16 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.567

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C201141

Titres et sommaires

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Surendettement - Procédure de rétablissement personnel sans liquidation personnelle - Clôture - Effacement des dettes - Exclusion - Cas - Créance de prestations sociales indues versées avant l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel

Il résulte de l'article L. 332-5 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, alors en vigueur, que les dettes nées après l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ne sont pas effacées par cette procédure. La créance de restitution de prestations sociales indues naît à la date du paiement de ces prestations. Dès lors, doit être cassée la décision qui refuse d'annuler une contrainte délivrée pour obtenir le recouvrement de prestations indues ayant, pour partie, été versées à l'allocataire antérieurement à l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Surendettement - Procédure de rétablissement personnel - Clôture - Effacement des dettes - Etendue - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2023




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1141 F-B

Pourvoi n° Z 21-25.567







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023

M. [F] [M], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 21-25.567 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la caisse d'allocations familiales de l'Isère, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. [M], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 octobre 2021), ayant été informée le 22 avril 2013 par M. [M] (l'allocataire) du changement de sa situation professionnelle intervenu le 28 novembre 2011, la caisse d'allocations familiales de l'Isère (la caisse) a réclamé à ce dernier, le 3 juillet 2013, le remboursement d'un indu au titre de l'allocation aux adultes handicapés, de la majoration pour la vie autonome et de l'allocation de logement sociale, dont il avait bénéficié du 1er novembre 2011 au 30 avril 2013.

2. À la suite d'une mise en demeure délivrée le 11 décembre 2015, la caisse a décerné à l'allocataire une contrainte le 24 mars 2016, à l'encontre de laquelle celui-ci a formé opposition devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'allocataire fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « qu'il résulte de l'article L. 332-5 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, c'est-à-dire celle antérieure à la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, que le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendu exécutoire par le juge du tribunal d'instance entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, à l'exception de certaines dettes limitativement énumérées ; que sont notamment effacées les dettes à l'égard des organismes de sécurité sociale, dès lors qu'elles n'ont pas une origine frauduleuse établie, soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par le directeur de l'organisme concerné ; qu'en cas de paiement indu de prestations sociales, l'obligation de remboursement pesant sur l'allocataire naît au moment du paiement, et non au moment de la notification de l'indu par l'organisme payeur ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué, d'une part, que l'allocataire avait fait l'objet d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendue exécutoire par une ordonnance du 14 décembre 2012, d'autre part, que l'indu notifié en juillet 2013 à l'assuré par la caisse portait sur des paiements effectués du 1er novembre 2011 au 30 avril 2013, s'agissant de l'allocation aux adultes handicapés et de la majoration pour la vie autonome, et du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013, s'agissant de l'allocation de logement sociale ; qu'ainsi, la cour d'appel a elle-même mis en lumière que l'indu notifié par la caisse concernait, en partie, des paiements antérieurs à l'ordonnance ayant rendu exécutoire le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de l'allocataire ; que la cour d'appel a cependant retenu que l'obligation de remboursement de l'indu subsistait entièrement, nonobstant la mesure de rétablissement personnel, au motif, non pertinent, que l'indu avait été notifié postérieurement à cette mesure ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article L. 332-5 susmentionné du code de la consommation, les articles L. 821-5-1 et L. 835-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, ainsi que les articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 332-5 du code de la consommation, alors en vigueur, et L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale :

4. Selon le premier de ces textes, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendu exécutoire par le juge du tribunal d'instance entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, à l'exception des dettes visées à l'article L. 333-1, de celles mentionnées à l'article L. 333-1-2 et des dettes dont le prix a été payé aux lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques. Le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne aussi l'effacement de la dette résultant de l'engagement que le débiteur a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société. Le greffe procède à des mesures de publicité pour permettre aux créanciers qui n'auraient pas été avisés de la recommandation de la commission de former tierce opposition à l'encontre de la décision du juge lui conférant force exécutoire. Les créances, dont les titulaires n'auraient pas formé tierce opposition dans un délai de deux mois à compter de cette publicité, sont éteintes.

5. Il résulte de ce texte que les dettes nées après l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ne sont pas effacées par cette procédure.

6. Il résulte du second de ces textes que la créance de restitution de prestations sociales indues naît à la date du paiement des prestations indues.

7. Pour retenir que la créance de restitution des prestations sociales indues n'était pas éteinte par l'effet de l'ordonnance du 14 décembre 2012 conférant force exécutoire au rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, l'arrêt retient que ce n'est qu'à la date du courrier de l'allocataire du 22 avril 2013 que la caisse a été effectivement informée du changement de situation professionnelle de ce dernier intervenu le 28 novembre 2011, justifiant le réexamen de ses droits. Il en déduit que la caisse n'en avait pas connaissance lors de la procédure de surendettement.

8. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que les prestations indues avaient, pour partie, été versées à l'allocataire antérieurement à l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen relevé d'office

9. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, applicable au litige :

10. Selon ce texte, pour le recouvrement d'une prestation indûment versée, le directeur d'un organisme de sécurité sociale peut, dans les délais et selon les conditions fixés par les articles R. 133-3 et suivants, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.

11. L'allocation de logement sociale, qui est une aide personnelle au logement liquidée et payée, pour le compte du Fonds national d'aide au logement, par les organismes chargés de gérer les prestations familiales, n'est pas au nombre des prestations susceptibles de donner lieu au recouvrement d'un indu par voie de contrainte par application du texte susvisé.

12. L'arrêt valide la contrainte décernée par la caisse aux fins, notamment, de recouvrement d'un indu d'allocation de logement sociale.

13. En statuant ainsi, alors que le litige dont elle était saisie se rapportait, pour partie, au recouvrement forcé d'un indu d'allocation de logement sociale, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'opposition formée par M. [M] à la contrainte du 24 mars 2016, l'arrêt rendu le 19 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Condamne la caisse d'allocations familiales de l'Isère aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse d'allocations familiales de l'Isère à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.

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