29 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-11.398

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO02129

Titres et sommaires

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Modalités - Conditions - Condition suspensive - Renonciation - Moment - Renonciation postérieure à la défaillance - Portée

Viole la loi la cour d'appel qui, ayant constaté que la condition était défaillie à la date prévue au contrat, de sorte que ce dernier était caduc, décide qu'il pouvait être renoncé à la condition suspensive malgré sa défaillance

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Modalités - Condition suspensive - Défaillance - Renonciation postérieure à la défaillance - Possibilité - Portée

Texte de la décision

SOC.

ZB1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 novembre 2023




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 2129 FS-B

Pourvoi n° U 22-11.398


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023

La société [4], société anonyme sportive professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-11.398 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à M. [B] [M], domicilié [Adresse 1] (Grèce), défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [4], de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [M], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge,conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 décembre 2021), M. [M] a été engagé en qualité de joueur de football professionnel par la société [4] (le club) pour trois saisons, selon un contrat de travail à durée déterminée du 13 juin 2006. Le contrat mentionnait le recours aux services d'un agent sportif, M. [T].

2. Le contrat de travail à durée déterminée a fait l'objet de renouvellements.

3. Une convention de rémunération d'agence sportive a été conclue le 28 septembre 2012 entre le joueur professionnel, l'agent sportif et le club, dont l'objet était de répartir entre le club et le joueur la charge de la rémunération due à l'agent sportif au titre de la réalisation de ses missions. Cette convention stipulait qu'au moyen d'une délégation novatoire, le club s'engageait à payer à l'agent sa rémunération en lieu et place du joueur.

4. Au cours de la saison 2013/2014, le club a exprimé son souhait de transfert du joueur vers un autre club.

5. Le 7 février 2014, le joueur et l'agent sportif ont conclu une transaction aux termes de laquelle le joueur devait, en contrepartie d'un terme anticipé à la convention de médiation du 1er septembre 2012, payer une indemnité transactionnelle globale et forfaitaire, dont le montant dépendait de la date à laquelle le joueur ferait l'objet d'un transfert vers un autre club.

6. Par avenant à la convention de rémunération d'agence sportive en date du 20 février 2014, le club, le joueur professionnel et l'agent sportif sont convenus que, dans l'hypothèse où le joueur ferait l'objet d'une mutation définitive dans un autre club avant le 30 juin 2014 inclus, les commissions dues au titre des saisons 2014/2015 et 2015/2016 seront garanties par le club et acquises à l'agent quand bien même le joueur ne ferait plus partie de l'effectif du club.

7. Le 8 août 2014, le joueur a été engagé par le club du [3].

8. Le 22 mai 2017, le joueur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en condamnation du club au paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen


9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. Le club fait grief à l'arrêt de le condamner à verser certaines sommes à titre de dommages-intérêts, alors « que lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé, et entraîne automatiquement la caducité de l'acte ; que celui dans l'intérêt duquel est stipulée la condition ne peut y renoncer qu'avant que sa défaillance ne rende l'obligation caduque ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'avenant du 20 février 2014 à la convention de rémunération d'agence sportive conclue entre le club, le joueur et son agent sportif, stipulait, par dérogation au principe selon lequel la dette de rémunération de l'agent sportif pesant sur le club est subordonnée à la présence de ce dernier dans l'effectif du club, que : ''dans l'hypothèse où le joueur ferait l'objet d'une mutation définitive dans un autre club avant le 30 juin 2014 inclus, les commissions dues au titre des saisons 2014/2015 et 2015/2016 seront garanties par le club et acquises à l'agent quand bien même le joueur ne ferait plus partie de l'effectif du club'' ; qu'il était constant que la condition suspendant cet engagement de l'[4] ne s'était pas réalisée le 30 juin 2014 ; qu'en jugeant que le 2 août 2014, en répondant ''OK'' à la demande du conseil de M. [M] de lui confirmer sa prise en charge de ''l'indemnité d'[T] (568 keuros environ)'', l'[4] avait entendu faire perdurer son obligation de payer les commissions de l'agent en dépit du fait que le transfert du joueur n'était pas intervenu le 30 juin 2014, et ne pouvait ainsi se prévaloir de la caducité de l'avenant du 20 février 2014, lorsque cet avenant étant devenu automatiquement caduc le 30 juin 2014 par la défaillance de la condition, l'[4] ne pouvait renoncer au bénéfice de la condition suspensive après sa défaillance, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1176 du code civil dans leur version en vigueur avant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134 et 1176, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

11. Aux termes du second de ces textes, lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas.

12. Pour condamner le club à payer au joueur certaines sommes à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que du fait de l'expiration de la date du 30 juin 2014, terme de la condition suspensive, le conseil du joueur, invoquant le "deal" et la prise en charge par le club de l'indemnité de l'agent sportif qu'il évaluait à "568 Keuros environ", faisait nécessairement référence à la convention du 7 février 2014 fixant la somme de 568 000 euros et demandait la confirmation de l'engagement du club de prendre en charge les dites commissions. L'arrêt ajoute qu'en répondant "OK" dans un mail du 2 août 2014, le club s'est engagé à payer cette somme malgré le dépassement de la date du transfert du joueur qui avait été convenue par les parties. L'arrêt en déduit que le club ne peut prétendre que l'avenant du 20 février 2014 était devenu caduc mais, au contraire, que les faits démontrent qu'il a entendu faire perdurer ses obligations après le 30 juin 2014.

13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la condition suspensive était défaillie le 30 juin 2014, de sorte que le contrat étant caduc à cette date il ne pouvait plus être renoncé à cette condition, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief,

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'incompétence formulée par la société [4], l'arrêt rendu le 10 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.

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