22 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-19.589

Chambre sociale - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2023:SO02085

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 novembre 2023




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 2085 FS-D

Pourvoi n° X 22-19.589




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 NOVEMBRE 2023

La société Aérokart, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 22-19.589 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2022 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [W] [J], épouse [F], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Aérokart, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [J] et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Mmes Grandemange, Douxami, Panetta, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er juin 2022), Mme [J] a été engagée le 21 décembre 2005 par la société Aérokart (la société) en qualité d'attachée commerciale. En dernier lieu, elle occupait le poste de directrice commerciale.

2. Le 7 décembre 2017, la société l'a convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement économique. Son contrat de travail a été rompu le 9 janvier 2018 après qu'elle a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait alors été proposé.

3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement pour motif économique de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui payer une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que s'il incombe au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique de licenciement au regard des critères posés par l'article L. 1233-3 du code du travail, il ne lui appartient pas de contrôler les choix de gestion de l'employeur ; qu'en l'espèce, pour considérer que le licenciement de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que suite à la fusion absorption de la société Immonel, la dotation aux amortissements sur immobilisations était passée de 95 498,90 euros en 2015 à 596 943,22 euros en 2016, et en a déduit que ''les résultats négatifs de la société Aérokart en 2016 évoqués dans la lettre de licenciement et ceux pressentis pour l'année 2017 résultent ainsi d'opérations comptables et fiscales et non d'une baisse d'activité de la société liée à un accroissement de la concurrence de sorte que les difficultés économiques sont en réalité factices'' ; qu'en se fondant ainsi sur le choix de gestion de la société Aérokart, concernant la fusion absorption de la société Immonel en 2016, pour apprécier le bien-fondé du licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Aux termes de ce texte, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° À des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° À des mutations technologiques ;
3° À une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° À la cessation d'activité de l'entreprise.

6. Il en résulte que s'il incombe au juge, tenu d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne lui appartient pas de contrôler les choix de gestion de ce dernier et leurs conséquences sur l'entreprise quand ils ne sont pas dus à une faute.

7. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le bilan comptable de l'année 2016 établit que la baisse du résultat d'exploitation et du résultat net est principalement due à la charge que constitue la dotation aux amortissements sur immobilisation qui est passée de 95 498, 90 euros en 2015 à 596 943,22 euros en 2016, provenant de la fusion-absorption avec la société Immonel, société sœur qui était structurellement déficitaire.

8. Il ajoute qu'aucune autre explication que l'intégration de la dotation aux amortissements sur immobilisation de la société Immonel, lors de cette fusion-absorption, ne justifie la différence entre les résultats d'exploitation de 2015 et de 2016.

9. Il relève également que le bilan comptable de l'année 2017 démontre que la dotation aux amortissements sur immobilisation est passée de 596 943,22 euros en 2016 à 827 688,01 euros en 2017 et mentionne également une augmentation des impôts, taxes et versements assimilés de 62 454,58 euros en 2017 ainsi qu'une augmentation des intérêts et charges assimilés de 15 000,39 euros, ces montants correspondant à environ 70/75 % de la baisse des résultats nets d'exploitation entre 2016 et 2017.

10. Il en déduit que les résultats négatifs de la société en 2016, évoqués dans la lettre de licenciement et ceux pressentis pour l'année 2017 résultent d'opérations comptables et fiscales et non d'une baisse d'activité de la société liée à un accroissement de la concurrence, de sorte que les difficultés économiques invoquées sont en réalité factices.

11. En statuant ainsi, alors qu'il ne lui appartenait pas de contrôler le choix de gestion et de réorganisation effectué par l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

12. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents, alors « que l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail et cette rupture du contrat de travail ne comporte ni préavis, ni indemnité compensatrice de préavis ; qu'en l'espèce, il est constant que la salariée a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle et que son contrat de travail a été rompu le 9 janvier 2018 ; que partant, la cassation à intervenir sur le premier moyen, qui reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement pour motif économique de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, entraînera par voie de conséquence la cassation des chefs du dispositif visés par le second moyen, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

13. En application de ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

14. La cassation prononcée sur le premier moyen emporte la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif qui condamnent l'employeur à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [J] de ses demandes en paiement par la société Aérokart de sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires effectuées et d'indemnités pour travail dissimulé ainsi que pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 1er juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne Mme [J], épouse [F], aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.