29 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.282

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO02128

Titres et sommaires

SPORTS - Règlement - Football - Charte du football professionnel - Litiges entre clubs et joueurs - Litiges relatifs à la durée et aux obligations réciproques - Compétence - Commission juridique de la Ligue de football professionnel - Procédure - Nature - Portée

Les dispositions de l'article 271 de la charte du football professionnel, qui prévoient que tous les litiges entre clubs et joueurs, notamment ceux relatifs à la durée et aux obligations réciproques qui découlent du contrat, sont de la compétence de la commission juridique de la Ligue de football professionnel, n'instituent pas une procédure de conciliation


CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - Rupture - Rupture anticipée - Cas - Relégation en division inférieure d'un club de football - Refus par le joueur d'une diminution de sa rémunération brute - Portée

Fait l'exacte application de la loi la cour d'appel qui, ayant constaté qu'à la suite de sa relégation en division inférieure le club, qui invoquait les dispositions de l'article 761 de la charte du football professionnel, avait proposé au joueur une diminution de sa rémunération brute de 50 % avant de prendre acte du refus de ce dernier et de lui notifier la fin de la relation contractuelle, en déduit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée, qui ne résultait ni du consentement mutuel des parties ni de la faute grave du salarié ni de la force majeure ni d'une inaptitude médicalement constatée, était illicite

SPORTS - Règlement - Football - Charte du football professionnel - Joueur professionnel - Contrat à durée déterminée - Rupture anticipée - Cas - Détermination - Portée

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 novembre 2023




Rejet


M. SOMMER, président



Arrêt n° 2128 FS-B

Pourvoi n° T 21-19.282



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023

La société VAFC-[Localité 3] sport développement, société anonyme sportive professionnelle, dont le siège est [Adresse 1] a formé le pourvoi n° T 21-19.282 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à M. [Z] [X], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société VAFC-[Localité 3] sport développement, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [X], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 mai 2021), M. [X] a été engagé en qualité de joueur professionnel le 27 juin 2006 par la société VAFC-[Localité 3] sport développement par contrat à durée déterminée. Le contrat a été renouvelé par plusieurs avenants, le dernier fixant le terme de la relation de travail au 30 juin 2016.

2. A la suite de sa rétrogradation en division inférieure, le club a, le 2 juin 2014, proposé au joueur une diminution de sa rémunération brute de 50 %. Par lettre du 19 juin 2014 le salarié a refusé cette proposition et indiqué accepter une baisse de rémunération de 20 %. Le 23 juin 2014, le club a pris acte de la décision du joueur et lui a notifié la fin de leur relation contractuelle au 30 juin 2014.

3. Le 19 septembre 2014, le joueur a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la réparation des conséquences de la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le club fait grief à l'arrêt de déclarer l'action du joueur recevable, de dire la rupture du contrat de travail non fondée et de le condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture contractuelle abusive, alors « que l'article 271 de la charte du football professionnel prévoit que ''Tous les litiges entre clubs et joueurs, notamment ceux relatifs à la durée et aux obligations réciproques qui découlent du contrat, sont de la compétence de la commission juridique'' ; qu'il en résulte que la saisine de la commission juridique est un préalable à celle de la juridiction prud'homale et incombe à celui qui a décidé d'introduire une action judiciaire pour faire trancher un litige ; qu'en affirmant la recevabilité de l'action introduite par M. [X] après avoir énoncé que la saisine de la commission incombait à l'employeur initiateur de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et violé l'article 271 de la charte du football professionnel. »

Réponse de la Cour

5. Les dispositions de l'article 271 de la charte du football professionnel, qui prévoient que tous les litiges entre clubs et joueurs, notamment ceux relatifs à la durée et aux obligations réciproques qui découlent du contrat, sont de la compétence de la commission juridique de la Ligue de football professionnel, n'instituent pas une procédure de conciliation.

6. Ayant constaté que l'employeur avait notifié au joueur la fin de la relation contractuelle au 30 juin 2014 à la suite du refus de ce dernier de consentir à une baisse de rémunération de 50 %, la cour d'appel a exactement décidé que la contestation de cette rupture n'était pas subordonnée à un préalable de conciliation devant la commission juridique de la Ligue de football professionnel.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. Le club fait grief à l'arrêt de dire la rupture du contrat de travail non fondée et de le condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture contractuelle abusive, alors :

« 1°/ qu'en cas de relégation, l'article 761 de la charte du football professionnel prévoit que le club peut proposer au joueur une diminution de sa rémunération dans le respect d'une grille qu'elle établit et que le refus du salarié emporte libération du contrat au 30 juin sans indemnité ; que cette disposition constitue une cause autonome de rupture des relations contractuelles, justifiée par les contraintes inhérentes à la pratique du sport professionnel et notamment par les contraintes économiques auxquelles peut être soumis un club sportif professionnel ; qu'en énonçant que la rupture du contrat de travail de M. [X] serait illicite en ce qu'elle ne relèverait pas du consentement mutuel des parties, de la faute grave du salarié, de la force majeure ou d'une inaptitude médicalement constatée, la cour d'appel a violé l'article 761 susvisé ;

2°/ qu'en cas de relégation, l'article 761 de la charte du football professionnel prévoit que le club peut proposer au joueur une diminution de rémunération dans le respect d'une grille qu'elle établit et que le refus du salarié emporte libération du contrat au 30 juin sans indemnité ; que cette cause autonome de rupture des relations contractuelles ne relève pas d'une hypothèse d'un manquement aux obligations contractuelles imposant une saisine préalable de la commission juridique conformément à l'article 265-1 de la charte ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 265-1 et 761 de la charte du football professionnel. »




Réponse de la Cour

9. Sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié.

10. Il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L. 1243-1 du code du travail, auxquelles ni la charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, ni le contrat de travail ne peuvent déroger dans un sens défavorable au salarié, que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas d'accord des parties, de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

11. La cour d'appel a constaté qu'à la suite de sa relégation en division inférieure le club, qui invoquait les dispositions de l'article 761 de la charte du football professionnel, avait proposé au joueur une diminution de sa rémunération brute de 50 % avant de prendre acte du refus de ce dernier et de lui notifier la fin de la relation contractuelle au 30 juin 2014. Elle en a exactement déduit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée, qui ne résultait ni du consentement mutuel des parties ni de la faute grave du salarié ni de la force majeure ni d'une inaptitude médicalement constatée, était illicite.

12. Le moyen, qui, pris en sa seconde branche, est inopérant, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société VAFC-[Localité 3] sport développement aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société VAFC-[Localité 3] sport développement et la condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.

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