9 janvier 2024
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 21/04197

Ch. Sociale -Section A

Texte de la décision

C1



N° RG 21/04197



N° Portalis DBVM-V-B7F-LCAD



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Zerrin BATARAY



la SARL ROUMEAS AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 09 JANVIER 2024





Appel d'une décision (N° RG 20/00082)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 08 septembre 2021

suivant déclaration d'appel du 05 octobre 2021





APPELANTE :



Madame [K] [J]

née le 20 Avril 1973 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Zerrin BATARAY, avocat au barreau de VIENNE, substitué par Me Marine RONK, avocat au barreau de GRENOBLE,





INTIMEE :



S.A.R.L. FOURÉ LAGADEC RHÔNE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

[Adresse 2]

[Localité 6]



représentée par Me Fabien ROUMEAS de la SARL ROUMEAS AVOCATS, avocat au barreau de LYON,





COMPOSITION DE LA COUR :



LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Monsieur Frédéric BLANC, Conseiller,





DÉBATS :



A l'audience publique du 06 novembre 2023,

Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère, chargée du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de M. David SPOSATO, Adjoint administratif stagiaire, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;



Puis l'affaire a été mise en délibéré au 09 janvier 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.



L'arrêt a été rendu le 09 janvier 2024.






EXPOSE DU LITIGE



Mme [K] [J] a été embauchée par la société à responsabilité limitée (SARL) Fouré Lagadec Rhône Alpes le 1er septembre 2006 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de secrétaire.



Mme [J] a été placée en arrêt de travail à compter du 14 mars 2019, renouvelé de manière ininterrompue jusqu'au 23 décembre 2019, date à laquelle elle a été déclarée inapte à tout poste au sein de la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes avec la mention « L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».



Par courrier du 8 janvier 2020, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 22 janvier 2020.



Le 27 janvier 2020, Mme [J] a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.



Le 18 mai 2020, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Vienne aux fins d'obtenir la condamnation de la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes à lui payer des dommages et intérêts pour discrimination, pour harcèlement moral, et pour licenciement nul, ou, à titre subsidiaire, pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, ainsi que diverses indemnités afférentes à la rupture de la relation de travail.



Par jugement du 8 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Vienne a :



- Rejeté l'exception de prescription soulevée par la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes,

- Dit et jugé non fondée la demande de Mme [J] sur la non application de la grille et les dispositions relatives à l'octroi de la prime de déplacement,

- Dit et jugé que Mme [J] n'a pas fait l'objet d'une inégalité de traitement en ne recevant pas l'intégralité du taux journalier de la prime de déplacement,

- Dit et jugé non fondée la discrimination directe, et à tout le moins indirecte en raison de son sexe,

- Dit et jugé que la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes n'a pas exercé de harcèlement moral à l'encontre de Mme [J],

- Constaté que la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes n'a pas manqué à son obligation de loyauté et de prévention en matière de sécurité,

- Dit et jugé non fondée l'origine professionnelle de l'inaptitude de Mme [J],

- Dit et jugé que le licenciement de Mme [J] ne peut être reconnu comme nul,

- Dit et jugé le licenciement de Mme [J] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- Débouté Mme [J] de sa demande de versement des sommes suivantes :

- 8 948,55 euros à titre de rappels de primes de déplacement pour les années 2019, 2018 et 2017,

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement,

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination directe et à tout le moins indirecte fondée sur le sexe,

- 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, et, à titre subsidiaire, 27 910,83 euros à titre de dommages et intérêts par application du barème d'indemnisation de l'article L. 1235-3 du code du travail,

- 9 175,76 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 4 944,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 494,41 euros au titre des congés payés afférents,

- Débouté Mme [J] de sa demande de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes de sa demande reconventionnelle au titre de l'article700 du code de procédure civile,

- Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.



La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception.



Mme [J] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 5 octobre 2021.



Par conclusions transmises par voie électronique le 4 février 2022, Mme [K] [J] demande à la cour d'appel de :



« Dire et juger l'appel de Mme [J] recevable et bien fondé,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :


Rejeté l'exception de prescription soulevée par la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes,

Débouté la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes de sa demande reconventionnelle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,




Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

- Dire et juger que la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes n'a pas appliqué, à l'égard de Mme [J], la grille et les dispositions relatives à l'octroi de la prime de déplacement,

- Dire et juger que Mme [J] a fait l'objet d'une inégalité de traitement, en ne recevant pas l'intégralité du taux journalier de la prime de déplacement prévue pour la grille pour les salariés travaillant sur le site de Péage de [Localité 4], contrairement à d'autres salariés,

- Dire et juger que Mme [J] a fait l'objet d'une discrimination directe et à tout le moins indirecte en raison de son sexe,

- Tirer toutes les conséquences du défaut de communication, par la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes, des bulletins de paie de tous les salariés de l'entreprise des mois de janvier et décembre de chaque année depuis 2017, et ce malgré une sommation de communiquer,

- Dire et juger que la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes a exercé un harcèlement moral ayant conduit Mme [J] à un burn-out, et, à tout le moins, qu'elle a manqué à son obligation de loyauté et de prévention en matière de sécurité,

- Constater que l'origine professionnelle de l'inaptitude de Mme [J] découlant du harcèlement moral et à tout le moins des manquements de l'employeur,

- Dire et juger que le licenciement de Mme [J] est nul, ou à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse,



En conséquence,

- Condamner la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes à verser à Mme [J] les sommes suivantes :


8 948,55 euros à titre de rappels de primes de déplacement pour les années 2019, 2018 et 2017,

894,86 euros à titre de congés payés afférents,

20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement,

30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination directe et à tout le moins indirecte fondée sur le sexe,

40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou à tout le moins l'exécution déloyale du contrat de travail et le manquement à l'obligation de prévention en matière de sécurité,

40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le licenciement nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, et, à titre subsidiaire, 27 910,83 euros à titre de dommages et intérêts par application du barème d'indemnisation de l'article L. 1235-3 du code du travail,

9 175,76 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

4 944,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 494,41 euros au titre des congés payés afférents,

3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,


En tout état de cause,

- Condamner la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes à verser à Mme [J] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,

- Débouter la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,

Condamner la même aux entiers dépens ».



Par conclusions transmises par voie électronique le 21 janvier 2021, la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes demande à la cour d'appel de :



« A titre principal,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré non-prescrite, la demande de Mme [J] en paiement de l'indemnité de déplacement,

Dire et juger en conséquence irrecevable comme prescrite, la demande de Mme [J] en paiement d'indemnités de déplacement,



Y ajoutant,

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes,

Condamner Mme [J] à payer à la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [J] aux entiers dépens,



A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

Condamner Mme [J] à payer à la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [J] aux entiers dépens,



A titre subsidiaire encore,

Réduire au préjudice démontré les demandes indemnitaires de Mme [J] ».



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.



La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 octobre 2023.






MOTIFS DE LA DECISION :



Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de rappels de prime de déplacement :



Moyens des parties,



Mme [J] fait valoir que :

- La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes verse aux salariés de l'entreprise une prime de déplacement qui est exclusivement fonction du site sur lequel les salariés sont amenés à travailler, peu important la distance entre le domicile des salariés et ces sites,

- Cette prime a la qualité d'élément de la rémunération, et non de frais professionnel,

- La prescription qui s'applique étant triennale, sa demande de rappel de salaire au titre des années 2017, 2018 et 2019 n'est pas prescrite.



La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes fait valoir que :

- La salariée avait connaissance de la grille des indemnités de déplacement, ainsi que des notes de service, depuis 2006 et au plus tard en 2008,

- Mme [J] ayant saisi le conseil de prud'hommes par requête du 18 mai 2020, sa demande de rappel d'indemnité de déplacement est nécessairement prescrite, puisqu'elle avait connaissance des faits sur lesquels elle fonde sa demande et lui permettant d'exercer son droit à tout le moins depuis l'année 2006,

- La prescription qui s'applique est la prescription biennale prévue par l'article L. 1471-1 du code du travail qui prévoit que l'action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit,



- Il est sans importance que la prime dont elle conteste le quantum lui était versée mensuellement, dès lors qu'elle était identique d'un mois sur l'autre,

- La prime n'avait pas la qualité de salaire, la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail n'a donc pas vocation à s'appliquer dans le cas d'espèce.



Sur ce,



Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.



Selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.



En application de ces dispositions, le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré et s'agissant de l'indemnité de congés payés, le point de départ du délai de la prescription doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris.



Il résulte de la règle selon laquelle les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l'employeur que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle dans l'intérêt de l'employeur, doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire.



En l'espèce, les parties s'opposent sur le point de savoir si l'indemnité de déplacement forfaitaire versée chaque mois à la salariée constitue un complément de salaire ou un remboursement de frais, nonobstant son caractère forfaitaire.



Dès lors que l'objet exact de la prime de déplacement litigieuse détermine en partie la nature juridique de ladite prime, il y a lieu de déterminer, dans un premier temps, l'objet de ladite prime, les parties s'opposant également sur ce point.



A titre liminaire, il doit être relevé que ni le contrat de travail de Mme [J] du 30 août 2006 ni l'avenant du 1er mars 2010 ne font mention du versement à la salariée d'une indemnité forfaitaire visant à indemniser Mme [J] pour des frais professionnels de déplacement, et qu'aucune des parties ne verse aux débats des contrats de travail d'autres salariés de l'entreprise prévoyant le versement d'une indemnité forfaitaire en contrepartie de la prise en charge par le salarié des frais professionnels de déplacement.



Au vu des éléments produits, l'employeur échoue à démontrer que la cause de cette indemnité réside dans l'existence d'une sujétion imposée aux salariés d'avoir à se déplacer pour effectuer des missions qui leur sont confiées ailleurs qu'au sein de la société ou de l'établissement auquel ils sont affectés, et qu'ainsi, seuls les salariés pouvant justifier de l'existence de déplacements d'un établissement à l'autre ou sur un chantier, seraient fondés à en bénéficier.



En effet, les notes de service versées aux débats, révisant les montants journaliers dus aux salariés en fonction des « déplacements régionaux » effectués, et indiquant les codes et montants journaliers de chaque indemnité selon les différents sites de l'entreprise, sont insuffisantes, faute d'être explicitées par la production d'éléments démontrant de quelle manière ces notes étaient mises en 'uvre, pour établir que ces indemnités n'étaient pas versées, au moins pour partie, en fonction du site sur lequel le salarié était affecté, mais uniquement en cas de déplacements entre les différents sites ou pour se rendre sur un chantier.



La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes ne produit ainsi aucun élément démontrant que seuls les salariés effectuant des déplacements professionnels entre les différents sites de la société ou sur un chantier percevaient ces indemnités, ni que les indemnités perçues variaient en fonction des déplacements effectués et, qu'aucune indemnité de déplacement n'était perçue en fonction du lieu d'affectation du salarié.



En outre, l'employeur ne démontre pas que les indemnités versées étaient fonction de la durée ou de la longueur des trajets effectués, cette information ne se déduisant pas des notes de service versées, qui ne visent que des sites de l'entreprise, et sur lesquelles il apparaît que le montant de l'indemnité varie en fonction de ces sites, sans qu'il soit indiqué que ce montant est calculé à partir du départ d'un autre site donné.



Eu égard à ces constatations, il y a lieu de retenir que les indemnités de déplacement sont versées aux salariés en fonction du site d'affectation, et cela indépendamment du lieu de domicile du salarié, et donc de la distance parcourue par le salarié pour s'y rendre.



La distance parcourue entre le domicile et le site d'affectation ne déterminant pas le montant de la prime versée, il en résulte que l'indemnité de déplacement ne vise pas à indemniser les frais de déplacement du salarié de son domicile à son lieu de travail, et qu'elle ne peut, en conséquence, avoir la nature d'un remboursement de frais professionnels, mais qu'elle a la nature d'un complément de salaire.



Cette qualification, pour ce qui concerne le cas de Mme [J], résulte également du fait que la somme qu'elle percevait pour chaque journée travaillée était forfaitaire. Dès lors qu'elle n'a pas été prévue par le contrat de travail, elle ne peut correspondre à une indemnité forfaitaire versée en contrepartie de la prise en charge par la salariée elle-même de ses frais professionnels de déplacement.



Eu égard à la nature de complément de salaire de l'indemnité versée à la salariée pour chaque journée travaillée, la demande qu'elle formule à ce titre est soumise à la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail.



Dès lors que le contrat de travail a pris fin le 27 janvier 2020, la salariée peut faire porter sa demande de rappel de salaire sur les trois dernières années précédant la rupture, soit sur la période de janvier 2017 à janvier 2020.



La fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande formulée par Mme [J] soulevée par la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes est donc rejetée, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.





Sur la demande de rappels d'indemnité de déplacement :



Moyens des parties,



Mme [J] fait valoir que :

- De l'année 2006 à janvier 2020, elle a perçu une indemnité de déplacement avec un taux journalier minoré, contrairement à d'autres salariés travaillant sur le même site qu'elle, qui se sont vus verser le taux journalier prévu par les grilles diffusées par notes de services,

- Ces grilles ne font aucune distinction entre les salariés, le seul critère pris en compte étant le site sur lequel le salarié travaille,

- La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes ne lui a pas payé la prime de déplacement correspondant au site sur lequel elle travaillait, soit celui de Péage de [Localité 4].



La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes fait valoir pour sa part que :

- La cause du versement de l'indemnité de déplacement réside, précisément, dans l'existence d'une sujétion imposée aux salariés d'avoir à se déplacer, non pas pour se rendre sur leur lieu de travail mais, le cas échéant, pour effectuer les missions qui leur sont confiées ailleurs qu'au sein de la société ou de l'établissement auquel ils sont affectés,

- La salariée s'était vue reconnaître dans le cadre d'un engagement unilatéral le bénéfice d'une indemnité de déplacement de 8,02 euros par jour,

- Elle ne peut prétendre au paiement de l'indemnité intitulée « déplacement local [Localité 4] », la salariée n'ayant pas, eu égard à la nature de ses fonctions, à effectuer le moindre déplacement professionnel.



Sur ce,



Au visa des dispositions des articles L. 1221-1 du code du travail et 1353 du code civil, la charge de la preuve du paiement des salaires incombe à l'employeur qui se prétend libéré de son obligation.



Ainsi, il revient à l'employeur de prouver le paiement du salaire défini au contrat, notamment par la production de pièces comptables.



Dès lors que le calcul d'une rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, ce dernier doit les produire (Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 07-41.383).



Il a été retenu précédemment que l'indemnité de déplacement versée aux salariés pour chaque journée travaillée en application des différentes notes de service déterminant les taux des déplacements régionaux avait la nature d'un complément de salaire, et que cette indemnité était fonction, non pas de la réalisation effective de déplacements entre les différents sites ou pour se rendre sur un chantier, mais du lieu d'affectation du salarié peu important la distance séparant le domicile du salarié du site d'affectation.



Il ressort de ses bulletins de salaire au titre des années 2016 à 2019 versés aux débats, que Mme [J] percevait, pour chaque journée travaillée, une indemnité correspondant au montant le moins élevé de la grille, soit celui correspondant aux « bureaux de [Localité 6] ».



La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes, qui soutient que la salariée ne pouvait prétendre au versement d'aucune indemnité de déplacement, au motif que cette indemnité n'était versée qu'aux salariés de l'entreprise amenés à effectuer des déplacements dans le cadre de leurs attributions, ce qui n'était pas le cas de Mme [J] qui ne réalisait que des tâches sédentaires, ne produit aucun élément permettant d'en faire la démonstration.



Ainsi, l'employeur ne produit aucune fiche de paie d'autres salariés permettant d'établir que ces salariés percevaient des indemnités différentes en fonction des déplacements qu'ils étaient amenés à effectuer, et non simplement en fonction de leur site d'affectation.



A l'inverse, la salariée produit trois bulletins de salaire de l'année 2019 de salariés exerçant chacun des fonctions différentes, et dont Mme [J] soutient qu'ils étaient, comme elle, affectés sur le site de Péage de [Localité 4].



A l'examen de ces bulletins de salaire, la cour d'appel constate que ces salariés ont perçu pour la totalité des journées travaillées des mois concernés une indemnité portant la mention « Déplt local [Localité 4] » d'un montant de 25,67 euros par jour, alors que la salariée percevait à la même époque une indemnité intitulée « Déplt local bureaux » d'un montant de 8,02 euros par jour.



Enfin, il n'est pas contesté par l'employeur que Mme [J] était affectée de manière permanente sur le site de Péage de [Localité 4].



Surtout, la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes ne démontre pas, comme elle l'affirme, avoir pris l'engagement unilatéral de limiter le montant de l'indemnité de Mme [J] à la somme de 8,02 euros alors qu'en diffusant les grilles de calcul de cette indemnité par notes de services elle a pris l'engagement de verser une indemnité calculée en fonction du site d'affectation, de sorte qu'elle était tenue de verser à la salariée une indemnité correspondant à celle versée pour le site de Péage de [Localité 4], et non l'indemnité minimale, correspondant à un déplacement aux Bureaux de [Localité 6].



Mme [J] est en conséquence fondée à prétendre à un rappel de salaire correspondant à la différence entre le montant qu'elle a perçu au cours des trois dernières années précédant la rupture de la relation de travail et la somme qu'elle aurait dû percevoir au cours de cette même période calculée sur le fondement de l'indemnité prévue pour un déplacement à Péage de [Localité 4], soit la somme de 8 948,55 euros brut, la salariée produisant un calcul précis de cette somme, qui ne fait pas l'objet de critique utile par l'employeur, outre 894,85 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, et ce par infirmation du jugement entrepris de ce chef.





Sur la demande au titre de l'inégalité de traitement :



Moyens des parties,



Mme [J] fait valoir que :

- La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes applique de manière différenciée les grilles définissant le taux journalier de la prime de déplacement aux salariés de l'entreprise,

- L'inégalité de traitement qu'elle a subie lui a causé un préjudice financier et psychologique,

- Le conseil de prud'hommes a commis un déni de justice en refusant de statuer sur sa demande,

- Le 25 mars 2021, sommation a été faite à la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes de communiquer tous les bulletins de paie de tous les salariés de l'entreprise des mois de janvier et décembre de chaque année depuis 2017, afin qu'elle puisse établir l'inégalité de traitement dont elle a été victime,

- Dans l'hypothèse où ces bulletins de salaire ne seraient pas communiqués, la cour devra en tirer toutes les conséquences.



La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes fait valoir pour sa part que :

- La charge de la preuve de l'inégalité de traitement pèse exclusivement sur la salariée,

- Mme [J], qui exerçait des fonctions sédentaires de secrétaire, ne peut prétendre à la même indemnité de déplacement que celle de ses collègues affectés sur le site de [Localité 4] qui étaient amenés à effectuer des déplacements dans le cadre de leurs attributions, l'indemnité étant justifiée par les déplacements professionnels effectués par les salariés,

- La salariée ne justifie pas du préjudice qu'elle prétend avoir subi,

- Le conseil de prud'hommes n'a commis aucun déni de justice en rejetant sa demande.



Sur ce,



En application de l'article 1353 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.



Selon le principe d'égalité de traitement, des salariés placés dans une situation identique ou similaire doivent en principe pouvoir bénéficier des mêmes droits individuels et collectifs qu'il s'agisse des conditions de rémunération, d'emploi, de travail ou de formation.



Seules sont présumées justifiées, pour autant qu'elles résultent d'un accord collectif et à condition qu'elles ne relèvent pas d'un domaine où est mis en oeuvre le droit de l'Union Européenne, les différences de traitement entre catégories professionnelles, collaborateurs appartenant à des établissements distincts, ou s'agissant d'une entreprise de prestation de services, entre salariés affectés à des sites ou des établissements différents ou enfin, entre ceux exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes.



S'agissant des premières, c'est au salarié d'apporter non seulement des éléments de preuve de la réalité de l'inégalité, laquelle résulte le plus souvent des termes même de l'accord collectif, mais il lui faut aussi démontrer que cette différence de traitement est étrangère à toute considération de nature professionnelle.



En revanche, s'agissant du régime de la preuve des autres inégalités de traitement, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité et ensuite, le cas échéant, à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.



La salariée verse aux débats trois bulletins de salaire anonymisés du début de l'année 2019 de trois salariés occupant chacun des fonctions différentes (« chef de chantier », « monteur » et technicien »), desquels il ressort qu'ils ont tous les trois perçu une indemnité de déplacement journalière correspondant à un déplacement sur le site de Péage de [Localité 4] (« Déplt local [Localité 4] ») pour un montant quotidien de 25,67 euros et cela pour la totalité des jours travaillés des mois concernés par les bulletins.



La cour d'appel relève par ailleurs que l'un des bulletins de paie produits mentionne, outre le versement pour 21 jours de l'indemnité de 25,67 euros par jour intitulée « Déplt local [Localité 4] », une indemnité pour cinq jours intitulée « Déplt local Cplt » d'un montant de 5,13 euros par jour, laquelle correspond, ce qui ressort de la note de service n° 08.10.02 produite par la salariée, à une indemnité versée pour « l'utilisation du véhicule personnel au-delà de 20 km ».



Il ne peut se déduire de cette constatation que le salarié concerné ne se serait pas déplacé les autres jours du mois, dès lors qu'il a pu effectuer des déplacements de moins de 20 km, ou utiliser une voiture de service les autres jours.



Toutefois, il ressort de ce bulletin de paie, et des deux autres bulletins de paie produits par la salariée qui ne font mention d'aucune autre indemnité de déplacement, que les trois salariés concernés étaient présents tous les jours des mois des bulletins sur le site de Péage de [Localité 4].



Et il ressort des bulletins de salaire de Mme [J] pour les mêmes mois de l'année 2019 que celle-ci n'a perçu qu'une indemnité intitulée « Déplt local bureaux » d'un montant de 8,02 euros par jour, et cela pour la totalité des jours travaillés des mois concernés.



Il n'est pas ailleurs pas contesté par l'employeur que la salariée se rendait tous les jours travaillés sur le site de Péage de [Localité 4].



Ces éléments de fait, pris ensemble, sont susceptibles de caractériser une inégalité de traitement entre des salariés ayant à se rendre tous les jours sur le site de Péage de [Localité 4], dès lors que certains d'entre eux percevaient une prime intitulé « Déplt local [Localité 4] » d'un montant journalier de 25,67 euros, tandis que la salariée n'a perçu qu'une indemnité intitulée « Déplt local bureaux » d'un montant de 8,02 euros par jour.



Il incombe dès lors à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.



L'employeur soutient que la salariée ne percevait que le minimum prévu pour un déplacement, soit la somme de 8,02 euros en raison d'un engagement unilatéral en ce sens concernant les employés sédentaires, mais qu'elle n'était fondée à percevoir aucune indemnité de déplacement sur le fondement des notes de service, dès lors qu'elle n'effectuait aucun déplacement, peu important son site d'affectation.



Ainsi, la cour d'appel relève que dans le courrier de la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes adressé à la salariée le 10 avril 2019 en réponse à son courrier du 15 février 2019, dans lequel Mme [J] demandait à bénéficier de la même prime de déplacement que ses collègues salariés du site de [Localité 4], l'employeur a justifié son refus de lui attribuer la prime de déplacement correspondant au site de [Localité 4] par le motif suivant : « le code de déplacement qui vous est attribué est conforme à l'usage historique appliqué dans l'entreprise pour votre catégorie, à savoir 'administrative sédentaire' ».



Toutefois, la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes, qui se limite à alléguer dans ses conclusions que les trois bulletins de salaire produits par la salariée étaient ceux de salariés exerçant des fonctions nécessitant des déplacements professionnels (« chef de chantier », « monteur » et « technicien »), et que le versement de la prime était justifié par l'existence de déplacements professionnels, ne produit aucun élément permettant de démontrer que c'est bien en raison de ces déplacements professionnels que ces salariés percevaient l'indemnité de déplacement pour le site de « Péage de [Localité 4] », et non uniquement en raison du fait qu'ils étaient, tout comme la salariée, affectée sur le site de [Localité 4].



La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes ne produit non plus aucun élément permettant de démontrer que tous les employés administratifs sédentaires percevaient, comme Mme [J], le minimum prévu par la note de service, et que tous les salariés percevant une indemnité d'un montant supérieur étaient amenés à effectuer des déplacements, peu important leurs fonctions, et qu'enfin c'est uniquement en raison de déplacements effectués chaque jour où la prime était perçue, que le salarié concerné percevait la prime d'un montant supérieur.



L'employeur échoue ainsi à apporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant la différence de traitement entre la situation de la salariée, qui ne percevait que le minimum prévu par les notes de service, et d'autres salariés affectés comme elle sur le site de Péage de [Localité 4], qui percevaient pour chaque journée travaillée l'indemnité prévue pour un déplacement sur le site Péage de [Localité 4] d'un montant nettement supérieur.



La salariée est dès lors bien fondée à prétendre à la réparation du préjudice résultant de l'inégalité de traitement qu'elle a subie depuis le début de son embauche par la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes.



Mme [J] verse aux débats un tableau dans lequel figure le calcul de la perte de revenu qu'elle a subie depuis son embauche en conséquence de l'absence de versement de la prime journalière correspondant à son site d'affectation, soit Péage de [Localité 4], soit la somme totale de 48 345,40 euros.



La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes ne présente pas de critique utile de ce calcul.



Mme [J] démontre ainsi la matérialité du préjudice qu'elle a subi depuis son embauche résultant de l'inégalité de traitement.



En outre, l'inégalité de traitement a causé un préjudice à la fois moral et financier en privant la salariée du bénéfice d'une créance salariale depuis de nombreuses années.



Il convient en conséquence de condamner la société à payer à Mme [J] la somme de 8 000 euros net à titre de dommages et intérêts, et ce par infirmation du jugement entrepris de ce chef.





Sur la demande au titre de la discrimination fondée sur le sexe :



Moyens des parties,



Mme [J] fait valoir que :

- A titre principal : elle a subi une discrimination sexuelle directe, dès lors que tous les hommes employés sur le site de Péage de [Localité 4], y compris du personnel intérimaire, ont perçu la prime de déplacement au taux plein prévu par les grilles,

- Ces éléments laissent présumer une discrimination fondée sur le sexe,

- A titre subsidiaire, elle a subi une discrimination sexuelle indirecte, telle que cette notion a été consacrée par la cour de justice de l'Union européenne,

- La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes justifie le fait qu'elle ne lui versait pas le taux journalier prévu par la grille pour un travail sur le site de Péage de [Localité 4] en raison des fonctions administratives qu'elle exerçait, lesquelles ne l'amenaient pas à se déplacer sur d'autres sites et d'autres chantiers,

- Ce critère d'exclusion, s'il devait être considéré comme objectif, entraîne une discrimination indirecte à l'encontre des femmes, car celles-ci occupent majoritairement des postes de nature administrative,

- La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes a refusé de communiquer l'ensemble des bulletins de salaire demandés, et la cour doit en tirer toutes les conséquences.



La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes fait valoir pour sa part que :

- La salariée était la seule salariée à ne pas avoir à se déplacer dans l'exercice de ses fonctions, ce qui justifie qu'elle n'ait pas bénéficié de l'indemnité de déplacement d'un montant de 25,67 euros,

- La différence de traitement est donc bien justifiée par une différence de situation entre les salariés qui était fonction d'un élément objectif (absence ou nécessité d'effectuer des déplacements professionnels),

- Dans tous les cas, la salariée ne fait pas la démonstration du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait de la discrimination directe ou indirecte dont elle allègue avoir été victime,

- Le conseil de prud'hommes n'a pas non plus commis de déni de justice en la déboutant de sa demande formulée à ce titre.



Sur ce,



Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son sexe.



L'article 1 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations énonce que :



Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.



Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.



La discrimination inclut :

1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant;

2° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2.



S'il n'est en principe pas de discrimination directe sans intention de la commettre (Soc. 7 juillet 2021, pourvoi n° 20-16.206), cette intention est indifférente en cas de discrimination indirecte.



L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application des dispositions susvisées de l'article L. 1132-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



Au soutien de sa demande, la salariée produit :

- Ses propres bulletins de salaire, desquels il ressort qu'elle percevait pour chaque journée travaillée une indemnité intitulée « Déplt local bureaux » d'un montant quotidien de 8,02 euros,

- Des notes de service prévoyant le montant des indemnités de déplacements régionaux versées par jour travaillé,

- Trois bulletins anonymisés de salariés exerçant respectivement les fonctions de « chef de chantier », « monteur » et « technicien », desquels il ressort qu'ils ont perçu sur les mois concernés, tous situés au début de l'année 2019, une prime de déplacement intitulée « Déplt local [Localité 4] » d'un montant quotidien de 25,67 euros pour chaque journée travaillée au cours des mois concernés,

- Plusieurs procès-verbaux du comité d'entreprise et des délégués du personnel des années 2018 et 2019, au cours desquels a été abordée la question de l'égalité entre les hommes et les femmes au sein de l'entreprise, s'agissant notamment de la question des « déplacements ».



La salariée indique que les trois bulletins produits sont ceux de salariés de sexe masculin et qu'ils étaient, comme elle, affectés sur le site de Péage de [Localité 4], sur lequel ils se rendaient tous les jours.



Pris ensemble, ces éléments laissent supposer une discrimination directe à raison du sexe.



En présence de ces éléments, la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes ne produit aucune pièce, et se limite à contester l'existence d'une discrimination à raison du sexe, au motif que les salariés, dont les bulletins de salaire ont été produits par Mme [J], et dont l'employeur admet qu'ils sont de sexe masculin, exerçaient tous des fonctions impliquant des déplacements, et que le versement de l'indemnité était conditionné à la réalisation de déplacements professionnels.



Pour autant, et comme la cour d'appel l'a précédemment constaté, la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes échoue à démontrer que les salariés également affectés sur le site de Péage de [Localité 4] et qui percevaient l'indemnité de déplacement prévue pour ce site, ont bien effectué des déplacements les jours où ils ont perçu la prime, soit, pour les mois concernés par les bulletins versés aux débats, tous les jours travaillés du mois.



Faute pour l'employeur de le démontrer, il doit être retenu que la seule condition de versement de la prime était le fait de se rendre sur le site de Péage de [Localité 4], ce qui était aussi le cas de la salariée.



Ainsi, la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes ne justifie pas, par des raisons objectives, l'absence de versement à la salariée de l'indemnité prévue pour un déplacement sur le site de Péage de [Localité 4], ni le fait qu'elle ait seulement perçu, alors qu'elle se trouvait dans une situation identique à des salariés de sexe masculin se rendant également chaque jour sur le site de Péage de [Localité 4], l'indemnité minimale prévue par les notes de service versées aux débats.



Il en résulte que la salariée a subi une discrimination directe à raison de son sexe.



Mme [J] justifie du préjudice financier qu'elle a subi en conséquence de cette discrimination, par la production d'un tableau dans lequel figure le calcul de la perte de revenu résultant, depuis son embauche en avril 2007, de l'absence de versement de la prime journalière correspondant à son site d'affectation, soit la somme totale de 48 345,40 euros, dont les modalités de calcul ne font pas l'objet de critique utile par l'employeur.



En outre, Mme [J] justifie avoir subi un préjudice moral résultant du fait qu'elle a demandé à son employeur par un courrier du 15 février 2019 de bien vouloir régulariser la situation en lui octroyant le bénéfice de l'indemnité de déplacement correspondant à son site d'affectation, demande à laquelle la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes, après une relance de la salariée par un courrier du 7 mars 2019 et un courriel du 15 mars 2019, a refusé d'accéder dans un courrier du 19 avril 2019.



Aussi Mme [J] a été placée en arrêt de travail à compter du 14 mars 2019, prolongé jusqu'à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 27 janvier 2020. Elle produit un courrier de la médecine du travail, en date du 27 septembre 2019, dans lequel le médecin qui l'a reçue indique qu'elle a fait état d'un « conflit (avec son supérieur hiérarchique) qui semble (') s'être cristallisé autour d'une problématique salariale pour laquelle elle n'aurait pas obtenu de réponse », qu'au jour de la consultation Mme [J], qui était toujours en arrêt de travail, présentait des « signes anxieux et des pleurs », et que la salariée avait produit une prescription médicale indiquant qu'elle était actuellement traitée par la prise d'un antidépresseur et d'un anxiolytique.



Ces éléments sont suffisants pour retenir que la discrimination à raison de son sexe, subie par la salariée tout le temps de la relation de travail, a participé, au moins partiellement, à la dégradation de son état psychique, tel que constaté le jour de la consultation susvisée devant le médecin du travail.



Mme [J] justifie ainsi tant d'un préjudice financier que d'un préjudice moral résultant de la discrimination à raison de sexe subie.



Au vu de ces éléments, la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes est condamnée à payer à Mme [J] une somme qu'il convient de fixer à 8 000 euros net à titre de dommages et intérêts constituant une juste réparation du préjudice résultant de la discrimination subie.



Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.





Sur la demande au titre du harcèlement moral, de l'obligation de sécurité et de l'obligation de loyauté :



Moyens des parties,



Mme [J] fait valoir que :

- A titre principal, elle a subi une situation de harcèlement moral sur son lieu de travail,

- Elle a fait l'objet d'une discrimination sexuelle injustifiée depuis son embauche,

- Le personnel administratif, quasi exclusivement féminin, s'est vu interdire la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires,

- Elle a informé la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes de son sentiment de non-reconnaissance, de son état de fatigue et d'une charge de travail trop importante pour elle,

- Malgré son alerte, ses conditions de travail se sont dégradées, et il lui a été demandée d'effectuer un plus grand nombre de tâches dans le même volume horaire,

- Son état de santé s'est dégradé sur le plan psychique, jusqu'à son inaptitude,

- A titre subsidiaire, ces faits caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail et un manquement de son employeur à son obligation de sécurité, lui ayant causé un préjudice.



La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes fait valoir pour sa part que :

- La salariée n'établit aucun des faits qu'elle invoque au soutien de son allégation de harcèlement moral,

- Dans tous les cas, les faits qu'elle invoque ne caractérisent pas un harcèlement moral,

- Elle ne fait pas la démonstration du préjudice qu'elle prétend avoir subi,

- La salariée ne peut solliciter deux fois l'indemnisation d'un même préjudice au titre de deux qualifications juridiques différentes, ce qu'elle fait à la fois au titre de l'inégalité de traitement, de la discrimination, et de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- Mme [J] ne démontre la matérialité d'aucun manquement de la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes à son obligation de loyauté, et d'un préjudice en résultant, distinct des faits de discrimination dont elle se plaint par ailleurs,

- La salariée ne démontre aucun manquement à l'obligation de sécurité.



Sur ce,



L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.



L'article L. 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.



Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.



La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.



Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.



Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.



A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.



L'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



La seule obligation du salarié est de présenter des éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.



Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.



Aux termes de l'article L. 4121-2 du même code, l'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.



L'employeur est ainsi tenu, vis-à-vis de son personnel, d'une obligation de sécurité, en vertu de laquelle il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de chaque salarié.



Tel est le cas lorsque l'employeur justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.



La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant, qui sont appréciées souverainement par les juges du fond.



Enfin, selon les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l'employeur est tenu d'exécuter le contrat travail de bonne foi. Il doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.



La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.



Mme [J] allègue avoir subi un harcèlement moral sur son lieu de travail caractérisé par :

- Une discrimination à raison du sexe, la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes ayant refusé de lui verser l'indemnité de déplacement sur le site de Péage de [Localité 4] sur lequel elle était affectée, contrairement aux salariés de sexe masculin également affectés sur ce site, et lui ayant refusé la possibilité de réaliser des heures supplémentaires,

- Une inégalité de traitement résultant de l'absence de versement de l'indemnité de déplacement qui lui était due,

- Une charge de travail trop importante et épuisante,

- Un comportement passif de la part de sa hiérarchie,

- Une absence de communication de la part de sa hiérarchie,

- Des reproches constants sur son travail.



Il a été retenu précédemment que la salariée avait subi une inégalité de traitement, et une discrimination à raison de son sexe, en raison de l'absence de versement, pendant toute la durée de la relation contractuelle, de l'indemnité de déplacement prévue pour le site de Péage de [Localité 4].



En revanche, la salariée ne produit aucun élément permettant d'objectiver que la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes a refusé qu'elle effectue des heures supplémentaires.



De même, la salariée ne verse aux débats aucune pièce faisant état de reproches de sa hiérarchie sur la qualité de son travail.



Si la salariée invoque un comportement passif de sa hiérarchie à la suite de sa demande de bénéficier de l'indemnité de déplacement pour le site de Péage de [Localité 4], le refus de son employeur d'accéder à sa demande, exprimé par un courrier du 10 avril 2019, participe de l'absence de versement de ladite indemnité caractérisant une inégalité de traitement et ne peut, en conséquence, s'analyser comme un fait distinct laissant supposer une situation de harcèlement moral.



Les éléments versés aux débats ne permettent pas de matérialiser une détérioration des conditions de travail de la salariée se caractérisant notamment par une absence de communication de la part de sa hiérarchie.



En effet, le courriel du 15 mars 2019 envoyé par la salariée à sa hiérarchie, postérieur d'un jour au début de son arrêt de travail, dans lequel celle-ci indique que les conditions de travail dans lesquelles elle « évolue tous les jours sont devenues insupportables », est insuffisant pour établir ce fait.



Si Mme [J] évoque dans ce courriel plusieurs faits, parmi lesquels l'absence de réponse de sa hiérarchie à sa demande en vue de bénéficier de l'indemnité de déplacement correspondant à son site d'affectation, un appel de son responsable au cours d'une journée de congé afin de lui demander un renseignement, une absence d'appel de ses supérieurs au cours de son dernier arrêt de travail pour prendre de ses nouvelles et l'absence de remerciements alors qu'elle a consacré une demi-heure de son temps pour indiquer à son assistante le travail à faire en son absence, enfin l'absence de soutien de ses supérieurs au cours d'une altercation orale avec un intérimaire, elle ne produit aucun élément permettant de préciser ou de matérialiser ces faits.



Le courrier du 27 septembre 2019 de la médecine du travail, dans lequel le médecin rapporte des faits évoqués par la salariée ne peut non plus, à lui seul, suffire à objectiver les faits invoqués par la salariée au soutien de sa demande de harcèlement moral (« Elle décrit une dégradation de ses relations avec ce (son) supérieur hiérarchique qui aurait été progressive allant jusqu'à l'absence de communication. Elle décrit des dysfonctionnements dans la transmission des informations nécessaires à son activité professionnelle, des reproches infondés et la remise en question de certaines tâches effectuées. Le conflit semble aussi s'être cristallisé autour d'une problématique salariale pour laquelle elle n'aurait pas obtenu de réponse. Enfin, la patiente indique que jusqu'alors tous les salariés pouvaient effectuer des heures supplémentaires mais ceci n'est plus autorisé pour les personnels administratifs. Elle ne se sent plus reconnue dans son travail ».



Enfin, si les commentaires de la salariée dans les derniers comptes-rendus d'évaluation professionnelle font état d'une charge de travail importante et d'un manque d'organisation du service préjudiciable à la qualité de son travail, Mme [J] ne produit aucun élément complémentaire permettant de corroborer ses allégations.



Le fait unique établi par la salariée au soutien de sa demande, à savoir la discrimination à raison du sexe, identique à celui résultant de l'inégalité de traitement, ne peut, à lui seul, laisser supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral.



Il y a lieu en conséquence de débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts formulée au titre du harcèlement moral, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.



En outre, la cour relève que sous couvert d'un manquement à l'obligation de loyauté la salariée invoque les mêmes faits que ceux retenus au titre de la discrimination et de l'inégalité de traitement sans justifier de la réalisation d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà indemnisé.



Sa demande à ce titre sera donc rejetée, par confirmation du jugement entrepris.



En revanche, s'agissant de l'obligation de prévention, la cour constate que l'employeur, à qui il revient de prouver le respect de son obligation, ne justifie par aucune pièce, ni aucun élément objectif, avoir pris les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. Il ne démontre pas davantage avoir pris de mesures au titre de son obligation de prévention de sécurité.



Le préjudice résultant de ce dernier manquement doit donc être réparé par la SARL Fouré Lagade Rhône Alpes.



Par infirmation du jugement entrepris, l'employeur est condamné à verser à Mme [J] une somme de 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts.





Sur le bien-fondé du licenciement :



Moyens des parties,



Mme [J] fait valoir que :

- A titre principal, son inaptitude est d'origine professionnelle dès lors qu'elle trouve son origine dans le harcèlement moral qu'elle a subi sur son lieu de travail,

- Son licenciement doit ainsi être déclaré nul, et la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes doit être condamnée à lui payer, outre des dommages et intérêts pour licenciement nul, une indemnité compensatrice de préavis, et une indemnité correspondant au double de l'indemnité légale de licenciement en raison de l'origine professionnelle de son inaptitude,

- A titre subsidiaire, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors que son inaptitude trouve son origine dans l'exécution déloyale du contrat de travail par la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes,

- Son inaptitude est d'origine professionnelle, dès lors qu'elle résulte des manquements de l'employeur à ses obligations au titre du contrat,

- Etant donné les faits et l'ancienneté, le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail devra être écarté, celui-ci étant contraire à plusieurs dispositions conventionnelles liant la France,

- Elle a droit à une indemnité compensatrice de préavis et à l'indemnité correspondant au double de l'indemnité légale de licenciement en raison de son inaptitude d'origine professionnelle.



La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes fait valoir pour sa part que :

- La salariée n'a pas contesté l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail, et est donc mal fondée à contester aujourd'hui le bien-fondé de son licenciement,

- Ni le harcèlement moral, ni l'exécution déloyale du contrat de travail n'étant établis, elle ne peut solliciter ni la nullité de son licenciement, ni qu'il soit déclaré sans cause réelle et sérieuse.



Sur ce,



Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; cette application n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du caractère professionnel d'un accident.



Selon l'article L. 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.



Par ailleurs, selon l'article L. 1132-4 du code du travail, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions des dispositions de l'article L. 1132-1 est nul.



Aux termes des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.



Il en résulte qu'est nul le licenciement pour inaptitude dès lors que l'inaptitude définitive du salarié à son poste de travail a pour seule origine la dégradation de son état de santé consécutive aux agissements de harcèlement moral dont il a fait l'objet.



En outre, est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité qui l'a provoquée.



Il a été retenu précédemment que la salariée n'avait fait l'objet d'aucun harcèlement moral.



Aussi la salariée manque d'établir que le manquement de l'employeur à son obligation de prévention puisse avoir provoqué son inaptitude.



En conséquence, le moyen selon lequel le licenciement de Mme [J] serait nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce que son inaptitude trouverait son origine dans la dégradation de son état de santé consécutive au harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet sur son lieu de travail ou au manquement par l'employeur de son obligation de sécurité à l'égard de la salariée est inopérant.



Cependant, la cour a jugé que la salariée justifiait d'un préjudice résultant de la discrimination à raison de son sexe par la démonstration d'une dégradation de son état psychique en lien avec le refus de son employeur de lui verser la prime de déplacement qui lui était due.



En effet, il ressort du courrier qu'elle a adressé à son employeur le 15 février 2019, par lequel elle demande à celui-ci de bien vouloir lui octroyer le bénéfice de l'indemnité de déplacement à laquelle elle a droit, que Mme [J] fait état d'une dégradation de son état de santé psychique trouvant son origine principale dans l'absence d'attribution de ladite prime de déplacement.



En outre, la salariée a réitéré sa demande de versement de ladite prime dans un courrier du 7 mars 2019 puis un courriel du 15 mars 2019, soit un jour après le début de son arrêt de travail, et l'employeur n'a répondu à cette demande en la rejetant qu'un mois plus tard, soit dans un courrier du 19 avril 2019.



Ces éléments, pris ensemble, sont suffisants pour retenir que la dégradation de l'état de santé psychique de la salariée, à l'origine de son arrêt de travail prolongé jusqu'à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 27 janvier 2020 trouve son origine, au moins partiellement, dans la discrimination à raison de son sexe dont Mme [J] a fait l'objet durant tout le temps de la relation de travail.



La concomitance entre ces trois courriers de la salariée adressés dans un courte période à l'employeur, dont l'un faisait état d'une dégradation de son état de santé psychique trouvant son origine principale dans l'absence d'attribution de ladite prime de déplacement, et de l'arrêt pour maladie en date du 15 mars 2019, révèle que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de la maladie de la salariée au moment de son licenciement pour inaptitude, ce dont il résulte que l'inaptitude de la salariée doit être qualifiée d'inaptitude d'origine professionnelle.

Dès lors, l'employeur aurait dû appliquer les règles protectrices applicables aux salariés victimes d'une maladie professionnelle.



En conséquence, la salariée est fondée à obtenir paiement de l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi que du solde de l'indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9, conformément aux dispositions susvisées de l'article L. 1226-14 du code du travail.



La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes est donc condamnée à lui payer les sommes de 9 175,76 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, et de 4 944,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 494,41 euros au titre des congés payés afférents, ces montants ne faisant pas l'objet de critique utile par l'employeur.



Le jugement entrepris est dès lors infirmé de ces chefs.



Enfin, la cour relève que si au dispositif de ses conclusions la salariée sollicite la nullité du licenciement sans préciser le fondement juridique de cette prétention, en application de l'article 12 du code de procédure civile, il apparaît que la demande de nullité est fondée sur les différents manquements invoqués, dont la discrimination à raison du sexe.



Or, le lien de causalité entre la dégradation de son état de santé à l'origine de son arrêt de travail et la discrimination à raison de son sexe étant établi, il s'ensuit que le licenciement de la salariée pour inaptitude et impossibilité de reclassement doit être déclaré nul sur le fondement des dispositions susvisées de l'article L. 1132-4 du code du travail, et ce par infirmation du jugement entrepris.



En considération de l'ancienneté de la salariée (13 ans), de sa rémunération mensuelle moyenne, de son âge lors de la rupture du contrat de travail, de sa formation et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, de la durée de sa période de recherche d'emploi et des aides dont elle a pu bénéficier, il convient de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, la somme de 35 000 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.





Sur les demandes accessoires :



Le jugement entrepris est infirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.



La SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.



Elle est également condamnée à payer à Mme [J] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et 1 500 euros au titre des mêmes dispositions en cause d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de ses prétentions formulées à ce titre.





PAR CES MOTIFS,



LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l'appel, après en avoir délibéré conformément à la loi,



CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :


Rejeté l'exception de prescription soulevée par la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes,

Dit et jugé que la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes n'a pas exercé de harcèlement moral à l'encontre de Mme [J],

Débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.




L'INFIRME pour le surplus,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



DIT que Mme [K] [J] a fait l'objet d'une inégalité de traitement et d'une discrimination à raison de son sexe,



DIT que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [K] [J] est d'origine professionnelle,



DIT que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [K] [J] est nul ;



CONDAMNE la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes à payer à Mme [K] [J] les sommes suivantes :


8 948,55 euros brut à titre de rappel d'indemnité de déplacement, outre 894,85 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

8 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'inégalité de traitement subie,

8 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination à raison de son sexe subie,

1 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l'obligation de prévention,

9 175,76 euros brut au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

4 944,06 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 494,41 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

35 000 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,




DEBOUTE la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE la SARL Fouré Lagadec Rhône Alpes aux dépens de première instance et d'appel.



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.



La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

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