22 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-19.768

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00753

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 novembre 2023




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 753 F-D

Pourvoi n° S 22-19.768




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023

M. [M] [E], domicilié [Adresse 3], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Nicobat, a formé le pourvoi n° S 22-19.768 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Nicobat, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [O] [G], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de gérant actuellement en exercice de la société Nicobat,

3°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [E], ès qualités, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 juin 2022), le 6 mars 2020, la société Nicobat a été mise en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 2 mars 2020 et M. [E] désigné en qualité de liquidateur.

2. Le 24 février 2021, le liquidateur a assigné la société Nicobat en report de la date de cessation des paiements au 4 septembre 2019. M. [G], dirigeant de la société Nicobat, est intervenu volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. M. [E], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Nicobat, fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il le déclare mal fondé en sa demande de report de la date de la cessation des paiements de la société Nicobat et l'en déboute, alors :

« 1°/ que la date de cessation des paiements d'une société en liquidation judiciaire peut être reportée au jour où celle-ci était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que le seul fait qu'une créance soit contestée par le débiteur, en défense à une demande tendant au report de la date de cessation des paiements, ne suffit pas à la rendre litigieuse, et ainsi à l'exclure du passif exigible ; qu'en se bornant à relever, pour refuser de tenir compte de deux créances invoquées par Me [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Nicobat, à l'appui de sa demande de report de la date de cessation des paiements, que les contestations émises par la société Nicobat et M. [G], dont l'objectif dilatoire n'était pas rapporté, conféraient à ces deux créances un caractère litigieux rendant impossible leur intégration dans le calcul du passif exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1, L 631-8 et L. 641-1, IV, du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que l'intégration d'une créance dans le passif exigible pris en compte pour fixer la date de cessation des paiements d'une société en liquidation judiciaire n'est pas subordonnée à l'existence d'un titre exécutoire la constatant ni à son admission au passif de la procédure collective ; que pour rejeter la demande de report de la date de cessation des paiements formulée par M. [E], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Nicobat, la cour d'appel a retenu, par motifs réputés adoptés, que les créances invoquées par ce dernier n'avaient pas été constatées par un titre exécutoire et n'avaient pas fait l'objet d'une admission au passif de la procédure de liquidation judiciaire ; qu'en se fondant ainsi sur des motifs impropres à exclure ces créances du passif exigible, la cour d'appel a violé les articles L. 631-1, L 631-8 et L. 641-1, IV, du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 631-1, L. 631-8 et L. 641-1, IV, du code de commerce :

4. Il résulte de ces textes que la date de cessation des paiements ne peut être reportée qu'au jour où le débiteur était déjà dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Pour sa détermination, il n'est pas nécessaire que les créances invoquées aient fait l'objet d'un titre exécutoire et seules peuvent être exclues du passif exigible les dettes incertaines, telle une créance litigieuse dont le sort définitif est lié à une instance pendante devant un juge du fond ou résultant d'une décision susceptible de recours.

5. Pour rejeter la demande de report de la date de cessation des paiements, l'arrêt retient par motifs propres, que les contestations émises par la société Nicobat et M. [G], dont l'objectif dilatoire n'est pas rapporté, confèrent à ces deux créances un caractère litigieux. Il ajoute, par motifs adoptés, que les créances invoquées par ce dernier n'ont pas été constatées par un titre exécutoire et n'ont pas fait l'objet d'une admission au passif de la procédure de liquidation judiciaire.

6. En se déterminant ainsi, alors que le seul fait qu'une créance soit contestée par le débiteur, en défense à une demande tendant au report de la date de cessation des paiements, ne suffit pas à la rendre litigieuse, la cour d'appel, qui a statué par des motifs, impropres à exclure ces créances du passif exigible, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. M. [E], ès qualités, fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel ne peut accueillir ou rejeter les demandes dont elle est saisie sans examiner tous les éléments de preuve qui lui sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, M. [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Nicobat, produisait, pour la première fois en cause d'appel, un contrat intitulé "demande d'ouverture de compte" conclu le 8 mars 2018 entre les sociétés Nicobat et Matériaux modernes qui, rapproché de bons de livraison signés par la société Nicobat, établissait le caractère certain de la créance de la société Matériaux modernes ; qu'en adoptant les motifs du jugement selon lesquels les contestations émises par la société Nicobat et M. [G] rendaient la créance de la société Matériaux modernes litigieuse, sans examiner, même succinctement, cet élément de preuve produit pour la première fois devant elle, la cour d'appel a violé les articles 455 et 563 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 455 et 563 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions.

9. Pour rejeter la demande de report de la date de cessation des paiements, l'arrêt retient que les contestations des créances invoquées par le liquidateur émises par la société Nicobat et M. [G], dont l'objectif dilatoire n'est pas rapporté, confèrent à ces créances un caractère litigieux.

10. En statuant ainsi, sans s'expliquer, même succinctement, sur le contrat intitulé « demande d'ouverture de compte » conclu le 8 mars 2018 entre les sociétés Nicobat et Matériaux modernes, produit pour la première fois devant elle, et dont le liquidateur soutenait que, rapproché de bons de livraison signés par la société Nicobat, il établissait le caractère certain de la créance de la société Matériaux modernes, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Nicobat aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Nicobat ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.

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