6 décembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-20.786

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C100655

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 décembre 2023




Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 655 F-D

Pourvoi n° Y 22-20.786







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023

La société Medical Insurance Company Designated Activity Compagny (Mic Dac), dont le siège est [Adresse 1] (Irlande), représentée par la société François Branchet, sise [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-20.786 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige l'opposant à M. [T] [Z], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.

M. [Z] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Medical Insurance Company Designated Activity Compagny, de Me Occhipinti, avocat de M. [Z], et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller, M. Aparisi, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ( Paris, 16 décembre 2021), le 10 janvier 2001, à la suite du diagnostic d'une subluxation rotulienne, M. [Z] a subi une décompression de la rotule sous arthroscopie réalisée par M. [H], chirurgien orthopédiste (le chirurgien). Au cours de l'intervention, le chirurgien a décidé de procéder à une exérèse de la bourse prérotulienne. Le 21 janvier 2001, à la suite de la survenue d'un hématome postopératoire, une nouvelle intervention chirurgicale a dû être pratiquée.

2. Le 10 janvier 2011, M. [Z], invoquant des douleurs articulaires persistantes, a assigné en responsabilité et indemnisation le chirurgien. La société Medical Insurance Company (la société Mic Dac), assureur de responsabilité civile professionnelle de celui-ci, est intervenue volontairement à l'instance.

Recevabilité du pourvoi incident

3. En application de l'article 1014, alinéa 1, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi qui est irrecevable.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal

4. La société Mic Dac fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [Z] une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral lié à l'ablation illégitime d'un corps sain, alors « que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément au titre d'un préjudice distinct ; que la cour d'appel ayant retenu à l'encontre de M. [H] une faute pour avoir procédé à l'exérèse de l'épanchement pré-rotulien constituant un acte inutile à l'origine de complications postopératoires, dont une nouvelle intervention pour évacuation de l'hématome, et l'ayant déclaré responsable des préjudices subis par M. [Z] en relation avec cette faute, a condamné la société Mic Dac à indemniser le préjudice corporel de M. [Z] en lien avec la faute qu'elle a ainsi retenue, notamment au titre des souffrances endurées et dudéficit fonctionnel temporaire et permanent ; qu'en décidant que M. [Z] était en outre "fondé à être indemnisé du préjudice moral découlant de l'ablation d'un organe sain", constituant un préjudice résultant de l'exérèse jugée fautive pratiquée par M. [H], la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et l'article 1147 ducode civil, devenu article 1231-1, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a retenu que l'exérèse de la bourse prérotulienne était inutile et constitutive d'une faute du chirurgien et que M. [Z] avait subi un préjudice moral découlant de l'ablation d'un organe sain.

6. Dès lors que les sommes allouées au titre du déficit fonctionnel permanent et des souffrances n'incluaient pas ce préjudice, dont elle avait constaté l'existence, elle a pu l'indemniser distinctement et n'a pas méconnu le principe d'une réparation intégrale sans pertes ni profit pour la victime.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. La société Mic Dac reproche à l'arrêt de la condamner à payer à M. [Z] une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral lié à la désinformation postopératoire, alors « que le manquement d'un professionnel de santé, notamment à son devoir d'information, ne peut donner lieu à réparation que si est caractérisée l'existence d'un préjudice présentant un lien direct et certain avec celle-ci ; que la cour d'appel a considéré au vu des conclusions du second expert judiciaire que "la simple analyse du compte-rendu opératoire prouv(ait) que l'information postopératoire était fausse et erronée", le rapport d'expertise mentionnant également que "le compte rendu opératoire laiss(ait) clairement penser que l'épanchement de la bourse pré-rotulienne était existant, ce qui (était) inexact(,) le docteur [H] affirm(ant) ensuite que l'épanchement était responsable de la pathologie préopératoire, ce qui (était) également totalement inexact" ; qu'en jugeant que M. [H] avait causé à M. [Z] un préjudice moral justifiant l'allocation de la somme de 2 000 euros, sans expliquer quelles conséquences préjudiciables aurait engendrées pour M. [Z], cette information postopératoire erronée sur le déroulement de l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1142-1 et L. 1111-2 du code de la santé publique, ensemble l'article 1147 du code civil, devenu article 1231-1. »

Réponse de la Cour

9. En constatant que M. [H] avait délivré à M. [Z], en post-opératoire, une information fausse sur son état de santé et que ce manquement lui avait causé un préjudice moral, la cour d'appel a caractérisé les conséquences préjudiciables subies par M. [Z] et ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Déclare le pourvoi incident irrecevable;

REJETTE le pourvoi principal ;

Condamne la société Medical Insurance Company aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette ses demandes et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.

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