16 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-14.089

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C300751

Texte de la décision

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 751 F-D

Pourvoi n° U 22-14.089




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023

La société Saint-Jean de Monts, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 22-14.089 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [B] [K], épouse [R],

2°/ à M. [F] [R],

domiciliés tous deux [Adresse 2] (Royaume-Uni),

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Saint-Jean de Monts, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. et Mme [K], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 janvier 2022), le 13 mai 2003, M. et Mme [R] (les bailleurs) ont donné à bail à une société, aux droits de laquelle est venue la société Saint-Jean de Monts (la locataire), une villa située dans une résidence de tourisme exploitée par la locataire.

2. Le bail commercial comprenait une clause de renonciation de la locataire à son droit au paiement d'une indemnité d'éviction.

3. Le 28 juin 2013, les bailleurs ont délivré à la locataire un congé avec refus de renouvellement, à effet au 31 décembre suivant, sans offre d'indemnité d'éviction.

4. Le 1er juillet 2015, la locataire a assigné les bailleurs en annulation du congé, indemnisation du préjudice résultant de sa dépossession et restitution des locaux loués ou, subsidiairement, en paiement d'une indemnité d'éviction.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer valable le congé, sans droit au renouvellement ni indemnité d'éviction, délivré le 28 juin 2013 de déclarer prescrite son action en nullité de la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction et de rejeter ses demandes, alors « qu'il résulte de l'article 2 du code civil que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées ; que l'article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui a substitué à la nullité des clauses, stipulations et arrangements ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le chapitre IV du code de code de commerce, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours et aux baux dont les effets ne sont pas définitivement réalisés lors de l'entrée en vigueur de cette loi ; que pour écarter la sanction du caractère réputé non écrit de la clause par laquelle le preneur renonce par avance à l'indemnité d'éviction, l'arrêt attaqué retient que l'article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, ne peut pas concerner le bail en cause en ce que la situation juridique qui lui était applicable s'est éteinte le 31 décembre 2013 par l'effet du congé comportant refus de renouvellement sans indemnité d'éviction ; qu'en statuant ainsi quand la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction avait pour effet de faire échec, à l'échéance du bail, au droit au renouvellement et que la locataire a assigné les bailleurs, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, en nullité du congé et en paiement d'une indemnité d'éviction dont les modalités restaient à définir, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil et l'article L. 145-15 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article 2 du code civil qu'une loi nouvelle ne saurait, sans rétroactivité, régir les effets des situations juridiques définitivement réalisés avant son entrée en vigueur.

7. L'article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce leur caractère réputé non écrit, n'est pas applicable aux baux ayant pris fin avant l'entrée en vigueur de cette loi sans ouvrir de droit au renouvellement du locataire.

8. Ayant constaté que le bail commercial stipulait une clause de renonciation du locataire à son droit au renouvellement du bail et que le congé délivré par les bailleurs sans offre de renouvellement ni indemnité d'éviction avait mis fin au bail le 31 décembre 2013, la cour d'appel a exactement retenu que la situation juridique s'était éteinte à cette date, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 et que cette loi n'était pas applicable.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. La locataire fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'exception de nullité est perpétuelle ; que la société Saint-Jean de Monts agissait non par voie d'action mais par voie d'exception en contestant l'application de la clause portant renonciation du locataire à l'indemnité d'éviction invoquée par les bailleurs, qui lui avaient donné congé avec refus de renouvellement du bail, pour s'opposer à la demande de paiement d'une indemnité d'éviction ; qu'en retenant que la société Saint-Jean de Monts avait agi en l'espèce, non par voie d'exception, mais par voie d'action en ce qu'elle a saisi la première juridiction d'une demande de paiement d'une indemnité d'éviction en se prévalant du statut d'ordre public des baux commerciaux et en contestant ainsi l'application de la clause l'excluant, la cour d'appel a violé l'article L 145-60 du code de commerce, ensemble le principe selon lequel l'exception est perpétuelle. »

Réponse de la Cour

11. La règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne peut être invoquée qu'en tant que moyen de défense opposé à une demande d'exécution d'un acte irrégulièrement passé et non par le demandeur qui agit par voie d'action.

12. Ayant retenu que la locataire avait assigné les bailleurs en nullité du congé et de la clause de renonciation au versement d'une indemnité d'éviction, la cour d'appel en a exactement déduit que la locataire avait agi par voie d'action, de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir de l'exception de nullité.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Saint-Jean de Monts aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Saint-Jean de Monts et la condamne à payer à M. et Mme [R] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.

Le conseiller referendaire rapporteur le president






Le greffier de chambre

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