29 novembre 2023
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 21/06718

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 29 NOVEMBRE 2023









N° RG 21/06718 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MOTG









LA DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES





c/



S.A.S. RESIDENTIAL MDB























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 novembre 2021 (R.G. 21/00879) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 09 décembre 2021





APPELANT :



LA DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUE, représentée par la Directrice Régionale des Finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domiciliée en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]



représentée par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX





INTIMÉE :



S.A.S. RESIDENTIAL MDB, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]



représentée par Maître Philippe OLHAGARAY de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Philippe NATAF, avocat au barreau de PARIS





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 27 septembre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :



Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT





ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.






EXPOSE DU LITIGE :



La société par actions simplifiée Residential Promotion et la société par actions simplifiée Residential MDB étaient associées dans la Société Civile de Construction Attribution 'Les Hauts de la Vigne' dont elles détenaient respectivement 1908 parts et 1692 parts.



La société Residential MDB a pour objet la construction et l'aménagement d'un ensemble immobilier sur un terrain situé à [Localité 4] (Gironde), acquis à cet effet par la société Les Hauts de la Vigne selon acte authentique reçu le 19 juin 2015 par maître [H], notaire à [Localité 2], ce au prix de 3.475.000 euros avec engagement par l'acquéreur, assujetti à la TVA, de construire dans un délai de 4 ans afin de bénéficier du régime exonératoire de TVA prévu par l'article 1594-0 G du code général des impôts.



La société Les Hauts de la Vigne a cédé ce bien à la société civile Soléa selon acte authentique reçu le 15 octobre 2015 par maître [H], ce au prix de plus tard par acte notarié du 15 octobre 2015 à la Société Civile SOLEA au prix de 6.000.000 euros, 'taxe sur la valeur ajoutée due par le vendeur sur la marge incluse'.



La société Solea a déposé une déclaration d'achèvement et de conformité des travaux à la mairie de [Localité 4] le 26 octobre 2016.



Considérant que l'engagement de construire n'avait pas été respecté dans les délais par la société Les Hauts de la Vigne, la Direction spécialisée de contrôle fiscal du Sud-Ouest lui a adressé, le 26 septembre 2019, une proposition de rectification afin de lui réclamer les droits de mutation exigibles au taux de droit commun, ce à hauteur de 201.781 euros.

Il a également été adressé le 27 septembre 2019 à la société Residential MDB, en sa qualité d'associée de la société Les Hauts de la Vigne, une proposition de rectification à hauteur de 47 % de ses droits, soit une somme de 109.545 euros.



En réponse aux observations de la société Residential MDB émises les 16 octobre et 26 novembre 2019, l'inspectrice des finances publiques a, le 13 janvier 2020, confirmé la proposition de rectification.



A la suite du recours hiérarchique exercé le 11 février 2020, le redressement a été confirmé et les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement par avis du 15 septembre 2020.



La réclamation contentieuse présentée par la société Residential MDB a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 19 novembre 2020.



La société Residential MDB a alors fait assigner la Direction régionale des Finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône devant le tribunal judiciaire de Bordeaux le 14 janvier 2021 en contestation des impositions et pénalités mises à sa charge.



Par jugement prononcé le 15 novembre 2021, le tribunal judiciaire a statué ainsi qu'il suit :

- ordonne la décharge de l'intégralité des rappels de taxe de publicité foncière, taxe additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de la publicité foncière, frais d'assiette et de recouvrement du mois de juin 2015 et des intérêts de retard afférents mis en recouvrement selon avis de mise en recouvrement n° 2020090465 en date du 15 septembre 2020 à l'encontre de la société Residential MDB ;

- condamne la Direction régionale des Finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône à payer à la société Residential MDB la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire conformément à l'article R 202-5 du Livre des Procédures Fiscales ;

- condamne la Direction régionale des Finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône aux dépens comprenant les frais de signification et d'enregistrement du mandat.



La Direction régionale des Finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 9 décembre 2021.



Par dernières conclusions notifiées le 15 juin 2022, la Direction régionale des Finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône demande à la cour de :

Vu l'article 1594-0 G A du code général des impôts ;

- infirmer le jugement du 15 novembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;

- reconnaître le rappel fondé en droit et en fait ;

- condamner la société Residential MDB aux dépens d'appel ;

- condamner la société Residential MDB à verser à l'État la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par dernières écritures notifiées le 24 août 2022, la société Residential MDB demande à la cour de :

- rejeter l'appel de la Direction régionale des Finances publiques de Provence Alpes-Côte d'Azur et des Bouches-du-Rhône ;

- confirmer le jugement entrepris du tribunal judiciaire de Bordeaux ;

- condamner la Direction régionale des Finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et des Bouches-du-Rhône aux dépens de l'instance ;

- condamner la Direction régionale des Finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et

des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 5.000 euros par application des dispositions

de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2023.



Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.






MOTIFS DE LA DÉCISION :



1. L'article 1594-0 G paragraphe A du code général des impôts dispose :

« Sous réserve de l'article 691 bis, sont exonérés de taxe de publicité foncière ou de droits d'enregistrement :

A. I. ' Les acquisitions d'immeubles réalisées par une personne assujettie au sens de l'article 256 A, lorsque l'acte d'acquisition contient l'engagement, pris par l'acquéreur, d'effectuer dans un délai de quatre ans les travaux conduisant à la production d'un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l'article 257, ou nécessaires pour terminer un immeuble inachevé.

II. ' Cette exonération est subordonnée à la condition que l'acquéreur justifie à l'expiration du délai de quatre ans, sauf application du IV, de l'exécution des travaux prévus au I.

En cas d'acquisitions successives par des personnes mentionnées au I, l'engagement pris par le cédant peut être repris par l'acquéreur auquel s'impose alors le délai imparti au cédant. La personne à laquelle s'impose l'engagement mentionné au I peut, dans la limite de cinq années à compter de la date à laquelle il a été souscrit par le premier acquéreur, y substituer l'engagement de revendre prévu à l'article 1115 qui est réputé avoir pris effet à compter de cette même date.



L'acquéreur d'un bien qui a pris l'engagement de revendre prévu à l'article 1115 peut y substituer, avant son échéance, un engagement de construire tel que prévu au I. Cet engagement prend effet à compter de la date à laquelle il est souscrit auprès de l'administration et vaut accomplissement de l'engagement de revendre.

III. ' Cette exonération n'est applicable aux terrains destinés à la construction de maisons individuelles qu'à concurrence d'une superficie de 2 500 mètres carrés par maison, ou de la superficie minimale exigée par la réglementation sur le permis de construire si elle est supérieure.

Elle profite sans limitation de superficie aux terrains destinés à la construction d'immeubles collectifs, à condition que les constructions à édifier couvrent, avec leurs cours et jardins, la totalité des terrains acquis.

Pour les terrains destinés à la construction d'immeubles non affectés à l'habitation pour les trois-quarts au moins de leur superficie totale, elle est applicable dans la limite des surfaces occupées par les constructions à édifier et par les dépendances nécessaires à l'exploitation de ces constructions.

IV. ' Sur demande de l'acquéreur, une prolongation annuelle renouvelable du délai de quatre ans fixé au I peut être accordée par l'autorité compétente de l'Etat du lieu de la situation des immeubles dans des conditions fixées par décret. L'absence de notification d'un refus motivé de l'administration dans les deux mois de la réception de la demande vaut acceptation.

IV bis. ' Une prolongation annuelle renouvelable du délai mentionné au premier alinéa de l'article 1115 peut être accordée, dans des conditions fixées par décret, par l'autorité compétente de l'Etat du lieu de la situation des immeubles situés dans le périmètre d'une zone d'aménagement concerté définie à l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme et acquis par la personne chargée de l'aménagement ou de l'équipement de cette zone.

V. ' En cas d'acquisition d'un terrain compris dans le périmètre d'une association syndicale de remembrement, le délai de quatre ans ne commence à courir qu'à compter de la décision de clôture des opérations de remembrement.

VI. ' Pour l'application des dispositions du présent A les immeubles ou fractions d'immeubles destinés à une exploitation à caractère commercial ou professionnel ne sont pas considérés comme affectés à l'habitation.»



2. Au visa de ce texte, la Direction régionale des Finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône (ci-après DRFiP) fait grief au jugement déféré d'avoir déchargé la société Residential MDB de la totalité des impositions et pénalités objet de l'avis de mise en recouvrement du 15 septembre 2020.



L'appelante fait valoir que, dans l'hypothèse d'une acquisition successive d'un immeuble, le bénéfice de l'exonération des droits d'enregistrement ne peut être accordé au cédant qui a pris l'engagement de réaliser des travaux dans un délai de 4 ans suivant l'acquisition que sous la double condition que le sous-acquéreur ait manifesté son intention de reprendre l'engagement du cédant en le formalisant dans l'acte de vente et que ce sous-acquéreur ait la qualité d'assujetti à la TVA, ce qui n'est pas le cas en l'espèce de la société Soléa.



3. L'intimée répond que la seule condition posée par les textes et en particulier par l'article 1594-0 G du code général des impôts pour bénéficier de l'exonération des droits d'enregistrement est le fait matériel de la construction achevée, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la construction a été réalisée par l'auteur de l'engagement ou par un sous-acquéreur ou un tiers.









Sur ce,



4. Il est constant en droit que l'exonération des droits d'enregistrement est acquise dès lors que l'acquéreur assujetti à la TVA prend l'engagement d'effectuer dans un délai de quatre ans à compter de l'acte d'acquisition les travaux conduisant à la production d'un immeuble neuf ou nécessaires pour terminer un immeuble inachevé, cette exonération ne pouvant être remise en cause qu'à défaut de justification de leur réalisation à l'expiration de ce délai.



Dès lors qu'un tel engagement a été pris par l'acquéreur assujetti à la TVA d'une part et que les travaux exigés par l'article 1594-0 G du code général des impôts ont été effectués dans le délai de quatre années à compter de cet engagement figurant dans l'acte d'acquisition d'autre part, il est sans incidence sur cette exonération que les travaux aient été exécutés par un tiers à l'acquéreur engagé assujetti, l'article 1590-0 G du code général des impôts ne l'exigeant pas.



5. En l'espèce, il est établi que la société Les Hauts de la Vigne, assujettie à la TVA, a pris l'engagement de réaliser des travaux dans un délai de 4 ans ainsi qu'il est mentionné en page onze de l'acte authentique du 19 juin 2015 ; que la société Soléa, sous-acquéreur, a déposé la déclaration d'achèvement des travaux au sens de l'article 266 bis de l'annexe III du code général des impôts le 26 octobre 2016.



6. C'est donc par des motifs pertinents, qui ne sont pas utilement remis en cause devant la cour qui les fait siens, que le premier juge a déchargé la société Residential MDB du rappel d'imposition objet du litige.



Le jugement déféré sera confirmé de ce chef, ainsi qu'en ses chefs relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens.



7. Il y a lieu de condamner la DRFiP à payer les dépens de l'appel et à verser à l'intimée la somme de 2.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celle-ci.





PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,



Confirme le jugement prononcé le 15 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux.



Y ajoutant,



Condamne la Direction régionale des Finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône à payer à la société Residential MDB la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Condamne la Direction régionale des Finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône à payer les dépens.



Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier Le Magistrat

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