11 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.306

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200028

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Contentieux général - Compétence matérielle - Accident du travail et maladie professionnelle - Compétence exclusive - Sursis à statuer - Etendue - Détermination - Portée

Il résulte des articles 49 et 378 du code de procédure civile, rendus applicables par l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale aux juridictions visées par les articles L. 211-16, 1°, et L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire, que la juridiction chargée du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, saisie d'une demande relevant de sa compétence, ne peut connaître d'un moyen de défense tiré de l'inopposabilité de la décision de prise en charge d'un accident du travail ou de la maladie professionnelle relevant de la compétence exclusive d'une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, et doit, si cette autre juridiction est déjà saisie, surseoir à statuer, lorsque la demande lui en est faite, dans l'attente de la décision de cette dernière

Texte de la décision

CIV. 2

LC


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 janvier 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 28 F-B


Pourvois n°
D 21-24.306
A 21-24.487 JONCTION



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JANVIER 2024

I. La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-24.306 contre l'arrêt n° RG 20/01390 rendu le 17 septembre 2021 par la cour d'appel d'Amiens (tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail des Hauts-de-France, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

II. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail des Hauts-de-France a formé le pourvoi n° A 21-24.487 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2021 par la Cour d'appel d'Amiens (tarification) et l'arrêt rendu le 20 aout 2020 par la cour d'appel d'Amiens (protection sociale et du contentieux de la tarification), dans le litige l'opposant à la société [3], défenderesse à la cassation.

La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail des Hauts-de-France a formé un pourvoi additionnel contre l'arrêt avant dire droit rendu le 12 avril 2021 par la cour d'appel d'Amiens (protection sociale et du contentieux de la tarification).

La demanderesse au pourvoi n° D 21-24.306 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi n° A 21-24.487 invoque, à l'appui de son pourvoi principal, un moyen unique de cassation, et à l'appui de son pourvoi additionnel, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail des Hauts-de-France, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° D 21-24.306 et A 21-24.487 sont joints.

Déchéance partielle du pourvoi A 21-24.487 en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 20 août 2020, examinée d'office

2. En application de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

3. Le mémoire ampliatif ne contenant aucun moyen à l'encontre de l'arrêt du 20 août 2020, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision.

Sur les pourvois D 21-24.306 et A 21-24.487 en tant qu'ils sont dirigés contre l'arrêt du 17 septembre 2021, et sur le pourvoi additionnel A 21-24.487 en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 12 avril 2021

Faits et procédure

4. Selon les arrêts attaqués (Amiens, 12 avril 2021 et 17 septembre 2021), la caisse primaire d'assurance maladie des Landes ayant pris en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par l'un des salariés (la victime) de la société [3] (l'employeur), cette dernière a, le 8 octobre 2019, saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins, à titre principal, d'inopposabilité de la décision de prise en charge et, à titre subsidiaire, d'inscription des dépenses afférentes à cette maladie au compte spécial.

5. Après notification, le 1er janvier 2020, de son taux de cotisations accidents du travail-maladies professionnelles par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail des Hauts-de-France (la caisse), l'employeur a saisi d'un recours la cour d'appel d'Amiens, spécialement désignée par l'article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire.

6. Cette juridiction, après avoir ordonné la réouverture des débats, a déclaré la demande de l'employeur irrecevable.

Recevabilité du pourvoi additionnel A 21-24.487, dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 12 avril 2021, qui est préalable, examinée d'office

Enoncé du moyen

Vu l'article 537 du code de procédure civile :

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé.

8. En application de ce texte, la décision de réouverture des débats est une mesure d'administration judiciaire qui ne peut faire l'objet d'aucun recours, sauf dans le cas d'une atteinte au droit à l'accès au juge.

9. Le pourvoi additionnel, qui fait grief à l'arrêt avant dire droit du 12 avril 2021, de prononcer la réouverture des débats et d'inviter les parties à s'expliquer sur la recevabilité de la saisine de la cour d'appel d'Amiens, est, dès lors, irrecevable.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° A 21-24.487, dirigé contre l'arrêt du 17 septembre 2021, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

10. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de l'employeur aux fins d'inscription au compte spécial des conséquences de la pathologie litigieuse, alors « que l'appréciation de l'affectation des dépenses de la maladie professionnelle sur le compte spécial constitue une question relative à la tarification, laquelle relève de la seule cour d'appel d'Amiens ; qu'en jugeant irrecevable la demande de l'employeur aux fins d'inscription au compte spécial des conséquences de la pathologie de la victime dès lors que le tribunal judiciaire de Mont-de Marsan avait été saisi d'une demande identique avant la notification du taux de cotisation par la CARSAT, la cour d'appel a violé les articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire, et l'article L. 142-1, 7°, du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 143-1, 4°, devenu L. 142-2, 4°, puis L. 142-1, 7°, et L. 143-4 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction alors en vigueur, l'article L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et les articles L. 242-5, D. 242-6-4, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

11. En application de ces textes, par un arrêt du 28 septembre 2023, la Cour de cassation a jugé que les demandes de l'employeur de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d'inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles (2e Civ., 28 septembre 2023, pourvoi n° 21-25.719, publié).

12. Ayant relevé que l'employeur avait saisi, avant notification de son taux de cotisation, le tribunal judiciaire d'une demande d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie professionnelle litigieuse, la cour d'appel saisie, après notification de son taux, de la même demande, l'a déclarée irrecevable.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen du pourvoi D 21-24.306, dirigé contre l'arrêt du 17 septembre 2021

Enoncé du moyen

14. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir de la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale saisie d'un recours contre la décision de prise en charge, alors « que la juridiction qui constate que l'action dont elle est saisie suppose que soit tranchée une question préalable relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction doit surseoir à statuer jusqu'à ce que cette juridiction se soit prononcée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel d'Amiens était saisie par l'employeur embrayages d'une demande tendant à voir « dire que la maladie ne peut être imputée au compte employeur et doit être imputée au compte spécial et, par conséquent, rectifier toutes les inscriptions au compte employeur 2020 antérieures et postérieures » ; qu'en rejetant la demande préalable de sursis à statuer présentée par cet employeur, qui se prévalait d'une instance pendante devant le tribunal judiciaire de Mont-de Marsan sur sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation des risques professionnels de la maladie à l'origine de la tarification contestée devant elle, après avoir constaté que « s'il était fait droit à sa demande d'inopposabilité, alors nécessairement la CARSAT aurait l'obligation d'en tirer les conséquences et, donc de retirer du compte employeur les charges de la maladie », ce dont il résultait que la solution de la demande présentée devant elle par cette société supposait que fût tranchée la question préjudicielle de l'opposabilité de la décision de prise en charge, laquelle relevait de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, la cour d'appel d'Amiens a violé les articles 49 et 380-1 du code de procédure civile, L. 211-16-1°et L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 211-16, 1°, et L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire, 49, 378 et 380-1 du code de procédure civile :

15. Il résulte des troisième et quatrième de ces textes, rendus applicables par l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale aux juridictions visées par les deux premiers, que la juridiction chargée du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, saisie d'une demande relevant de sa compétence, ne peut connaître d'un moyen de défense tiré de l'inopposabilité de la décision de prise en charge d'un accident du travail ou de la maladie professionnelle relevant de la compétence exclusive d'une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, et doit, si cette autre juridiction est déjà saisie, surseoir à statuer, lorsque la demande lui en est faite, dans l'attente de la décision de cette dernière.

16. Pour rejeter la demande de sursis à statuer, l'arrêt déclare irrecevable le recours de l'employeur aux fins d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle.

17. En statuant ainsi, alors que l'employeur avait demandé qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, saisie d'un recours aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle, la cour d'appel, qui devait, dès lors, surseoir à statuer sur la demande aux fins d'inscription au compte spécial des conséquences de la maladie litigieuse, dont elle était saisie, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi A 21-24.487 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 20 août 2020 ;

DÉCLARE le pourvoi additionnel dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 12 avril 2021 irrecevable ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;

Condamne la société [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-quatre.

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