20 décembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-23.068

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100693

Titres et sommaires

DROIT MARITIME - Navire - Saisie - Saisie conservatoire - Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 - Conditions - Elément d'extranéité

En l'absence d'un élément d'extranéité, une saisie conservatoire de navire n'est pas régie par la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, mais par le code des transports

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 - Applicabilité - Navire - Saisie - Saisie conservatoire - Condition - Elément d'extranéité

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 décembre 2023




Cassation


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 693 F-D

Pourvoi n° D 22-23.068




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 DÉCEMBRE 2023

La société Dune, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-23.068 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. [O] [Z] [I], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Dune, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 27 septembre 2022), M. [Z] [I], skipper professionnel, a fait procéder à la saisie conservatoire d'un navire appartenant à la société Dune, pour garantir son éventuelle créance de dommages-intérêts consécutive à la rupture de leur collaboration.

2. La société Dune a assigné M. [Z] [I] en contestation de cette saisie conservatoire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le moyen pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. La société Dune fait grief à l'arrêt de déclarer valides l'ordonnance de saisie-conservatoire du 17 décembre 2021 et ses actes subséquents, d'ordonner la mainlevée de la saisie-conservatoire, d'ordonner la substitution de la saisie-conservatoire du navire par une garantie financière et de rejeter sa demande de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que l'application des dispositions d'une Convention internationale est subordonnée à l'existence d'un élément d'extranéité ; qu'en retenant, pour appliquer les dispositions de la Convention de Bruxelles à la saisie conservatoire, que Monsieur [Z] [I] disposait d'une créance maritime contre la société Dune et que la saisie conservatoire ayant été autorisée par ordonnance du président du tribunal de commerce de Lorient, elle avait été régulièrement pratiquée, "les dispositions générales du code des procédures civiles d'exécution s'effaçant devant les dispositions spéciales de la Convention internationale précitée", sans caractériser d'élément d'extranéité, la cour d'appel a statué par des motifs impropres en violation de l'article 8, (4), de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, ensemble les articles L. 5114-22 du code des transports et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution et l'article 12 du Code de procédure civile ;

2°/ que les dispositions de droit interne sont seules applicables à la saisie conservatoire d'un navire battant pavillon français par une personne ayant sa résidence habituelle ou son principal établissement en France ; qu'en l'espèce, il ressortait des propres constatations de la cour d'appel que Monsieur [Z] [I] avait sa résidence habituelle en France et que le navire objet de la saisie conservatoire battait pavillon français ; qu'en faisant application des dispositions la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violé l'article 8, (4), de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, ensemble les articles L. 5114-22 du code des transports et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ; »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8.1 et 8.4 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer et l'article L. 5114-22 du code des transports :

5. Aux termes du premier de ces textes, les dispositions de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 sont applicables dans tout État contractant à tout navire battant pavillon d'un État contractant.

6. Selon le second de ces textes, aucune disposition de la présente Convention ne modifiera ou n'affectera la loi interne des États contractants en ce qui concerne la saisie d'un navire dans le ressort de l'État dont il bat pavillon par une personne ayant sa résidence habituelle ou son principal établissement dans cet État.

7. Le dernier de ces textes dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire d'un navire.

8. Pour déclarer valides l'ordonnance de saisie-conservatoire du 17 décembre 2021 et les actes subséquents, ordonner la mainlevée de la saisie-conservatoire et la substitution de celle-ci par une garantie financière, l'arrêt, faisant application de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, retient que M. [Z] [I], qui allègue un gain manqué en raison de la rupture d'un contrat, disposait d'une créance maritime contre la société Dune lui permettant en vertu des dispositions des articles 4 et 5 de cette Convention, de saisir le navire auquel elle se rapporte avec l'autorisation d'un tribunal, les dispositions générales du code des procédures civiles d'exécution s'effaçant devant les dispositions spéciales de la convention internationale précitée.

9. En statuant ainsi, alors que le lieu de la saisie, le pavillon du navire et la résidence du saisissant se situaient en France de sorte qu'en l'absence d'un élément d'extranéité, la saisie conservatoire de navire était régie par le code des transports, la cour d'appel a violé les articles 8.1 et 8.4 de la Convention susvisée par fausse application et l'article L. 5114-22 du code des transports par refus d'application.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne M. [Z] [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille vingt-trois.

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