6 décembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-15.580

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO02135

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Période d'observation - Contrats en cours - Contrat poursuivi après l'ouverture de la procédure collective - Signature d'un avenant - Signature postérieure au jugement d'ouverture - Sanction - Nullité de la période suspecte - Possibilité (non) - Portée

1°/ Il résulte de la combinaison des articles L. 631-8 et L. 632-1, I, 2°, du code de commerce que la nullité encourue en application du second de ces textes ne peut atteindre que les actes accomplis au cours de la période suspecte qui court entre la date de cessation des paiements telle que fixée par le tribunal et la date du jugement d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, et non ceux que le débiteur soumis à l'une de ces procédures aurait passés postérieurement au jugement d'ouverture de celles-ci. Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui, ayant constaté qu'un avenant à un contrat de travail avait été conclu par un employeur plusieurs mois après l'ouverture à son égard d'une procédure de redressement judiciaire, en déduit que cet acte était de nature à créer des obligations disproportionnées au débiteur et le déclare nul sur le fondement de l'article L. 632-1, I, 2°, du code de commerce


ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Période d'observation - Gestion - Acte de gestion courante - Faculté du débiteur seul - Cas - Signature d'un avenant au contrat de travail antérieur à l'ouverture de la procédure - Portée

2°/ Aux termes de l'article L. 631-21 du code de commerce, lorsqu'aucun administrateur n'a été désigné par le jugement de redressement judiciaire, le débiteur poursuit seul l'activité de l'entreprise et exerce les fonctions dévolues à celui-ci. En conséquence, il a le pouvoir d'embaucher un salarié ou de conclure avec ce dernier un avenant au contrat de travail, sans l'autorisation ni du juge-commissaire, ni de quiconque, de tels actes ne constituant pas un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise. Doit être en conséquence censuré l'arrêt qui, pour débouter un salarié de ses demandes salariales fondées sur les clauses d'un avenant à son contrat de travail, déclare cet acte nul pour avoir été conclu sans l'autorisation du mandataire judiciaire

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Période d'observation - Contrats en cours - Contrat poursuivi après l'ouverture de la procédure collective - Faculté du débiteur seul - Conditions - Absence d'administrateur et acte ne constituant pas un acte de disposition - Détermination - Portée

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 décembre 2023




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 2135 F-B

Pourvoi n° Q 22-15.580




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 DÉCEMBRE 2023

M. [D] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 22-15.580 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture (AREMC), dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à M. [J] [X], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur de l'association AREMC,

3°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

M. [X] ès qualités a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [E], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture et de M. [X] ès qualités, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 18 janvier 2022), M. [E] a été engagé en qualité de directeur administratif sans contrat écrit par l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture (l'association), à compter du 28 juin 1998.

2. Par jugement du 11 mai 2015, le tribunal de grande instance a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'association, convertie en liquidation judiciaire le 3 janvier 2017, la société [J] [X] étant désignée en qualité de liquidateur.

3. Le 1er septembre 2015, un avenant au contrat de travail a été signé entre l'association et l'intéressé mentionnant l'exercice de la fonction de directeur général et lui confiant une mission complémentaire de développer le chiffre d'affaires de l'association, moyennant une prime de 6 % du chiffre d'affaires annuel.

4. Par lettre du 16 janvier 2017, le liquidateur a licencié l'intéressé pour motif économique, sous réserve de la reconnaissance d'un lien de subordination. Le 27 janvier 2017, l'intéressé a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.

5. N'ayant pas reçu du liquidateur les documents de fin de contrat et le solde de tout compte, l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de l'association une créance de rappel de salaire au titre de la prime sur le chiffre d'affaires et diverses indemnités liées à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi incident

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le moyen relevé d'office

7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 631-8 et L. 632-1 I 2°du code de commerce :

8. Aux termes des alinéas 1er et 2 du premier de ces textes, le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure.

9. Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure.

10. Selon le second, est nul, lorsqu'il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie.

11. Il résulte de la combinaison de ces textes que la nullité encourue en application de l'article L. 632-1 I 2°du code de commerce ne peut atteindre que les actes accomplis au cours de la période suspecte entre la date de cessation des paiements telle que fixée par le tribunal et la date de ce jugement d'ouverture, et non ceux que le débiteur soumis à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires aurait passés postérieurement au jugement d'ouverture de celles-ci.

12. Pour débouter le salarié de sa demande de fixation au passif de l'association d'une somme au titre de la prime sur le chiffre d'affaires, l'arrêt retient, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 632-1 I 1° et 2° du code de commerce, que le salarié réclame en application de l'avenant du 1er septembre 2015 le paiement d'une somme de plus de 70 000 euros alors que l'association connaissait des difficultés financières importantes, de nature à créer des obligations disproportionnées de l'association débitrice vis-à-vis d'un salarié et en déduit que cet acte est nul.

13. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'avenant du 1er septembre 2015 avait été signé plusieurs mois après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen relevé d'office

14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 631-21 du code de commerce :

15. Lorsqu'aucun administrateur n'a été désigné par le jugement de redressement judiciaire, le débiteur poursuit seul l'activité de l'entreprise et exerce les fonctions dévolues à celui-ci, ce dont il se déduit qu'il a le pouvoir d'embaucher un salarié ou de conclure avec ce dernier un avenant au contrat de travail, sans l'autorisation ni du juge-commissaire, ni de quiconque, de tels actes ne constituant pas un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise.

16. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime sur le chiffre d'affaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient qu'il est constant que le mandataire judiciaire n'a pas autorisé la signature de l'avenant du 1er septembre 2015. Il en déduit que cet acte, signé plusieurs mois après l'ouverture de la procédure de redressement de l'association et sans l'autorisation du mandataire judiciaire, est nul.

17. En statuant ainsi, en soumettant la validité de la conclusion de l'avenant litigieux à une autorisation du mandataire judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [E] de sa demande de fixation au passif de l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture de la somme de 70 278,10 euros au titre d'un rappel de salaire sur la prime sur le chiffre d'affaires, l'arrêt rendu le 18 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société [J] [X] en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture et l'Unédic délégation AGS CGEA d'[Localité 4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [J] [X] en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'Association régionale pour l'expansion de la musique et de la culture, et condamne la société [J] [X] en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'Association régionale pour l'expansion de la musique et l'Unédic délégation AGS CGEA d'[Localité 4] à payer à M. [E] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.

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