22 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-11.238

Chambre sociale - Formation mixte

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO02095

Titres et sommaires

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Atteinte - Applications diverses - Action fondée sur l'application du principe d'égalité de traitement - Cas - Demande d'augmentations générales de salaire revalorisées - Augmentation au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique - Portée

Il résulte de l'article L. 2132-3 du code du travail qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte. Fait une exacte application de ce texte la cour d'appel qui juge que relève de la défense de l'intérêt collectif de la profession, l'action d'un syndicat, fondée sur le principe d'égalité de traitement, tendant d'une part à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, et d'autre part, à mettre fin à l'inégalité invoquée, la circonstance que seuls quelques salariés de l'entreprise seraient concernés par la violation du principe d'égalité de traitement alléguée étant sans incidence sur le droit d'agir du syndicat

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Atteinte - Applications diverses - Action fondée sur l'application du principe d'égalité de traitement - Demande tendant à mettre fin à une inégalité - Cas - Portée

Texte de la décision

SOC.

ZB1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 novembre 2023




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 2095 FS-B

Pourvoi n° V 22-11.238


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 NOVEMBRE 2023

La société Thales Dis France, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Gemalto, a formé le pourvoi n° V 22-11.238 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant au syndicat CGT Gemalto Sud, dont le siège est chez M. [K] [M], [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Thales Dis France, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat du syndicat CGT Gemalto Sud, les plaidoiries de Me Waquet et de Me Bouniol-Brochier, et l'avis de Mme Berriat, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Monge, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, M. Rouchayrole, Mme Bouvier, M. Flores, Mmes Deltort, Bérard, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, Lanoue, Thomas-Davost, Techer, Ollivier, Rodrigues, Arsac, conseillers référendaires, Mme Berriat, premier avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mars 2021), le 15 juillet 2014, le syndicat CGT Gemalto Sud (le syndicat) a saisi la juridiction prud'homale afin qu'il soit jugé que les augmentations générales des salaires au sein de la société Thales Dis France (la société) soient opérées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, qu'il soit ordonné, sous astreinte, la rectification des bulletins de salaire sur trois ans, pour obtenir le paiement de dommages-intérêts et, subsidiairement, qu'il soit ordonné une expertise.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du syndicat tendant à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique

Enoncé du moyen

2. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du syndicat en ce qu'elle tend à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, alors « que n'est pas recevable l'action en justice d'un syndicat visant, sous couvert d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, à défendre en réalité exclusivement les intérêts particuliers de quelques salariés ; qu'en considérant que l'augmentation générale annuelle des salaires basée sur des tranches de salaire pour tous les salariés et non sur la catégorie professionnelle de chaque salarié permet de caractériser une inégalité de traitement en se fondant sur la circonstance que M. [F], M. [M], M. [X], Mme [U] et Mme [D], salariés exerçant tous la fonction d'opérateur relevant de la catégorie "ouvriers" et ayant tous engagé une procédure prud'homale fondée sur le fait qu'ils auraient été victimes d'une inégalité de traitement ou d'une discrimination dès lors qu'une partie de leurs salaires aurait été fixée de manière discrétionnaire par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »









Réponse de la Cour

3. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

4. Il en résulte qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.

5. L'arrêt retient que l'action du syndicat tend, sur le fondement de l'égalité de traitement, à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique.

6. La cour d'appel en a déduit à bon droit que l'action du syndicat, qui tend à la reconnaissance d'une irrégularité au regard du principe de l'égalité de traitement et à mettre fin à cette irrégularité, relève de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la circonstance que seuls quelques salariés de l'entreprise seraient concernés par la violation du principe d'égalité de traitement alléguée étant sans incidence sur le droit d'agir du syndicat.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les augmentations générales de salaire devront être revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique et de condamner l'employeur au paiement d'un euro de dommages-intérêts au syndicat

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que les augmentations générales de salaire devront être revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique et de le condamner au paiement d'un euro de dommages-intérêts au syndicat, alors « que la décision unilatérale de l'employeur de procéder à une augmentation générale annuelle des salaires basée sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle des




salariés n'est pas contraire au principe d'égalité de traitement ; qu'en jugeant le contraire au motif inopérant que les salaires des opérateurs qui relèvent.
de la catégorie ''ouvriers'' dépendent en partie de formations laissées à la libre appréciation de l'employeur, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une inégalité de traitement, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail ensemble le principe d'égalité de traitement. »

Réponse de la Cour

Vu le principe d'égalité de traitement :

9. En application de ce principe, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables.

10. Pour faire droit à la demande du syndicat, l'arrêt relève, d'abord, qu'au sein de la société, l'évolution de carrière des opérateurs est régie par un système basé sur la comptabilisation de points obtenus par la validation de formations qualifiantes, ensuite, qu'il ressort du guide de gestion des « métiers opérateurs » que la maîtrise d'une compétence suppose que soit respecté un processus comprenant trois étapes : formation, mise en oeuvre, validation et que ce n'est qu'à l'issue de cette troisième étape, en fin de cursus, que l'entreprise reconnaît l'évolution de qualification.

11. Il relève encore que la décision d'engager un opérateur en formation sur une nouvelle compétence est un acte de management réalisé par la hiérarchie et que la validation d'une compétence n'est possible que si la personne a été sélectionnée, si elle a reçu la formation correspondante et si elle a démontré sa capacité à maîtriser la compétence.

12. Il ajoute qu'il ressort du tableau produit par le syndicat, formalisant la décision unilatérale de la société et dont les données ne sont pas contestées par celle-ci, que dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, qui est intervenue les 17 et 29 janvier 2013 et qui a donné lieu à un procès-verbal de désaccord le 11 février 2013, il a été procédé à une augmentation générale annuelle des salaires basée sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle de chaque salarié.

13. Il en déduit que cet élément de fait est susceptible de caractériser une inégalité de traitement.






14. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi le fait de fonder une augmentation générale des salaires sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle des salariés constituerait un élément susceptible de caractériser une inégalité de traitement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les augmentations générales de salaire devront être revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, en ce qu'il condamne la société Thales Dis France à payer au syndicat CGT Gemalto Sud la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 5 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.

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