30 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.655

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C201214

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Maladie - Frais de transport

Il résulte des articles R. 322-10 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale, qui fixent les conditions de remboursement des frais de transport, qu'hormis le cas d'urgence, la prise en charge de ces frais est toujours subordonnée à l'accord préalable de la caisse, dès lors qu'il s'agit d'un transport sur une distance excédant 150 kilomètres. Viole les textes susvisés le tribunal judiciaire qui, pour condamner une caisse primaire d'assurance maladie à prendre en charge des frais de transport exposés, sans demande d'entente préalable, ni urgence attestée, par une assurée sur une distance de plus de 150 kilomètres, confère le caractère d'une sanction à une condition d'attribution des prestations

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2023




Cassation partielle
sans renvoi


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1214 F-B

Pourvoi n° V 21-25.655




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-25.655 contre le jugement rendu le 22 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Bayonne (contentieux protection sociale - contentieux général sécurité sociale), dans le litige l'opposant à Mme [B] [R], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bayonne, 22 octobre 2021), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] (la caisse) ayant refusé, par décision du 3 août 2018, la prise en charge des frais de transport exposés par Mme [R] (l'assurée) entre son domicile, situé à [Localité 3], et la région parisienne, à l'occasion d'une intervention chirurgicale le 18 mai 2018 et d'un rendez-vous médical le 5 juin 2018, l'assurée a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

2. La caisse fait grief au jugement d'accueillir le recours de l'assurée, alors :

« 1°/ qu'il résulte des articles R. 322-10-1° et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale que, sauf urgence attestée par le médecin prescripteur, la prise en charge des frais de transport sur une distance de plus de 150 kilomètres est subordonnée à l'accord préalable de la caisse ; que cette formalité doit être respectée même si l'assuré est atteint d'une affection de longue durée ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations mêmes du jugement attaqué qu'aucune formalité d'entente préalable et prescription médicale antérieure aux transports intervenus les 15 mai 2018 et le 5 juin 2018 entre le domicile de l'assurée à [Localité 3] et [Localité 4] n'a été effectuée, la demande d'accord préalable valant prescription médicale, qui ne faisait mention d'aucune urgence, n'étant intervenue que le 21 août 2018, soit postérieurement aux transports considérés ; qu'en ordonnant néanmoins à la caisse de prendre en charge les frais de transports engagés par l'assurée à l'occasion d'une intervention chirurgicale en date du 15 mai 2018 et d'un rendez-vous médical du 5 juin suivant, du seul fait que l'assurée, atteinte d'une affection de longue durée, justifiait n'avoir été avisée de la date d'intervention du 18 mai 2018 que le 11 mai précédent par son chirurgien, qui ne paraissait pas très averti des formalités administratives, que le médecin traitant admettait aussi avoir omis de mentionner l'urgence sur les certificats établis et que, s'agissant du rendez-vous du 5 juin 2018 dont elle avait été avisée le 2 juin, l'assurée exposait, sans être contredite, les difficultés rencontrées à devoir organiser des transports de son domicile à l'hôpital de [Localité 5] dans un bref laps de temps en devant gérer en même temps sa vie familiale en son absence, quand ces circonstances ne pouvaient suppléer l'absence de réunion des conditions d'ouverture du droit au remboursement des frais de transport, le tribunal a violé les articles R. 322-10 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que le refus d'attribution d'une prestation, faute que soient réunies les conditions de cette attribution, n'est pas une sanction ; qu'en considérant, en outre, que, pour ces deux transports, la sanction prononcée n'était pas en adéquation avec l'importance du manquement de l'assurée, le tribunal, qui a ainsi conféré le caractère d'une sanction au fait que la prise en charge des frais de transport de l'assurée ne répondait pas aux conditions posées par le code de la sécurité sociale, faute d'urgence attestée par la prescription médicale et/ou de demande d'entente préalable, a violé les articles R. 322-10 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 322-10 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale :

3. Il résulte de ces textes que, sauf urgence attestée par le médecin prescripteur, la prise en charge des frais de transport, y compris ceux liés à une hospitalisation, exposés sur une distance excédant 150 kilomètres, est subordonnée à l'accord préalable de l'organisme social.

4. Pour faire droit au recours de l'assurée, le jugement relève qu'il est constant qu'aucune formalité d'entente préalable au transport considéré, pourtant obligatoire pour une distance de plus de 150 kilomètres, n'a été effectuée par la requérante, la demande d'accord préalable n'étant intervenue que postérieurement aux transports considérés. Il observe que l'assurée, atteinte d'une affection de longue durée, justifie n'avoir été avisée que le 11 mai 2018 de la date d'intervention du 18 mai 2018, par son chirurgien qui ne parait pas averti des formalités administratives, que le médecin traitant a admis aussi avoir omis de mentionner l'urgence sur les certificats établis et que, s'agissant du rendez-vous du 5 juin 2018 dont elle a été avisée le 2 juin, l'assurée expose, sans être contredite, les difficultés rencontrées à devoir organiser des transports de son domicile à l'hôpital de [Localité 5] dans un bref laps de temps. Il retient que pour ces deux transports, la sanction prononcée n'est pas en adéquation avec l'importance du manquement de l'assurée, également victime d'une apparente méconnaissance des règles administratives par les praticiens et les centres de soins, de sorte qu'il convient d'ordonner la prise en charge par la caisse.

5. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, conférant le caractère d'une sanction à une condition d'attribution d'une prestation, alors qu'en l'absence d'urgence attestée par le médecin prescripteur, les transports litigieux, effectués en un lieu distant de plus de 150 kilomètres, ne pouvaient être pris en charge à défaut du respect de la formalité de l'entente préalable, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

6. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

7. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie que la Cour de cassation statue au fond.

8. Il résulte de ce qui est dit aux points 3 et 5 ci-dessus que la demande de l'assurée tendant à la prise en charge des frais de transport exposés les 18 mai et 5 juin 2018 doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le recours de Mme [R] recevable, le jugement rendu le 22 octobre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Bayonne ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande de Mme [R] tendant à la prise en charge des frais de transport exposés à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 18 mai 2018 et du rendez-vous médical du 5 juin 2018.

Condamne Mme [R] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le tribunal judiciaire de Bayonne ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.

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