30 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-18.251

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C201245

Titres et sommaires

UNION EUROPEENNE - Sécurité sociale - Affiliation - Coordination des systèmes de sécurité sociale - Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 - Office du juge - Travailleur en situation de pluriactivité atteste par le certificat A 1 - Détermination de la loi applicable - Portée

Les dispositions de l'article 16 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, instituent une procédure de dialogue administratif entre les institutions compétentes pour l'application de l'article 13 du règlement n° 883/2004, précité, en vue de la détermination de la législation applicable à un travailleur en situation de pluriactivité, attestée par un formulaire appelé certificat A 1. Lorsque cette procédure de dialogue entre les institutions compétentes des États membres concernés n'a pas été mise en oeuvre, il appartient au juge saisi d'un conflit d'affiliation d'inviter l'institution désignée par l'autorité compétente à le faire

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2023




Cassation partielle


M. Soulard, premier président



Arrêt n° 1245 FS-B

Pourvoi n° X 21-18.251




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023

M. [B] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-18.251 contre l'arrêt n° RG : 19/03420 rendu le 12 mai 2021 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Bretagne, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants de Bretagne, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [R], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Bretagne, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants de Bretagne, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pédron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, M. Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 mai 2021), M. [R] (le cotisant), dont la résidence est située en France, a été affilié à la caisse du régime social des indépendants de Bretagne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Bretagne (la caisse), à compter du 18 octobre 2004, en qualité de gérant majoritaire d'une société à responsabilité limitée.

2. La caisse a notifié au cotisant plusieurs mises en demeure pour obtenir le paiement des cotisations de sécurité sociale dues par celui-ci en qualité de travailleur indépendant au cours de la période de juillet 2016 à juin 2017.

3. Parallèlement, par courrier du 27 septembre 2016, le cotisant a sollicité auprès de la caisse sa radiation du régime français applicable aux travailleurs indépendants en invoquant l'exercice d'une activité salariée au Portugal. Il a produit un courrier d'une caisse de sécurité sociale portugaise attestant de son assujettissement à l'assurance obligatoire portugaise à compter du 4 juillet 2016 pour son activité salariée en qualité de gérant minoritaire d'une société de droit portugais. Il a ensuite contesté, devant la commission de recours amiable de la caisse, les mises en demeure qui lui ont été délivrées.

4. Cette commission ayant maintenu son affiliation auprès de la caisse et confirmé le bien-fondé des mises en demeure litigieuses, le cotisant a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 13, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après le règlement n° 883/2004) et 16 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004 (ci-après le règlement n° 987/2009) :

6. Selon le premier de ces textes, la personne qui exerce normalement une activité salariée et une activité non salariée dans différents États membres est soumise à la législation de l'État membre dans lequel elle exerce une activité salariée.

7. Aux termes du second, qui organise la procédure de dialogue pour l'application du premier :

« 1. La personne qui exerce des activités dans deux États membres ou plus en informe l'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre de résidence.

2. L'institution désignée du lieu de résidence détermine dans les meilleurs délais la législation applicable à la personne concernée, compte tenu de l'article 13 du règlement de base et de l'article 14 du règlement d'application. Cette détermination initiale est provisoire. L'institution informe de cette détermination provisoire les institutions désignées de chaque État membre où une activité est exercée.

3. La détermination provisoire de la législation applicable visée au paragraphe 2 devient définitive dans les deux mois suivant sa notification à l'institution désignée par les autorités compétentes des États membres concernés, conformément au paragraphe 2, sauf si la législation a déjà fait l'objet d'une détermination définitive en application du paragraphe 4, ou si au moins une des institutions concernées informe l'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre de résidence, à l'expiration de cette période de deux mois, qu'elle ne peut encore accepter la détermination ou qu'elle a un avis différent à cet égard.

4. Lorsqu'une incertitude quant à la détermination de la législation applicable nécessite des contacts entre les institutions ou autorités de deux États membres ou plus, la législation applicable à la personne concernée est déterminée d'un commun accord, à la demande d'une ou plusieurs des institutions désignées par les autorités compétentes des États membres concernés ou des autorités compétentes elles-mêmes, compte tenu de l'article 13 du règlement de base et des dispositions pertinentes de l'article 14 du règlement d'application.

Si les institutions ou autorités compétentes concernées ont des avis divergents, elles recherchent un accord conformément aux conditions énoncées ci-dessus, et l'article 6 du règlement d'application s'applique.

5. L'institution compétente de l'État membre dont il est déterminé que la législation est applicable, que ce soit provisoirement ou définitivement, en informe sans délai la personne concernée.

6. Si la personne concernée omet de fournir les informations mentionnées au paragraphe 1, le présent article est appliqué à l'initiative de l'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre de résidence dès qu'elle est instruite de la situation de cette dernière, éventuellement par l'intermédiaire d'une autre institution concernée. »

8. Selon l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 987/2009, « à la demande de la personne concernée ou de l'employeur, l'institution compétente de l'État membre dont la législation est applicable en vertu d'une disposition du titre II du règlement de base atteste que cette législation est applicable et indique, le cas échéant, jusqu'à quelle date et à quelles conditions ».

9. Ces dispositions instituent une procédure de dialogue administratif entre les institutions compétentes en vue de la détermination de la législation applicable attestée par un formulaire appelé certificat A 1.

10. Ce certificat A 1 est délivré, conformément au titre II du règlement n° 987/2009, par l'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre, dont la législation en matière de sécurité sociale est applicable, pour attester de la soumission des travailleurs se trouvant dans l'une des situations visées au titre II du règlement n° 883/2004 à la législation de cet État membre. En raison du principe selon lequel les travailleurs doivent être affiliés à un seul régime de sécurité sociale, ce certificat implique nécessairement que les régimes de sécurité sociale des autres États membres ne sont pas susceptibles de s'appliquer (CJUE, 14 mai 2020, Bouygues travaux publics e.a., C 17/19, EU : C : 2020 : 379, points 38 et 39 ainsi que jurisprudence citée).

11. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, des effets contraignants sont attachés à ce certificat A 1 afin de prévenir le risque de cumul de régimes de sécurité sociale, qui porterait atteinte au principe d'affiliation des travailleurs salariés à un seul régime de sécurité sociale ainsi qu'à la prévisibilité du régime applicable et, partant, au principe de sécurité juridique (CJUE, 2 avril 2020, CRPNPAC et Vueling Airlines, C-370/17 et C-37/18, EU : C : 2020 : 260, point 70 ainsi que jurisprudence citée, s'agissant du règlement n° 1408/71 ; CJUE, 2 mars 2023, DRV Intertrans et Verbraeken J. en Zonen, C-410/21 et C-661/21, EU : C : 2023 : 138, point 56, s'agissant du règlement n° 987/2009).

12. Le certificat A 1 délivré par l'institution compétente d'un État membre lie tant les institutions de sécurité sociale de l'État membre dans lequel l'activité est exercée que les juridictions de cet État membre, le cas échéant, avec effet rétroactif, alors même que ce certificat n'a été délivré qu'après que ledit État membre eut établi l'assujettissement du travailleur concerné à l'assurance obligatoire au titre de sa législation (CJUE, 6 septembre 2018, Alpenrind e.a., C 527/16, EU : C : 2018 : 669, précité, points 73 et suivants).

13. Il résulte de ce qui précède que lorsque la procédure de dialogue entre les institutions compétentes des États membres concernés, prévue à l'article 16 du règlement n° 987/2009, n'a pas été mise en oeuvre, il appartient au juge saisi d'un conflit d'affiliation d'inviter l'institution désignée par l'autorité compétente à la mettre en oeuvre.

14. Pour confirmer l'affiliation du cotisant auprès de la caisse au cours de la période litigieuse, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 16 du règlement n° 987/2009 qu'il appartient à la caisse française de résidence de déterminer la législation de sécurité sociale applicable. Il constate qu'à défaut d'avoir saisi l'organisme social à cet effet, le cotisant n'a pas accompli les démarches prévues par ce texte, qu'il lui incombait de diligenter en raison de sa situation de pluriactivité. Il en déduit que c'est à bon droit que la caisse a maintenu son affiliation jusqu'au 30 novembre 2017.

15. En statuant ainsi, alors que, saisie d'un litige portant sur la détermination de la législation applicable à un cotisant qui invoquait une situation de pluriactivité au sens des règlements susvisés, il lui appartenait d'inviter la caisse à mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article 16 du règlement n° 987/2009 et, dans cette attente, de surseoir à statuer, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme l'obligation d'affiliation et de cotisations de M. [R] auprès du régime social des indépendants de Bretagne, le condamne à lui verser la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande de remise sous astreinte d'une attestation de désaffiliation, l'arrêt rendu le 12 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

Condamne l'URSSAF de Bretagne, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants de Bretagne, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le premier président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.

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