29 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-10.004

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO02131

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Applications diverses - Travailleur étranger - Carte de résident - Deux mois précédant l'expiration du titre de séjour - Demande de renouvellement - Délai - Défaut - Portée

Il résulte de la combinaison des articles L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, et R. 311-2, 4°, du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-141 du 27 février 2019, qu'un étranger, titulaire d'une carte de résident, doit, pour bénéficier du délai de trois mois lui permettant, après expiration de son titre, de conserver son droit d'exercer une activité professionnelle, en solliciter le renouvellement dans les deux mois précédant cette expiration. Encourt dès lors la cassation la cour d'appel qui, pour dire le licenciement notifié le 23 janvier 2017 dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir constaté que le salarié était titulaire d'une carte de résident dont la validité expirait le 2 janvier 2017, retient qu'une disposition réglementaire ne pouvant limiter les droits, reconnus par la loi, au salarié titulaire d'une carte de résident, la nature du titre de séjour dont bénéficiait le salarié lui permettait de continuer l'exercice de son activité professionnelle jusqu'au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d'une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement, et que l'obligation faite par l'article R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au salarié sollicitant « le renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle » dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire ne s'appliquait pas à sa situation

ETRANGER - Entrée et séjour - Carte de résident - Expiration - Activité professionnelle - Exercice - Possibilité - Conditions - Demande de renouvellement - Délai de deux mois précédant l'expiration du titre de séjour - Portée

Texte de la décision

SOC.

HP



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 novembre 2023




Cassation


M. SOMMER, président



Arrêt n° 2131 FS-B

Pourvoi n° D 22-10.004




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023

La société Seris Security, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 22-10.004 contre l'arrêt rendu le 22 juillet 2021 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [G] [I], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Seris Security, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 22 juillet 2021), M. [I] a été engagé en qualité d'agent de sécurité confirmé par la société GLN sécurité, aux droits de laquelle se trouve la société Seris Security, suivant un contrat de travail du 2 janvier 2003.

2. Par lettre recommandée du 21 décembre 2016, l'employeur a demandé au salarié de lui faire parvenir son nouveau titre de séjour au plus tard sept jours avant l'expiration de celui en cours de validité, soit le 26 décembre 2016, lui précisant qu'à défaut, il ne pourrait pas continuer à exécuter sa prestation de travail à compter du 2 janvier 2017, date d'expiration de son titre de séjour. Le 28 décembre 2016, il lui a adressé une mise en demeure lui rappelant la nécessité de produire un nouveau titre de séjour.

3. Le 23 janvier 2017, l'employeur a notifié au salarié la rupture de son contrat de travail pour absence de titre de séjour lui permettant de travailler sur le territoire français.

4. Le 17 mars 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à la rupture de son contrat de travail et en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale de ce contrat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage payées du jour du licenciement jusqu'à la date du prononcé de la décision dans la limite de six mois d'indemnités, alors « que si, aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, entre la date d'expiration de la carte de résident et la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d'expiration, l'étranger peut justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte arrivée à expiration et conserve pendant cette période son droit d'exercer une activité professionnelle, c'est à la condition qu'il ait effectivement déposé une demande de renouvellement du titre expiré dans le délai imparti par l'article R. 311-2, 4° du même code, à savoir au cours des deux derniers mois précédant l'expiration de celui-ci, ce dont il doit pouvoir justifier auprès de son employeur ; que la cour d'appel en énonçant, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que le salarié était titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 2 janvier 2017 qui lui permettait de continuer l'exercice de son activité professionnelle jusqu'au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d'une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement, qu'il ne se trouvait donc pas en situation irrégulière et que l'obligation faite par l'article R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au salarié sollicitant le renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire, ne s'appliquait pas à sa situation, a violé les articles L. 311-4, alinéa 2, et R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, et l'article R. 311-2, 4°, du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-141 du 27 février 2019 :

6. Selon le premier de ces textes, entre la date d'expiration de la carte de résident et la décision prise par l'autorité administrative sur la demande tendant à son renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d'expiration, l'étranger peut justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte arrivée à expiration. Pendant cette période, il conserve l'intégralité de ses droits sociaux ainsi que son droit d'exercer une activité professionnelle.

7. Selon le second, l'étranger qui séjourne déjà en France présente sa demande de renouvellement de sa carte de séjour dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire, sauf s'il est titulaire du statut de résident de longue durée-UE accordé par la France en application des articles L. 314-8, L. 314-8-1 et L. 314-8-2.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un étranger, titulaire d'une carte de résident, doit, pour bénéficier du délai de trois mois lui permettant, après expiration de son titre, de conserver son droit d'exercer une activité professionnelle, en solliciter le renouvellement dans les deux mois précédant cette expiration.

9. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir constaté que le salarié était titulaire d'une carte de résident dont la validité expirait le 2 janvier 2017, l'arrêt énonce qu'en application de l'article R. 5221-3, 1°, du code du travail, dans sa version applicable au litige, la carte de résident, délivrée en application de l'article L. 314-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constitue le premier des documents visés constituant une autorisation de travail et qui « permet l'exercice de toute activité professionnelle salariée ». Il relève que le salarié était titulaire d'un tel document valant autorisation de travail.

10. Il retient qu'en vertu de l'article L. 311-4, alinéa 2, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur du 1er novembre 2015 au 1er mars 2019, une disposition réglementaire ne pouvant limiter les droits, ainsi reconnus par la loi, au salarié titulaire d'une carte de résident, la nature du titre de séjour dont bénéficiait le salarié lui permettait de continuer l'exercice de son activité professionnelle jusqu'au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d'une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement.

11. Il en conclut que le salarié ne se trouvait pas en situation irrégulière et que l'obligation faite par l'article R. 311-2, 4°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au salarié sollicitant « le renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle » dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire ne s'appliquait pas à sa situation.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne M. [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.

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