16 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-18.908

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C300740

Texte de la décision

CIV. 3

JL




COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 740 F-D

Pourvoi n° H 22-18.908



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023

La société Saint Fargeau, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 22-18.908 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre, 2e section), dans le litige l'opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 1]/ [Adresse 3], [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1], représenté par son syndic Mme [H] [U], épouse [I], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à Mme [H] [U], épouse [I], domiciliée [Adresse 1],

3°/ à Mme [L] [U], épouse [R], domiciliée [Adresse 5] (Royaume-Uni),

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Saint Fargeau, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 1] à [Localité 4] et de Mmes [H] et [L] [U], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 mars 2022), le 23 janvier 2012, la société Saint Fargeau (la société) a acquis de Mmes [H] et [L] [U] (les venderesses) le lot n° 85 correspondant à la totalité du bâtiment B, dans un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 4] et soumis au régime de la copropriété.

2. Elle a obtenu, le 18 octobre suivant, un permis de construire pour transformer ces locaux en un bâtiment à usage commercial et hôtelier, et l'assemblée générale des copropriétaires, le 5 mai 2014, a autorisé la mise en conformité du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division à cette autorisation d'urbanisme.

3. Le 6 septembre 2018, l'assemblée générale des copropriétaires a rejeté les demandes d'autorisation de travaux présentées par la société.

4. La société a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à [Localité 4] (le syndicat des copropriétaires) en autorisation desdits travaux et en annulation des résolutions n° 4 à 7 adoptées par l'assemblée générale du 6 septembre 2018. Elle a également assigné les venderesses en responsabilité contractuelle.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première à quatrième et septième branches, le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'autorisation judiciaire des travaux refusés par les résolutions n° 4 à 7 de l'assemblée générale des copropriétaires du 6 septembre 2018, alors :

« 5°/ que la société Saint Fargeau a fait valoir que le manque total d'objectivité de l'architecte du syndicat des copropriétaires se trouvait lié aux
instructions reçues de son donneur d'ordre et y a opposé des notes ou rapports d'architectes, experts, bureaux d'études et contrôleurs techniques qu'elle a produits, en particulier en ce qui concerne l'issue de secours, faisant valoir sur ce point que les travaux envisagés étaient des travaux d'amélioration, excluant nécessairement toute emprise sur les parties communes ; qu'elle s'est appuyée sur la note technique de M. [B], expert, du 11 juin 2019, précisant que le projet devait absolument comporter deux dégagements répartis l'un vers la [Adresse 6], l'autre vers la cour intérieure de l'immeuble, pour permettre l'ouverture de l'exploitation au public et assurer la sécurité de l'exploitation hôtelière, et que les travaux envisagés constituaient un impératif d'intérêt public ; que pour rejeter la demande d'autorisation judiciaire de réaliser les travaux relatifs à l'issue de secours sur cour, la cour d'appel a considéré qu' « il résulte des rapports de l'architecte de la copropriété (…) que "l'emprise de la rampe d'accès dans la cour est importante", rendant "probablement nécessaire de consolider la dalle" couvrant l'extension du premier sous-sol formant cette cour, la ventilation du garage est limitée à deux endroits (…), la rampe empêche la sortie sur cour de l'appartement du rez-de-chaussée, elle condamne le siphon d'évacuation des eaux de pluie sur la cour, elle nécessite de déplacer la fontaine, un morceau de l'édicule servant à la ventilation du garage doit être supprimé » ; qu'en statuant ainsi sans répondre au moyen soulevé par la société Saint Fargeau et s'expliquer sur les pièces qu'elle avait produites, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que doivent être autorisés judiciairement tous travaux d'amélioration conformes à la destination de l'immeuble et ne portant pas atteinte aux droits des autres copropriétaires qui ont été refusés par l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'en l'espèce, pour refuser d'autoriser les travaux envisagés en façade sur cour comme sur rue qui avaient été refusés par les résolutions 4 et 5 de l'assemblée générale des copropriétaires du 6 septembre 2018, la cour d'appel a considéré qu'ils participaient du même projet modificatif du permis de construire de 2012 que les travaux envisagés quant à l'issue de secours sur rue qui avaient été refusés ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a relevé que les travaux envisagés en 2018 impliquaient une ouverture et un droit de passage sur la cour qui emportaient modification du règlement de copropriété quant à la jouissance d'une partie commune spéciale au bâtiment A.

8. Elle a retenu, par motifs propres et adoptés, d'une part, que l'emprise de la rampe d'accès dans la cour était importante, rendant probablement nécessaire de consolider la dalle, que la rampe empêchait la sortie sur cour de l'appartement du rez-de-chaussée, condamnait le siphon d'évacuation des eaux de pluie sur la cour, et nécessitait le déplacement de la fontaine, et qu'une partie de l'édicule servant à la ventilation du garage devrait être supprimée, et, d'autre part, que les travaux portant sur les façades participaient du même projet modifié, dès lors qu'ils étaient en cohérence avec la création de l'issue de secours sur la cour.

9. Appréciant souverainement la portée des pièces produites et sans être tenue de suivre la société dans le détail de son argumentation, elle a pu en déduire que les travaux envisagés relevaient de l'article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

10. La société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation des résolutions n° 4 à 7 de l'assemblée générale du 6 septembre 2018, alors :

« 2°/ que constitue un abus de majorité le refus injustifié par l'assemblée générale d'autoriser l'exécution de travaux nécessaires pour assurer la sécurité d'un établissement recevant du public ; qu'en l'espèce, la société Saint Fargeau a fait valoir, en s'appuyant sur une note de M. [B] du 26 juillet 2019, que les solutions alternatives proposées par la société Socotec à la création d'une issue de secours sur cour ne respectaient pas, pour l'une, les prescriptions réglementaires exigeant deux dégagements de secours, nécessitant au contraire une demande de dérogation auprès de la commission de sécurité, et, pour la seconde, entraînaient un important surcoût dans l'opération dès lors que le dégagement créé neutralisait une surface importante au rez-de-chaussée ; que pour débouter la société Saint Fargeau de sa demande d'annulation des résolutions 4 à 7 de l'assemblée générale du 6 septembre 2018, la cour d'appel a retenu qu'elle ne démontrait pas avoir vainement tenté de mettre en œuvre les solutions alternatives proposées par la société Socotec à la création d'une issue de secours sur cour ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions invoquant les inconvénients de ces solutions alternatives ni tenir compte de la note complémentaire de M. [B], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le refus d'effectuer les travaux sollicité par un copropriétaire est abusif lorsqu'il n'est pas justifié par des motifs sérieux ; qu'en l'espèce, pour débouter la société Saint Fargeau de sa demande d'annulation des résolutions n° 4 à 6 de l'assemblée générale, la cour d'appel a considéré, par motifs adoptés, que les travaux envisagés portaient atteinte aux droits des copropriétaires du bâtiment A sur leurs parties communes spéciales ; qu'en statuant ainsi tout en relevant, par motifs propres, que la société Saint Fargeau disposait de droits indivis sur le sol de la cour sur laquelle l'issue de secours envisagée devait déboucher et que le règlement de copropriété n'interdisait pas la communication entre les bâtiments A et B, si bien que la création d'une issue de secours sur la cour, serait-elle spéciale aux copropriétaires du bâtiment A, ne portait pas atteinte aux droits des copropriétaires de ce bâtiment, l'issue de secours envisagée ne nécessitant qu'un droit de passage exceptionnel en cas d'incendie, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

11. Il appartient à celui qui invoque un abus de majorité de rapporter la preuve que la décision est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou qu'elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires.

12. La cour d'appel, relevant que la société ne démontrait pas l'intention de nuire des autres copropriétaires, a constaté qu'elle ne disposait d'aucun droit indivis sur la dalle couvrant le sol de la cour, partie commune spéciale au bâtiment A affectée par les travaux, et retenu que le règlement de copropriété organisait l'isolement du bâtiment B à usage d'hôtel par rapport au bâtiment A et à la cour.

13. Appréciant souverainement la portée des rapports techniques produits, elle a retenu que la société n'était pas fondée à soutenir que la création de d'une issue de secours sur la cour était une exigence de sécurité pour l'exploitation de son lot à usage d'hôtel, ni qu'elle constituait une mise en conformité indispensable à cette destination, au regard, notamment, des solutions alternatives existantes.

14. Ayant fait ressortir que les travaux envisagés affectaient les droits des copropriétaires, et sans être tenue de suivre la société dans le détail de son argumentation, la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Saint Fargeau aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Saint Fargeau et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 1] à [Localité 4], à Mmes [H] et [L] [U] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.

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