30 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-22.539

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C300775

Titres et sommaires

BAIL RURAL - Bail à ferme - Résiliation - Sous-location ou cession illicite - Défaut d'exploitation d'une parcelle par un des copreneurs - Poursuite de l'exploitation par un autre copreneur - Effet

L'article L. 411-35, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que lorsqu'un des copreneurs d'un bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom, ne crée, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 775 FS-B

Pourvoi n° G 21-22.539




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023

1°/ Mme [J] [I], veuve [R], domiciliée [Adresse 1],

2°/ Mme [L] [R], épouse [K], domiciliée [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° G 21-22.539 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile, baux ruraux), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [Z] [X],

2°/ à Mme [D] [W], épouse [X],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mmes [J] et [L] [R], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [X], et l'avis de Mme Morel-Goujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Goujard, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 1er juillet 2021), M. et Mme [X] sont preneurs de diverses parcelles à usage agricole appartenant à Mmes [J] et [L] [R].

2. Reprochant à Mme [X] de ne pas leur avoir demandé la poursuite du bail à son seul nom alors que M. [X] aurait cessé de participer à l'exploitation du bien loué, Mmes [R] ont assigné les preneurs en résiliation du bail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mmes [R] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en résiliation du bail rural, alors :

« 1°/ que l'article L. 411-31, II, 1°, du code rural et de la pêche maritime permet au bailleur de demander la résiliation du bail s'il justifie de toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 du même code ; que le défaut d'accomplissement de l'obligation d'information du propriétaire, en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs, qui doit s'entendre comme la cessation de sa participation à l'exploitation de façon effective et permanente, constitue un manquement aux obligations nées du bail et une violation de l'article L. 411-35 ; qu'ayant constaté que les époux [X] avaient la qualité de co-preneurs du bail litigieux, que M. [X] n'exploitait plus le bien loué depuis le 1er juin 2003, et que la formalité d'information du bailleur, prévue à l'article L. 411-35 du code rural, n'avait pas été respectée, la cour d'appel, qui a rejeté la demande de résiliation du bail aux motifs erronés que cet article n'exige pas une cessation de participation effective et permanente mais ne vise que la cessation de participation et que ce texte signifie simplement que seul le défaut de toute participation du co-preneur à l'exploitation du bien loué impose au copreneur restant de solliciter l'autorisation du bailleur pour poursuivre le bail à son seul nom, a violé les articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ que la cessation de la participation d'un copreneur à l'exploitation du bien loué s'entend, au sens de l'article L. 411-35 du code rural, de la cessation, par ce dernier, d'une participation effective et permanente à l'exploitation ; que les services que ce copreneur viendrait à rendre à son copreneur resté seul exploitant, ne peuvent constituer une participation effective et permanente à l'exploitation du bien loué, lesdits services procédant de l'exécution d'une convention d'entraide conclue entre agriculteurs, et non de l'exécution du bail ; qu'en considérant que M. [X], dont elle a constaté qu'il n'était plus exploitant des biens affermés depuis le 1er juin 2003, avait continué à participer à leur exploitation par le biais d'une entraide agricole avec son épouse, cotitulaire du bail restée seule exploitante des biens loués, au motif qu'une entraide entre les exploitations respectives des époux [X] peut suffire à constater une participation du mari à l'exploitation des terres affermées, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 411-35, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément par le bailleur, la cession peur être autorisée par le tribunal paritaire.

5. Selon l'article L. 411-35, alinéa 3, de ce code, issu de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom.

6. Selon l'article L. 411-31, II, 1°, du même code, le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de contravention aux dispositions de l'article L. 411-35.

7. La formalité prévue par le deuxième de ces textes a pour objet de permettre au preneur resté en activité de régulariser la poursuite du bail à son seul nom et de préserver ainsi sa faculté de le céder dans les conditions de l'article L. 411-35.

8. En effet, la cessation de la participation à l'exploitation du bien loué par l'un des copreneurs, qui y reste tenu, est de nature à faire obstacle à la cession du bail (3e Civ., 3 février 2010, pourvoi n° 09-11.528, Bull. 2010, III, n° 29).

9. Ce texte ne crée donc, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°.

10. Par conséquent, le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mmes [J] et [L] [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [J] et [L] [R] et les condamne in solidum à payer à M. et Mme [X] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.

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