16 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-11.275

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C300738

Texte de la décision

CIV. 3

JL




COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 738 F-D

Pourvoi n° K 22-11.275




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023

1°/ La société La Casa, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par la société [M] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, prise en la personne de Mme [D] [M], domiciliée [Adresse 1],

2°/ la société Stuart-Dionet immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° K 22-11.275 contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant à la société Carrefour proximité France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat des sociétés La Casa, [M] Yang-Ting, ès qualités, et Stuart-Dionet immobilier, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Carrefour proximité France, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 2021), le 6 mars 2015, la société La Casa (la cédante), titulaire d'un bail commercial consenti par la société civile immobilière La Ferme de la Villette (la bailleresse), a conclu une promesse synallagmatique de cession de son droit au bail au profit de la société Carrefour proximité France (la cessionnaire) par l'entremise de la société Stuart-Dionet immobilier.

2. Faisant valoir que son consentement avait été vicié par l'ignorance de ce que la bailleresse n'était pas propriétaire du local mais titulaire d'un bail à construire consenti par la Caisse des dépôts et consignations, la cessionnaire a assigné la cédante en restitution de la somme versée à titre d'indemnité d'immobilisation.

3. La société Stuart-Dionet immobilier a assigné la cédante en indemnisation de la perte de sa commission.

4. Les deux instances ont été jointes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société La Casa, agissant en la personne de son liquidateur judiciaire, la société [M] Yang-Ting et la société Stuart-Dionet immobilier font grief à l'arrêt de condamner la première à rembourser à la cessionnaire la somme correspondant à l'indemnité d'immobilisation, alors :

« 1°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme cela lui était demandé par la société La Casa dans ses conclusions d'appel, si la clause figurant à la page 2 de la promesse synallagmatique de cession du droit au bail du 6 mars 2015 selon laquelle « En outre, ledit bail a été consenti sous diverses charges et conditions que le bénéficiaire déclare parfaitement connaître par la communication qui lui en a été faite, préalablement à la signature des présentes » n'établissait pas à elle seule la parfaite connaissance par la société Carrefour proximité France de la situation juridique du droit au bail avant de signer ladite promesse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'en tout état de cause, la charge de la preuve de l'erreur repose sur le demandeur à la nullité ; qu'en relevant, pour conclure à la démonstration de la réalité de l'erreur invoquée par la société Carrefour proximité France, que « la société La Casa ne démontre pas que les conventions antérieures au 12 septembre 2011 ont été portées à la connaissance de la société Carrefour proximité France avant la signature de la promesse », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 et 1110 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige ;

3°/ qu'en considérant, pour annuler la promesse de vente en date du 6 mars 2015 conclue entre les sociétés La Casa et Carrefour proximité France et ordonner la restitution de l'indemnité d'immobilisation, que la preuve n'est pas rapportée de la connaissance par la déclarante, la société Carrefour proximité France, de l'existence d'un bail à construction au moment du dépôt de la déclaration préalable de travaux en date 23 février 2015 ayant abouti à l'arrêté du 9 avril 2015 au motif que « les parties ne produisent pas le dossier d'urbanisme ayant abouti à cet arrêté » sans rechercher, comme l'y invitait la société La Casa, si la société Carrefour n'avait pu obtenir cet arrêté favorable qu'en ayant une parfaite connaissance de la situation juridique des locaux et de l'identité du bailleur et propriétaire de ceux-ci, soit, en l'occurrence, la Caisse des dépôts et consignations, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige, ensemble les articles R. 431-16, R. 431-16 et R. 423-1 du code de l'urbanisme ;

4°/ qu'en relevant que l'erreur de droit commise par la société Carrefour proximité France serait excusable malgré la publication au fichier immobilier du bail à construction aux motifs « qu'il n'est pas d'usage pour un candidat locataire d'effectuer par lui-même des recherches sur la nature du droit du bailleur » sans prendre en considération la qualité de professionnelle de cette société dans le domaine de l'installation de supérette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

6. L'erreur qui porte sur l'objet même du contrat fait obstacle à la rencontre des consentements, de sorte que, fût-elle inexcusable, elle entraîne la nullité de la convention.

7. Premièrement, la cour d'appel a constaté que l'objet de la convention portait sur la cession d'un droit au bail, lequel s'entend principalement comme le droit au renouvellement de ce bail découlant du statut des baux commerciaux, et que ni la promesse de cession, ni le bail consenti le 12 septembre 2011 à la cessionnaire ne mentionnaient que la bailleresse n'était pas propriétaire mais preneur à bail à construction du local concerné.

8. Deuxièmement, elle a relevé que le projet de bail commercial au profit de la cessionnaire, mentionnant l'origine de propriété de la bailleresse, avait été établi postérieurement au contrat litigieux.

9. Ayant souverainement relevé que le droit réel temporaire dont disposait la bailleresse sur le local affectait directement l'objet même du contrat de cession, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux moyens inopérants visés par les première et quatrième branches, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu, par ces seuls motifs et sans inverser la charge de la preuve, retenir que le consentement de la cessionnaire avait été vicié.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société La Casa, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la société [M] Yang-Ting et la société Stuart-Dionet immobilier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Casa, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la société [M] Yang-Ting et la société Stuart-Dionet immobilier et les condamne à payer à la société Carrefour proximité France la somme de 3 000 euros ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.

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