6 décembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-18.703

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C100654

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 décembre 2023




Cassation sans renvoi


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 654 F-D

Pourvoi n° J 22-18.703


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [P] [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 24 juin 2022.


Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [B].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 novembre 2022.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 DÉCEMBRE 2023

Mme [Z] [P] [S], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 22-18.703 contre l'ordonnance rendue le 13 juin 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 12), dans le litige l'opposant :

1°/ au préfet du Val-de-Marne, domicilié Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France, service régional des soins psychiatriques sans consentement, [Adresse 2],

2°/ à Mme [X] [B], épouse [D], domiciliée [Adresse 1],

3°/ au centre hospitalier [5], dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Mme [B] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [P] [S], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [B], et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1.Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 13 juin 2022), le 27 avril 2017, Mme [X] [B] a été déclarée pénalement irresponsable, en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, par décision du président de la cour d'assises des Yvelines et a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète.

2. Le 16 mai 2022, Mme [P] [S], soeur de Mme [X] [B], a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de la mesure, en application de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique. Sa demande a été rejetée.

Recevabilité du pourvoi examinée d'office

Sur l'irrecevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le centre hospitalier [5] relevée d'office après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile

Vu les articles 609 du code de procédure civile, R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique :

3. Le pourvoi formé contre le centre hospitalier [5] qui n'était pas partie à l'instance, n'est pas recevable .

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.


Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [P] [S] fait grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable son appel, alors « que l'article L.3211-12 6° du code de la santé publique attribue qualité à agir à « un parent ou une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la personne faisant l'objet de soins », de sorte que Mme [P] [S] justifie, en tant que sœur, du lien particulier requis par la loi ; en retenant que le seul lien fraternel ne confère pas ipso facto la qualité de « parent ou personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la personne faisant l'objet des soins » et en exigeant de Mme [Z] [P] [S] qu'elle justifie de surcroit de « liens particuliers (qui) l'autoriseraient à interférer dans la vie de sa sœur », le magistrat délégataire a violé ce texte par refus d'application, ensemble l'article 117 du code de procédure civile par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3211-12, 6°, du code de la santé publique:

6. Selon ce texte, le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques, quelle qu'en soit la forme, par un parent ou une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la personne faisant l'objet des soins.

7. Pour déclarer irrecevable l'appel de Mme [P] [S], l'ordonnance énonce qu'un lien fraternel ne confère pas par lui-même la qualité de
« parent ou personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la personne faisant l'objet des soins », et relève qu'elle ne justifie pas de liens particuliers qui l'autoriseraient à interférer dans la vie de sa soeur.

8. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté le lien de parenté unissant Mme [P] [S] et Mme [B], le premier président a violé le texte susvisé.

Et sur le premier moyen du pourvoi principal

9. Mme [P] [S] fait grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable son appel, alors « que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé ; Mme [Z] [P] [S], partie en première instance, a été déboutée au fond; elle avait qualité et intérêt à interjeter appel, quel que soit son prétendu défaut de qualité à agir ; en déclarant son appel irrecevable, le magistrat délégataire a violé l'article 546 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 546 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt si elle n'y a pas renoncé.

11. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'ordonnance relève que le seul lien fraternel ne confère pas automatiquement la qualité de parent ou personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la personne faisant l'objet des soins.

12. En statuant ainsi, alors que Mme [P] [S] était partie à l'instance devant le juge des libertés et de la détention et que ses demandes avaient été rejetées, le premier président a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'ordonnance relatives à la recevabilité de l'appel principal de Mme [P] [S] entraîne par voie de conséquence la cassation de l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'appel incident de Mme [X] [B].

14. Il résulte d'abord des paragraphes 6 à 8 et 10 à 13 que l'appel de Mme [P] [S] et l'appel incident de Mme [X] [B] sont recevables.

15. La cassation prononcée n'implique pas, ensuite, qu'il soit statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger, en application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE l'ordonnance rendue le 13 juin 2022 entre les parties par la cour d'appel de Paris ;

Déclare recevables l'appel de Mme [P] [S] et l'appel incident de Mme [B].

Dit n'y avoir lieu à renvoi

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.

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