmes faits, interrompant le délai de la prescription biennale de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable des employeurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne M. [S], M. [X] et la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [S] et M. [X] à payer à la SCP Yves et Blaise Capron la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-quatre.

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