16 novembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-14.638

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C201123

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Rémunérations - Définition - Exclusion - Cas - Indemnités de congés payés versées par une caisse de congés

Il résulte des articles L. 242-1, alinéas 1er et 7, L. 243-1-3, 2°, et D. 242-1, I, du code de la sécurité sociale que la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale au sens du troisième de ces textes, pour le calcul du montant du plafond de 5 % de la sécurité sociale qu'il prévoit, ne comprend pas les indemnités de congés payés versées par une caisse de congés dès lors que la rémunération qui sert de référence au calcul de la limite de l'exclusion d'assiette prévue en son I, b), est celle soumise à cotisations de sécurité sociale définies au premier de ces textes qui comprend seulement les rémunérations versées par l'employeur


SECURITE SOCIALE - Cotisations - Recouvrement - Action en recouvrement - Procédure - Observations de l'inspecteur du recouvrement - Seul constat de l'absence de mise en conformité - Application de la majoration - Portée

Aux termes de l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue d'un contrôle réalisé en application de l'article L. 243-7 est majoré de 10 % en cas de constat d'absence de mise en conformité. Un tel constat est dressé lorsque l'employeur n'a pas pris en compte les observations notifiées lors d'un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non. Il en résulte que la majoration de 10 % est due sur le seul constat que les observations notifiées lors d'un précédent contrôle n'ont pas été respectées par la personne contrôlée, alors même qu'il n'était pas mentionné dans la lettre d'observations établie à l'issue de ce contrôle la nécessité d'une mise en conformité et qu'une contestation sur le bien-fondé du redressement avait été formée

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2023




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1123 F-B

Pourvoi n° R 22-14.638



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Normandie, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie, a formé le pourvoi n° R 22-14.638 contre l'arrêt n° RG : 19/03438 rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Normandie, venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 février 2022), la société [3] (la société), a fait l'objet d'un contrôle sur les années 2015 à 2017, ayant donné lieu à une lettre d'observations de l'URSSAF de Basse-Normandie, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Normandie (l'URSSAF) du 8 juin 2018, puis à une mise en demeure du 4 septembre 2018 et à une contrainte du 29 octobre 2018, au titre de majorations de redressement et de retard.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler les chefs de redressement n° 6 (prévoyance complémentaire) et n° 7 (retraite supplémentaire), alors « que sont exclues de l'assiette des cotisations sociales les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite versées aux bénéfice de leurs salariés, pour une fraction n'excédant pas, notamment, 5 % de la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance n'excédant pas, notamment, 1,5 % de la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale ; que les indemnités de congés payés versées directement par une caisse de congés payés, comme la caisse de congés payés du bâtiment, à laquelle l'employeur cotise et qui se substitue à ce dernier vis-à-vis des salariés, ne sont pas à prendre en compte dans l'assiette de rémunération servant au calcul des limites d'exonération de cotisations sociales des contributions patronales au financement du régime de retraite complémentaire et du régime de prévoyance complémentaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans ses versions en vigueur du 1er janvier 2013 au 23 décembre 2015, du 23 décembre 2015 au 1er janvier 2016, du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2017 et du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018 ainsi que l'article D. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 7 janvier 2012 au 30 septembre 2018. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 242-1, L. 243-1-3 et D. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions successives applicables au litige :

4. Aux termes de l'alinéa 1er du premier de ces textes, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail.

5. Aux termes de ce même texte, sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés.

6. Aux termes du troisième de ces textes, les contributions des employeurs au financement d'opérations de retraite mentionnées au septième alinéa de l'article L. 242-1 sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale propre à chaque assuré, pour une fraction n'excédant pas la plus élevée des deux valeurs suivantes : a) 5 % du montant du plafond de la sécurité sociale ; b) 5 % de la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1, déduction faite de la part des contributions des employeurs destinées au financement de prestations complémentaires de retraite et de prévoyance soumise à cotisations de sécurité sociale, la rémunération ainsi calculée étant retenue jusqu'à concurrence de cinq fois le montant du plafond de la sécurité sociale.

7. Aux termes du deuxième de ces textes, au titre des périodes de congés des salariés des employeurs affiliés aux caisses de congés mentionnées à l'article L. 3141-32 du code du travail, les cotisations et contributions auprès des organismes de recouvrement sont acquittées dans les conditions suivantes : 2° Pour les cotisations de sécurité sociale et les contributions mentionnées à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale et au 1° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, les caisses de congés payés mentionnées à l'article L. 3141-32 du code du travail effectuent, avant la fin du mois au cours duquel les cotisations leur sont versées, un versement égal au produit du montant des cotisations encaissées par les caisses de congés payés, par un taux fixé par décret, en fonction des taux de cotisations et contributions en vigueur. Le cas échéant, ce versement fait l'objet d'un ajustement dans des conditions fixées par décret, sur la base des montants d'indemnités de congés payés effectivement versés.

8. Il résulte de ces textes que la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale au sens de l'article D. 242-1, I, du code de la sécurité sociale, pour le calcul du montant du plafond de 5 % de la sécurité sociale qu'il prévoit, ne comprend pas les indemnités de congés payés versées par une caisse de congés mentionnée à l'article L. 3141-32 du code du travail, dès lors que la rémunération qui sert de référence au calcul de la limite de l'exclusion d'assiette prévue au I b) de l'article D. 242-1 est celle soumise à cotisations de sécurité sociale définie à l'article L. 242-1, laquelle comprend seulement les rémunérations versées par l'employeur.

9. Pour décider que l'indemnité de congés payés est à inclure pour le calcul du plafond de 5 %, l'arrêt énonce que l'article L. 242-1, qui définit l'assiette des cotisations, ne distingue pas selon que l'indemnité de congés payés est versée directement par l'employeur ou par une caisse de congés payés et qu'il vise également les sommes qui sont versées par l'entremise d'un tiers, lesquelles ne sont pas limitées aux pourboires et que la distinction proposée serait créatrice d'une inégalité entre les employeurs selon qu'ils sont tenus ou non d'adhérer à une caisse de congés payés.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en demeure du 4 septembre 2018 et la contrainte du 29 octobre 2018, alors « qu'en application de l'article L. 243-6-7 (lire L. 243-7-6) du code de la sécurité sociale, le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mises en recouvrement à l'issue du contrôle est majoré de 10 % en cas d'absence de mise en conformité ; qu'il en est ainsi en cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que lors d'un contrôle précédent, portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, elle avait notifié à la société, par lettre d'observations du 22 avril 2014, des redressements concernant la prise en compte des indemnités de congés payés versées par la caisse de congés payés en matière de retraite complémentaire et le dépassement des seuils d'exonération en matière de prévoyance complémentaire et que ces mêmes chefs de redressement avaient été visés dans la lettre d'observations du 8 juin 2018 ; qu'en considérant néanmoins qu'elle n'était pas fondée à reprocher à la société une absence de mise en conformité sur ces deux chefs de redressement, donnant lieu à majoration de redressement, et en annulant, en conséquence, la mise en demeure émise à l'encontre de cette société le 4 septembre 2018 ainsi que la contrainte décernée à cette dernière le 29 octobre 2018, la cour d'appel a violé l'article L. 243-6-7 (lire L. 243-7-6) du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 19 décembre 2012 au 28 décembre 2019. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige :

12. Aux termes de ce texte, le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue d'un contrôle réalisé en application de l'article L. 243-7 est majoré de 10 % en cas de constat d'absence de mise en conformité. Un tel constat est dressé lorsque l'employeur n'a pas pris en compte les observations notifiées lors d'un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non.

13. Il en résulte que la majoration de 10 % est due sur le seul constat que les observations notifiées lors d'un précédent contrôle n'ont pas été respectées par la personne contrôlée, alors même qu'il n'était pas mentionné dans la lettre d'observations, établie à l'issue de ce contrôle, la nécessité d'une mise en conformité et qu'une contestation sur le bien-fondé du redressement avait été formée.

14. Pour annuler la mise en demeure émise le 4 septembre 2018 et la contrainte du 29 octobre 2018, l'arrêt énonce que la lettre d'observations du 8 juin 2018 vise les mêmes chefs de redressement que ceux visés dans la lettre d'observations du 22 avril 2014, qu'il n'avait été demandé aucune mise en conformité dans cette dernière lettre d'observations et qu'en outre, ces chefs de redressement ont été contestés devant la juridiction de sécurité sociale qui a accueilli le recours de la société.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la société n'avait pas respecté les observations notifiées lors du précédent contrôle, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

Condamne la société [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [3] à payer à l'URSSAF de Normandie, venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie, la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.

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