21 décembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-18.480

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C201292

Titres et sommaires

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Indemnisation - Victime - Victime autre que le conducteur - Faute inexcusable - Absence de caractérisation - Accident d'un utilisateur de planche à roulettes - Cas

Seule est inexcusable, au sens de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. Ne caractérise pas une telle faute l'arrêt qui retient qu'un jeune homme s'est élancé sur une planche à roulettes, à très vive allure, dans une rue à forte déclivité, dans une ville très touristique, au mois d'août, à une heure de forte circulation, en étant démuni de tout système de freinage ou d'équipement de protection, sans avoir arrêté sa progression en bas de cette rue ni porté attention à la signalisation lumineuse et au flux automobile perpendiculaire à son axe de progression

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Victime - Victime autre que le conducteur - Utilisateur de planche à roulettes - Indemnisation - Faute inexcusable - Caractérisation (non) - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 décembre 2023




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1292 F-B

Pourvoi n° S 22-18.480





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023

1°/ Mme [V] [K] [R],

2°/ M. [Y] [H],

3°/ M. [G] [R],

4°/ M. [M] [R],

tous quatre domiciliés [Adresse 5], [Localité 1],

5°/ Mme [T] [H], domiciliée [Adresse 7], [Localité 10],

ont formé le pourvoi n° S 22-18.480 contre l'arrêt rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [Z] [X], domiciliée [Adresse 3], [Localité 2],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, dont le siège est[Adresse 8]e, [Localité 9],

3°/ au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [Adresse 11], [Localité 4],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de Me Guermonprez, avocat de Mme [K] [R], de M. [H], de MM. [G] et [M] [R], de Mme [H], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 février 2022), le [Date décès 6] 2017, [J] [H], âgé de 18 ans, a été heurté par un véhicule automobile conduit par Mme [X] alors qu'il se déplaçait sur une planche à roulettes sur une voie de circulation. Il est décédé le jour de l'accident.

2. Le contrat d'assurance du véhicule automobile impliqué étant résilié depuis le mois de mai 2017, le père de [J] [H], M. [H], Mme [K] [R], compagne de ce dernier, MM. [G] et [M] [R], fils de celle-ci, et Mme [H], grand-mère de [J] [H], ont assigné Mme [X] et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Var, en indemnisation de leurs préjudices.

Recevabilité du pourvoi formé par M. [H], Mme [K] [R], MM. [G] et [M] [R], contestée par la défense

Vu l'article 612 du code de procédure civile :

3. Le délai du pourvoi en cassation est de deux mois.

4. Il ressort des pièces de la procédure que la décision attaquée a été signifiée à M. [H], Mme [K] [R], MM. [G] et [M] [R] le 22 mars 2022.

5. En conséquence, le pourvoi qu'ils ont formé le 4 juillet 2022 n'est pas recevable.

Recevabilité du pourvoi formé par Mme [H], contestée par la défense

6. Le FGAO soutient que le pourvoi est irrecevable comme ayant été formé plus de deux mois après la signification de l'arrêt intervenue le 23 mars 2022.

7. Cependant, le délai de pourvoi en cassation ne court pas quand la signification de la décision attaquée est irrégulière au regard des articles 654 et suivants du code de procédure civile.

8. Il ressort des productions que l'arrêt attaqué a été signifié à domicile à Mme [H] à une adresse figurant dans l'annuaire électronique et confirmée par la mention du nom de la destinataire sur l'interphone de la résidence.

9. Par ailleurs, l'huissier de justice, qui a déposé une copie de l'acte à son étude, n'a pas laissé sur les lieux de la signification, l'avis de passage prévu par les articles 655 et 656 du code de procédure civile.

10. Or, d'une part, la seule confirmation du domicile par la mention du nom sur l'interphone, sans autre précision, n'est pas de nature à établir, en l'absence d'autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l'acte. D'autre part, l'huissier de justice n'a pas effectué, en l'absence de dépôt d'un avis de passage, toutes les formalités de signification à domicile prévues par la loi à peine de nullité.

11. Mme [H], qui fait valoir qu'elle n'a pas eu connaissance de l'acte de signification, justifie du grief que lui cause l'irrégularité de l'acte. Il y a lieu de constater que cette signification est nulle et n'a pu faire courir le délai du pourvoi en cassation.

12. Le pourvoi qu'elle a formé est, dès lors, recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

13. Mme [H] fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes indemnitaires contre le FGAO en réparation du préjudice que lui a causé le décès accidentel de [J] [H], alors « que la faute inexcusable du non conducteur d'un véhicule terrestre à moteur est la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a retenu que [J] [H] en s'élançant en skate-board du haut de la [Adresse 12] sans égard pour la signalisation lumineuse ni le flux automobile perpendiculaire à son axe de progression et qui n'a pas stoppé sa progression en bas de cette rue à la différence de quatre autres skateurs, a commis une faute inexcusable ; qu'en statuant ainsi, sans constater que [J] [H] avait volontairement méconnu la signalisation lumineuse et traversé le flux automobile perpendiculaire à son axe de progression et non qu'emporté par son élan, il n'avait pas pu stopper sa progression en bas de la [Adresse 12], la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 :

14. Au sens de ce texte, seule est inexcusable la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

15. Pour dire que [J] [H] a commis une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident, et exclure le droit à indemnisation de Mme [H], l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que celui-ci évoluait sur une planche à roulettes, à très vive allure, dans une rue à forte déclivité, sans avoir arrêté sa progression en bas de cette rue, dans une ville très touristique, au mois d'août, à une heure de forte circulation, en étant démuni de tout système de freinage ou d'équipement de protection.

16. Il ajoute que [J] [H] s'est élancé sans égards pour la signalisation lumineuse présente à l'intersection située au bas de la rue ni pour le flux automobile perpendiculaire à son axe de progression.

17. En statuant ainsi, alors que les éléments relevés ne caractérisaient pas l'existence d'une faute inexcusable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

DÉCLARE irrecevable le pourvoi en ce qu'il est formé par M. [H], Mme [K] [R], MM. [G] et [M] [R] ;

CONSTATE la nullité de l'acte de signification à Mme [H] de l'arrêt du 10 février 2022, établi par huissier de justice le 23 mars 2022 ;

DÉCLARE recevable le pourvoi en ce qu'il est formé par Mme [H] ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [H] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires, de sa demande formée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il la condamne aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 10 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H], Mme [K] [R], MM. [G] et M. [M] [R] et condamne le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.

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