29 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-18.555

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO02121

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952 - Avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres - Article 14.3 - Indemnité de congédiement - Calcul - Assiette - Détermination - Portée

Selon l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres, modifié par l'accord du 3 mars 1970, attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, l'indemnité conventionnelle de licenciement est calculée sur la base de la rémunération totale mensuelle prenant notamment en compte les primes de toute nature y compris les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, à la seule exclusion des gratifications exceptionnelles. Doit être approuvée la cour d'appel, qui, après avoir constaté que l'article 9.3.1. du plan de mobilité et de départ volontaire signé dans l'entreprise stipulait que le salaire brut mensuel de référence servant d'assiette à l'indemnité d'accompagnement versée au salarié, à la suite de la rupture d'un commun accord de son contrat de travail pour motif économique, était déterminé conformément à l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955, relevant que les primes perçues au titre de l'intéressement, de l'abondement et de la participation constituaient non seulement des primes de toute nature mais également des participations au chiffre d'affaires ou aux résultats de la société et qu'il n'était ni allégué, ni justifié qu'elles étaient des gratifications exceptionnelles, en a déduit que ces primes devaient être prises en considération dans la détermination du salaire de référence de l'indemnité d'accompagnement

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Rupture d'un commun accord - Indemnités - Indemnité d'accompagnement - Calcul - Assiette - Salaire de référence - Sommes versées au titre de la participation aux résultats de l'entreprise, d'intéressement et d'abondement - Inclusion - Portée

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 novembre 2023




Rejet


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 2121 F-B


Pourvois n°
Y 22-18.555
Z 22-18.556
A 22-18.557
B 22-18.558
C 22-18.559
D 22-18.560
E 22-18.561
F 22-18.562
H 22-18.563
G 22-18.564
J 22-18.565
K 22-18.566
M 22-18.567 JONCTION







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023

La société Air liquide France industrie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 21], [Localité 26], a formé les pourvois n° Y 22-18.555, Z 22-18.556, A 22-18.557, B 22-18.558, C 22-18.559, D 22-18.560, E 22-18.561, F 22-18.562, H 22-18.563, G 22-18.564, J 22-18.565, K 22-18.566 et M 22-18.567 contre treize arrêts rendus le 12 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7) dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. [H] [M], domicilié [Adresse 7], [Localité 17],

2°/ à M. [G] [R], domicilié [Adresse 29], [Localité 28],

3°/ à Mme [Y] [S], domiciliée [Adresse 10], [Localité 23],

4°/ à M. [W] [N], domicilié [Adresse 30], [Localité 11],

5°/ à M. [X] [T], domicilié [Adresse 8], [Localité 24],

6°/ à M. [V] [A], domicilié [Adresse 2], [Localité 14],

7°/ à M. [E] [Z], domicilié [Adresse 25], [Localité 15],

8°/ à M. [H] [I], domicilié [Adresse 6], [Localité 3],

9°/ à M. [V] [C], domicilié [Adresse 18], [Localité 19],

10°/ à M. [B] [K], domicilié [Adresse 13], [Localité 22],

11°/ à Mme [J] [F], domiciliée [Adresse 9], [Localité 4],

12°/ à M. [L] [U], domicilié[Adresse 1], [Localité 16],

13°/ à M. [G] [D], domicilié [Adresse 5], [Localité 20],

14°/ à la Fédération nationale CFE CGC des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes (CFE-CGC Chimie), dont le siège est [Adresse 12], [Localité 27],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, un moyen de cassation commun.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Air liquide France, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [M], des douze autres salariés et de la Fédération nationale CFE CGC des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller rapporteur référendaire, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Y 22-18.555 à M 22-18.567 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 12 mai 2022), M. [M] et douze autres salariés de la société Air liquide France industrie, ayant signé un protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique de leur contrat de travail, ont saisi la juridiction prud'homale afin de solliciter que les sommes perçues au cours de l'année 2013 au titre de la participation, de l'intéressement et de l'abondement soient prises en compte dans l'assiette de calcul du salaire de référence pour la détermination de leur indemnité d'accompagnement versée dans le cadre d'un plan de mobilité et de départ volontaire.

3. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 3 décembre 1952.

4. La Fédération nationale CFE-CGC des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes (le syndicat) est intervenue volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariés des sommes à titre de rappels d'indemnités conventionnelles et supra conventionnelles, de frais irrépétibles, ainsi que de dire que l'action du syndicat est recevable et de le condamner à lui verser des dommages-intérêts et des indemnités au titre des frais irrépétibles, alors :

« 1°/ qu'aux termes des articles L. 3325-1 et L. 3312-4, les sommes versées par l'employeur au titre de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et de l'intéressement ne constituent pas des salaires et n'ont pas en conséquence à être prises en compte dans le calcul des indemnités légales de rupture du contrat ; que si le régime d'ordre public absolu de la participation et de l'intéressement n'interdit pas aux partenaires sociaux d'assimiler les sommes versées par l'employeur dans le cadre de ces dispositifs à des éléments de rémunération pour le calcul de certaines indemnités de rupture, encore faut-il que l'accord collectif conclu prévoie expressément une telle assimilation ; qu'en l'absence de dispositions conventionnelles procédant à une telle assimilation, les sommes versées au titre de la participation, de l'intéressement et de l'abondement ne peuvent être incluses dans l'assiette de calcul des indemnités conventionnelles de rupture ; que l'article 14 de l'annexe ingénieurs et cadres de la convention collective des industries chimiques prévoit que ''la base de calcul de l'indemnité de congédiement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de congédiement'' ou, si elle est plus favorable ''la moyenne des rémunérations mensuelles des 12 mois précédant le préavis de congédiement'' ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que ''il est vrai que l'intéressement, la participation et l'abondement n'existaient pas lors de la création de l'article 14 de l'avenant nº 3 en 1955'' ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir que l'assiette de calcul de l'indemnité d'accompagnement inclut les sommes allouées au salarié au titre de la participation, de l'intéressement et de l'abondement, sur le motif inopérant selon lequel lors des différentes révisions de la convention collective ''les parties à la convention collective applicable n'ont pas eu pour intention d'exclure du champ de l'article 14 de l'avenant nº 3 les sommes issues de dispositifs collectifs d'origine légale tels que la participation, l'intéressement ou l'abondement'', cependant que les sommes versées dans le cadre du régime légal de la participation et de l'intéressement ne sont pas expressément visées dans le texte de la convention collective, la cour d'appel a violé le principe de faveur, ensemble l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la Convention collective des industries chimiques ;

2°/ que l'interprétation d'une disposition obscure d'un accord collectif doit tenir compte des autres dispositions de l'accord qui peuvent la compléter, la préciser ou l'éclairer ; que l'article 14 de l'avenant relatif aux ingénieurs et cadres de la convention collective des industries chimiques définit d'abord l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement comme ''la rémunération mensuelle totale gagnée par le salarié'' puis vise, dans la liste des différents éléments qui composent cette rémunération individuelle, les ''participations au chiffre d'affaires ou aux résultats'' ; qu'il en résulte que ces ''participations au chiffre d'affaires ou aux résultats'' constituent les éléments de rémunération variable liés au chiffre d'affaires ou aux résultats ; qu'en retenant qu' ''il se déduit de la formulation large de ces stipulations que les parties à cet avenant ont entendu, d'une part, ne pas se limiter à la notion de salaire dont il n'est d'ailleurs pas fait référence et, d'autre part, retenir aussi bien les éléments de rémunération collectifs qu'individuels'', affirmant ainsi que l'article 14 renvoie aux sommes versées dans le cadre des dispositions légaux de la participation, de l'intéressement et d'abondement pour la fixation de l'assiette des indemnités conventionnelles de rupture, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la Convention collective des industries chimiques ;

3°/ que l'interprétation d'un accord collectif au moment de son application ne doit pas avoir pour effet d'en modifier la portée, ni de lui conférer un objet social différent de celui qu'il poursuivait lors de sa conclusion ; que les dispositifs légaux de l'intéressement et de la participation ont été créés respectivement en 1959 et 1967 ; qu'avant cette date, les sommes versées par l'employeur au salarié, pour l'associer aux résultats de l'entreprise, constituaient des éléments de salaire ; qu'en conséquence, l'article 14 de l'avenant ingénieurs et cadres de la convention collective des industries chimiques, qui résulte d'un avenant du 16 juin 1955, avait nécessairement pour objet, lors de son adoption, d'inclure dans l'assiette de l'indemnité de congédiement les éléments de rémunération variable liés au chiffre d'affaires ou aux résultats de l'entreprise ; que la création, postérieurement à l'adoption de ce texte, des dispositifs légaux de participation et d'intéressement visant à associer les salariés aux résultats de l'entreprise, par le versement de sommes qui ne constituent pas un salaire, n'a pu avoir pour effet de modifier l'objet de ces dispositions conventionnelles ; qu'en retenant que les sommes versées au titre de l'intéressement, de la participation et de l'abondement devaient être inclues dans l'assiette des indemnités conventionnelles de rupture, peu important que la définition de cette assiette résulte d'un texte antérieur à la création du régime légal de la participation et de l'intéressement, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la Convention collective nationale des industries chimiques ;

4°/ que le juge ne peut modifier l'interprétation de dispositions conventionnelles en considération de la loi en vigueur au moment de leur application que lorsque l'effet utile de cette loi ou les nécessités économiques et sociales qu'elle exprime le commandent ; qu'ainsi, si le juge peut donner au texte conventionnel un sens que les parties signataires n'avaient pu envisager lors de l'adoption de ce texte, en se fondant sur des dispositions légales entrées en vigueur après la conclusion de cet accord collectif, c'est uniquement pour éviter que la loi nouvelle ne soit privée d'effet utile ; qu'en l'espèce, la loi qui a créé les dispositifs de la participation, de l'intéressement et de l'abondement a expressément prévu que les sommes versées par l'employeur dans le cadre de ces dispositifs ne constituent pas des salaires et ne sont pas soumises au régime légal du salaire ; qu'en conséquence ni l'objet de la loi qui a créé ces dispositifs, ni l'effet utile des dispositions légales ne justifient d'interpréter les dispositions conventionnelles antérieures, qui définissent l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement en fonction de la rémunération mensuelle totale gagnée par le salarié comprenant les ''participations au chiffre d'affaires ou aux résultats'', comme incluant les sommes versées par l'employeur au titre de la participation, de l'intéressement ou de l'abondement ; qu'en retenant néanmoins que « l'intéressement, l'abondement et la participation sont des dispositifs dont l'objectif est d'associer les salariés aux résultats de leur entreprise. Il s'en déduit que les primes perçues en application de ces dispositions constituent non seulement ''des primes de toute nature'' mais également des ''participations au chiffre d'affaires ou aux résultats'' de la société ALFI » et « qu'il n'est ni allégué, ni justifié que les primes litigieuses constituent des ''gratifications exceptionnelles'', la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la Convention collective nationale des industries chimiques ;

5°/ qu'en se fondant sur les motifs impropres selon lesquels « si l'employeur soutient que, contrairement aux ingénieurs et aux cadres, les primes relatives à l'épargne salariale ne sont pas incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement des salariés non cadres et non ingénieurs au seul motif que les stipulations les concernant de la convention collective applicable et relatives à cette assiette ne font pas référence à l'expression ''participations au chiffre d'affaires ou aux résultats'', la société ALFI n'allègue ni ne justifie que cette différence de traitement, à la supposer établie, est étrangère à toute considération de nature professionnelle'' et selon lesquels ''s'il est vrai que la fixation du quantum des primes litigieuses nécessite que soit préalablement déterminé le résultat de l'exercice de référence, il n'est nullement justifié par l'employeur de l'impossibilité alléguée de prendre en considération les primes liées à l'année 2013 au titre de l'indemnité d'accompagnement fixée en 2014'', cependant que ces circonstances ne justifiaient pas que la participation, l'intéressement et l'abondement soient intégrées dans l'assiette de calcul de l'indemnité d'accompagnement au sens du texte conventionnel en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 de la Convention collective des industries chimiques. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres, modifié par l'accord du 3 mars 1970, attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, l'indemnité conventionnelle de licenciement est calculée sur la base de la rémunération totale mensuelle prenant notamment en compte les primes de toute nature y compris les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, à la seule exclusion des gratifications exceptionnelles.

7. Après avoir constaté que l'article 9.3.1. du plan de mobilité et de départ volontaire signé dans l'entreprise stipulait que le salaire brut mensuel de référence servant d'assiette à l'indemnité d'accompagnement versée au salarié, à la suite de la rupture d'un commun accord de son contrat de travail pour motif économique, était déterminé conformément à l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955, la cour d'appel, qui a relevé que les primes perçues au titre de l'intéressement, de l'abondement et de la participation constituaient non seulement des primes de toute nature mais également des participations au chiffre d'affaires ou aux résultats de la société et qui a constaté qu'il n'était ni allégué, ni justifié qu'elles étaient des gratifications exceptionnelles, en a exactement déduit que ces primes devaient être prises en considération dans la détermination du salaire de référence de l'indemnité d'accompagnement.

8. Le moyen, qui, pris en ses troisième et quatrième branches, manque par le fait qui lui sert de base, et qui, pris en sa cinquième branche, critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Air liquide France industrie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Air liquide France industrie et la condamne à payer à MM. [M], [R], [N], [T], [A], [Z], [I], [C], [K], [U], [D], Mmes [S], [F] et à la Fédération nationale CFE CGC des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes (CFE-CGC Chimie) la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.

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